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Citations de Gérard de Nerval (508)


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Le ballet des heures

Les heures sont des fleurs l’une après l’autre écloses
Dans l’éternel hymen de la nuit et du jour ;
Il faut donc les cueillir comme on cueille les roses
Et ne les donner qu’à l’amour.
Ainsi que de l’éclair, rien ne reste de l’heure,
Qu’au néant destructeur le temps vient de donner ;
Dans son rapide vol embrassez la meilleure,
Toujours celle qui va sonner.
Et retenez-la bien au gré de votre envie,
Comme le seul instant que votre âme rêva ;
Comme si le bonheur de la plus longue vie
Était dans l’heure qui s’en va.
Vous trouverez toujours, depuis l’heure première
Jusqu’à l’heure de nuit qui parle douze fois,
Les vignes, sur les monts, inondés de lumière,
Les myrtes à l’ombre des bois.
Aimez, buvez, le reste est plein de choses vaines ;
Le vin, ce sang nouveau, sur la lèvre versé,
Rajeunit l’autre sang qui vieillit dans vos veines
Et donne l’oubli du passé.
Que l’heure de l’amour d’une autre soit suivie,
Savourez le regard qui vient de la beauté ;
Être seul, c’est la mort ! Être deux, c’est la vie !
L’amour c’est l’immortalité !

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Gérard de Nerval
Le relais

En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L’œil fatigué de voir et le corps engourdi.

Et voici tout à coup, silencieuse et verte,
Une vallée humide et de lilas couverte,
Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, –
Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !

On se couche dans l’herbe et l’on s’écoute vivre,
De l’odeur du foin vert à loisir on s’enivre,
Et sans penser à rien on regarde les cieux…
Hélas ! une voix crie : « En voiture, messieurs ! »
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Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible.
(Incipit)
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Gérard de Nerval
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé.
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J'étais le seul garçon dans cette ronde, où j'avais amené ma compagne toute jeune encore, Sylvie, une petite fille du hameau voisin, si vive et si fraîche, avec ses yeux noirs, son profil régulier et sa peau légèrement hâlée !... Je n'aimais qu'elle, je ne voyais qu'elle, − jusque-là ! A peine avais-je remarqué, dans la ronde où nous dansions, une blonde, grande et belle, qu'on appelait Adrienne. Tout d'un coup, suivant les règles de la danse, Adrienne se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle. Nos tailles étaient pareilles. On nous dit de nous embrasser, et la danse et le chœur tournaient plus vivement que jamais. En lui donnant ce baiser, je ne pus m'empêcher de lui presser la main. Les longs anneaux roulés de ses cheveux d'or effleuraient mes joues. De ce moment, un trouble inconnu s'empara de moi. − La belle devait chanter pour avoir le droit de rentrer dans la danse. On s'assit autour d'elle, et aussitôt, d'une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée, comme celle des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie et d'amour, qui racontent toujours les malheurs d'une princesse enfermée dans sa tour par la volonté d'un père qui la punit d'avoir aimé. La mélodie se terminait à chaque stance par ces trilles chevrotants que font valoir si bien les voix jeunes, quand elles imitent par un frisson modulé la voix tremblante des aïeules.
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Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux insoucieux et tendre,
Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre.
Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait.

C'était la Mort ! Alors il la pria d'attendre
Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet ;
Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

Il était paresseux, à ce que dit l'histoire,
Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu.

Et quand vint le moment où, las de cette vie,
Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie,
Il s'en alla disant : Pourquoi suis-je venu ?
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Respecte dans la bête un esprit agissant :
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose ;
« Tout est sensible ! » Et tout sur ton être est puissant.
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J’avais quitté la proie pour l’ombre… comme toujours !
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Je vous envoie les trois âges du poète ; il n’y a plus en moi qu’un prosateur obstiné. J’ai fait les premiers vers par enthousiasme de jeunesse, les seconds par amour, les derniers par désespoir. La Muse est entrée dans mon cœur comme une déesse aux paroles dorées ; elle s’en est échappée comme une pythie en jetant des cris de douleur. Seulement, ses derniers accents se sont adoucis à mesure qu’elle s’éloignait. Elle s’est détournée un instant, et j’ai revu comme en un mirage les traits adorés d’autrefois !

