Citations de Gerard Donovan (72)
On combat l’hiver en lisant toute la nuit, tournant les pages cent fois plus vite que tournent les aiguilles...
Un hiver dure cinquante livres et vous fixe au silence tel un insecte épinglé, vos phrases se replient en un seul mot, le temps suspend son vol, midi ou minuit c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Chaque coup d’oeil rencontre de la neige. Chaque pas s’enfonce vers le nord. Voilà l’heure du Maine, l’heure blanche.
...étrangement, je me revoyais en train d’écrire ces mots en particulier, me rappelais l’odeur de la pièce, les objets aperçus au moment où je les traçais, la sensation éprouvée en formant les lettres, les vêtements portés, l’étroitesse et la sécurité du monde d’alors, la chaleur du feu, la tranquille affirmation de la part de mon père qu’il était important de posséder des livres mais qu’il importait encore plus de les lire. A présent que ce monde était parti au diable pour ne plus jamais revenir, ces souvenirs semblaient compter d’autant plus. Tout se trouve dans les livres, regarde tous ces livres, une existence entière anime ces murs (page 133).
« Mon père était un grand lecteur , et de longs rayonnages s'étendaient à partir du poêle à bois jusqu’à la cuisine, à droite et à gauche, bibliothèques de quatre étagères , contenant tous les livres acquis par mon père , car il lisait vraiment tout ...
J’étais donc entouré de trois mille deux cent quatre-vingt-deux livres, reliés en cuir , premières éditions ou livres de poche, tous en bon état , rangés par ordre alphabétique et répertoriés sur des listes écrites au stylo.... »
La Première Guerre mondiale, la bataille de la Somme, la morne terre agricole française où sont tombés un million d'hommes, un demi-million de Britanniques, deux cent mille Français et plus de cinq cent mille Allemands, tués par balle ou déchiquetés par des pièces d'artillerie, lieu bombardé par un million six cents boulets tirés par quinze cents canons durant une semaine entière avant que les Alliés lancent l'assaut, ce qui ne les a pas empêchés de perdre cinquante-huit mille hommes rien que le premier jour. À ton avis, Julius, combien de personnes gardent le souvenir de cet épisode ?
L'absence d'un être arrive comme une nouvelle saison. Elle se manifeste d'abord par bribes et on la perçoit longtemps avant l'éloignement définitif.
Dans la vie on doit obtenir sa propre approbation pour les actes commis. Il n'y a personne à qui montrer ce qu'on fait, personne pour vous dire bravo.
Certains hommes doivent faire souffrir d'autres êtres pour moins sentir la douleur en eux-mêmes.
Ceux qui vivent très vieux et ceux qui meurent très jeunes perdent la même chose. Ils n'abandonnent que le présent, puisque c'est tout ce qu'ils possèdent.
Marc Aurèle
J'aurais dû savoir que les gens deviennent parfois assez intimes pour s'apercevoir qu'ils sont des étrangers l'un pour l'autre.
Peut-être que les événements n'ont pas de cause, que les choses se passent ainsi uniquement parce que les gens le font.
Il n'y a pas grand-chose de beau dans le monde, ai-je pensé, et la société des hommes n'y apporte pas grand-chose, même dans le meilleur des cas.
Auparavant, une douloureuse sensation d'absence avait parfois troublé l habituel bonheur de ma solitude. On devient pierre, bois, épine sur le sol, vent chargé d'échardes. Avec, pour remède empoisonné, les fleurs avivant toute cette grisaille, le contact d'une main sur le bras, le mot gentil surgi d 'un sourire, baume qui vous apaise, puis vous laisse plus mal en point.
Après cette nuit-là, elle est moins souvent venue me voir et ses visites se sont faites plus courtes. L'absence d'un être arrive comme une nouvelle saison. Elle se manifeste d'abord par bribes et on la perçoit longtemps avant l'éloignement définitif.
Ce que j'avais voulu dire à cet homme, comme il marchait devant moi dans les bois, c'était que je n'avais pas assez de sensibilité là où j'aurais dû en avoir et trop là où je n'aurais pas dû. Évite les types comme moi, et tout ira bien pour toi.
Un chien vit intensément, il mange intensément, il joue intensément et même lorsqu'il dort, il dort intensément
La buée glaciale de mon haleine s'élevait dans l'air, surgissant de ma bouche, tel un esprit.
J'étais d'ailleurs plus qu'heureux, mais je n'avais aucun mot pour décrire ce que produisait en moi la soudaine jouissance de tant de compagnie. Cela me rappelait ces premières gouttes de pluie qui nous font attendre sur le seuil, la veste passée par-dessus la tête, tandis qu'on se demande si l'averse est due à un petit nuage ou si ça va durer.
Ceux qui vivent très vieux et ceux qui meurent très jeunes perdent la même chose. Ils n'abandonnent que le présent, puisque c'est tout ce qu'ils possèdent. (Marc Aurèle)
Mais il paraît que les yeux restent identiques durant toute la vie : les yeux qui sont témoins de l'enfance le sont également de la vieillesse. Le même cœur bat comme avant la naissance. Je n'avais rien manqué. En fait, lorsque j'y pensais, seules quelques années et quelques expériences nous séparaient, cet enfant et moi, voire la même expérience répétée au cours de nombreuses années. Albert ne devait pas se faire du souci à propos du degré d'intimité que nous allions atteindre avec le temps.
En présence d'Albert, toutes les tâches, toutes les ombres en moi disparaissaient. Telle une éponge, il effaçait toutes mes erreurs.