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Critiques de Erving Goffman (20)
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L'arrangement des sexes

Du fait de ma « curiosité » à comprendre les comportements humains et interactions de toute sorte, j'étais intéressée par un des gros sujets d'actualité : l'affaire Weinstein. Pas par le côté people bien entendu mais par le sens et la portée de cette affaire.

Interviews de professionnels que j'entendais à la radio, messages d'artistes, de femmes et d'hommes du quotidien, discussion avec des amis ou collègues. Chacun y allait de son commentaire et son jugement, selon ses propres expériences, ses propres observations au quotidien, selon son sexe et sa position dans la société.

Moi qui, lors de discussions avec des amis hommes, ai tendance à être exagérément ‘'féministe'' pour défendre le droit des femmes, rappelant avec énergie les inégalités en matière de salaire, dans la sphère familiale (partage des tâches domestiques, éducation des enfants), j'espère néanmoins qu'ils considèrent que je cherche plutôt l'égalité, l'équité plutôt que de prôner, pour tout propos, que les lois et la société sont d'office, quel que soit le thème, faites par et pour le sexe dit fort.

Ainsi, je n'oubliais pas ces hommes que je connaissais très impliqués dans leur vie de famille. Je n'oubliais pas non plus que j'avais, à diverses occasions, discuté avec des amis, pères divorcés, de leur période de séparation. J'avais vu leur amertume, colère ou désespoir, compris leur combat presque vain pour pouvoir voir plus souvent leurs enfants. Je savais alors qu'en matière de gardes des enfants, le jugement se faisait majoritairement au profit des mères.

Ainsi, encore, lorsque j'entendais certaines femmes considérer que même un sifflement dans la rue pouvait être dans les nouvelles mesures d'interdictions, que certaines « blagues » avaient été jugées sexistes, que certains compliments faits par des collègues hommes pouvaient être considérés comme du « harcèlement sexuel », je trouvais que c'était un peu extrême à mon goût. Même en soi le « #balance ton porc » me mettait mal à l'aise. Ça finissait par être trop de délations en tout genre. Et, pourquoi pas aussi, pendant qu'on y était, revenir en arrière et refaire des lieux bien différenciés entre sexe ? L'école ? Les transports publics ? Les files d'attente dans les administrations ? Ça résoudrait tous les problèmes et limiteraient les côtoiements intempestifs ??

J'étais déroutée. Fallait-il des règles à ce point extrêmes pour recadrer au mieux les comportements de genre, pour espérer un minimum d'avancées sociales ? Les femmes « devaient » -elles se montrer vraiment choquées par toute forme de comportements (petite blague, compliments de collègues, verre offert dans un bar, etc.) quel que soit le type d'hommes face à elles ? Il m'arrive de lancer quelques blagues, quelques compliments à des amis ou collègues hommes. Et cela me déplairait fortement qu'ils me considèrent comme une « harceleuse ».

Est-ce que je me trompais dans ma façon d'appréhender les choses ?

J'avais besoin de revenir aux bases et je me suis alors plongée dans l'essai « L'arrangement des sexes » d'Erving Goffman.

Goffman, américain d'origine canadienne (1922-1982) est un des sociologues réputés pour ces études sur les interactions et l'identité sociale. Ces oeuvres les plus connues sont « Asile », « mise en scène de la vie quotidienne » ou encore « Stigmate ». C'est l'inventeur de l'infiniment petit en sociologie.

Cet essai, même s'il est très court, et même s'il date de 1977, est on ne peut plus d'actualité. Certes, il a été critiqué à son époque par certaines scientifiques féministes (du fait déjà que ce soit écrit par un homme et crée donc un biais ou une limite par la perspective d'un « dominant ») ou encore pour ses exemples datés ou limités (classe moyenne blanche aux Etats-Unis). La présentation par Claude Zaidman (qu'on peut lire avant le texte de Goffman) est très utile pour la compréhension à la fois du contexte et de l'essai.

Passé ce contexte, il n'en reste pas moins que « L'arrangement des sexes » m'a permis de repositionner ou confirmer certaines de mes réflexions.

L'analyse du chercheur peut être parfois assez complexe mais son humour, un brin ironique, ainsi que ses exemples du quotidien rendent la lecture à la fois claire et plaisante.

Goffman pose comme postulat que les différences biologiques entre les sexes ne sont pas si importantes que cela pour expliquer les différences de genre. Ce qui est intéressant à étudier et à observer justement, c'est comment l'organisation sociale construit et affirme cette différence entre les sexes pour justifier les différences sociales.

Il montre que, dès le plus jeune âge, au sein même du foyer comme lieu de socialisation, si le garçon et la fille, vivant dans une société moderne occidentale, peuvent attendre le même traitement et les mêmes droits, l'éducation sera cependant différenciée. La fille tiendra un rôle plus domestique, le garçon plus en rapport à la compétition. Par exemple, le garçon lors d'un repas aura la plus grosse part, la fille « plus fragile » aura le lit le plus confortable. Dès lors, « la formation d'une sorte de coalition est la réponse naturelle aux dures réalités du monde » afin d'obtenir ce dont on a besoin, tout en n'accomplissant pas un travail qui ne nous convienne pas.

Il explique que les métiers des femmes ont été surtout à la base concentrés vers ceux qui « leur conviennent » : éducation, textile mais aussi dans l'administration ou le secrétariat. Dans certains domaines, le recrutement/ sélection de jeunes femmes « attirantes » est plus important. L'exemple des secrétaires des chefs d'entreprise ont forcément rappelé ces hommes habitués au pouvoir et à être entourés de jeunes femmes attirantes et dévouées, au point d'en abuser.

