AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Georges Bernanos (989)


[...] ... - "C'est moi," dit-elle.

Il se leva d'un bond, stupéfait. Un cri de tendresse, un mot de reproche eût sans doute fait éclater sa colère. Mais il la vit, toute droite et toute simple sur le seuil de la porte, en apparence à peine émue. Derrière elle, sur le gravier, remuait son ombre légère. Et il reconnut tout de suite le regard sérieux, impterturbable qu'il aimait tant et cette autre petite lueur aussi, insaisissable, au fond des prunelles pailletées. Ils se reconnurent tous les deux.

- "Après la visite du papa, la foudre suspendue sur ma tête - à une heure du matin chez moi - tu mériterais d'être battue !

- Dieu ! Que je suis fatiguée !" fit-elle. "Il y a une ornière dans l'avenue ; je suis tombée deux fois dedans. Je suis mouillée jusqu'aux genoux ... Donne-moi à boire, veux-tu ?"

Jusqu'alors, une parfaite intimité, et même quelque chose de plus, n'avait rien changé au ton habituel de leur conversation. "Monsieur" disait-elle encore. Et parfois "monsieur le marquis". Mais cette nuit, elle le tutoyait pour la première fois.

- "On ne peut pas nier," s'écria-t-il joyeusement, "tu as de l'audace."

Elle prit gravement le verre tendu et s'efforça de le porter à sa bouche sans trembler, mais ses petites dents grincèrent sur le cristal, et ses paupières battirent sans pouvoir retenir une larme qui glissa jusqu'à son menton.

- "Ouf !" conclut-elle. "Tu vois, j'ai la gorge serrée d'avoir pleuré. J'ai pleuré deux heures sur mon lit. J'étais folle. Ils auraient fini par me tuer, tu sais ... Ah ! oui, de jolis parents j'ai là ! Ils ne me reverront jamais.

- Jamais ?" s'écria-t-il. "Ne dis pas de bêtises, Mouchette (c'était son nom d'amitié). On ne laisse pas les filles courir à travers les champs, comme un perdreau de la Saint-Jean. Le premier garde venu te rapportera dans sa gibecière.

- Pensez-vous ?" dit-elle. "J'ai de l'argent. Qu'est-ce qui m'empêche de prendre demain soir le train de Paris, par exemple ? Ma tante Eglé habite Montrouge - une belle maison, avec une épicerie. Je travaillerai. Je serai très heureuse.

- Petite sotte, es-tu majeure, oui ou non ?

- Ça viendra," répliqua-t-elle, imperturbable. "Il n'est que d'attendre."

Elle détourna les yeux un moment , puis, levant sur le marquis un regard tranquille :

- "Gardez-moi," fit-elle.