La vie d’un poète est celle de tous. Il est inutile d’en définir toutes les phases.
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Nous vivions alors dans une époque étrange, comme celles qui d’ordinaire succèdent aux révolutions ou aux abaissements des grands règnes. Ce n’était plus la galanterie héroïque comme sous la Fronde, le vice élégant et paré comme sous la Régence, le scepticisme et les folles orgies du Directoire ; c’était un mélange d’activité, d’hésitation et de paresse, d’utopies brillantes, d’aspirations philosophiques ou religieuses, d’enthousiasmes vagues, mêlés de certains instincts de renaissance ; d’ennuis des discordes passées, d’espoirs incertains, — quelque chose comme l’époque de Pérégrinus et d’Apulée. L’homme matériel aspirait au bouquet de roses qui devait le régénérer par les mains de la belle Isis ; la déesse éternellement jeune et pure nous apparaissait dans les nuits, et nous faisait honte de nos heures de jour perdues. L’ambition n’était cependant pas de notre âge, et l’avide curée qui se faisait alors des positions et des honneurs nous éloignait des sphères d’activité possibles. Il ne nous restait pour asile que cette tour d’ivoire des poètes, où nous montions toujours plus haut pour nous isoler de la foule. À ces points élevés où nous guidaient nos maîtres, nous respirions enfin l’air pur des solitudes, nous buvions l’oubli dans la coupe d’or des légendes, nous étions ivres de poésie et d’amour. Amour, hélas ! des formes vagues, des teintes roses et bleues, des fantômes métaphysiques ! Vue de près, la femme réelle révoltait notre ingénuité ; il fallait qu’elle apparût reine ou déesse, et surtout n’en pas approcher. (Sylvie - Les filles du feu)
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— L’état dans lequel vous vous trouvez est le symbole de celui où vous êtes dans la société. Si les hommes vous éloignent de leurs mystères, de leurs projets, c’est qu’ils veulent vous tenir à jamais dans la dépendance. Dans toutes les parties du monde la femme est leur première esclave, depuis le sérail où un despote enferme cinq cents d’entre nous, jusque dans ces climats sauvages où nous n’osons nous asseoir à côté d’un époux chasseur !… nous sommes des victimes sacrifiées dès l’enfance à des dieux cruels. Si, brisant ce joug honteux, nous concertions aussi nos projets, bientôt vous verriez ce sexe orgueilleux ramper et mendier vos faveurs. Laissons-les faire leurs guerres meurtrières ou débrouiller le chaos de leurs lois, mais chargeons-nous de gouverner l’opinion, d’épurer les mœurs, de cultiver l’esprit, d’entretenir la délicatesse, de diminuer le nombre des infortunes. Ces soins valent bien ceux de dresser des automates, ou de prononcer sur de ridicules querelles. Si l’une d’entre vous a quelque chose à opposer, qu’elle s’explique librement.

Une acclamation générale suivit ce discours. (CAGLIOSTRO - Les illuminés)
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— Oh ! mon Dieu ! on le voit bien, vous êtes un poète !
— Tu l’as dit. Nous ne vivons pas, nous ! nous analysons la vie !… Les autres créatures sont nos jouets éternels… et elles s’en vengent bien aussi ! Amitié, amour, qu’est cela ? Suis-je bien sûr moi-même d’avoir aimé ? Les images du jour sont pour moi comme les visions de la nuit ! Malheur à qui pénètre dans mon rêve éternel sans être une image impalpable !… Comme le peintre, froid à tout ce qui l’entoure, et qui trace avec calme le spectacle d’une bataille ou d’une tempête, nous ne voyons partout que des modèles à décrire, des passions à rendre, et tous ceux qui se mêlent à notre vie sont victimes de notre égoïsme, comme nous le sommes de notre imagination ! (Les confidences de Nicolas - Les illuminés)
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La vie insoucieuse et frivole que Nicolas menait à Paris ne lui avait pas été cachée, et jeta sans doute bien de l’amertume sur ses derniers instants. Nicolas, né avec tous les instincts du bien, mais toujours entraîné au mal par le défaut de principes solides, écrivait plus tard, en songeant à cette époque de sa vie : « Les mœurs sont un collier de perles ; ôtez le nœud, tout défile. » (Les confidences de Nicolas - Les illuminés)
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Religion ou philosophie, tout indique à l'homme ce culte éternel des souvenirs.
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II

LE CHÂTEAU DE SAINT-GERMAIN

J’ai parcouru les quartiers de Paris qui correspondent à mes relations, et n’ai rien trouvé qu’à des prix impossibles, augmentés par les conditions que formulent les concierges. Ayant rencontré un seul logement au-dessous de trois cents francs, on m’a demandé si j’avais un état pour lequel il fallût du jour. — J’ai répondu, je crois, qu’il m’en fallait pour l’état de ma santé.

— C’est, m’a dit le concierge, que la fenêtre de la chambre s’ouvre sur un corridor qui n’est pas bien clair.