Dans ses propos sur la galanterie et la cour, Goffman rappelle que les femmes sont le seul groupe à être à la fois défavorisé mais aussi tenu en « haute estime » et « idéalisé ». Goffman confirme que la société est misogyne et sexiste. Cependant, il ajoute que la femme n'est pas toujours pour autant un être passif et faible. Vis-à-vis de la femme, sexe considéré « plus fragile », l'homme va devoir se montrer galant, attentif, voire attentionné (pour obtenir ce dont il a besoin), cette dernière pourra ou non accepter ses attentions, répondre à ses avances (pour obtenir ce dont elle a besoin). Soit les arrangements entre sexes.

L'homme se doit de « protéger » la femme (il la porte pour ne pas qu'elle se salisse, doit éviter qu'elle se fasse mal, doit lui porter les choses trop lourdes, la défendre devant des importuns, parce que la femme est « plus fragile », vous vous rappelez ?). Mais le chercheur a raison d'ajouter (pour moi la femme qui l'oublie parfois) que ce n'est pas pour autant que l'homme aime se battre. La femme a d'ailleurs aussi d'autres privilèges comme être exemptée, par exemple, du service militaire.

En lisant certains paragraphes, je me suis rappelé un ami qui me disait que, si les femmes souhaitaient l'égalité, les hommes n'avaient plus, de ce fait, alors à se montrer galants, leur ouvrir la porte, etc. Mince, moi qui apprécie les petites attentions, qui ai tant lu de contes de fée lorsque j'étais petiote, cela me rappelle aussi le plaisir des jeux de séduction de part et d'autre et cela me rappelle surtout qu'on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre :)

Pour ne pas « déprécier la monnaie » (dixit), casser l'image de la femme pure et fragile, pour le cas où elle voudrait autoriser trop souvent ses faveurs aux hommes (oh la coquine…), le modèle traditionnel a été de considérer le sexe comme « chose sale », avilissant (Donc, ma cocotte, tu ne fais pas de bêtises parce que c'est sale, ce n'est pas pour une fille respectable ou tu vas vite être affublée de petits noms…). le contrat voulait alors que ce n'est qu'une fois en couple que l'homme obtenait « des droits d'accès exclusifs » et la jeune femme, elle, obtenait une position sociale.

Le sociologue précise à juste titre que c'est l'homme (le dominant) qui va vers la femme pour créer un lien, un échange, et cette dernière -même si elle est en droit de refuser-, est, dans ces conditions, exposée à plus de harcèlements (plus ou moins violents).

Difficile pour moi d'essayer de ne pas trop approfondir les réflexions et l'analyse, d'essayer d'être concise sans éviter des propos qui peuvent sembler un peu clichés. Mais, il est aussi difficile pour moi de ne pas finir en disant qu'il y a encore beaucoup à faire pour l'égalité entre sexes, pour changer les mentalités, les comportements et discours sexistes (on pourrait faire un gros dictionnaire des citations les plus affligeantes des dirigeants politiques ! Ils rivalisent de tels bons mots et gestes…). Je n'oublie pas non plus que nous avons de la chance d'être des femmes occidentales et que, malheureusement, il faut un peu plus qu'une journée internationale des droits de la femme. Il serait intéressant de lire d'ailleurs des essais plus actuels, tenant notamment compte de la présence et frénésie des réseaux sociaux. Je me demande encore quelles vont être toutes les implications, à moyen ou plus long terme, à cette affaire Weinstein.

Allez, la petite note positive de la fin : si l'essai m'a permis d'y voir un peu plus clair, il m'a aussi rappelée que tout n'est pas pour autant critiquable dans les arrangements entre sexes :)



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L'arrangement des sexes

A l'origine ce texte, écrit en 1977 par le sociologue Erving Goffman, était un article paru dans la revue "Theory and Society". Il a été publié en France en 2002.



Goffman s'intéresse aux mécanismes qui, dans l’organisation sociale, permettent "l'arrangement des sexes", autrement dit, instituent les rapports entre les sexes et ce, bien entendu, au profit des hommes. En premier lieu, l'auteur part de l'hypothèse que les différences biologiques entre les sexes sont non pertinentes pour expliquer les différences de genre (le genre étant entendu comme, en quelque sorte, le "sexe social" qui définit une identité de genre), alors même que ces différences sont affirmées en grande partie en leur nom.



Ainsi, il développe le concept de "réflexivité institutionnelle", c'est-à-dire que les pseudo différences biologiques sont inscrites dans les institutions mêmes pour en garantir la pertinence. Par ailleurs, la répartition des individus en deux classes sexuelles distinctes, appelant une socialisation différenciée, fournit une identité de genre, qui brouille la perception que peuvent avoir les mêmes individus de leur positionnement au sein d'une classe sociale spécifique. De même, cette notion de classe sexuelle (et tous les attributs qui en découlent) rend moins aisée la differentiation entre sociétés "sauvages" et civilisées.



C'est un réel plaisir de lire Goffman et notamment les descriptions qu'il fait de situations ou se jouent les relations entre les sexes (selon les injonctions de l'organisation sociale) : le processus de séduction (la cour), la galanterie, mais également la description de quelques exemples de réflexivité institutionnelle (dont le plus célèbre est celui des toilettes publiques). Enfin, l'auteur attire notre attention sur le fait que, de toutes les catégories discriminées, les femmes ont une place à part dans le sens où elles sont la seule catégorie à faire l'objet d'une idéalisation ("un panthéon de moindre valeur mais un panthéon quand même") et à faire l'objet d'une distribution organisée via le mariage, ce qui leur donne, par les avantages acquis liés à leur lien avec les hommes, un intérêt objectif à ne pas remettre en cause le système.



