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Citations de Gérard Macé (67)


Ecrire, c'est avec les mots susciter le réel, non l'évoquer à partir de ce qui est connu. C'est créer une sorte d'irisation, s'abandonner à un rythme musical, élaborer intérieurement des phrases qu'on mémorise, et dont on ne perçoit pas immédiatement l'enjeu ni la portée. Ecrire n'est pas rédiger, écrire c'est poétiquement faire se lever un monde.
p. 48.
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Champollion ne savait pas lire.
Il ne savait que déchiffrer, capable de suivre en s'interrogeant, pendant des heures et des jours, le tracé des lettres d'abord, le contour des hiéroglyphes un peu plus tard, -- mais incapable d'oublier le truchement des signes, comme s'il voulait à chacun d'entre eux arracher un secret.
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Gérard Macé
Le goût du lait revient en parlant, le lait caillé dans les bols quand la lune rousse éclairait la faïence et l’eau qui dort. À l’intérieur d’une maison sans feu le sommeil est troublé par les soupirs de la sainte et les cris de la fée, par la chute au pied du lit des vêtements de la femme adultère. Sa voix dans les livres se confond avec une ancienne désinence, une langue jamais apprise qui revient à l’oreille de l’enfant. Rougeurs et silences qui précèdent un flot de paroles et leur contraire, un mascaret d’émotions qui remonte en même temps que la mémoire et la marée.
Si l’enfant prodigue et saturnien éclate en sanglots (le vendredi maigre où il revient), c’est encore à cause de l’amour qu’on lui montre du doigt. L’anneau de sa mère enferme à jamais les larmes de son corps, l’anguille et la rivière plus vif-argent que ses souvenirs.
Accompagné du vautour qu’on croyait femelle et fécondé par le vent, quand il repart c’est pour trouver le partage des eaux ; entre la sanglante et l’amoureuse, la rose et les ténèbres, la rime et le bruit... Héros roturier il apprend à écrire en prose, mais lit les vers en se taisant pour mieux entendre en lui l’instrument des tristes et l’accent de la superstition quand ils parlent de l’avenir (leur histoire est sans écriture et sans roi, leur voix est en souffrance dans les voyelles trop fermées de l’alphabet).
[...]
(Bois dormant)
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C'est pour déchiffrer cette écriture qu'on prétendait sacrée, c'est pour admettre en fin de compte que l'image d'un vautour, d'une chouette ou d'une vipère à cornes note un son de la voix humaine autant qu'elle semble imiter la nature, mais c'est pour la joie de reconnaître un lion dans le nom de Cléopâtre, que Champollion entreprend avec méthode ( "ni charlatanerie ni mysticité", affirmera-t-il par la suite) d'apprendre l'arabe et l'hébreu à l'âge où l'on cultive plutôt son ennui devant des versions latines, et de lire Hérodote en tâchant de démêler le vrai du faux.
Avec la même obstination il ira suivre à Paris les cours du Collège de France, pour parler très vite d'égal à égal avec des professeurs qui ne lui en sauront pas toujours gré; avec le même amour il ira entendre la messe en copte, il examinera à la loupe de mauvaises copies de la pierre de Rosette, il s'évanouira d'émotion devant son frère quand il sera bien sûr d'avoir trouvé, boira enfin l'eau du Nil avant de revenir malade sur les bords de la Seine, à bout de forces alors qu'il n'a pas quarante ans.
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Des ailes de géant

Le vitrier qui passe encore dans ma rue me rappelle la voix de diamant de Mallarmé, son quatrain des « Chansons bas » devenu ambulant et sonore. La voix n’est plus la même, capable au siècle dernier de lancer son cri en donnant l’accord en fa mineur, ou de remonter la gamme par des quarts de ton avant de couper l’air comme on coupe un carreau, mais cet appel entre la parole et le chant me ramène en pensée vers le chemin couvert de neige où la mémoire m’a frôlé de son aile, puis devant le cadavre des bêtes en été, et dans une cour d’école où je jouais avec des osselets.
À travers les ailes transparentes et fragiles du vitrier (des ailes qui ne l’empêchent pas de marcher), je vois aujourd’hui une silhouette ambiguë : dans l’ombre, celle d’un homme qui porte sur son dos le cercueil de son père, et qui fait le tour de la ville pour lui trouver une sépulture ; dans la lumière celle d’un homme qui porte une armoire, comme le colporteur qui de village en village, en même temps que la bonne parole et les dernières nouvelles, portait autrefois des lacets, des miroirs, des almanachs, – tout un bric-à-brac où voisinaient la mercerie et les brochures illustrées.

[...]
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Au moment de mourir je laisserai la main dans le livre des vieux mots la main refermée sur les moineaux mobiles accouplés depuis toujours dans la volière de mon crâne au ciel souterrain les moineaux retournés à la chair qui roucouleront le sens dont le baiser me lèche mais les moineaux je les entends comme alouette ou miroir aux mouettes alors revient le peur de mille mensonges en si peu de mots seraient-ils les seuls moteurs de l’horloge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Les paroles remontent comme des bulles…



Les paroles remontent comme des bulles :
du fond de quel lac
où flotte le cœur entre deux eaux ?