Je n’ai pas voulu en savoir davantage, et j’ai même négligé une cave à louer, me souvenant d’avoir vu à Londres cette même inscription, suivie de ces mots : « Pour un gentleman seul. »

Je me suis dit :

— Pourquoi ne pas aller demeurer à Versailles ou à Saint-Germain ? La banlieue est encore plus chère que Paris ; mais, en prenant un abonnement du chemin de fer, on peut sans doute trouver des logements dans la plus déserte ou dans la plus abandonnée de ces deux villes. En réalité, qu’est-ce qu’une demi-heure de chemin de fer, le matin et le soir ? On a là les ressources d’une cité, et l’on est presque à la campagne. Vous vous trouvez logé par le fait rue Saint-Lazare, n° 130. Le trajet n’offre que de l’agrément, et n’équivaut jamais, comme ennui ou comme fatigue, une course d’omnibus.

Je me suis trouvé très-heureux de cette idée, et j’ai choisi Saint-Germain, qui est pour moi une ville de souvenirs. Quel voyage charmant ! Asnières, Chatou, Nanterre et le Pecq ; la Seine trois fois repliée, des points de vue d’îles vertes, de plaines, de bois, de chalets et de villas ; à droite, les coteaux de Colombes, d’Argenteuil et de Carrières ; à gauche, le mont Valérien, Bougival, Luciennes et Marly ; puis la plus belle perspective du monde : la terrasse et les vieilles galeries du château de Henri IV, couronnées par le profil sévère du château de François Ier. J’ai toujours aimé ce château bizarre, qui, sur le plan, a la forme d’un D gothique, en l’honneur, dit-on, du nom de la belle Diane. — Je regrette seulement de n’y pas voir ces grands toits écaillés d’ardoises, ces clochetons à jour où se déroulaient des escaliers en spirale, ces hautes fenêtres sculptées s’élançant d’un fouillis de toits anguleux qui caractérisent l’architecture valoise. Des maçons ont défiguré, sous Louis XVIII, la face qui regarde le parterre. Depuis, l’on a transformé ce monument en pénitencier, et l’on a déshonoré l’aspect des fossés et des ponts antiques par une enceinte de murailles couvertes d’affiches. Les hautes fenêtres et les balcons dorés, les terrasses où ont paru tour à tour les beautés blondes de la cour des Valois et de la cour des Stuarts, les galants chevaliers des Médicis et les Écossais fidèles de Marie Stuart et du roi Jacques, n’ont jamais été restaurés ; il n’en reste rien que le noble dessin des baies, des tours et des façades, que cet étrange contraste de la brique et de l’ardoise, s’éclairant des feux du soir ou des reflets argentés de la nuit, et cet aspect moitié galant, moitié guerrier, d’un château fort qui, en dedans, contenait un palais splendide dressé sur un montagne, entre une vallée boisée où serpente un fleuve et un parterre qui se dessine sur la lisière d’une vaste forêt.

Je revenais là, comme Ravenswood au château de ses pères ; j’avais eu des parents parmi les hôtes de ce château, — il y a vingt ans déjà ; — d’autres, habitants de la ville ; en tout, quatre tombeaux… Il se mêlait encore à ces impressions de souvenir d’amour et de fêtes remontant à l’époque des Bourbons ; — de sorte que je fus tout à tour heureux et triste tout un soir !

Un incident vulgaire vint m’arracher à la poésie de ces rêves de jeunesse. La nuit étant venue, après avoir parcouru les rues et les places, et salué des demeures aimées jadis, donné un dernier coup d’œil aux côtes de l’étang de Mareil et de Chambourcy, je m’étais enfin reposé dans un café qui donne sur la place du Marché. On me servit une chope de bière. Il y avait au fond trois cloportes ; — un homme qui a vécu en Orient est incapable de s’affecter d’un pareil détail.

— Garçon ! dis-je, il est possible que j’aime les cloportes ; mais, une autre fois, si j’en demande, je désirerais qu’on me les servît à part.

Le mot n’était pas neuf, s’étant déjà appliqué à des cheveux servis sur une omelette ; mais il pouvait encore être goûté à Saint-Germain. Les habitués, bouchers ou conducteurs de bestiaux, le trouvèrent agréable.

Le garçon me répondit imperturbablement :

— Monsieur, cela ne doit pas vous étonner ; on fait en ce moment des réparations au château, et ces insectes se réfugient dans les maisons de la ville. Ils aiment beaucoup la bière et y trouvent leur tombeau.

— Garçon, lui dis-je, vous êtes plus beau que nature ; et votre conversation me séduit… Mais est-il vrai que l’on fasse des réparations au château ?

— Monsieur vient d’en être convaincu.

— Convaincu, grâce à votre raisonnement ; mais êtes-vous sûr du fait en lui-même ?

— Les journaux en ont parlé.

Absent de France pendant longtemps, je ne pouvais contester ce témoignage. Le lendemain, je me rendis au château pour voir où en était la restauration. Le sergent-concierge me dit, avec un sourire qui n’appartient qu’à un militaire de ce grade :

— Monsieur, seulement pour raffermir les fondations du château, il faudrait neuf millions ; les apportez-vous ?

