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Michel Brix (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253146230
94 pages
Le Livre de Poche (01/04/1999)
3.7/5   326 notes
Résumé :
"Une dame que j'avais aimée longtemps et que j'appellerai du nom d'Aurélia, était perdue pour moi.
Peu importent les circonstances de cet événement qui devait avoir une si grande influence sur ma vie. Chacun peut chercher dans ses souvenirs l'émotion la plus navrante, le coup le plus terrible frappé sur l'âme par le destin ; il faut alors se résoudre à mourir ou à vivre : - je dirai plus tard pourquoi je n'ai pas choisi la mort."
A la différence du na... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Une exploration poétique des frontières incertaines et poreuses entre le rêve et la réalité…

Troublant récit que cette Aurélia de Gérard de Nerval…J'avais envie de retrouver la plume de ce Ténébreux, de ce veuf, de cet inconsolé, de ce Prince d'Aquitaine à la Tour abolie dont les vers d'El Desdichado riment encore en moi quelque trente ans après le baccalauréat de français où j'ai eu la main heureuse en tirant cette poésie le jour J. Hasard ? Non, il n'y a que des rendez-vous. Son écriture romantique et sombre m'exaltait tant à l'époque. Force est de constater que Gérard de Nerval me fait toujours beaucoup d'effet même si j'ai lu Aurélia non sans un certain malaise tant son romantisme s'est transformé en véritable folie, folie qui va crescendo au fil des pages…jusqu'au suicide de l'auteur le 26 janvier 1855 à l'âge de 46 ans. Il est retrouvé pendu à Paris.
La longue nouvelle Aurélia, qu'il n'a pas terminée d'ailleurs, parait en deux parties (janvier et février) dans la Revue de Paris puis en un volume au mois d'avril. Force est de se demander si ce texte ultime n'est pas en quelque sorte le Testament de Gérard de Nerval, un texte prophétique dans lequel on ne peut s'empêcher de chercher des messages, des clés, des signes avant-coureur de son geste fatal.
C'est terrifiant de lire ces lignes en sachant que l'auteur se suicidera durant leur écriture.

Troublant de lire ce récit en connaissant donc la chute funeste et tragique de son auteur et surtout de découvrir cette dernière phrase du livre qui semble tellement apaisée et lucide : « Telles sont les idées bizarres que donnent ces sortes de maladies ; je reconnus en moi-même que je n'avais pas été loin d'une si étrange persuasion. Les soins que j'avais reçus m'avaient déjà rendu à l'affection de ma famille et de mes amis, et je pouvais juger plus sainement le monde d'illusions où j'avais quelque temps vécu. Toutefois, je me sens heureux des convictions que j'ai acquises, et je compare cette série d'épreuves que j'ai traversées à ce qui, pour les anciens, représentait l'idée d'une descente aux enfers ».
Combien d'heures après avoir écrit cela s'est-il pendu ?

Troublant aussi de lire ce récit en sachant que Gérard de Nerval passe la majeure partie de son temps dans la Clinique du Dr Emile Blanche, institut spécialisé pour le traitement des maladies psychiatriques. Depuis sa sortie de cette clinique en octobre 1854, Nerval errait… Il errait dans Paris, il errait dans sa tête. Ce texte a une fonction bien précise, un but thérapeutique pourrait-on dire, un projet clinique : son médecin l'incite en effet à relater par écrit ses rêves et ses rêveries. Ce livre est ainsi un texte particulièrement onirique où le rêve est le matériau premier. Force est de se demander quelle analyse ferait un psychiatre à l'aune d'un tel récit, particulièrement foisonnant. C'est dans tous les cas une oeuvre « surnaturaliste » dans laquelle la frontière entre rêve et réalité est floue et qui tourne autour d'une figure féminine aimée mais juste fantasmée : Aurélia, inspirée de l'amour impossible de l'auteur pour Jenny Colon, de sa rencontre avec Marie Pleyel et de la réunion fortuite des deux femmes à Bruxelles. Ses rêves sont nombreux et variés, et on devine son sommeil très agité…

« le sommeil occupe le tiers de notre vie. Il est la consolation des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n'ai jamais éprouvé que le sommeil fût un repos ».