En bref, un texte qui demeure d'une grande pertinence, très dense malgré sa brièveté (80 pages), plutôt accessible et qui me semble malheureusement toujours d'actualité.
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Les rites d'interaction

Bel ouvrage de sociologie, et bien traduit a priori dans l'édition française, car on y retrouve une étude précise et claire. L'acteur social que nous sommes s'y trouve décrit, dans tous les actes de sa vie quotidienne sur la scène du théâtre de la vie sociale, qu'elle soit publique ou privée. Les rites d'interaction y sont détaillés, montrant comment, suivant les circonstances, chacun de nous se conforme à son personnage attendu ou se montre capable de dévier, à différents degrés... l'usage des métaphores filées rend la lecture agréable , et son intérêt pour la théorie des jeux lui fait -à mon avis de manière pertinente- mettre l'interaction au coeur de son analyse. Je recommande.
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Les criminels de paix

Nous connaissons tous la notion de crimes de guerre, mais qu'en est-il des crimes de paix, ceux commis au nom du maintien de la paix et du bon ordre social?

Dans ce volume, Franco Basaglia et Franca Ongaro Basaglia ont rassemblé les écrits de plusieurs philosophes, sociologues, psychologues ou autres de l'époque. A la différence de leurs livres que j'ai lus précédemment, celui-ci est avant tout politique et cela ne le rend pas moins intéressant, loin de là. Nous y retrouvons entre autres Michel Foucault, Ronald David Laing, des entretiens avec Jean-Paul Sartre, bref, des grands.



Challenge XXème siècle 2019
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La mise en scène de la vie quotidienne, tome ..

La manipulation des apparences s’apprend dès l’âge de raison et participe à personnalité, à la politesse, à la séduction, à la diplomatie, à la littérature, en bref à la comédie humaine. Goffman pousse très loin la métaphore théâtrale en sociologie, définissant l’acteur, le rôle, la scène, la façade, la coulisse, etc. Ces analogies justifient-elle que ce livre soit un classique de l’école de Chicago, et peut-on comprendre la société à partir des représentations quotidiennes comme à partir de la solidarité, de la division du travail, du don et du contre-don, ou de la gestion de la violence chez les sociologues français (Bourgeois, Durkheim, Mauss, Girard et les autres) ? Possible, mais on apprend autant sur les interactions relationnelles dans La recherche du temps perdu ou dans La vie mode d’emploi.



À vrai dire il faut lire attentivement le titre (« la vie quotidienne »), la préface « J’ai voulu faire de cet ouvrage une sorte de guide proposant une perspective sociologique à partir de laquelle l’on puisse étudier la vie sociale, et plus précisément le type de vie sociale qui s’organise dans les limites physiques d’un immeuble ou d’un établissement » (p 9), ou encore l’introduction pour comprendre le système de Goffman : « Lorsqu’un individu est mis en présence d’autres personnes, celles-ci cherchent à obtenir des informations à ce sujet ou bien mobilisent les informations dont elles disposent déjà » (p 11). « En résumé, on peut donc supposer que toute personne placée en présence des autres a de multiples raisons d’essayer de contrôler l’impression qu’ils reçoivent de la situation » (p 23). Il s’agit donc d’une approche présentielle, à courte portée, combinant la prestance et l’attitude physique, le niveau de langage et l’intonation, les expressions non verbales, en quelque sorte une sociologie miniature, presque de salon. La quatrième de couverture parle d’ailleurs des « miettes de la vie sociale ».



Dans le corps du livre, peu de raisonnement, plutôt un foisonnement d’exemples qui portent sur les petits conflits, les malentendus, les malaises. Des exemples souvent étranges pour le lecteur du 21e siècle, expliquant que les femmes et les noirs — plus généralement les subalternes — se font plus bêtes que la réalité pour mettre à l’aise leur partenaire masculin/blanc ou leur supérieur hiérarchique. Rien de quantitatif. Des références au travail de terrain de l’auteur dans l’hôtel d’une île des Shetlands (!) et dans des asiles psychiatriques dignes du Vol au-dessus du nid d’un coucou. Un travail de terrain qui aurait pu inclure le poker, dont Goffman était un expert.



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Stigmate

J’ai une affection toute particulière pour ma discipline de cœur, la sociologie, et c’est toujours vers elle que je me tourne en premier quand je cherche un nouvel essai à lire. Aujourd’hui, j’ai envie de vous présenter cet essai archi-connu des chercheurs et sociologues : Stigmate, d’Erving Goffman, grand sociologue américain de la « déviance », avec son pote Howard S. Becker. Il s’agit d’un ouvrage que j’ai lu durant ma 24ème année (12 ans déjà !) et qui m’avait tant marquée que j’en avais fait une fiche de lecture.



Erving Goffman est un sociologue qui m’a toujours intriguée par sa vie atypique. Il joue au poker et dans les casinos, s’intéresse à la bourse, milite pour des valeurs dites de gauche avec un comportement de vie considéré purement de droite, part en observation participante dans les asiles tandis que sa femme déprime et finit par se suicider, demande un salaire de ministre à une époque (non révolue) où les profs de socio ne touchent que trois fois rien. Il est l’un des emblèmes de la seconde École de Chicago par sa sociologie centrée sur les interactions. Là où ses confrères analysent le jeu des acteurs pris individuellement, Goffman regarde lui comment les interactions entre les uns et les autres engendrent des faits sociaux. Ses écrits sont très précis et pas nécessairement hyper vulgarisés, mais sa pensée est d’une grande intelligence et ses démonstrations fines.