Je suis habitué à ne m’étonner de rien.

— Je ne les ai pas sur moi, observai-je ; mais cela pourrait encore se trouver !

— Eh bien, dit-il, quand vous les apporterez, nous vous ferons voir le château.

J’étais piqué ; ce qui me fit retourner à Saint-Germain deux jours après. J’avais trouvé l’idée.

— Pourquoi, me disais-je, ne pas faire une souscription ? La France est pauvre ; mais il viendra beaucoup d’Anglais l’année prochaine pour l’exposition des Champs-Élysées. Il est impossible qu’ils ne nous aident pas à sauver de la destruction un château qui a hébergé plusieurs générations de leurs reines et de leurs rois. Toutes les familles jacobites y ont passé. — La ville encore est à moitié pleine d’Anglais ; j’ai chanté tout enfant les chansons du roi Jacques et pleuré Marie Stuart en déclamant les vers de Ronsard et de du Bellay… La race des king-charles emplit les rues comme une preuve vivante encore des affections de tant de races disparues… Non ! me dis-je, les Anglais ne refuseront pas de s’associer à une souscription doublement nationale. Si nous contribuons par des monacos, ils trouveront bien des couronnes et des guinées !

Fort de cette combinaison, je suis allé la soumettre aux habitués du café du Marché. Ils l’ont accueillie avec enthousiasme, et, quand j’ai demandé une chope de bière sans cloportes, le garçon m’a dit :

— Oh ! non, monsieur, plus aujourd’hui !

Au château, je me suis présenté la tête haute. Le sergent m’a introduit au corps de garde, où j’ai développé mon idée avec succès, et le commandant, qu’on a averti, a bien voulu permettre que l’on me fît voir la chapelle et les appartements des Stuarts, fermés aux simples curieux. Ces derniers sont dans un triste état, et, quant aux galeries, aux salles antiques et aux chambres des Médicis, il est impossible de les reconnaître depuis des siècles, grâce aux sculptures, aux maçonneries et aux faux plafonds qui ont approprié ce château aux gouvernances militaires.

Que la cour est belle, pourtant ! ces profils sculptés, ces arceaux, ces galeries chevaleresques, l’irrégularité même du plan, la teinte rouge des façades, tout cela fait rêver aux châteaux d’Écosse et d’Irlande, à Walter Scott et à Byron. On a tant fait pour Versailles et tant pour Fontainebleau. Pourquoi donc ne pas relever ce débris précieux de notre histoire ? La malédiction de Catherine de Médicis, jalouse du monument construit en l’honneur de Diane, s’est continuée sous les Bourbons. Louis XIV craignait de voir la flèche de Saint Denis ; ses successeurs ont tout fait pour Saint-Cloud et Versailles. Aujourd’hui, Saint-Germain attend encore le résultat d’une promesse que la guerre a peut-être empêché de réaliser.
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I

LA BUTTE MONTMARTRE

Il est véritablement difficile de trouver à se loger dans Paris. Je n’en ai jamais été si convaincu que depuis deux mois. Arrivé d’Allemagne, après un court séjour dans une ville de la banlieue, je me suis cherché un domicile plus assuré que les précédents, dont l’un se trouvait sur la place du Louvre et l’autre dans la rue du Mail. Je ne remonte qu’à six années. Évincé du premier avec vingt francs de dédommagement, que j’ai négligé, je ne sais pourquoi, d’aller toucher à la Ville, j’avais trouvé dans le second ce qu’on ne trouve plus guère au centre de Paris : une vue sur deux ou trois arbres occupant un certain espace, qui permet à la fois de respirer et de se délasser l’esprit en regardant autre chose qu’un échiquier de fenêtres noires, où de jolies figures n’apparaissent que par exception. Je respecte la vie intime de mes voisins, et ne suis pas de ceux qui examinent avec des longues-vues le galbe d’une femme qui se couche, ou surprennent à l’œil nu les silhouettes particulières aux incidents et accidents de la vie conjugale. J’aime mieux tel horizon « à souhait pour le plaisir des yeux », comme dirait Fénelon, où l’on peut jouir, soit d’un lever, soit d’un coucher de soleil, mais plus particulièrement du lever. Le coucher ne m’embarrasse guère : je suis sûr de le rencontrer partout ailleurs que chez moi. Pour le lever, c’est différent : j’aime à voir le soleil découper des angles sur les murs, à entendre au dehors des gazouillements d’oiseaux, fût-ce de simples moineaux francs… Grétry offrait un louis pour entendre une chanterelle, je donnerais vingt francs pour un merle ; les vingt francs que la ville de Paris me doit encore !

