Citations de Françoise Chandernagor (608)
Je n’ai pas le don des titres. Jusqu’à l’heure de l’impression, mes romans ne portent que le nom du héros ou de l’héroïne. Je reste dans la ligne des romanciers réalistes du XIXe : Eugénie Grandet, Madame Bovary, Salammbô, César Birotteau ou Nana, voilà des titres qui ne trompaient pas le chaland sur la marchandise. Les écrivains sérieux fuyaient alors la fausse poésie et la préciosité des auteurs pour dames ; et puis, ils croyaient au « personnage »...
Pour ma part, je ne refuse pas de faire rêver le lecteur ; je ne reste pas non plus insensible à l’élégance de l’enveloppe : le titre de même que l’illustration choisie pour la jaquette sont au roman ce que le papier glacé et les volutes dorées du bolduc sont au cadeau de Noël. Bien plus qu’un simple emballage : une délicate attention, un présent en soi, à tout le moins une promesse. Mais si promesse il y a, encore faut-il qu’elle soit tenue. Voyage au bout de la nuit me semble bien choisi, et je m’incline devant Les Illusions perdues. Aurais-je osé, pourtant, attribuer le plus éclatant des titres récents, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, à un roman où il n’y a ni rois ni batailles et qu’un seul éléphant ?
On peut, en murmurant des mots magiques, suspendre le cours d'une nuit.
Le regard, dirait-il plus tard, c'est la flèche de la cathédrale.
Du reste, quand il contemplait l’œuvre des autres, il n’aimait pas être surpris : il voulait être séduit…
Je surpris ce jour-là dans les yeux du Roi, de certains regards fort transparents pour une coquette avertie ; je m'en amusais mais ne fis rien pour provoquer un émoi dont je n'eusse pas eu l'emploi.
« La grandeur d’un destin se fait de ce qu’on refuse, plus que de ce qu’on obtient » .
Tuer était bon (...). Tous les lieux, tous les outils faisaient l'affaire ; quant aux prétextes, on n'en manquait jamais : race, religion, parti, nation, pour être "l'ennemi" il suffisait que l'autre fût autre. (...) Mais leurs enfants, qu'est-ce qu'ils comprenaient, les enfants ? Des enfants qui ignoraient jusqu'à leur nom, et ne distinguaient pas leur corps du corps qui les avait portés, et ne séparaient pas encore le dedans du dehors (...) Ainsi périrait un jour la chambre fermée. Lentement, très lentement, elle disparaitrait au fond des yeux d'un enfant. Lentement, avec l'enfant étouffée, la chambre asphyxiée.
Andrée Chedid, L’espérance
J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie
Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
J’enracine l’espérance
Dans le terreau du coeur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur
Renée Vivien
Sans hâte et sans effroi, je rentre dans la nuit
Avec tout ce qui glisse, avec tout ce qui fuit.
Renée Vivien, Lucidité
Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte,
On sent le rampement du reptile attentif.
Au fond de l’ombre, telle une mer sans récif,
Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche.
Ô Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !
Marguerite Burnat-Provins, Le Livre pour toi
Et cette nuit, passive et nue, n’étais-je pas une reine sous la couronne vivante de tes doigts refermés ?
Louisa Siefert, Bataille perdue
(…) Au fond, ce qui domine en moi, c’est le dégoût,
C’est l’ennui, c’est la lassitude.
Le curieux vivait pour vivre jusqu’au bout :
Je ne vis que par habitude.
Marceline Desbordes-Valmore, Élégie
L’âme doit courir,
Aimer et mourir.
Car pour nos amours
La vie est rapide,
Car pour nos amours
Elle a peu de jours.
Marceline Desbordes-Valmore, Les Séparés
N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Et frapper à mon coeur, c’est frapper au tombeau.
N’écris pas !
N’écris pas. N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu’à Dieu… qu’à toi, si je t’aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
N’écris pas !
N’écris pas. Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N’écris pas !
N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu’un baiser les empreint sur mon coeur.
N’écris pas !
Marceline Desbordes-Valmore, Qu'en avez-vous fait ?
Vous aviez mon coeur,
Moi, j’avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur ;
Bonheur pour bonheur !
Le vôtre est rendu ;
Je n’en ai plus d’autre,
Le vôtre est rendu
Le mien est perdu.
Ivresse des automnes lents, des ciels lourds, des longues agonies, des fins du monde. Arrière-saisons au goût de sucre et de sang : tout semble mûr, et rien n'est mort. Rien encore...
"D'ailleurs, n'en soyez pas honteux : à la Cour on joue l'Evangile sans l'avoir feuilleté ; à Paris on joue l'honneur sans le consulter.... Et puis Sénèque, moi non plus je ne l'ai pas lu." Elle détestait Sénèque à dire vrai, parce que les vaincus l'adorent.
On peut changer la fin des contes, pas le cours du destin.
Le XVIIIe est balzacien avant la lettre : il monnaye.
Il est difficile de vivre avec un mort : son amour pour lui s'éloignait, aussi vague que le souvenir d'un pays étranger.