Le rêve est, pour Nerval, une seconde vie, là où il n'y a pas de limite entre le présent et le passé, la matière et l'esprit. le rêve a une valeur initiatique et permet d'atteindre un autre niveau de réalité qui se joue du temps et de l'espace, où ses « pieds s'enfonçaient dans les couches successives des édifices de différents âges ». C'est un pont, un intermède entre la vie terrestre et l'au-delà. D'ailleurs le texte est en deux parties : dans la première le songe vient s'épancher dans la vie réelle ; dans la seconde l'au-delà s'invite dans le rêve.
Nous avons ainsi une première partie très poétique et onirique dans laquelle Aurélia est au centre d'une nature sublimée et qui se fait Paradis, et une seconde partie plus religieuse et mystique dans laquelle la recherche du pardon obnubile dans un premier temps l'auteur, puis sa transformation en un Dieu, du moins son osmose alchimique avec le reste de l'Univers en une dimension cosmique, constitue l'acmé de sa crise.

Dans les deux parties en tout cas Nerval se dévoile intimement. Après une grave crise de folie, il veut se soigner en trouvant un sens à sa vie, l'écrit est ainsi un exutoire, il veut témoigner de ce qu'il nomme « ses maladies » et aussi prouver qu'il a pris du recul, qu'il est lucide sur sa situation (on trouve d'ailleurs un certain nombre de réflexions appuyées par de nombreux « je veux montrer », « je veux expliquer »…). C'est ainsi un texte déroutant alternant entre des moments de folie qui mettent mal à l'aise et des moments de lucidité touchants, ressac écumeux qui vient nous éclabousser de son émotion, à fleur de peau. Et parfois l'auteur de se demander, comme hébété, s'il n'est pas allé trop loin « dans ces hauteurs qui donnent le vertige »…

« Pendant la nuit, le délire augmenta, surtout le matin, lorsque je m'aperçus que j'étais attaché. Je parvins à me débarrasser de la camisole de force, et, vers le matin, je me promenai dans les salles. L'idée que j'étais devenu semblable à un dieu et que j'avais le pouvoir de guérir me fit imposer à quelques malades, et, m'approchant d'une statue de la Vierge, j'enlevai la couronne de fleurs artificielles pour appuyer le pouvoir que je me croyais ».

La folie est fascinante dans le sens où nous avons tous une part de folie en nous. Il suffit parfois de presque rien pour la sentir venir effleurer, prenant mille et une formes. Elle est fascinante car elle montre ce que nous pourrions être, notre face cachée, une modification de l'état de conscience même infime nous rapproche de cet être vite ressenti comme monstrueux…Où commence et où s'arrête la folie ? J'ai trouvé passionnant de voir quelles visions elle engendrait chez cet écrivain et la dimension poétique qu'elle offrait. Une poésie vaporeuse, brumeuse, décousue. Oui, une poésie en lambeaux, comme le sont les rêves. Alors, si les phrases sont belles, les images marquantes, le récit est à l'image des rêves à savoir décousu, voire incohérent, ce qui peut surprendre, voire gêner, le lecteur. Il ne faut pas lire ce texte pour l'histoire mais pour sa poésie, sa portée mystique, la vision des rêves qu'il offre, la folie qu'il dépeint et les clés qu'il renferme à l'aune du suicide de l'auteur.

J'ai aimé tout particulièrement la première partie du récit dans laquelle l'auteur offre ses rêves. Les paysages dépeints sont des jardins métaphoriques, ces jardins que nous retrouvons dans les autres textes de Nerval, dans lesquels s'épanouissent les fleurs qui plaisent tant à son coeur désolé, et la treille où le Pampre à la Rose s'allie, et où l'auteur va revoir ses proches décédés depuis longtemps. C'est une sorte de Paradis duquel il a du mal à revenir.