J’ai longtemps habité Montmartre ; on y jouit d’un air très-pur, de perspectives variées, et l’on y découvre des horizons magnifiques, soit « qu’ayant été vertueux, l’on aime à voir lever l’aurore », qui est très-belle du côté de Paris, soit qu’avec des goûts moins simples, on préfère ces teintes pourprées du couchant, où les nuages déchiquetés et flottants peignent des tableaux de bataille et de transfiguration au-dessus du grand cimetière, entre l’arc de l’Étoile et les coteaux bleuâtres qui vont d’Argenteuil à Pontoise. Les maisons nouvelles s’avancent toujours, comme la mer diluvienne qui a baigné les flancs de l’antique montagne, gagnant peu à peu les retraites où s’étaient réfugiés les monstres informes reconnus depuis par Cuvier. Attaqué d’un côté par la rue de l’Empereur, de l’autre par la mairie, qui sape les âpres montées et abaisse les hauteurs du versant de Paris, le vieux mont de Mars aura bien bientôt le sort de la butte des Moulins, qui, au siècle dernier, ne montrait guère un front moins superbe. Cependant, il nous reste encore un certain nombre de coteaux ceints d’épaisses haies vertes, que l’épine-vinette décore tour à tour de ses fleurs violettes et de ses baies pourprées.

Il y a là des moulins, des cabarets et des tonnelles, des élysées champêtres et des ruelles silencieuses, bordées de chaumières, de granges et de jardins touffus, des plaines vertes coupées de précipices, où les sources filtrent dans la glaise, détachant peu à peu certains îlots de verdure où s’ébattent des chèvres, qui broutent l’acanthe suspendue aux rochers ; des petites filles à l’œil fier, au pied montagnard, les surveillent en jouant entre elles. On rencontre même une vigne, la dernière du cru célèbre de Montmartre, qui luttait, du temps des Romains, avec Argenteuil et Suresnes. Chaque année, cet humble coteau perd une rangée de ses ceps rabougris, qui tombent dans une carrière. Il y a dix ans, j’aurais pu l’acquérir au prix de trois mille francs… On en demande aujourd’hui trente mille. C’est le plus beau point de vue des environs de Paris.

Ce qui me séduisait dans ce petit espace abrité par les grands arbres du Château des Brouillards, c’était d’abord ce reste de vignoble lié au souvenir de saint Denis, qui, au point de vue des philosophes, était peut-être le second Bacchus, Διονύσιος, et qui a eu trois corps dont l’un a été enterré à Montmartre, le second à Ratisbonne et le troisième à Corinthe. C’était ensuite le voisinage de l’abreuvoir, qui, le soir, s’anime du spectacle de chevaux et de chiens que l’on y baigne, et d’une fontaine construite dans le goût antique, où les laveuses causent et chantent comme dans un des premiers chapitres de Werther. Avec un bas-relief consacré à Diane et peut-être deux figures de naïades sculptées en demi-bosse, on obtiendrait, à l’ombre des vieux tilleuls qui se penchent sur le monument, un admirable lieu de retraite, silencieux ses heures, et qui rappellerait certains points d’étude de la campagne romaine. Au-dessus se dessine et serpente la rue des Brouillards, qui descend vers le chemin des Bœufs, puis le jardin du restaurant Gaucher, avec ses kiosques, ses lanternes et ses statues peintes… La plaine Saint-Denis a des lignes admirables, bornées par les coteaux de Saint-Ouen et de Montmorency, avec des reflets de soleil ou des nuages qui varient à chaque heure du jour. À droite est une rangée de maisons, la plupart fermées pour cause de craquements dans les murs. C’est ce qui assure la solitude relative de ce site ; car les chevaux et les bœufs qui passent, et même les laveuses, ne troublent pas les méditations d’un sage, et même s’y associent. La vie bourgeoise, ses intérêts et ses relations vulgaires, lui donnent seuls l’idée de s’éloigner le plus possible des grands centres d’activité.

Il y a à gauche de vastes terrains, recouvrant l’emplacement d’une carrière éboulée, que la commune a concédés à des hommes industrieux qui en ont transformé l’aspect. Ils ont planté des arbres, créé des champs où verdissent la pomme de terre et la betterave, où l’asperge montée étalait naguère ses panaches verts décorés de perles rouges.

On descend le chemin et l’on tourne gauche. Là sont encore deux ou trois collines vertes, entaillées par une route qui plus loin comble des ravins profonds, et qui tend à joindre un jour la rue de l’Empereur entre les buttes et le cimetière. On rencontre là un hameau qui sent fortement la campagne, et qui a renoncé depuis trois ans aux travaux malsains d’un atelier de poudrette. — Aujourd’hui, l’on y travaille les résidus des fabriques de bougies stéariques. — Que d’artistes repoussés du prix de Rome sont venus sur ce point étudier la campagne romaine et l’aspect des marais Pontins ! Il y reste même un marais animé par des canards, des oisons et des poules.