Comme son titre l’indique, Stigmate traite des relations entre les personnes stigmatisées – ou qui pourraient l’être – et les « normaux » (ceux qui représentent la norme). Je ne vais pas ici reprendre l’ensemble des concepts de l’ouvrage, mais retracer simplement ce que livre permet d’appréhender. NB : l’auteur utilise « nous » ou « on » pour parler des « normaux », je vais donc faire de même.



Un stigmate, selon Goffman, est la situation de l’individu que quelque chose disqualifie et empêche d’être pleinement accepté par la société. Ces stigmates peuvent être de multiples natures (physiques, moraux, ethniques,) et transforment leur propriétaire en être discréditable ou discrédité. Vous êtes discréditable si votre stigmate n’est pas immédiatement visible par les normaux (vous êtes homosexuel, au chômage, ancien tôlard…), et vous êtes discrédité quand votre stigmate est immédiatement visible (vous êtes noir, vous êtes sourd…) ou connu des normaux. Mais, comme l’annonce l’auteur dans ses notions préliminaires, et comme il répète dans sa conclusion, ce n’est pas l’attribut spécifique de la personne stigmatisée qui créé le stigmate, mais bien la relation avec les normaux, ce qu’il appelle les « contacts mixtes »:



« Pour conclure, je me permets de répéter que la notion de stigmate implique moins l’existence d’un ensemble d’individus concrets séparables en deux colonnes, les stigmatisés et les normaux, que l’action d’un processus social omniprésent qui amène chacun à tenir les deux rôles, au moins sous certains rapports et dans certaines phases de la vie. Le normal et le stigmatisé ne sont pas des personnes mais des points de vue ».







En effet, et vous le savez tout autant que moi, les relations normaux – stigmatisés répondent à certains codes dont vous connaissez parfaitement les règles sans vous les être clairement formulées. En voici les principales, et je suis certaine que vous reconnaitrez des situations vécues en chacune d’elles. Comme nous sommes en France, nous allons prendre le cas d’une catégorie bien stigmatisée: une femme maghrébine de confession musulmane postulant à un poste de CODIR afin que vous puissiez saisir la démonstration.



Les personnes stigmatisées n’ont pas toujours conscience de leur stigmate, surtout si elles évoluent avec d’autres personnes stigmatisées. C’est toujours le contact mixte qui fait prendre conscience du stigmate.

Une personne affligée d’un stigmate a généralement des doutes sur la façon dont nous, les « normaux », allons l’identifier et l’accueillir. De plus, au cours de ces contacts mixtes, la personne porteuse d’un stigmate a tendance à se sentir en représentation, obligée de surveiller et de contrôler l’impression qu’elle produit avec une intensité et une étendue qui, suppose-t-elle, ne s’impose pas aux autres.

Un individu stigmatisé peut chercher à améliorer indirectement sa condition en consacrant en privé beaucoup d’efforts à maitriser certains domaines d’activités que d’ordinaire on estime fermés aux personnes affligées par sa « déficience » (C’est le cas de notre femme de l’exemple qui bosserait trois fois plus que les normaux pour justifier qu’elle mérite le poste).

Mais un individu stigmatisé s’en sert également en vue de petits profits, pour justifier des échecs rencontrés pour d’autres raisons (dans ce cas-là, cette même femme dirait que si elle n’a pas eu le poste, c’est à cause de ses stigmates).

Enfin, ce même individu peut aussi percevoir dans les épreuves qu’il a subies une bénédiction déguisée (dans ce cas, cette même femme pourrait dire « je n’ai pas eu le poste et heureusement, je n’ai pas envie de contribuer à ce système injuste etc.).

Dans le cas où l’individu est discréditable mais pas encore discrédité, celui-ci a généralement peur du moment où l’information de son stigmate remontera à la surface. Goffman fait alors remarquer qu’il existe une façon quasi-officielle de présenter son stigmate, une véritable « étiquette de la divulgation » : L’individu affligé du stigmate admet son imperfection d’un ton détaché qui suppose que les interlocuteurs sont bien au-dessus de ces questions, tout en les empêchant de s’enferrer en montrant qu’ils ne le sont pas.



Du côté des « normaux », les comportements sont aussi bien intéressants.



On agit généralement de façon à faire en sorte que l’individu stigmatisé s’accepte joyeusement et spontanément comme identique pour l’essentiel aux normaux, tout en lui demandant de savoir se tenir à l’écart des situations où l’on risquerait de voir la tolérance qu’on lui manifeste d’ordinaire nous rester en travers de la gorge. Par exemple, un groupe d’amis hétérosexuels qui voit régulièrement une personne homosexuelle en faisant mine de l’accepter pleinement et sans remarquer le stigmate, mais qui lui demande de ne pas donner son avis lorsque l’on parle de parentalité car « elle n’y connait rien ». Goffman nous invite à nous interroger sur ce comportement qui en dit long finalement sur les limites de notre tact et de notre tolérance, et qui permet également de rester relativement en sécurité dans nos images de nous-mêmes.

Par ailleurs, les personnes « normales » peuvent trouver moult bénéfices sociaux à fréquenter des personnes stigmatisées, et ceci souvent de façon inconsciente : sentiment d’ouverture, de fraternité, d’équité, condescendance cachée etc. Sans compter bien sûr un réel intérêt pour la personne en tant que telle.

Je ne vais pas ici retracer les parties dédiées au militantisme des personnes stigmatisées, bien que cela soit passionnant, simplement parce que je préfère m’en tenir à l’idée fondatrice d’Erving Goffman, à savoir que lorsqu’une personne est stigmatisée, c’est à cause de la relation qu’elle entretient avec les normaux, et non à cause d’un attribut quelconque.