- "Te garder, par exemple !" s'écria-t-il en marchant de long en large pour mieux cacher son embarras. "Te garder ? Tu ne doutes de rien. Où te garder ? Crois-tu que je dispose ici d'une oubliette à jolies filles ? On ne voit ça que dans les romans, finaude ! Avant demain-soir, ils nous seront tombés sur le dos, tous, ton père avec les gendarmes, la moitié du village fourche en main ... Jusqu'au député Gallet, médecin du diable, ce grand dépendeur d'andouilles !" ... [...]
Commenter  J’apprécie          60
Et puis quoi ? Que voulez-vous dire? interroge le vieil homme avec colère .
Comptez-vous sur moi pour vous enlevez aux votres ? Ai -je l 'air d 'un ravisseur
d 'enfants ? Hélas ! vous vous ressemblez tous ; pas un de mes élèves ,jadis,
qui n ' fait le projet de me suivre , comme vous dites ,au bout du monde .IL n ' y a
pas de bout de monde ,cher garçon,
Commenter  J’apprécie          60
« Toute petite, j’avais une peur affreuse des hommes, et puis j’ai connu un jour que cela qui gesticule n’est pas dangereux. » D’où lui vient ce souple génie, cette patience d’insecte, la clairvoyance inexorable qui lui permet d’attendre à coup sûr la lassitude de l’adversaire, le premier mouvement de faiblesse ou d’oubli ? De son père, peut-être, mort très jeune, dont elle revoit le visage livide, les yeux au cerne bleu, la bouche nerveuse, inquiète, faite pour le mensonge et la caresse – jusqu’à ce geste qu’il avait, qu’elle a elle-même, le recul imperceptible de tout le buste à la moindre apparence de contradiction.
Commenter  J’apprécie          60
Si la prière était réellement ce qu’ils pensent, une sorte de bavardage, le dialogue d’un maniaque avec son ombre, ou moins encore –une vaine et superstitieuse requête en vue d’obtenir les biens de ce monde,- serait-il croyable que des milliers d’êtres y trouvassent jusqu’à leur dernier jour, je ne dis pas même tant de douceurs –ils se méfient des consolations sensibles- mais une dure, forte et plénière joie ! […] Etrange rêve, singulier opium, qui loin de replier l’individu sur lui-même, de l’isoler de ses semblables, le fait solidaire de tous, dans l’esprit de l’universelle charité !
Commenter  J’apprécie          60
L’homme qui nous recherche est toujours beau. Mais mille fois plus beau celui-là dont nous sommes la faim et la soif de chaque jour. Et toi, mon vieux, tu as les yeux de cet homme-là.
Commenter  J’apprécie          60
Quand leur bouche a pu l’articuler pour la première fois, le mot amour était déjà un mot ridicule, un mot souillon qu’ils auraient volontiers poursuivi en riant, à coups de pierre, comme ils font des crapauds.
Commenter  J’apprécie          60
une société où le prestige ne correspond plus exactement aux services rendus, où les classes dirigeantes reçoivent plus de la communauté qu'elles ne lui donnent, est une société vouée à la ruine.
Commenter  J’apprécie          60
La première vraie machine, le premier robot, fut cette machine à tisser le coton qui commença de fonctionner en Angleterre aux environs de 1760. Les ouvriers anglais la démolirent, et quelques années plus tard les tisserands de Lyon firent subir le même sort à d'autres semblables machines.
Commenter  J’apprécie          60
On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ?
Commenter  J’apprécie          60
Les petites choses n’ont l’air de rien, mais elles donnent la paix
Commenter  J’apprécie          60
Il n'y a pas de vérités moyennes.
Commenter  J’apprécie          60
Là, sûrement, fut l'erreur du grand homme. Catholique de tradition, et pour ainsi dire de race, mais converti d'hier, il eut cette faiblesse de ménager des hommes dont il savait mieux que personne la prodigieuse lâcheté intellectuelle. Il commit cette folie de prétendre y recruter le meilleur de sa troupe, sa troupe de choc. Et la folie plus impardonnable encore de commencer par leur jeter à la face, dans le vain espoir de les redresse, ces vérités qu'ils ne pardonnent jamais parce qu'ils en subissent malgré eux l'évidence. [...]
Espérer compromettre de tels hommes, quelle folie ! Au lieu que l'antisémitisme avait de quoi soulever les faubourgs. Une fois incarné dans de solides gaillards en pantalons de velours, on eût député vers elle des suppliants la corde au cou, et le mot d'antisémitisme serait prononcé aujourd'hui dans les sacristies avec la même dévotion que celui de démocratie, hier encore frappé d'interdit.
Commenter  J’apprécie          60
Si intimidée qu'on la suppose, une nation vieille de mille ans reste un être organisé, garde un cœur et un cerveau, ne saurait s'arrêter de penser. Elle a besoin d'un fond d'idées et de sentiments communs, d'une opinion : la république a mis près d'un siècle à le créer. Ayant d'abord abruti de notions contradictoires, de grands mots venus d'ailleurs, puis finalement réduit au silence le peuple autochtone, elle a dû se servir, pour refaire peu à peu ce qu'elle avait détruit, des quelques éléments restés à sa disposition. L'ardente minorité juive, admirablement douée pour la controverse, profondément indifférente à la phraséologie occidentale, mais qui voit dans la lutte des idées, menées à coups de billets de banque, un magistral alibi, devint tout naturellement le noyau d'une nouvelle France qui grandit peu à peu aux dépens de l'ancienne jusqu'à se croire, un jour, de taille à jouer la partie décisive. Mais entre-temps, l'autre France était morte... Tradition politique, religieuse, sociale ou familiale, tout avait été minutieusement vidé, comme l'embaumeur pompe un cerveau par les narines. Non seulement ce malheureux pays n'avait plus de substance grise, mais la tumeur s'était si parfaitement substituée à l'organe qu'elle avait détruit, que la France ne semblait pas s'apercevoir du changement, et pensait avec son cancer !
Commenter  J’apprécie          60
Georges Bernanos
Qu'importe ma vie ! Je veux seulement qu'elle reste jusqu'au bout fidèle à l'enfant que je fus.
Commenter  J’apprécie          60
c'est vrai que la colére des imbéciles remplit le monde vous pouvez rire si vous voulez elle n'epargnera rien ni personne elle est incapable de pardon evidemment les doctrinaires de droite ou de gauche dont c'est le métier continuerontde classer les imbéciles en dénombreront les éspéces et les genres définiront chaque groupe selon les passions les interets des individus qui le composent leurs idéologie particuliére pours de tels gens cela n'est qu'un jeu mais ces classifications répondent si peu à la réalité que l'usage en réduit impitoyablement le nombre il est clair que la multiplication des partis flatte d'abord la vanité des imbéciles elle leur donne l'illusion de choisir ...
Commenter  J’apprécie          60
L'intellectuel est si souvent un imbécile que nous devrions toujours le tenir pour tel, jusqu'à ce qu'il nous ait prouvé le contraire.
Commenter  J’apprécie          60
l'aube m'est toujours aussi douce. C'est comme une grâce de Dieu, un sourire.
Commenter  J’apprécie          60
[ Incipit ]