Il n’est pas rare aussi d’y trouver des haillons pittoresques sur les épaules des travailleurs. Les collines, fendues çà et là, accusent le tassement du terrain sur d’anciennes carrières ; mais rien n’est plus beau que l’aspect de la grande butte, quand le soleil éclaire ses terrains d’ocre rouge veinés de plâtre et de glaise, ses roches dénudées et quelques bouquets d’arbres encore assez touffus, où serpentent des ravins et des sentiers.

La plupart des terrains et des maisons éparses de cette petite vallée appartiennent à de vieux propriétaires, qui ont calculé sur l’embarras des Parisiens à se créer de nouvelles demeures et sur la tendance qu’ont les maisons du quartier Montmartre à envahir, dans un temps donné, la plaine Saint-Denis. C’est une écluse qui arrête le torrent ; quand elle s’ouvrira, le terrain vaudra cher. — Je regrette d’autant plus d’avoir hésité, il y a dix ans, à donner trois mille francs du dernier vignoble de Montmartre.

Il n’y faut plus penser. Je ne serai jamais propriétaire : et pourtant que de fois, au 8 ou au 15 de chaque trimestre (près de Paris, du moins), j’ai chanté le refrain de M. Vautour :



Quand on n’a pas de quoi payer son terme…


J’aurais fait faire dans cette vigne une construction si légère !… Une petite villa dans le goût de Pompéi avec un impluvium et une cella, quelque chose comme la maison du poète tragique. Le pauvre Laviron, mort depuis sur les murs de Rome, m’en avait dessiné le plan. — À dire le vrai pourtant, il n’y a pas de propriétaires aux buttes de Montmartre. On ne peut asseoir légalement une propriété sur des terrains minés par des cavités peuplées dans leurs parois de mammouths et de mastodontes. La commune concède un droit de possession qui s’éteint au bout de cent ans… On est campé comme les Turcs ; et les doctrines les plus avancées auraient peine à contester un droit si fugitif où l’hérédité ne peut longuement s’établir[1].
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X

Nuit profonde ! où suis-je ? Au cachot.

Imprudent ! voilà pourtant où t’a conduit la lecture de l’article anglais intitulé la Clef de la rue… Tâche maintenant de découvrir la clef des champs !

La serrure a grincé, les barres ont résonné. Le geôlier m’a demandé si j’avais bien dormi :

— Très-bien ! très-bien !

Il faut être poli.

— Comment sort-on d’ici ?

— On écrira à Paris, et, si les renseignements sont favorables, au bout de trois ou quatre jours…

— Est-ce que je pourrais causer avec un gendarme ?

— Le vôtre viendra tout à l’heure.

Le gendarme, quand il entra, me parut un dieu. Il me dit :

— Vous avez de la chance.

— En quoi ?

— C’est aujourd’hui jour de correspondance avec Senlis, vous pourrez paraître devant le substitut. Allons, levez-vous.

— Et comment va-t-on à Senlis ?

— À pied ; cinq lieues, ce n’est rien.

— Oui mais s’il pleut…, entre deux gendarmes, sur des routes détrempées…

— Vous pouvez prendre une voiture.

Il m’a bien fallu prendre une voiture. Une petite affaire de onze francs ; deux francs à la pistole ; — en tout, treize. — Ô fatalité !

Du reste, les deux gendarmes étaient très-aimables, et je me suis mis fort bien avec eux sur la route en leur racontant les combats qui avaient eu lieu dans ce pays du temps de la Ligue. En arrivant en vue de la tour de Montépilloy, mon récit devint pathétique, je peignis la bataille, j’énumérai les escadrons de gens d’armes qui reposaient sous les sillons ; — ils s’arrêtèrent cinq minutes à contempler la tour, et je leur expliquai ce que c’était qu’un château fort de ce temps-là.

Histoire ! archéologie ! philosophie ! Vous êtes donc bonnes à quelque chose.

Il fallut monter à pied au village de Montépilloy, situé dans un bouquet de bois. Là, mes deux braves gendarmes de Crespy m’ont remis aux mains de ceux de Senlis, et leur ont dit :

— Il a pour deux jours de pain dans le coffre de la voiture.

— Si vous voulez déjeuner ? m’a-t-on dit avec bienveillance.

— Pardon, je suis comme les Anglais, je mange très-peu de pain.

— Oh ! l’on s’y fait.

Les nouveaux gendarmes semblaient moins aimables que les autres, l’un d’eux me dit :

— Nous avons encore une petite formalité à remplir.