J’adore cet essai parce qu’on y retrouve la vie de tous les jours. Lorsque quelqu’un m’annonce un attribut discréditable à son sujet, je remarque qu’il utilise l’étiquette de divulgation et que j’en suis complice.



Mais surtout, j’adore cet essai parce qu’à l’époque de sa parution, c’était dingue d’écrire cela. Stigmate parait en 1963 aux USA, année où les actes racistes explosent et où Martin Luther King prononce son célèbre « I have a dream ». Un intellectuel blanc, sous caution de travaux de recherche, démontrait pour la première fois que les personnes stigmatisées ne l’étaient pas en raison d’un attribut dévalorisant, mais bien en raison de « contacts mixtes » avec des « normaux » à la tolérance malgré eux limitée… Aujourd’hui, ça paraît évident – et tant mieux – mais l’on doit beaucoup à ce type qui, entre deux coups de poker, s’est penché sur la question pour en faire un ouvrage de référence de la sociologie mondiale.







Jo la Frite
Lien : http://coincescheznous.unblo..
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Asiles : Études sur la condition sociale des..

J'ai fini cet ouvrage de quelques 400 pages, et je dois dire que je ne sais pas trop quoi vous dire... D'abord, je ne sais où classer cet ouvrage. Sociologie de la médecine ? Sociologie des organisations ? Etc.

Peu importe, j'ai apprécié cet ouvrage (par moment) car il permet une grille de lecture sociologique pour de nombreuses organisations. Quelles relations sont entretenues par exemple ? Avec quelle(s) logique(s) ? Pourquoi les agents sociaux agissent ainsi et pas autrement ?

Un autre élément qui m'a particulièrement frappé est l'analyse d'une organisation comme entreprise idéologique ; en somme, c'est l'institution qui fait le personnage. Par exemple, c'est l'hôpital psychiatrique qui fait le malade (ou plutôt son étiquetage - Cf. Becker) ; ou encore l'université qui fait l'étudiant. Ici, Goffman critique bien cette idée et il a raison : les malades mentaux ne sont pas homogènes et ne dépeignent pas une seule et unique réalité sociale. De même pour les étudiants, ils ne sont pas tous les mêmes ; il y autant d'étudiants que d'agents sociaux. (C'est d'ailleurs ce que disaient Passeron et Bourdieu dans Les héritiers...).

Autre point intéressant : la logique gestionnaire qui se cacherait un peu dans toutes les organisations. Peut-être que Goffman exagère selon moi un peu, mais au fond, il n'a pas totalement tort, dans le sens où ce point devrait être analysé par tous les sociologues, lorsque ces derniers étudient une organisation.

Par contre, cet ouvrage ne cesse de se répéter sur nombre de pages... C'est vraiment dommage ! Pas besoin de répéter six fois un point pour que le lecteur le comprenne... Une ou deux fois, c'est suffisant !

Sinon, je conseille cet ouvrage à tous les étudiants en sociologie ; c'est un incontournable !
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Stigmate

Je continues sur ma lancée des ouvrages et essais sociologiques sur la "déviance", le "stigmate", la "différence" ; ainsi, sans grand surprise je me suis attaquée à Stigmate, l'une des grandes oeuvres de Goffman.



Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, du moins de quel point de vue allait partir Goffman pour son analyse. En fait, il emprunte tour à tour le point de vue des "normaux" comme il le dit, et des "stigmatisés". Toutefois, contrairement à d'autres auteurs comme Becker, il dépeint le "stigmatisé" comme une personne forte, parfois manipulatrice, etc. La démarche de victimisation n'est pas aussi présente que dans d'autres livres ; bien sûr, il ne faut pas généraliser. Tous les stigmatisés ne sont pas forts, manipulateurs, etc.



Outre ces considérations, Goffmann apporte une nouvelle grille de lecture de la "déviance" avec des notions telles que celles d'identité sociale, réelle, virtuelle, personnelle ou pour soi. L'Homme est peut-être un tout, mais un tout complexe ; d'où l'importance des sciences telles que la sociologie ;)



Sinon, comme d'habitude quand je lis des ouvrages sociologiques ou autres essais, je vais vous donner mon avis sur la lecture.

L'écriture de Goffman est simple, et vraiment accessible à tous. Pas besoin d'être sociologue pour le lire ; d'autant plus, qu'il nourrit ses théories ou ses hypothèses de nombreux exemples concrets comme des citations ou des extraits d'entretiens.



En somme, à mettre entre toutes les mains pour garantir à notre société une réelle ouverture d'esprit...
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Asiles : Études sur la condition sociale des..

Cette étude fut à la base des réformes du système asilaire américain des années 1970. Erving Goffman, qui a observé et partagé la vie des reclus, décrit les traitements infligés : la profanation systématique de la personnalité au moyen de techniques de mortification : isolement, formalités d’admission, perte de contrôle de sa présentation personnelle, perte d’attributs de son identité.



L’auteur part du point de vue du patient et non du psychiatre (« Je suis arrivé à l’hôpital sans grand respect pour la psychiatrie »). Il approche la maladie mentale sous l’angle de la sociologie. Il y a un parallèle à faire avec les travaux de Michel Foucault sur le système carcéral lorsqu’il se demande si le système hospitalier ne crée pas lui-même ses propres malades mentaux ou du moins si au lieu de les soigner il ne contribue pas à alimenter leur pathologie.



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Stigmate

L'étude de la norme et de la déviance au travers des identités sociales du normal et du stigmatisé.

