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Citations de Elias Canetti (240)


Il peut y avoir de nombreux inconvénients à être vieux. Les avantages sont incomparablement plus grands.
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Je voudrais devenir tellement vieux que la pensée de tout ce que je n'ai pas connu cesse de me tourmenter.
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Il se choisit un dieu sourd : il pourra le prier comme il l'entend.
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Elias Canetti
Depuis qu'on peut l'obtenir avec des explosions, le néant a perdu beaucoup de son éclat et de sa beauté.
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Elias Canetti
La malédiction du devoir mourir doit être changée en bénédiction: celle de pouvoir encore mourir lorsqu'il est impossible de vivre.
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Elias Canetti
On aime en tant que connaissance de soi-même ce qu'on déteste en tant qu'accusation.
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Elias Canetti
Depuis qu'on peut l'obtenir avec des explosions, le néant a beaucoup perdu de son éclat et de sa beauté.
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Elias Canetti
Ayant peu d'amis, je supporterai moins de deuils.
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Un après midi au café Museum, nous venions de nous saluer et de prendre place. SONNE me dit sans aucun préambule, sans détours ni excuses qu'il avait lu le roman et me demanda si je désirais savoir ce qu'il en pensait. Puis il m'en parla pendant deux heures : ce jour là, il ne fut question de rien d autre.

Il m'éclaira sur mon roman et y décela des rapports dont je ne m'étais jamais douté. Il le traita comme un livre qui existe depuis longtemps et continuera d'exister. Il m'expliqua d'où il venait et me montra où il conduirait nécessairement. S'il s'était contenté de généralités élogieuses, je me serais réjoui, après ces cinq semaines de doutes, du sérieux de ses éloges , mais il fit beaucoup plus: il entra dans le détail des choses que j'avais écrites mais non justifiées et m'expliqua pourquoi elles étaient justes et ne pouvaient être différentes.
Il parla comme s'il partait en voyage de découverte et me prit avec lui. Il m'instruisit sur mon livre comme si j'étais un autre et non l'auteur; ce qu' il révélait à mes yeux était si stupéfiant que j'aurais eu peine à le reconnaître pour mien. J'étais déjà bien assez surpris qu'il se souvint des moindres détails comme s'il se fût agi d 'un texte ancien qu'il eût commenté devant des élèves. La distance qu'il créait ainsi entre moi même et mon livre était plus grande que celle des quatre années où il avait attendu à l'état de manuscrit dans mes tiroirs. Je vis se développer devant moi une construction chargée de sens , mûrie dans ses éléments les plus intimes, qui impliquait en elle-même sa dignité en même temps que sa justification. J'étais fasciné par chacune de ses remarques qui toutes me prenaient par surprise et n avais qu'un seul désir: qu'il ne s'arrêtât jamais.

Ce ne fut qu'au bout d'un moment que je compris que son discours poursuivait aussi un but: SONNE était conscient que ce livre aurait un destin difficile et il désirait me donner des forces contre les attaques à prévoir.
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1919 - à Zurich - il a 14 ans

J'étais attentif à elle (sa maman) autant qu'elle l'était de moi ; quand on est si proche d'une personne, on finit par avoir un sens infaillible des émotions qui la parcourent.
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Maladie de sa mère, hospitalisée en préventorium, courtisée par un médecin.

Il voulut poser sa main sur ma tête, sans doute pour me féliciter encore mais par le geste cette fois. Je lui échappai en me baissant très vite et il eut l'air légèrement interloqué. "Un fier petit bonhomme ma chère ! Ne se laisse toucher que par sa maman!" Le mot "toucher" m'est resté présent à l'esprit ; il me détermina à haïr cet homme, à le haïr du fond du cœur. Il ne fit plus un geste dans ma direction mais chercha à me désarmer par la flatterie. Et il devait continuer sur ce mode en y mettant autant d'entêtement que d'invention et sans lésiner sur les cadeaux longuement mûris grâce auxquels il escomptait briser ma résistance. Mais comment aurait-il pu imaginer que la volonté d'un enfant à peine âgé de onze ans était égale, voire supérieure à la sienne ?

