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Critiques de Gouzel Iakhina (197)
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Convoi pour Samarcande

Sur fond de la famine liée à la guerre civile suite au coup d’état bolchévique de 1917 qui a fait des millions de morts, l’auteur nous raconte l’odyssée d’un train tentant d’emmener à Samarcande cinq cents gamins pour espérer leur faire échapper à la mort annoncée. Voyage dans l’horreur, famine, répression… avec trois personnages attachants qui doivent composer entre leurs sentiments personnels et la “mission” qu’on leur a confié. “Toi qui monte dans ce train, abandonne toute espérance” aurait pu dire Dante. Quand bien même on imagine une fin heureuse, l’auteur sait ménager le suspense tout au long de son récit. Une histoire de rédemption au pays de l’athéisme militant et de la religion communiste.
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Convoi pour Samarcande

" Convoi pour Samarcande " est le troisième roman de Gouzel Iakhina après " Zouleikha ouvre les yeux " et "Les enfants de la Volga ", tous publiés chez l'excellente maison d'édition Noir sur Blanc, traduits avec brio par Maud Mabillard.



Comme les deux précédents, ce nouveau roman raconte les dérives féroces de l'URSS, que ce soit la dékoulakisation ordonnée par Staline avec l'histoire de Zouleikha, née au Tatarstan, ou les premières années de l'URSS avec l'histoire de Jakob Bach, un maître d'école issu de la colonie des Allemands de la Volga installée depuis le XVIIIème siècle en proie aux décisions arbitraires des dirigeants communistes.



Cette fois encore nous sommes dans la région de la Volga, à Kazan, au Tatarstan et il s'agit d'évacuer des centaines d'enfants victime de la terrible famine qui fait rage en URSS depuis 1920. Le convoi d'évacuation emprunte la ligne de chemin de fer qui relie Kazan à Samarcande au Turkestan, où règne l'abondance. Partout à l'époque en URSS les populations s'exilent soit en direction de Moscou, soit vers ce pays de cocagne que représente le Turkestan. Le chemin est long pour le train d'évacuation qui est constitué " à l'arrache" au départ de Kazan. Il s'agit d'y installer avec des moyens les plus déficients cinq cents enfants recueillis à l'orphelinat de Kazan, dont les âges s'échelonnent de quelques mois à la fin de l'adolescence. Ces enfants ont été abandonnés et certains même sont des enfants des rues. Toutes les nationalités de l'URSS sont représentées par ces orphelins.



C'est Deïev, officiel de l'Armée Rouge, qui est chargé de commandé le convoi, avec l'aide de Blanche, Commissaire à l'enfance. Il recrute l'infirmier Boug, un mécanicien, un cuisinier et quelques nurses qui acceptent de participer à la mission. Mais les conditions du voyage sont terribles, il faut nourrir les enfants au quotidien, les soigner, trouver le combustible et l'eau pour la locomotive.



Commence alors un voyage hors du commun, où Deïev devra faire preuve de débrouillardise, de courage, voire d'abnégation pour protéger ses passagers, où il se verra confronté à la corruption, à la menace permanente des arguties de l'administration communiste, à la cruauté de ce pays qui fait si peu de cas de la condition humaine. Un véritable voyage initiatique pour Déïev et les membres de son équipe, éprouvés en permanence tout au long de ces 4000 km où les difficultés se révèlent quasi insurmontables, où les possibilités physiques et morales de chacun sont mises à rude épreuve, tandis que de kilomètre en kilomètre se révèle la bonté immense de Déïev comme sa rédemption d'avoir dû participer en tant que soldat aux crimes de l'État soviétique.



Un roman extraordinaire, d'une force hors du commun tant par ce qu'il raconte et qui nous confronte à l'horreur des exactions d'une dictature en marche, que par la formidable analyse psychologique que l'autrice fait des personnages, son talent pour évoquer la nature au fil de ce voyage qui nous conduit des forêts de la Volga au désert de l'Asie centrale en passant par les steppes de l'Oural. Un roman qui nous emporte, aux côtés de cinq cents enfants sans cesse menacés, comme si nous étions avec eux dans les wagons du convoi. Nous ne sommes pas près d'oublier Deïev, Blanche, Boug, les nurses et nombre des petits passagers. Merci Gouzel Iakhina pour votre talent.
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Convoi pour Samarcande

Pour lire 'Convoi pour Samarcande', il vaut mieux avoir du temps devant soi, car la lecture avance lentement, de la même manière que le convoi de cinq cents enfants, dirigé par Deiev, le personnage principal.



Nous sommes dans les années 1920, dans la région de la Volga où la famine fait rage. Pour sauver des enfants, le gouvernement soviétique décide d'envoyer des convois qui partent de Kazan jusque à Samarcande. Mais 4000 km séparent les deux régions et dans le convoi dirigé par Deiev, il y a très peu de nourriture et des enfants malades qui n'étaient pas prévus de partir avec les autres. Le voyage devait durer deux semaines, le convoi a mis un mois et demi pour arriver à destination . Car pour continuer, il faudra trouver de la nourriture, enterrer les morts, accueillir ceux qui n'étaient pas prévus, soigner les malades, survivre…



C'est Deiev qui est au centre du roman. Cet homme qui a l'air naïf et fragile au début, va faire tout le possible pour sauver un grand nombre d'enfants, au péril de sa propre vie. On se demande même quelle est la raison qui le pousse à agir avec autant de dévotion, alors qu'il n'a pas d'enfants lui-même. Il faudra remonter dans le passé de ce personnage pour trouver la réponse.