Accessible, cet ouvrage permet au delà de la compréhension même de la naissance du stigmate de mettre en place des stratégies de parement.

Incontournable et définitivement moderne.
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Stigmate

Gilles Deleuze affirme qu'un livre réussi a une épaisseur, qu'il est constitué de plusieurs niveaux et qu'il convient d'en franchir successivement les paliers. C'est incontestablement le cas de « Stigmate ». La démarche Erving Goffman dans son ouvrage est ethnographique et l'observation, directe ou documentée, est résolument empirique. Il décrit méticuleusement et dans sa totalité la vie quotidienne des « stigmatisés » ; il cherche à comprendre la cohérence et à mettre à jour les rituels des interactions fragiles et faussées avec les « normaux ». La communication est le thème constant des travaux du sociologue. le fait social en effet n'est pas pour lui un donné mais un processus qui se construit dans des situations concrètes. C'est, dans la dynamique des échanges et à travers le sens que donnent les individus à leur action, que l'auteur saisit ici l'essence du jeu social.





Le stigmate est pour Goffman un attribut, physique ou psychique, perceptible ou non, qui perturbe et le plus souvent discrédite une relation mixte entre le « normal » et celui qui ne l'est pas. L'individu stigmatisé doit découvrir son infamie, apprendre et intégrer le point de vue des normaux, acquérir les images que la société lui propose ainsi qu'une idée générale de ce que cela implique. La rencontre, toujours pour le discrédité (individu avec stigmate perceptible et plus ou moins importun suivant sa nature et les structures où il s'exprime) est insécure et incertaine. Il ignore en effet ce que pense vraiment l'autre et il doit faire preuve d'une attention redoublée. Ce qui caractérise l'homme stigmatisé, c'est l'acceptation de son sort et de sa place. Il peut certes avoir une tendance à la victimisation avec prises minuscules d'intérêts mais le plus souvent il a la volonté de se corriger pour changer de statut.Les évènements prennent immanquablement pour lui des tournures inattendues, ainsi l'échec est attribué au handicap tandis que la réussite ordinaire est considérée comme un authentique exploit. La répressible intrusion dans la vie est aussi monnaie courante chez le stigmatisé, il est une personne que n'importe qui peut aborder et toucher à condition de compatir à ceux de son espèce. Il est toujours possible pour le discrédité d'éviter la relation ou de la limiter au groupe des individus qui partagent le même stigmate mais cette attitude n'est pas sans conséquences. Alors, la stratégie pour échapper au trouble de l'échange est couramment de se faire le plus discret possible, d'être tolérant ou tout au contraire agressif, mais le résultat est immanquablement le même : la désintégration de la relation ordinaire. le discréditable (individu avec stigmate non immédiatement perceptible) quant à lui doit savoir en toutes circonstances manipuler l'information concernant sa déficience. Il doit se poser la question des limitations : dire ou ne pas dire, feindre ou ne pas feindre, révéler beaucoup ou peu, mentir ou ne pas mentir, et de quelle manière, dans quel univers et avec qui ? Dans le cas intermédiaire où le stigmate saute aux yeux et où il est invisible, il y a nous dit Erving Goffman la possibilité – pour le discréditable – d'utiliser les nombreuses techniques de contrôle de l'information (dissimulation, désidentification, dévoilement complet, couverture du stigmate) et – pour tout le monde – toujours la possibilité de faire semblant. Il faut noter là aussi que tout ce contrôle de l'information portant sur l'identité du discréditable a un effet délétère sur la relation et des conséquences psychologiques sur le stigmatisé. Les tentatives des « normaux », nous dit enfin Erving Goffman, de traiter la personne anathématisée comme une personne sans stigmate, n'est guère plus probante, elle conduit ordinairement à le mieux sinon à le moins ou ne le plus considérer du tout. Par conséquent et en guise de conclusion provisoire, toujours le contact mixte, comme on le voit, génère le malaise.





Cette première lecture de « Stigmate » comporte le risque d'aboutir à une analyse purement situationnelle et descriptive du jeu social. le social, ça n'est pourtant pas la présence d'individus normaux ou stigmatisés, le social c'est la présence de la société – présence de celle-ci en les individus et entre eux. L'une des conditions nécessaire de la vie sociale est le partage par tous les intéressés, stigmatisés et normaux, de normes de l'identité de l'être maintenues et soutenues parce qu'elles sont incorporées. Et leur application est une affaire de conditions non de volonté, de conformité et non de soumission. Il y a stigmate, si une catégorie soutient une certaine norme et qu'un individu ne se l'applique pas ou est en échec pour se l'appliquer. La nature d'un individu, que nous lui imputons et qu'il s'attribue, est engendrée par la nature de ses affiliations. Ce qu'il est, ou pourrait être, dérive de la place qu'occupe sa catégorie au sein de la structure sociale. Aussi, le caractère que l'individu stigmatisé se voit autorisé est engendré par ses relations avec son groupe agrégat de ses compagnons d'infortune. Mais il est également déterminé par le point de vue des normaux et donc par celui de la société en général. Il est conseillé à l'individu stigmatisé de se considérer comme un être humain à part entière, de n'avoir ni honte de lui ni de ses semblables, de ne pas se dissimuler, de ne pas se morfondre ; il doit assumer sa différence, secourir les normaux en acceptant aides et plaisanteries mais il ne doit pas profiter de sa chance, faire preuve de savoir-vivre et rester à sa place. Il lui est conseillé de s'accepter et de nous accepter en remerciement naturel d'une tolérance première que nous ne lui avons jamais accordé. L'utilité pour les normaux de cette demande sociale, c'est que l'injustice et la souffrance que représente le poids d'un stigmate ne leur apparaisse jamais, qu'ils n'aient jamais à s'avouer combien sont limités leur tact et leur tolérance, qu'ils puissent demeurer relativement à l'écart de tout contact contrariant avec les stigmatisés et relativement en sécurité dans leur image d'eux-mêmes.





