AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Edward Bunker (138)


Au moins, il m'était resté en propre l'intégrité de l'âme, j'avais été le patron de mon petit arpent d'enfer, même s'il était tout petit, même s'il se trouvait confiné aux limites de mon propre esprit.
Commenter  J’apprécie          150
Je venais une nouvelle fois de replonger dans mes angoisses. A force de ressasser les mêmes inquiétudes, j'en arrivai à agripper les barreaux de la cellule pour les secouer de toutes mes forces. Ils ne cédèrent pas d'un millionième de pouce.
Commenter  J’apprécie          150
Un à deux ans sont nécessaires pour que la nouveauté de l'univers carcéral se dissipe et cède progressivement la place à l'abominable réalité de la prison. Les prisonniers qui se suicident passent à l'acte au cours des premiers jours ou des premières semaines, assaillis par la honte qui gronde comme un geyser, ou alors à l'issue des deux premières années, lorsque tout espoir a disparu. Entre-temps, quelles que puissent être les souffrances ressenties, un homme fait aussi l'expérience de l'excitation et de la nouveauté, l'excitation d'apprendre à survivre au sein d'une société fermée, qui réfléchit la société libre à la manière d'un miroir déformant de baraque foraine qui reflète une forme humaine : il ne manque rien mais tout est distordu. La prison a deux codes de lois, apprit Ron, celui de l'administration et celui des prisonniers. Afin de pouvoir retrouver la liberté, le prisonnier ne doit pas être pris à enfreindre la loi de l'administration, qui ressemble très vaguement aux limites qu'impose la société. Mais pour survivre, il doit suivre les codes des bas-fonds.
Commenter  J’apprécie          140
Tank alluma une cigarette et demanda à Ron depuis combien de temps il était à San Quentin. C'était une conversation de présentation : si elle manquait un peu de naturel, elle ne le mit pas mal à l'aise. Puis, à un moment donné, sans trop savoir comment, ce fut Tank qui se mit à raconter son histoire. Il s'était échappé de la maison de redressement, où on l'avait expédié pour refus de scolarité chronique, et il avait volé une voiture. On l'avait alors envoyé dans une prison pour mineurs où il avait tué un homme avant d'être condamné à mort. Après un an passé dans le Couloir des Condamnés, il avait obtenu un nouveau procès où il avait plaidé coupable pour une condamnation à perpétuité. Il avait aujourd'hui vingt-cinq ans, il était en prison depuis onze ans, dont les six derniers en quartiers d'isolement à Folsom et San Quentin. Son attitude était pleine d'une naïveté franche et directe, presque puérile. Un an auparavant, la référence toute banale au meurtre aurait déconcerté Ron, en faisant naître en lui la morsure de la peur. Aujourd'hui, il éprouvait de la compassion pour le jeune homme. Ce dernier avait son âge, il était à la fois plus sage et plus stupide, il ne connaissait de la vie que la prison, ses seuls désirs concernaient la prison, sa seule idée de liberté était de sortir dans la grande cour avec ses "frères".
Commenter  J’apprécie          140
Après quelques années passées en prison, on se trouve aussi oublié du monde qu'un homme sous terre dans son cercueil.
Commenter  J’apprécie          140
Il arrive parfois qu'on soit fatigué au point que même la vie n'apparaisse plus comme la chose la plus précieuse qui soit.
Commenter  J’apprécie          140
Officiellement, la ségrégation s'était terminée une décennie auparavant ; le règlement disait aujourd'hui que les prisonniers avaient le droit de s'installer à la rangée de tables de leur choix, mais personne ne franchissait la ligne de démarcation qui séparait les races et personne n'en avait le désir. Ce qui expliquait que le réfectoire offrait le spectacle d'une rangée de Noirs, suivie de deux ou trois rangées de Blancs et de Chicanos, puis d'une nouvelle rangée de Noirs.
Commenter  J’apprécie          130
C'était une étrange amitié que celle-là - l'ancien sous-marinier maître d'équipage qui personnifiait l'Amérique moyenne, et le détenu endurci tellement meurtri et ravagé par la confusion morale qu'il ne croyait plus en rien sinon en la loyauté individuelle.