Le cœur et les viscères,
les poulpes et les polypes,
dans un marigot où prolifèrent
des espèces rescapées de l’ère prénatale
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Des ombres qui appellent…



Des ombres qui appellent
et d’autres qui répondent

Une table et deux chaises
où ne sont plus mes parents
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La lune en plein jour…



La lune en plein jour
qui se souvient de la nuit

Dans les miroirs,
le temps qui passe et l’eau qui gèle
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Une porte à tambour…



Une porte à tambour
pour entrer dans les rêves

L’esprit toujours léger
mais l’inquiétude au cœur
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C’est au roi de la nuit
que je parle du monde en cherchant le sommeil.
Je lui raconte nos fleuves empoisonnés,
la noirceur de nos usines et la splendeur des nuages
qui se font et se défont en jouant dans les airs,
comme les baleines dans les vagues et les éléphants de
mer.

C’est au roi de la nuit
que je raconte le monde, à ce roi en exil
quand le jour se lève, et qui craint davantage
les nuits de pleine lune que les démons de midi.
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BILLARD. TÉLÉPHONE.



Des lettres en relief, sur la vitre des cafés
où l’on consultait autrefois l’annuaire,
pendant que le hasard sur tapis vert
préparait ses carambolages en calculant
sa vitesse et ses trajectoires.

Est-ce à cause du marc ou de la sciure
qu’on répandait sur le parquet
pour balayer les restes du jour ?
Des conversations autour du comptoir
où les attardés devant leur verre
essayaient de tenir debout,
malgré le monde qui va de travers ?

C’est plus sûrement à cause de la boule
imitant le cristal, en bas de l’escalier,
que me revient déformée cette fausse promesse :

ICI ON CONSULTE LE DESTIN
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Gérard Macé
Promesse…



Promesse, la réalité qui naît de la parole.
Promesse, l’écharpe rouge de la passante
et le gilet brodé du singe savant.
Promesse, la table tournante et le miroir
qui permet de traverser les apparences.
Promesse, la boîte à double fond
sur laquelle se penche un homme
en frac et chapeau melon.
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Gérard Macé
Quarante ans après, on se dit que l’enthousiasme est bien retombé ; que la poésie contemporaine, par rapport au tableau qu’en faisait Gabriel Bounoure est devenu un paysage désolé, au-dessus duquel flotte, comme un nuage qui ne veut pas crever, l’affreux supplément d’âme. .../... A l’arbitraire et la joliesse de l’image cultivée pour elle-même, à la logorrhée d’inspiration surréaliste se sont ajoutés des mystères faciles et des fureurs fabriquées, des prétentions philosophiques, l’éloge du silence et la glossolalie, l’artifice de mise en pages qui servent souvent de cache-misère, une découpe syntaxique tenant lieu de prosodie, la disparition du chant qui fait de tant de poèmes un dialecte torturé, traduit par des sourds ; sans parler de l’élégie frileuse et du vers libre qui ronronne, nouvelle académie qui rappelle les jeux floraux d’autrefois ou les clubs de haï-ku dans le Japon d’aujourd’hui. Sous respiration artificielle, la poésie est devenue un refuge et un passe-temps, qui vit de subventions, de colloques et d’hommages réciproques, de lectures publiques dans lesquelles Leopardi, des siècles après Martial, voyait « un tourment supplémentaire infligé à l’humanité »... Bref, la poésie est une infante défunte, autour de laquelle on se pavane en attendant sa résurrection.
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La poésie, c’est-à-dire le mystère qui se lit aussi bien sur un visage humain qu’entre les lignes d’un poème.
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Gérard Macé
Je voudrais m’endormir


dans un delta. Dans le triangle au tracé tremblant
dessiné par l’eau de la rivière, qui coule en pente douce
et devient une déesse aux mille bras, puis disparaît
dans le goût saumâtre du néant.

Je voudrais m’endormir dans un delta
sans savoir ce que veut dire
cette phrase surgie de nulle part,
à moins qu’elle ne rappelle une jeune géante
dont les jambes s’ouvriraient pour moi.
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Quant à l'oiseau avec toutes ses voyelles qui le rendent plus léger que l'air, qui oserait prétendre qu'il n'est pas fait pour voler ?
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(...) et c'est souvent après coup que le poète découvre ce qu'il avait à dire.
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Tout le monde pense, les poètes aussi.
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Il faut rappeler sans cesse, à propos de l'Afrique, la distinction que fait Cingria entre les peuples-avancés- et les peuples-civilisés", autrement dit entre la technique, le confort, les inventions de toutes sortes, et le progrès moral ou le raffinement des moeurs. s'il faut le rappeler, c'est qu'aujourd'hui encore, pour un grand nombre de gens, et même de bons esprits, la pauvreté est l'indice d'une arriération vis-à-vis de l'histoire, d'une infériorité du point de vue de la civilisation. ( p. 21)
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