« Ça et là, des terrasses revêtues de treillages, des jardinets ménagés sur quelques espaces aplatis, des toits, des pavillons légèrement construits, peints et sculptés avec une capricieuse patience ; des perspectives reliées par de longues trainées de verdures grimpantes séduisaient l'oeil et plaisaient à l'esprit comme l'aspect d'une oasis délicieuse, d'une solitude ignorée au-dessus du tumulte et de ces bruits d'en bas, qui là n'étaient plus qu'un murmure ».


Finalement d'Aurélia il n'en sera pas beaucoup question. Elle apparait ça et là tel un fantôme. Dans la seconde partie mystique elle est carrément absente. Les visées de Nerval sont au-delà de l'Amour. Il se rapproche du soleil et de la connaissance universelle. A s'en brûler les ailes. Fou Nerval ? Non, un Prophète incompris portant le Soleil noir de la Mélancolie sur ses épaules…


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"Aurélia" est un livre dont on ne sort pas indemne... de relecture en relecture, je l'ai toujours "vécu" comme un conte fantastique particulièrement beau et vaporeux. Une étrange et longue nouvelle découverte à quinze ans, je crois, entre nouvelles et romans de H.-P. Lovecraft, les "Bob Morane" d'Henri Vernes, les contes noirs de Thomas Owen, Jean Ray et Claude Seignolle, et la découverte du "Frankenstein ou le Prométhée moderne" de Mary W. Shelley... Oui, cette fabuleuse (désormais légendaire) collection "Fantastique" des éditions marabout, made in Belgia ! Saviez-vous qu'y figurait "Aurélia" d'un certain Gérard de Nerval ? Ou alors l'ai-je rêvé ? Possible, après tout...

Et puis - comme après la découverte de certaines nouvelles ("Dagon"), de certains titres ("La couleur tombée du ciel") ou de tels ou tels récits totalement oniriques ("Démons et merveilles") du "marginal" Howard-Philip Lovecraft - cette impression de malaise tenace qu'il nous laisse...

Je me souviens d'une impression similaire laissée par la "Nadja" illustrée d'André Breton : à la fois rêve éveillé et nette sensation de modification de l'état de conscience du lecteur rêvassant au fil des pages...

Je retrouve aujourd'hui la même impression dans la juxtaposition des 35 photographies noir-et-blanc (au temps de pose infini) et des XV chapitres de "Bruges-la-Morte" de Georges Rodenbach...

Pourtant l'histoire du narrateur (et celle de l'auteur nous apparaissant en filigrane, se perdant peu à peu dans les labyrinthes de ses graves troubles mentaux) est tragique, terrifiante et sans issue...

Une sorte de "Horla" intime dictée par les complications neuropsychiques de l'alcoolisme de l'écrivain en lieu et place de la syphilis tertiaire qui vint à bout de la silhouette de taureau de Guy de Maupassant... Nous retenons pourtant les impressions lunaires... la silhouette féminine qui fuit lorsqu'on l'approche (annonçant l'apparition/disparition nosfératuesque de la jeune femme de "Bruges-la-morte" de Rodenbach : double de sa "Disparue").

Poétique du récit : vie et mort en fusion intime... Matière qui simplement s'échappe et n'existe plus... Car : exister pour quoi faire, et à quoi bon ?

"Le rêve est une seconde vie" : et cela tombe bien... Car le réel est double, lui aussi, tout comme nos existences précaires. le réel est surtout si "individuel" (Voir ce qu'en a appris l'écrivain Philip K. Dick) : des milliards de "réels" tentent de cohabiter vaille que vaille à cette heure-ci, à la surface de la Terre...

On sait que Gérard Labrunie "de Nerval" n'a pu survivre à son "Aurélia"... Terminus et oeuvre ultime... Chef d'oeuvre. Un peu comme si "L'Autre Monde", tel un gouffre, s'ouvrait déjà sous nos pieds - ailés mais fragiles - de lecteurs ordinaires...
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Je ne connaissais Gérard de Nerval que de nom mais n'avais jamais eu l'occasion de lire l'une de ses oeuvres.