Commenter  J’apprécie          130
Il avait appris que l'habit ne faisait pas le moine, un mec à l'allure de dur n'était pas forcément dangereux. Tout était dans la tête : être un vrai dur, c'était se montrer capable de supprimer quelqu'un sans le moindre scrupule. Il savait aujourd'hui qu'il en était un. Qu'est-ce qu'il disait déjà, Earl ? : " Les serpents à sonnette font du bruit mais les cobras frappent en silence. "
Commenter  J’apprécie          120
Le jour qui se levait vint repousser d'un mince filet jaune la ligne d'horizon courant bas sur la ville lorsque le troupeau de prisonniers, presque cinq cents au total, franchit sous bonne garde les portes d'accès à la prison pour être dirigé vers le parc de stationnement. Les y attendait une flotte d'autocars aux fenêtre barrées, des autocars pie dont le poste de chauffeur se trouvait séparé des sièges passagers par un solide grillage. L'air était lourd des émanations âcres des moteurs diesel et de la puanteur de choux en train de pourrir. Les prisonniers dépenaillés, pour la plupart des Noirs et des Chicanos, s'alignaient en colonne par deux, enchaînés six par six, regroupés devant leurs autocars respectifs ; on aurait dit un grouillement de mille-pattes humains. Les adjoints du shérif, en uniforme impeccable aux plis rasoir, étaient omniprésents. A chaque autocar se trouvaient affectés trois adjoints, tandis que le reste de la troupe se tenait en retrait, le gros Magnum Python 357 pendu à bout de bras. Quelques-uns dans le nombre bichonnaient avec tendresse des fusils de chasse à canon court.
Commenter  J’apprécie          120
Je partais en guerre contre la société. Au fond, je ne ferai peut-être que reprendre une guerre qui n'avait jamais cessé. Il n'y avait plus en moi place pour le doute ou l'hésitation. Je me déclarai libéré de toute règle à l'exception de celles que j'étais prêt à accepter - et celles-là, je les changerai au gré de mon caprice. Je prendrais tout ce qui me plairait. Je serais ce que j'étais, avec la volonté de me venger en plus : un criminel.
Commenter  J’apprécie          120
Laissez quelqu'un en prison suffisamment longtemps et il se retrouvera aussi mal armé face aux exigences de la liberté qu'un moine trappiste jeté au milieu du maelström de New York. Mais le moine aurait au moins pour lui sa foi qui le tiendrait, tandis que l'ancien prisonnier ne dispose que du souvenir de la prison, le souvenir d'échecs passés - et la conscience brûlante de se retrouver "ex-taulard" rejeté par la société.
Commenter  J’apprécie          120
On pourrait peut être se récolter dix jours, mais ici, c'est la proie qu'y sont obligés de coller en cage parce qu'il y a trop de prédateurs.
Commenter  J’apprécie          112
il s'était attendu à croiser quelques individus intelligents, mais c'est ici que se trouvait la lie des ratés de la pègre, agresseurs, camés de bas-étage, cambrioleurs de station-service, plus tous les crétins stupides qui avaient violé et assassiné. A croire que les maîtres criminels n'existaient pas. Il voulait lui parler de ces jeunes hommes élevés dans des maisons de redressement qui leur déformaient le psychisme au point que les institutions et les valeurs carcérales devenaient dès lors toute leur vie, eux dont le statut social s'était bâti sur la seule violence. Il voulait lui parler du racisme qui allait au-delà du racisme pour se changer en obsession - des deux côtés de la barrière - et la manière dont lui s'en trouvait affecté en devenant l'objet de haines meurtrières par le simple fait qu'il était blanc. Ce qui, en réaction, faisait naître peur et haine qui s'enracinaient à cœur.