Ma paroisse est une paroisse comme les autres. Toutes les paroisses se ressemblent. Les paroisses d'aujourd'hui, naturellement. Je le disais hier à M. le curé de Norenfontes : le bien et le mal doivent s'y faire équilibre, seulement le centre de gravité est placé bas, très bas. Ou, si vous aimez mieux, l'un et l'autre s'y superposent sans se mêler, comme deux liquides de densité differente. M. le curé m'a ri au nez. C'est un bon prêtre, très bienveillant, très paternel et qui passe même à l'archevêché pour un esprit fort, un peu dangereux. Ses boutades font la joie des presbytères, et il les appuie d'un regard qu'il voudrait vif et que je trouve au fond si usé, si las, qu'il me donne envie de pleurer.
Commenter  J’apprécie          60
Le monde du mal échappe tellement, en somme, à la prise de conscience de notre esprit ! D'ailleurs, je ne réussis pas toujours à l'imaginer comme un monde, un univers. Il est, il ne sera toujours qu'une ébauche, l'ébauche d'une création hideuse, avortée, à l'extrême limite de l'être. Je pense à ces poches flasques et translucides de la mer. Qu'importe au monstre un criminel de plus ou de moins ! Il dévore sur-le-champ son crime, l'incorpore à son épouvantable substance, le digère sans sortir un moment de son effrayante, de son éternelle immobilité. Mais l'historien, le moraliste, le philosophe même, ne veulent voir que le criminel, ils refont le mal à l'image et à la ressemblance de l'homme. Ils ne se forment aucune idée du mal lui-même, cette énorme aspiration du vide, du néant. Car si notre espèce doit périr, elle périra de dégoût, d'ennui. La personne humaine aura été lentement rongée, comme une poutre par ces champignons invisibles qui, en quelques semaines, font d'une pièce de chêne une matière spongieuse que le doigt crève sans effort. Et le moraliste discutera des passions, l'homme d'Etat multipliera les gendarmes et les fonctionnaires, l'éducateur rédigera des programmes - on gaspillera des trésors pour travailler inutilement une pâte désormais sans levain.
Commenter  J’apprécie          60
Georges Bernanos
Foi : vingt-quatre heures de doute... mais une minute d'espérance
Commenter  J’apprécie          61



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Georges Bernanos Voir plus

Quiz Voir plus

Le journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos

En quelle année ce roman a-t-il été publié ?

1930
1933
1934
1936

12 questions
18 lecteurs ont répondu
Thème : Georges BernanosCréer un quiz sur cet auteur

{* *}