C'est qu'il faisait une cour très empressée à ma mère ; il avait conçu, disait-il (mais on ne devait me rapporter ses paroles que bien plus tard) une vive inclination à son endroit, la plus vive inclination de sa vie. Il était prêt à divorcer pour elle. Il voulait se charger des trois enfants, aider ma mère à les élever. Tous trois pourraient étudier à l'université de Vienne ; pour ce qui était de l'aîné, de toute façon il deviendrait médecin et, s'il en avait envie, il pourrait s'occuper du préventorium plus tard. Ma mère se fermait à moi : elle se gardait bien de tout me dire sachant que cela m'aurait anéanti. J'avais l'impression qu'elle restait trop longtemps, qu'il ne voulait plus la laisser partir. "Tu es complètement guérie" lui disais-je à chacune de mes visites. "Rentre donc à la maison, je te soignerai". Elle souriait. Je parlais comme un grand, à la fois comme un homme et comme un médecin qui savait exactement ce qu'il y avait lieu de faire. J'aurai voulu la prendre à bras-le-corps et la porter dehors. "Une nuit, je viendrai te voler" lui dis-je.
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Elle (la maman) entreprit de lire avec moi Schiller en allemand et Shakespeare en anglais.
Elle revenait ainsi à ses anciennes amours, au théâtre, cultivant en même temps le souvenir de mon père avec qui elle avait tant parlé de ces choses autrefois. Elle s'efforçait de ne pas m'influencer. Elle voulait savoir, après chaque scène, comment je l'avais comprise, et c'était toujours moi qui parlais le premier, elle n'intervenait qu'après coup. Parfois, il se faisait tard, elle oubliait l'heure, nous continuions à lire : elle s'enthousiasmait pour quelque chose et je savais alors que la lecture ne se terminerait pas de sitôt. Cela dépendait aussi un peu de moi. Plus mes réactions étaient sensées et mon commentaire éloquent, plus l'expérience passée remontait avec force en elle. Quand elle s'enthousiasmait pour l'une ou l'autre de ces choses auxquelles elle était si profondément attachées, je savais que la veillée était faite pour durer : l'heure à laquelle je me coucherais n'avait alors plus aucune importance ; elle ne pouvait pas davantage se passer de moi que moi d'elle, elle me parlait comme à un adulte, faisait l'éloge de tel acteur dans tel rôle, critiquait éventuellement tel autre qui l'avait déçue, encore que ce dernier cas ne se produisît que rarement. Elle parlait de préférence de ce qui lui avait plu d'emblée, sans réserve ni restriction. Les ailes de son nez frémissaient au-dessus des narines largement ouvertes, ce n'était plus moi que voyaient ses grands yeux gris, ce n'était plus à moi qu'elle s'adressait. Quand elle était la proie de ce genre d'émotions, je sentais bien qu'elle parlait à mon père et peut-être m'identifiais-je alors effectivement à lui sans même m'en apercevoir.
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Quand il rentrait de l'affaire, mon père se mettait aussitôt à parler avec ma mère. Ils s'aimaient beaucoup en ce temps-là, ils avaient une langue bien à eux, inconnue de moi, l'allemand, la langue qui les ramenait au temps heureux où ils étaient étudiants à Vienne. Ils parlaient de préférence du Burgtheater où ils avaient vu, avant même de se connaître, les mêmes pièces et les mêmes acteurs, et ils n'en finissaient plus alors d'évoquer leurs souvenirs. J'appris plus tard qu'ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre au cours de semblables conversations et, alors qu'ils n'avaient pas réussi, séparément, à réaliser leur rêve de théâtre - tous deux auraient voulu devenir comédiens, - ils parvinrent ensemble à faire accepter l'idée d'un mariage qui suscitait de nombreuses résistances.
Issu de l'une des plus anciennes opulentes familles sépharades espagnoles de Bulgarie, grand-père Arditti s'opposait au mariage de sa fille cadette, sa préférée, avec le fils d'un parvenu d'Andrinople. Grand-père Canetti ne devait sa réussite qu'à lui-même. Pour un orphelin abusé qui tout jeune, s'était retrouvé dans la rue, livré à lui-même, il n'avait pas trop mal réussi : aux yeux de l'autre grand-père, il restait un comédien et un menteur. "Es mentiroso " - "C'est un menteur" lui avais je moi-même entendu dire, un jour que j'étais là, l'écoutant sans qu'il s'en doutât. De son côté, grand-père Canetti se plaçait au-dessus de l'orgueil de ces Arditti qui le prenaient de si haut avec lui. N'importe quelle jeune fille de bonne famille pouvait convenir à son fils et il estimait que c'était s'abaisser inutilement que de vouloir se marier précisément avec la fille Arditti!


page 38
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Il désirait peut-être en savoir davantage, mais jamais vous ne ressentiez ses demandes de précisions comme des questions. C'était sa manière d'approcher un sujet, mais l'interrogé lui-même se voyait totalement épargné. [...] il était impensable que quelqu'un se sentît humilié en sa présence.