Commenter  J’apprécie          110
En quelques semaines, il accumula assez de livres de poche pour en remplir un carton ; Earl, qui en avait apporté la plus grande partie, hochait toujours la tête avec un semblant de dédain chaque fois qu'il trouvait Ron plongeait dans quelque lecture distrayante et futile. Ron cessa rapidement d'apprécier la littérature de poubelle ; elle ne parvenait pas à lui nouer l'esprit, à la manière de Dostoïevski, Hesse, Camus et Céline, les écrivains préférés de Earl. Ron s'était toujours persuadé que Jack London n'avait écrit que des livres pour enfants jusqu'à ce qu'Earl vînt lui offrir Le Vagabond des étoiles et Le Loup des mers. Il aimait l'écouter parler des livres. Earl changeait alors d'attitude. Il se montrait loquace, en termes grammaticalement justes et précis. Il ne manifestait que d'intérêt pour la littérature comme forme artistique, mais n'aimait pas nécessairement tout ce qui était accepté de fait comme grand. In n'aimait ni Dickens ni Balzac, et était d'avis que Thomas Wolfe ne devait plus se lire au-delà de vingt et un ans. En trois mois, Ron lut plus qu'il ne l'avait fait de toute son existence. Il sentit son esprit élargir ses horizons, ses perceptions se faire plus précises, car chaque nouveau livre était un prisme qui venait réfléchir la variété infinie des vérités de l'expérience. Certains agissaient comme des télescopes ; d'autres, des microscopes.
Commenter  J’apprécie          110
- Je me fiche complètement de ce qu'ils peuvent penser.
- D'un côté tu as raison, mais de l'autre, tu as tort. Il se peut que tu traînes tes guêtres bien longtemps dans des coins comme celui-ci. Tu ne sais jamais. Si on te colle une casquette de fiotte, tu l'auras partout où tu iras. Dans vingt ans d'ici, elle ressortira encore. Il n'y a rien de pire, si ce n'est une casquette d'indic'. Tout ce que possède un homme en prison, c'est son nom parmi ses pairs.
Commenter  J’apprécie          110
- C'est du bon et du solide , dit Earl. Mais il devient de plus en plus sauvage en vieillissant. Il était plus relax quand il avait vingt-deux ans.
- Putain, mais à force ils en ont fait une bête féroce. Ça arrive tout le temps.
- Parfois t'es sacrément perspicace pour un petit gars de la campagne.
- Et qu'est ce que ça veut dire, perspi-merde, nom de Dieu?
Commenter  J’apprécie          100
Lorsque vous m'avez envoyé en prison, elle me faisait peur. Mais je ne m'attendais pas à ce que la prison me change... en bien comme en mal. Mais après une année d'incarcération, j'ai changé, et j'ai changé en mal... tout au moins selon les critères de la société. Essayer de faire de quelqu'un un être humain décent et honnête en l'envoyant en prison, c'est comme essayer de changer un homme en musulman en l'expédiant dans un monastère trappiste. Il y a un an, l'idée de faire mal physiquement à quelqu'un, l'idée de blesser quelqu'un gravement, m'était abominable - mais après un an passé dans un monde où il n'est jamais dit qu'il soit mal de tuer, un monde régi par la loi de la jungle, je me trouve aujourd'hui à même envisager de commettre un acte de violence avec sérénité...
Commenter  J’apprécie          100
Après l’extinction des feux (bien qu’il ne fît pas vraiment sombre car l’éclairage de la passerelle projetait à l’intérieur de la cellule des lueurs gaufrées à motifs de barreaux), Ron contempla la baie obscure au-delà des murs du bloc et le scintillement des lumières sur les collines de Richmond au-delà des ténèbres. C’était une véritable insulte que d’installer une prison aussi laide au milieu d’un décor aussi beau. Et ses tourments s’en trouvaient d’autant plus exacerbés, à se sentir mort entouré de tant de vie.
Commenter  J’apprécie          100
Un mec sort d'ici et il est complètement bousillé. En particulier dans cette prison-ci. Rien à foutre de la réinsertion... c'est un boulot à temps plein rien que de rester en vie.
Commenter  J’apprécie          100



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Edward Bunker (646)Voir plus


{* *}