Il m’attacha des chaînes comme à un héros de l’Ambigu, et ferma les fers avec deux cadenas.

— Tiens, dis-je, pourquoi ne m’a-t-on mis des fers qu’ici ?

— Parce que les gendarmes étaient avec vous dans la voiture, et que nous, nous sommes à cheval.

Arrivés à Senlis, nous allâmes chez le substitut, et, étant connu dans la ville, je fus relâché tout de suite. L’un des gendarmes m’a dit :

— Cela vous apprrendra à oublier votrre passe-porrt une autre fois quand vous sorrtirrez de votrre déparrtement.

Avis au lecteur. — J’étais dans mon tort… Le substitut a été fort poli, ainsi que tout le monde. Je ne trouve de trop que le cachot et les fers. Ceci n’est pas une critique de ce qui se passe aujourd’hui. Cela s’est toujours fait ainsi. Je ne raconte cette aventure que pour demander que, comme pour d’autres choses, on tente un progrès sur ce point. — Si je n’avais pas parcouru la moitié du monde, et vécu avec les Arabes, les Grecs, les Persans, dans les khans des caravansérails et sous les tentes, j’aurais eu peut-être un sommeil plus troublé encore, et un réveil plus triste, pendant ce simple épisode d’un voyage de Meaux à Creil.

Il est inutile de dire que je suis arrivé trop tard pour la chasse à la loutre. Mon ami le limonadier, après sa chasse, était parti pour Clermont afin d’assister à un enterrement. Sa femme m’a montré la loutre empaillée, et complétant une collection de bêtes et d’oiseaux du Valois, qu’il espère vendre à quelque Anglais.

Voilà l’histoire fidèle de trois nuits d’octobre, qui m’ont corrigé des excès d’un réalisme trop absolu ; — j’ai du moins tout lieu de l’espérer.

Loges
Ο μή όράων, aveugle.
Fils de maître, selon les termes du compagnonnage.
Sois fort et hardi ; on ne descend ici que par de tels escaliers.
Ceci est un chapitre dans le goût allemand. Les gnomes sont de petits êtres appartenant à la classe des esprits de la terre, qui sont attachés au service de l’homme, ou du moins que leur sympathie conduit parfois à être utile (Voir les légendes recueillies par Simrock.)
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XXV

AUTRE RÊVE

J’eus à peine deux heures d’un sommeil tourmenté ; je ne revis pas les petits gnomes bienfaisants ; ces êtres panthéistes, éclos sur le sol germain, m’avaient totalement abandonné. En revanche, je comparaissais devant un tribunal, qui se dessinait au fond d’une ombre épaisse, imprégnée au bas d’une poussière scolastique.

Le président avait un faux air de M. Nisard ; les deux assesseurs ressemblaient à M. Cousin et à M. Guizot, mes anciens maîtres. Je ne passais plus comme autrefois devant eux mon examen en Sorbonne. J’allais subir une condamnation capitale.

Sur une table étaient étendus plusieurs numéros de Magazines anglais et américains, et une foule de livraisons illustrées à jour et à six pence, où apparaissaient vaguement les noms d’Edgar Poe, de Dickens, d’Ainsworth, etc., et trois figures pâles et maigres se dressaient à droite du tribunal, drapées de thèses en latin imprimées sur satin, où je crus distinguer ces noms : Sapientia, Ethica, Grammatica. Les trois spectres accusateurs me jetaient ces mots méprisants :

— Fantaisiste ! réaliste !! essayste !!!

Je saisis quelques phrases de l’accusation formulée à l’aide d’un organe qui semblait être celui de M. Patin :

— Du réalisme au crime, il n’y a qu’un pas ; car le crime est essentiellement réaliste. Le fantaisisme conduit tout droit à l’adoration des monstres. L’essaysme amène ce faux esprit à pourrir sur la paille humide des cachots. On commence par visiter Paul Niquet, — on en vient à adorer une femme à cornes et à chevelure de mérinos, on finit par se faire arrêter à Crespy pour cause de vagabondage et de troubadourisme exagéré !….

J’essayai de répondre : j’invoquai Lucien, Rabelais, Érasme et autres fantaisistes classiques. Je sentis alors que je devenais prétentieux.

Alors, je m’écriai en pleurant :

— Confiteor ! plangior ! juro !… — Je jure de renoncer à ces œuvres maudites par la Sorbonne et par l’Institut : je n’écrirai plus que de l’histoire, de la philosophie, de la philologie et de la statistique… On semble en douter ?… Eh bien, je ferai des romans vertueux et champêtres, je viserai au prix de poésie, de morale ; je ferai des livres contre l’esclavage et pour les enfants, des poëmes didactiques… des tragédies ! — Des tragédies !… Je vais même en réciter une que j’ai écrite en seconde, et dont le souvenir me revient…

Les fantômes disparurent en jetant des cris plaintifs.
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XXIV

EN PRISON

Certes, je n’avais rien dit d’inconvenant ni de monstrueux. Aussi, la nuit arrivant, je crus bon de me diriger vers le bureau des voitures. Il fallait encore attendre une demi-heure. — J’ai demandé à souper pour passer le temps.