Elias Canetti, trad. Walter Weideli
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La grande vertu des propos du Dr Sonne était qu'ils fussent précis sans être jamais sommaires. Il disait ce qui devait être dit, de façon claire et très accusée, mais sans schématisme. Il n'omettait rien, entrait dans les détails et s'il n'avait été si fascinant, on eût pu dire qu'il fournissait sur tout sujet une expertise. Mais c'était bien davantage que ça, car on y trouvait, sans que lui-même ne les appelât jamais par leur nom, les germes de toute amélioration possible.

Elias Canetti, trad. Walter Weideli
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Heureux ceux qui sèment et ne récoltent pas
car ils vagabonderont au loin.

Heureux les généreux, dont la jeunesse en gloire
a renchéri sur la lumière des jours et son extravagance,
ils jetteront leurs ornements aux carrefours.

Heureux les fiers, dont la fierté déborde des rebords de leur âme,
et devient comme l'humilité du blanc,
quand l'arc-en-ciel s'élève des nuages.

Heureux ceux qui savent que leur coeur crie dans le désert,
sur leurs lèvres le silence fleurira.

Heureux sont-ils, car ils seront réunis au coeur du monde
enveloppés du manteau de l'oubli,
et l'éternité sans paroles sera leur lot.

Avraham ben Yitzhak, 1928, in "The Hebrew poem itself", p. 60. Traduction et commentaire de Dan Pagis.

אשרי הזורעים ולא יקצורו
כי ירחיקו נדוד

אשרי הנדיבים אשר תפארת נעוריהם
הוסיפה על אור הימים ופזרונם
והם את עדים התפרקו על אם הדרכים

אשרי הגאים אשר גאותם עברה גבולי נפשם
ותהי כענות הלובן
אחרי העלות הקשת בענן

אשרי היודעים אשר יקרא לבם במדבר
ועל שפתם תפרח הדומיה

אשרים כי יאספו אל תוך לב עולם
לוטי אדרת השכחה
והיה חוקם התמיד בלי אומר
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[Elias Canetti sur Abraham Sonne] Ce qu'il avait à dire d'un sujet n'était pas seulement exhaustif et détaillé, mais on savait aussi qu'il ne l'avait jamais dit auparavant. C'était toujours nouveau, cela jaillissait à l'instant même. Ce n'était pas un jugement sur les choses, mais leur loi. Le plus étonnant était cependant qu'il ne s'agissait pas de matières où il se fût trouvé spécialement compétent. Il n'était pas un spécialiste, ou peut-être vaudrait-il mieux dire qu'il n'était pas spécialiste d'un domaine particulier, mais de tous ceux que je l'ai entendu aborder devant moi. J'appris grâce à lui qu'il est possible de se pencher sur les problèmes les plus divers sans tomber pour autant dans l'insanité ou le bavardage. C'est une affirmation plutôt énorme et elle ne deviendra guère plus crédible si j'ajoute que c'est la raison même pour laquelle je suis incapable de reproduire les propos de Sonne, car chacun d'eux serait une dissertation très vivante et sérieuse, et si complète que je n'arrive pas à me souvenir entièrement d'aucune d'entre elles. En livrer de quelconques fragments reviendrait à les falsifier gravement. Sonne n'était pas un aphoriste : appliqué à lui ce mot que je respecte prend une allure presque frivole. Il était trop complet pour faire des aphorismes, il lui manquait la partialité et aussi l'envie de surprendre. Quand il avait dit ce qu'il avait à dire, on se sentait éclairé, rassasié, c'était quelque chose d'achevé dont il n'y avait plus à parler : qu'aurait-on pu encore y ajouter ?

P. 36, trad. Walter Weideli
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Elias Canetti
De toutes les possibilités dont l'homme dispose pour se résumer, la moins mensongère est le drame.
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En cet instant, Kien abandonnait la forme conservatrice de la théorie de l'évolution à laquelle il avait été attaché jusqu'à ce jour, pour passer, toutes feuilles déployées, dans le camp de la Révolution. Tout progrès est conditionné par de brusques changements. Les preuves nécessaires, dissimulées jusque-là comme dans tous les systèmes évolutionnistes, cachées sous des feuilles de vigne, se présentèrent aussitôt à sa conscience. Un homme cultivé a immédiatement sous la main tous les arguments dont il a besoin. L'âme d'un homme cultivé est un arsenal brillament équipé. Mais on le remarque peu, parce que les intéressés - en raison même de leur culture - ont rarement le courage de s'en servir.
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La condamnation à mort pour tous, au début de la Genèse, contient au fond tout ce qui peut être dit sur la puissance, et il n'est rien qui ne puisse en découler. (p. 94)
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