Erving Goffman affirme dans cet ouvrage : « L'ironie dans toutes ces recommandations [celles des individus pareillement situés] n'est pas que l'individu stigmatisé se voit prié de s'efforcer patiemment d'être pour les autres ce que ceux-ci refusent qu'il soit pour eux, mais qu'il se pourrait bien qu'une telle absence de réciprocité représente ce qu'il peut avoir de mieux pour son argent. Car, si son voeu est de vivre autant que possible « comme tout le monde » et d'être accepté « pour ce qu'il est vraiment », l'attitude la plus clairvoyante est précisément celle-là, avec son double fond : c'est en faisant très souvent en faisant spontanément comme si l'acceptation conditionnelle, dont il prend bien garde de ne pas présumer, que lui accordent les normaux était pleine et entière, qu'il parvient à accroitre au maximum le degré de leur tolérance à son égard. Et il va de soit bonne pour l'individu peut être encore meilleure pour la société». Cette affirmation du célèbre sociologue, qui est démentie par la plus élémentaire réalité (voir par exemple la lutte d'Act Up dans les années 1990) et qui est contestable du point de vue du raisonnement (sophisme de composition de la dernière phrase), est tout à fait symptomatique de l'incorrigible conservatisme de la sociologie américaine en général et de l'école de Chicago en particulier. Cet indécrottable conformisme qui point désagréablement à plusieurs reprises (échanges amoureux, domination sociale, etc.), très heureusement, n'ôte rien au formidable intérêt de ce livre.

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Asiles : Études sur la condition sociale des..

Publié en 1968, le sociologue Erving Goffman est un des piliers du mouvement de l'anti psychiatrie. Malheureusement s'ils ont eu de très bonnes idées, ils ne nous ont pas donné d'autres modes d’emplois.

pendant 438 pages l'auteur s’ingénie à nous dire qu'il faut brûler les Hôpitaux psychiatriques. Lu en 1999.....je suis allée jusqu'au bout parce qu'il le fallait...Mais la longueur de ce livres anti....me fait toujours douter de l’intérêt du concept.

Quand un concept est bon, point n'est besoin de le crier sur les toits et de critiquer sur des pages les autres concept. On est sur de soi, ou non ! qu'on se trompe ou non.
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La mise en scène de la vie quotidienne, tome ..

Il s'agit du tome 1 qui traite de la présentation de soi.

Ce bon vieux livre un peu dense certes, démystifie de façon plaisante quelques illusions idéalistes sur l'authenticité et la sincérité, être soi, jouer un rôle, se mettre en scène, à son meilleur avantage possible évidemment.

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L'arrangement des sexes

Attention ! Lire cet essai nécessite une certaines curiosité et également d’avoir les synapses en état de veille, voire même sur le qui-vive ! En effet, une lecture comme celle-ci soulève de nombreuses questions et amène à s’interroger sur tous ceux qui nous entourent, mais également sur notre conception des rapports humains et, plus largement, sur les relations entre les deux sexes.



Vaste question que l’arrangement des sexes ! Mais le sociologue apporte ici des exemples et précis qui nous parlent à tous. L’utilisation d’une touche d’humour, parfois, et de propos très clairs, toujours, rend le sujet plus accessible pour le lecteur et permet une lecture extrêmement fluide.



Ce qui est intéressant à étudier et à observer, justement, c’est comment l’organisation sociale construit et affirme cette différence entre les sexes pour justifier les différences sociales. Galanterie, recrutement pour un emploi, protection de la femme, relations intimes… Rien n’est passé sous silence, tout est savamment décortiqué et analysé…



L’auteur pointe du doigt le fait que, de toutes les catégories discriminées, les femmes ont une place particulière puisqu’elles constituent la seule catégorie à faire l’objet d’une idéalisation et également l’objet d’une distribution organisée. Cela donne à s’interroger si nous devons remettre en cause ce système ?



Un texte qui date de 1977 et qui pourtant est toujours d’actualité ! À lire !
Lien : https://ogrimoire.com/2023/1..
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Stigmate

Décrite en 1963 par le sociologue Erving Goffman, la stigmatisation est un phénomène de société toujours d'actualité aujourd'hui.

A l'origine le stigmate était, chez les Grecs, une marque corporelle au couteau ou au fer rouge qui était gravée sur le corps des criminels, esclaves, traîtres..., tous individus frappés d'infamie et qu'il fallait éviter, surtout dans les lieux publics.

Pour Goffman, le mot stigmate sert à désigner "un attribut qui jette un discrédit profond". Etre, par exemple, handicapé, Noir, prostituée, homosexuel, ... c'est être porteur de stigmates. Les personnes sans stigmates sont qualifiées de normales.



Selon Goffman, toute personne est susceptible de se retrouver stigmatisée dans certaines circonstances données car ce ne sont pas les caractéristiques de la personne, mais nos attitudes, qui vont créer le stigmate : "Le normal et le stigmatisé ne sont pas des personnes mais des points de vue. Ces points de vue sont socialement produits lors des contacts mixtes (…) et puisqu'il est question de rôles au sein de l'interaction et non de personnes concrètes, il n'y a rien d'étonnant à ce que, bien souvent, l'individu stigmatisé sous un aspect fasse montre de tous les préjugés des normaux à l'encontre de ceux qui le sont autrement". Le stigmate est une construction sociale et selon les époques une caractéristique qui était stigmatisante (le divorce, par exemple) peut cesser de l'être.