On reconnait tout de suite le courant littéraire auquel appartient l'auteur : la plume est on ne peut plus romantique. Gérard de Nerval dépeint dans cette nouvelle les visions fantastiques qui l'assaillaient lorsqu'il sombrait dans la folie. C'est très poétique mais empreint d'une profonde souffrance.

L'ensemble est forcément décousu puisqu'il est difficile de trouver du sens aux rêves de l'auteur. Il n'y a pas vraiment de fil narratif, l'auteur ayant seulement souhaité partager son expérience.

C'est d'ailleurs à mon sens tout l'intérêt de cette nouvelle, puisqu'elle se base sur ce que Gérard de Nerval a réellement vécu. Elle nous permet de plonger dans son état psychique, de partager sa façon de percevoir le monde et les êtres, de comprendre sa folie.

J'ai beaucoup aimé sa plume mais la nouvelle m'a laissée sur ma faim. J'y ai cherché du sens et n'en ai pas trouvé, ça m'a décontenancée. Mais Aurélia m'aura donné l'envie de découvrir une autre oeuvre de Gérard de Nerval.

PS : je regrette que l'éditeur (Livre de poche - libretti) n'ait pas laissé le lecteur s'approprier la nouvelle, en découvrir le sens, la saveur. Les notes sont presque plus nombreuses que le texte et j'ai horreur de ça. J'ai beau me dire "ne regarde pas la note", le renvoi casse ma lecture et me rassoit dans mon siège. Impossible de savourer les mots. Est-il bien utile pour la compréhension du texte de savoir que telle rue a changé de nom, que tel ami de l'auteur habitait effectivement dans cette rue etc... ? Pour moi, la réponse est clairement non.
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Aurélia est d'abord un projet clinique. Gérard de Nerval, ravi des séjours qu'il passait à la clinique du Docteur Blanche (il appelait ce lieu le « Paradis ») avait décidé de faire une étude de ses rêves et visions qu'il adresserait au clinicien pour le remercier. le projet prit ensuite la tournure plus littéraire qu'on lui connaît.


L'écriture de la nouvelle se justifie donc par des fondements très personnels et son objectif clinique initial est de reproduire le processus de « l'épanchement du songe dans la vie réelle ». L'histoire autour d'Aurélia s'inspire de la vie de Gérard de Nerval, de son amour impossible pour Jenny Colon, de sa rencontre avec Marie Pleyel et de la réunion fortuite des deux femmes à Bruxelles. Evoquant la mort d'Aurélia, il en vient à évoquer la mort de sa mère. Ces éléments contaminent le rêve, qui se diffuse à son tour dans la vie. Finalement, ce n'est pas la confusion entre le rêve et la réalité qui trouble le plus, mais la question de savoir si le rêve est une forme de pré-conscience capable d'enrichir la compréhension des événements qui sont perçus par la conscience en éveil. Gérard de Nerval exprime naturellement le potentiel initiatique du rêve lorsqu'il éblouit de l'intérieur. le rêve a une valeur initiatique : il fait vivre ce que la conscience éveillée n'a jamais eu l'honneur de connaître, il donne la certitude absolue de l'existence d'un autre niveau de réalité.


A ce point-là du récit, Gérard de Nerval délaisse Aurélia –sa justification individuelle- pour faire la rencontre avec l'archétype, qu'il nomme parfois Âme, ou Esprit, et qui surplombe ses visions oniriques, créateur de ces nuits éternelles où les lunes se succèdent à une allure infinie, où le fluide métallique parcoure les terres pour l'inonder de sa symbolique alchimique. Gérard de Nerval devient ce nouveau monde. Les barrières entre son individu et le reste de l'univers deviennent poreuses –les personnes qui contempleraient de l'extérieur cette fusion de l'homme au monde ont toutes les raisons de sentir que quelque chose leur échappe. Gérard de Nerval préfigurerait ainsi le cas clinique de la schizophrénie –mais on sent que ce n'est pas que cela, et que la nosologie clinique pâtit d'une trop grande modestie pour s'appliquer correctement à tous les cas qui dévient de l'ordinaire.


« Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même et des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c'est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent de proche en proche aux planètes et aux étoiles. »


Gérard de Nerval a-t-il été prophète sans le savoir ? René Daumal lui voue une admiration éperdue dans un essai écrit en son honneur (« Gérard de Nerval le nyctalope »). Il relie cette nouvelle au Livre des morts égyptien, aux livres sacrés de l'Inde, au Zohar ou à l'occultisme pour sa science du rêve. Les visions de l'espace astral le renvoient aux nadis hindous ; le point de la nuque sur lequel il applique son talisman correspondrait au trou de Brahma ; et le totémisme primitif serait honoré par le rappel du royaume souterrain, par le thème du double prophétique et par la réapparition des aïeux défunts dans le corps d'un animal. Qu'on n'aille pas croire cependant que Gérard de Nerval ne serait qu'un ennuyeux professeur de la Science universelle. On préfère croire qu'il n'était même pas conscient des implications symboliques de ses rêves et visions, mais elles lui apparaissaient spontanément et sans effort, sous un aspect purement charismatique. Et si ce n'est pas seulement le cas, alors Gérard de Nerval a su se retirer humblement pour transmettre cette richesse symbolique sans vouloir faire croire qu'il en est le créateur.


On peut lire Aurélia pour son histoire mais celle-ci est tellement décousue (la deuxième partie est de reconstruction posthume) qu'il ne faut pas lui chercher beaucoup de cohérence factuelle. On peut lire Aurélia pour la beauté de la langue appliquée à la description d'épisodes qui se passent ailleurs –ni sur ce monde, ni sur un autre mais AILLEURS. On sera alors charmés juste ce qu'il faut pour ne pas jeter Gérard de Nerval aux oubliettes. Mais on peut aussi lire Aurélia dans l'espoir de trouver, transfigurée, une expérience de vision ou de rêve qu'on n'avait jusqu'alors pas su expliquer avec autant de simplicité et d'évidence que ne le fait ici Gérard de Nerval.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Je sors perplexe de cette lecture... Sans doute n'étais-je pas au diapason, l'esprit pas préparé, ouvert à ce voyage hallucinatoire!
Ado, j'avais aimé des livres comme Les Chants de Maldoror et les poèmes très mystiques des Romantiques, mais je pense qu'aujourd'hui, s'il n'y a pas de trame un peu plus précise, je ne parviens pas à m'accrocher... ou non justement, à me laisser aller!

Plongeant dans la folie, Gérard de Nerval, pour se soigner, écrit ses rêves et ses visions. Grand érudit, il rencontre dans ces pérégrinations cauchemardesques différentes figures mythologiques et la figure entêtante d'Aurélia, qu'il a aimé jadis; le récit est entrecoupé de moments où il émerge de nouveau dans le monde réel, mais la folie le regagne à chaque fois.
Le fil est difficile à suivre dans le sens où au lieu d'avancer, on a plutôt la sensation de baigner dans un univers mystique où présent, passé futur, vie et mort se confondent...

Dans cette édition, Aurélia est suivi de Pandora, une histoire courte nous transportant cette-fois-ci à Vienne à la Saint-Sylvestre, le narrateur est fou de désir pour Pandora, une comédienne qui se joue de lui.
Encore une fois, je n'ai pas réussi à entrer dans le récit, bien qu'elle soit courte et plus simple que la précédente.
A croire que le monde De Nerval et le mien ne partagent pas la même culture...
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Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. C’est un souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : – le monde des Esprits s’ouvre pour nous.

