Citations de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (209)
Hors de moi, je courus sans chapeau, sans manteau, dans la nuit obscure, orageuse. Les girouettes criaient sur les tours, c'était comme si l'on entendait se mouvoir les rouages de l'horloge éternelle et formidable du temps; comme si la vieille année allait, semblable à un poids énorme, rouler sourdement dans le sombre abîme.
Mon cher ami Balthasar,
Nos affaires vont de plus en plus mal. Notre ennemi, l'horrible Cinabre, est devenu ministre des affaires étrangères, et a reçu le grand cordon de l'ordre du Tigre moucheté de vert, avec vingt boutons.
Le jardin offrait ce jour-là le spectacle le plus singulièrement remarquable que l’on pût voir. Une nombreuse société de vieux messieurs, venus des petites villes voisines, conseillers intimes, conseillers auliques et autres, avec leurs familles, s’y trouvait rassemblée. Tous, jusqu’aux jeunes gens et aux demoiselles, étaient rigoureusement costumés à la mode de l’année 1760, avec de grandes perruques, des habits galonnés, des frisures pyramidales, des jupes à paniers, et ainsi de suite ; ce qui présentait un aspect d’autant plus extraordinaire, que tous ces anciens costumes s’alliaient merveilleusement avec le caractère gothique du jardin. Chacun se croyait reporté, comme par l’effet d’un enchantement, à une époque passée depuis longtemps.
Andrès s’imaginait voir un saint descendu du ciel exprès pour le consoler et le secourir. D’abord, le regard faux et perçant de l’étranger l’avait effarouché ; mais l’intérêt bienveillant qu’il montrait pour Giorgina, le soulagement évident qu’il lui avait procuré, le prévenaient maintenant en sa faveur. Il raconta donc avec franchise comment la faveur même qu’avait prétendu lui faire le comte de Vach son maître, était la source de ses tourments et d’une pauvreté dont il ne pourrait sans doute de sa vie secouer le joug accablant. L’étranger, pour le ranimer, lui dit qu’un bonheur inattendu venait souvent combler de tous les biens de la vie l’homme le plus désespéré, et qu’il fallait même risquer quelque chose pour se rendre la fortune favorable. — « Ah ! mon cher Monsieur, dit Andrès, j’ai confiance en Dieu et dans l’intercession des saints que nous prions chaque jour avec ferveur, ma chère femme et moi. Que faudrait-il que je fisse pour me procurer de l’argent et du bien ? Si Dieu dans sa providence ne m’a pas destiné à en avoir, ce serait criminel d’y aspirer ; mais s’il est écrit que je doive acquérir un jour des biens dans ce monde, comme je le dèsire à cause de ma pauvre femme, qui a quitté sa douce patrie pour me suivre dans cette âpre solitude, n’en deviendrai-je pas maître sans compromettre mon corps et ma vie pour des jouissances vaines et périssables. »
Ils citaient sans cesse les magnifiques compositions de vieux maîtres presque oubliés qu’on n’entendait que chez le baron, – qui possédait la plus rare collection de morceaux de musique anciens et nouveaux ; – et s’étendaient avec complaisance sur l’hospitalité splendide qui régnait dans la maison du baron, sur la libéralité presque incroyable avec laquelle il traitait les artistes. Ils finissaient toujours par convenir d’un commun accord qu’on pouvait le nommer avec raison l’astre qui éclairait le monde musical du Nord.
Tous ces discours éveillaient ma curiosité ; elle s’augmentait encore bien davantage lorsqu’au milieu de leur entretien les maîtres se rapprochaient l’un de l’autre, et que, dans le bourdonnement mystérieux qui s’élevait entre eux, je distinguais le nom du baron, et que, par quelques mots qui m’arrivaient à la dérobée, je devinais qu’il était question d’études et de leçons musicales. Dans ces moments-là, je croyais surtout apercevoir un sourire caustique errer sur les lèvres de Duport ; et mon maître était surtout l’objet de toutes les plaisanteries dont il se défendait faiblement jusqu’au moment où, appuyant son violon sur son genou pour le mettre d’accord, il s’écriait en souriant : – Après tout, c’est un charmant homme !
Parfois, en effet, et surtout quand il était sur le point de douter de son chemin, il voyait soudain le vieillard surgir d'un ravin, ou d'épaisses broussailles, ou de sombres rochers, et marcher devant lui sans se retourner, puis disparaître tout aussitôt.
Le comte frissonna ; il se leva, mit son manteau, et suivit à pas de loup la comtesse. Elle était déjà loin, mais il faisait clair de lune, et il l'aperçut distinctement vêtue d'un négligé blanc.
Quelles hautes merveilles que celles de la musique, et que l'homme est impuissant à sonder ses profonds secrets! - Ne réside-t-elle pas cachée au fond du coeur de l'homme pour le remplir de ses images saintes, lui dévoiler une vie plus lumineuse et le détacher du poids étouffant de la terre?