Par rapport aux stigmatisés les normaux adoptent des façons de penser et des comportements spécifiques : "Il va de soi que, par définition, nous pensons qu'une personne ayant un stigmate n'est pas tout à fait humaine. Partant de ce postulat, nous pratiquons toutes sortes de discriminations, par lesquelles nous réduisons efficacement, même si c'est souvent inconsciemment, les chances de cette personne. (...) Observant une imperfection, nous sommes enclins à en supposer toute une série (...)".

L'individu stigmatisé est insécurisé quand il rencontre des personnes normales car il ne sait pas comment elles vont se comporter à son égard. Il a aussi le sentiment qu'il n'est pas jugé comme les normaux : il est félicité pour des réussites minimes tandis que ses moindres échecs sont mis sur le compte de son stigmate.

Il peut réagir alors en essayant de cacher son stigmate, en se servant de ce stigmate comme d'une excuse qui explique tous ses insuccès ou en affichant un air de bravade agressive.



J'ai trouvé la lecture de cet ouvrage fort intéressante. Même s'il me paraît parfois daté sur certains points, je suis surtout frappée par la permanence des comportements humains ici décrits. Il y a de nombreux exemples donnés pour illustrer le propos et qui le rendent accessible.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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La mise en scène de la vie quotidienne, tome ..

Ce n'est pas mon premier ouvrage de Goffman, mais celui-ci m'a un peu troublé. En effet, cet essai sur l'analyse des relations sociales n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais. Je m'attendais à ce que l'auteur nous donne des pistes d'analyse sur les relations sociales du quotidien ; malheureusement, il ne fait que nous exposer/expliquer sa métaphore théâtrale sur les individus sociaux qui deviennent des acteurs montant sur scène devant un public. Alors certes, certains éléments sont intéressants comme le "moi intime" et le "moi social" ou encore l'idée des façades sociale et personnelle, mais dans l'ensemble l'ouvrage n'est pas très instructif...

Dommage, mais à lire pour ceux qui recherchent des pistes de réflexions sur les individus qui se produisent/interviennent devant d'autres agents sociaux.
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Comment se conduire dans les lieux publics

"Comment se conduire dans les lieux publics" marque un tournant, qui voit Goffman passer de l’analyse des interactions dans des contextes privés à l’observation des comportements dans l’espace public, amorçant du même coup un petit pas vers le politique.
Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
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Stigmate

Avant toute chose, je dois confesser que je n’ai jamais étudié la sociologie (pas de cours dans mon cursus par exemple). Préparez-vous donc psychologiquement à lire l’avis profane d’une humble béotienne !



D’ailleurs avez-vous remarqué ce drame qui nous frappe tous ? Face à la douloureuse certitude que nos vies ne dureront pas 1000 ans, et surtout face au constat de la capacité non-illimité de nos cerveaux, il faut se résoudre à accepter de ne pas engranger goulument l’ensemble du savoir humain.



Oui, on dirait de l’ironie, pourtant je vous assure que je suis sincèrement affligée !



Fin de la parenthèse.



Goffman m’avait été conseillé un soir d’hiver dans un bar, par une connaissance de connaissance de connaissance, dont j’ai oublié jusqu’au visage, et qui avait la particularité rare d’étudier « la criminologie ». Si elle se reconnaît, qu’elle sache que je lui en suis reconnaissante !

Ce livre, que d’autre décriront et décrypterons bien mieux que moi, est facile à lire. Point de jargon trop technique comme je le redoutais.



Ce qui personnellement m’a marquée, c’est que ce livre m’a amené à me questionner sur mon positionnement à l’égard des « porteur de stigmate ». En tant que « personne non porteuse d’un stigmate » (si on exclu les caractéristiques mineurs genres taille, goûts vestimentaires et port de lunettes) qu’elle comportement vais-je ou non adopter face à quelqu’un qui lui porte un stigmate « conséquent » (genre canne blanche, difficultés de mobilité…) ?

Quel est mon premier reflexe ? Pour ma part « faire comme si de rien était ». Est-ce la meilleure option ? En essayant de me projeter « à la place de l’autre », j’en ai l’impression. En effet, si j’étais concernée, je vivrais très mal que tout un tas de gens veuillent m’aider à traverser ou me demandent comment j’ai perdu mes jambes. J’aimerais qu’on ne me le notifie pas, quitte à jouer la comédie. Hors je ne suis pas concernée. Et justement, ce que je présume que je voudrais, peut-être ne le voudrais-je pas ? Peut-être voudrais-je des « avantages compensatoires », comme de l’aide ou de l’apitoiement ? Ce serait une réclamation plutôt légitime. Et d’ailleurs rien ne dit que tous les « non-voyants » veulent la même chose.



Donc je ne suis pas plus avancée, mais désormais je le suis d’avantage « en connaissance de cause ». Et c’est déjà ça.
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La mise en scène de la vie quotidienne, tome ..

Rien à redire sur cette oeuvre magistrale. Bien qu'on puisse reprocher à Goffman de ne pas prendre suffisamment en compte la subjectivité individuelle, son oeuvre est d'une richesse incroyable en ce qui concerne l'individu dans le groupe, le groupe face à un autre groupe et la société de manière générale. Je suis surpris que Goffman ne soit pas plus étudié que ça en psychologie car ce texte est un outil à penser la clinique contemporaine.
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Asiles : Études sur la condition sociale des..

à relire.... !
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