Swedenborg appelait ces visions Memorabilia ; il les devait à la rêverie plus souvent qu’au sommeil ; l’Ane d’or d’Apulée, la Divine Comédie de Dante, sont les modèles poétiques de ces études de l’âme humaine. Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans mon esprit ; – et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant. Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées ; il me semblait tout savoir, tout comprendre ; l’imagination m’apportait des délices infinies. En recouvrant ce que les hommes appellent la raison, faudra-t-il regretter de les avoir perdues... ?
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Je me jugeais un héros vivant sous le regard des dieux ; tout dans la nature prenait des aspects nouveaux, et des voix secrètes sortaient de la plante, de l’arbre, des animaux, des plus humbles insectes, pour m’avertir et m’encourager. Le langage de mes compagnons avait des tours mystérieux dont je comprenais le sens, les objets sans forme et sans vie se prêtaient eux-mêmes aux calculs de mon esprit ; — des combinaisons de cailloux, des figures d’angles, de fentes ou d’ouvertures, des découpures de feuilles, des couleurs, des odeurs et des sons, je voyais ressortir des harmonies jusqu’alors inconnues. — Comment, me disais-je, ai-je pu exister si longtemps hors de la nature et sans m’identifier à elle ? Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même ou des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c’est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent de proche en proche aux planètes et aux étoiles. Captif en ce moment sur la terre, je m’entretiens avec le chœur des astres, qui prend part à mes joies et à mes douleurs !
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Mon ami m'avait quitté, voyant ses efforts inutiles, et me croyant sans doute en proie à quelque idée fixe que la marche calmerait. Me trouvant seul, je me levai avec effort et me remis en route dans la direction de l'étoile sur laquelle je ne cessais de fixer les yeux. Je chantais en marchant un hymne mystérieux dont je croyais me souvenir comme l'ayant entendu dans quelque autre existence, et qui me remplissait d'une joie ineffable. En même temps, je quittais mes habits terrestres et je les dispersais autour de moi. La route semblait s'élever toujours et l'étoile s'agrandir. Puis je restai les bras étendus, attendant le moment où l'âme allait se séparer du corps, attirée magnétiquement dans le rayon de l'étoile. Alors, je sentis un frisson ; le regret de la terre et de ceux que j'y aimais me saisit au coeur, et je suppliai si ardemment en moi-même l'Esprit qui m'attirait à lui, qu'il me sembla que je redescendais parmi les hommes.
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J’attribuais un sens mystique aux conversations des gardiens et à celles de mes compagnons. Il me semblait qu’ils étaient les représentants de toutes les races de la terre et qu’il s’agissait entre nous de fixer à nouveau la marche des astres et de donner un développement plus grand au système. Une erreur s’était glissée, selon moi, dans la combinaison générale des nombres, et de là venaient tous les maux de l’humanité. Je croyais encore que les esprits célestes avaient pris des formes humaines et assistaient à ce congrès général, tout en paraissant occupés de soins vulgaires. Mon rôle me semblait être de rétablir l’harmonie universelle par l’art cabalistique et de chercher une solution en évoquant les forces occultes des diverses religions.
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« Je me trouvai sur une côte éclairée de ce jour sans soleil, et je vis un vieillard qui cultivait la terre. Je le reconnus pour le même qui m’avait parlé par la voix de l’oiseau, et, soit qu’il me parlât, soit que je le comprisse en moi-même, il devenait clair pour moi que les aïeux prenaient la forme de certains animaux pour nous visiter sur la terre, et qu’ils assistaient ainsi, muets observateurs, aux phases de notre existence. »

« — Eh quoi ! dis-je, la terre pourrait mourir, et nous serions envahis par le néant ?

— Le néant, dit-il, n’existe pas dans le sens qu’on l’entend ; mais la terre est elle-même un corps matériel dont la somme des esprits est l’âme. La matière ne peut pas plus périr que l’esprit, mais elle peut se modifier selon le bien et selon le mal. Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race, et notre race vit en nous.

Cette idée me devint aussitôt sensible, et, comme si les murs de la salle se fussent ouverts sur des perspectives infinies, il me semblait voir une chaîne non interrompue d’hommes et de femmes en qui j’étais et qui étaient moi-même ; les costumes de tous les peuples, les images de tous les pays apparaissaient distinctement à la fois, comme si mes facultés d’attention s’étaient multipliées sans se confondre, par un phénomène d’espace analogue à celui du temps qui concentre un siècle d’action dans une minute de rêve.
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