Parmi les divers moyens employés par la nature ou l'art, à enchaîner la liberté morale aux caprices de ce tyran qu'on appelle le corps, je mets au premier rang, la bouillie composée de farine, de lait et de beurre, ainsi qu'un coussin large, épais et moelleux.
Un Gascon disait qu'il craignait les batailles, parce que chaque blessure lui serait mortelle, lui qui n'était que coeur de la tête aux pieds. J'étais exactement comme disait ce Gascon ; un attouchement me tuait. La main de Séraphine, ses doigts tremblants avaient pénétré en moi comme des flèches empoisonnées. Mon sang brûlait dans mes artères.
"Ci-inclus le verre grossissant qui permet de lire dans les pensées.Examinez fixement de l'oeil gauche de l'intérieur de la boîte et le verre se placera aussitôt sur votre pupille; si vous voulez le retirer, vous n'aurez qu'à presser légèrement la pupille en mettant votre oeil au-dessus de la boîte, et le verre tombera au fond.je travaille toujours pour vous et j'y risque ma vie, mais que ne ferait, pour son cher protecteur, votre très dévoué, Maître Puce"
N'attends pas de moi que je tue le serpent que pour ton propre tourment tu nourris dans ton coeur!
- Voici, cher frère Médard, la relique la plus singulière et la plus mystérieuse que possède notre cloître ; depuis que je suis ici, personne d'autre que le Prieur et moi n'a pris en main ce coffret. Les autres frères eux-mêmes, et à plus forte raison les étrangers, ignorent l'existence de cette relique. Je ne puis me défendre d'un secret effroi en la touchant ; il me semble qu'elle renferme quelque diabolique enchantement qui, s'il arrivait que se rompe le charme qui le retient prisonnier et enchaîne son pouvoir, pourrait perdre et anéantir sans espoir de salut ceux qu'il atteindrait; Ce que contient ce coffret vient directement du Malin et date du temps où il pouvait encore, sous une forme visible, mettre le salut de l'homme en péril.
Le ton léger et plein d'aisance qui est le signe d'une éducation raffinée n'avait pas de secrets pour cette jeune beauté: pourvue de la plus charmante coquetterie qui consiste à savoir abandonner sa main à un homme tout en le privant du courage de la saisir, cette délicieuse créature s'entendait aussi bien à fasciner ceux qui l'assaillaient de toutes parts qu'à les retenir dans les limites de la plus délicate des bienséances.
Pepusch était d'un naturel exagérément sensible et porté à la mélancolie; il ne pouvait jouir de rien sans y déceler plus que de raison l'arrière-goût d'amertume laissé assurément par ce petit Styx aux eaux noires qui coule à travers toute notre vie; cela le rendait sombre, renfermé et souvent injuste envers ce qui l'entourait.
Si en effet le salut est bien dans la connaissance, ce ne peut-être que dans la connaissance de soi.La fuite devant cette seule voie d'accès à la vérité (et devant la recherche de sa propre identité) avait déjà, dans les Elixirs, empêché le moine Medardus de prendre conscience de ses fautes; son appétit d'existence, son orgueil l'avaient détourné de l'innocence enfantine qui à l'origine avait été pourtant son lot à lui aussi.Peregrinus connaît un temps la même tentation, mais il n'y succombera pas: l'unité intime de son âme (que devait lui envier Hoffmann!), un instant ébranlée par la rencontre avec les passions du monde et par l'éveil des curiosités de l'esprit, résistera à tous les assauts de l'Ennemi.
Un autre monde, immense, semblait là encore sur le point de s'ouvrir.
En invoquant ce souvenir, j'en viens à me demander si le génie d'Hoffmann ne réside pas précisément dans cet art d'apprivoiser le regard, de le rendre sensible à l'essence invisible des choses.
Le domaine ou Hoffmann nous invite à le suivre est de ces lieux qui parlent d'abord à notre faculté d'étonnement: jardin magique fertile en rencontres de toutes sortes- mais dont on ne sort pas facilement, tant les apparences qui s'y manifestent trahissent de contradictions, d'ambiguités, d'incertitudes.Chaque détail, chaque personnage, si "réaliste" soit-il apparemment, plonge par ses racines dans un monde mystérieux ou tout est symbole, rêve, féerie.
Le chemin qui paraît s'égarer, mais que le voyageur suit avec persévérance, le fait pourtant maintes fois déboucher soudain devant le but qu'il avait perdu des yeux...
"Souviens-toi de la vision de ton rêve."...dans la solitude et le désert de l'exil, des rêves suffocants nous accablaient.Nous voici maintenant réveillés dans notre véritable patrie, nous redécouvrons en nous-mêmes notre vrai Moi, nous ne sommes plus des orphelins.