Je finissais une excellente soupe, et je me tournais pour demander autre chose, lorsque j’aperçus un gendarme qui me dit :

— Vos papiers ?

J’interroge ma poche avec dignité… Le passe-port était resté à Meaux, où on me l’avait demandé à l’hôtel pour m’inscrire ; et j’avais oublié de le reprendre le lendemain matin. La jolie servante à laquelle j’avais payé mon compte n’y avait pas pensé plus que moi.

— Eh bien, dit le gendarme, vous allez me suivre chez M. le maire.

Le maire ! Encore si c’était le maire de Meaux. Mais c’est le maire de Crespy ! L’autre eût certainement été plus indulgent.

— D’où venez-vous ?

— De Meaux.

— Où allez-vous ?

— À Creil.

— Dans quel but ?

— Dans le but de faire une chasse à la loutre.

— Et pas de papiers, à ce que dit le gendarme ?

— Je les ai oubliés à Meaux.

Je sentais moi-même que ces réponses n’avaient rien de satisfaisant ; aussi le maire me dit-il paternellement :

— Eh bien, vous êtes en état d’arrestation !

— Et où coucherai-je ?

— À la prison.

— Diable ! mais je crains de ne pas être bien couché.

— C’est votre affaire.

— Et si je payais un ou deux gendarmes pour me garder à l’hôtel ?…

— Ce n’est pas l’usage.

— Cela se faisait au xviiie siècle.

— Plus aujourd’hui.

Je suivis le gendarme assez mélancoliquement.

La prison de Crespy est ancienne. Je pense même que le caveau dans lequel on m’a introduit date du temps des croisades ; il a été soigneusement recrépi avec du béton romain.

J’ai été fâché de ce luxe ; j’aurais aimé à élever des rats ou à apprivoiser des araignées.

— Est-ce que c’est humide ? dis-je au geôlier.

— Très-sec, au contraire. Aucun de ces messieurs ne s’en est plaint depuis les restaurations. Ma femme va vous faire un lit.

— Pardon, je suis parisien : je le voudrais très-doux.

— On vous mettra deux lits de plume.

— Est-ce que je ne pourrais pas finir de souper ? Le gendarme m’a interrompu après le potage.

— Nous n’avons rien. Mais, demain, j’irai vous chercher ce que vous voudrez ; maintenant, tout le monde est couché à Crespy.

— À huit heures et demie !

— Il en est neuf

La femme du geôlier avait établi un lit de sangle dans le caveau, comprenant sans doute que je payerai bien la pistole. Outre les lits de plume, il y avait un édredon. J’étais dans les plumes de tous côtés.
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XXIII

CRESPY-EN-VALOIS

Trois heures plus tard, nous arrivons à Crespy. Les portes de la ville sont monumentales et surmontées de trophées dans le goût du xviie siècle. Le clocher de la cathédrale est élancé, taillé à six pans et découpé à jour comme celui de la vieille église de Soissons.

Il s’agissait d’attendre jusqu’à huit heures la voiture de correspondance. L’après-dînée, le temps s’est éclairci. J’ai admiré les environs assez pittoresques de la vieille cité valoise, et la vaste place du marché que l’on y crée en ce moment. Les constructions sont dans le goût de celles de Meaux. Ce n’est plus parisien, et ce n’est pas encore flamand. On construisait une église dans un quartier signalé par un assez grand nombre de maisons bourgeoises. — Un dernier rayon de soleil, qui teignait de rose la face de l’ancienne cathédrale, m’a fait revenir dans le quartier opposé. Il ne reste malheureusement que le chevet. La tour et les ornements du portail m’ont paru remonter au xive siècle. — J’ai demandé à des voisins pourquoi l’on s’occupait de construire une église moderne, au lieu de restaurer un si beau monument.

— C’est, m’a-t-on dit, parce que les bourgeois ont principalement leurs maisons dans l’autre quartier, et cela les dérangerait trop de venir à l’ancienne église… Au contraire, l’autre sera sous leur main.

— C’est, en effet, dis-je, bien plus commode d’avoir une église à sa porte ; mais les vieux chrétiens n’auraient pas regardé à deux cents pas de plus pour se rendre à une vieille et splendide basilique. Aujourd’hui, tout est changé, c’est le bon Dieu qui est obligé de se rapprocher des paroissiens !…
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