Le livre est poignant, émouvant, intense, rempli de rebondissements et de personnages attachants. Malgré la misère et l'horreur, on trouve aussi des moments doux.

Gouzel Iakhina dépeint avec beaucoup de réalisme la famine et la souffrance de la population, mais les détails sont nombreux et il y a des longueurs. C'est cela qui a diminué ma note.



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Convoi pour Samarcande

Pour son troisième roman, Gouzel Iakhina nous invite à revenir au coeur du Tatarstan, là où nous avions fait la connaissance de Zouleïka avant son périple vers la Sibérie.

Il s’agit ici d’un autre périple, une fuite vers la terre promise que l’Ouzbekhistan et ses raisins font espérer, au bout d’une famine inexorable qui condamne à mort des centaines d’enfants.

Comme dans ses deux livres précédents, l’auteur dresse ici le tableau d’une Russie post révolutionnaire, pays immense frappé par un chaos social hors du commun. Le nouveau régime marque ses débuts par une désorganisation généralisée de tout ce qui incombe aux pouvoirs publics. Si la guerre civile est terminée, la violence est partout, le récit en fait un tableau saisissant, dépeignant une société cruelle où la force reste de droit. En 1917, Lénine promettait la terre aux paysans, c’est la réalité des réquisitions qui sont rappelées dans le récit , elles sont sans pitié et s’accompagnent de massacres. La famine du début des années 20 est la conséquence directe de cette réalité brutale.Les arrêts du convoi pour chercher l’approvisionnement nécessaire mettent à nu la corruption et l’arbitraire qu’ils s’agissent des tchékistes, du centre de stockage, des bandits cosaques. Derrière cette violence toutefois, l’empathie pointe souvent pour ces enfants réduits à manger tous les ersatz qui leur tombent sous la main. Gouzel Iakhina se garde ainsi d’une vision manichéenne de l’humanité, ceux qui ne sont pas d’emblée du coté de la bonté, ont aussi quelque chose à donner: des bottes de sept lieues, des chemises trop grandes, de la vaisselle volée… mais aussi la nourriture qui permet au convoi de survivre malgré tout. Se dessine ainsi une humanité tout en nuances, la très belle scène de l’office religieux dans la wagon-redevenu église ne met-elle pas à égalité ceux qui croient au ciel et les autres…On retrouve devant ces efforts désespérés pour tenter d’arracher les enfants à la mort, les accents d’un Makarenko, les récits d’AÏmatov montrant au fond des campagnes kirghizes la misère des enfants qui attendent leur « Premier maître » Gouzel Iakina fait revivre dans ce train une génération d’enfants sacrifiés sur l’autel de la révolution. Elle leur rend un vibrant hommage les peignant dans la diversité de leurs langues et leur culture, tchouvaches, tatares, maris, bachkirs, russes, ukrainiens. Elle donne vie à ces 500 enfants en les individualisant par leur surnom ,puisé dans la réalité de leur personnalité. Elle réussit à transcender leur misère terrible en donnant à leur récit une dimension onirique poignante de poésie, qu’il s’agisse de Zagreïka ou de Sénia le Tchouvache. La musique des poèmes et des chansons accompagne ainsi ce train de la misère, la belle figure de Fatima porte ainsi sans fin la fable d’Iskander. Tous les enfants sont les Iskander de la chanson de Fatima.

Gouzel Iakhina réussit à construire un récit fort, construit avec une grande fluidité pour laisser aux personnages assez d’espace afin qu’ils prennent forme progressivement. Ainsi le lecteur fait il la connaissance de Déiev, commandant du train, « jeune vétéran » de la guerre civile, longtemps en charge du département des transports, ici en charge pour la première fois d’un transport d’enfants. Son obstination à sauver le maximum d’enfants tient de l’obsession. Avec habileté l’auteure dévoile dans le récit ce qui motive son obstination, elle achève avec ce portrait de Déiev de prendre le parti d’une nature humaine complexe, capable d’une forme de rédemption pour que la vie triomphe sur les crimes.

Un livre vibrant d’humanité.

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Convoi pour Samarcande

Quatre mille kilomètres, c’était exactement la distance « qu’allait devoir franchir le train sanitaire de Kazan au Turkestan…. L’ordre de sa formation avait été signé la veille, le 9 octobre 1923 ».

Deïev en sera le chef

Il lui faut trouver locomotive et wagons. Il arrive à former, tant bien que mal un convoi avec, entre autre, une ancienne chapelle roulante. Tout est transformé en dortoir avec des chalis sur 3 étages. Blanche, commissaire à l’enfance est du voyage et, le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un sacré caractère. Plusieurs nurses, complètement inexpérimentées se joignent au convoi ainsi qu’un chauffeur, un cuisinier pas très futé. Ils vont chercher les cinq cents enfants prévus à l’orphelinat de Kazan. Deïev ne peut se contenter de cinq cents et, en catimini, prend les malades, les bébés, et les transportent directement dans le wagon-infiirmerie. Ceux-là, malheureusement ne survivront pas et le voyage est jalonné de petites tombes creusées le long de la voie ferrée, sans signe, un trou dans le sol, un petit trou, les enfants sont si chétifs, juste la peau sur les os,malheureusement, ce n’est pas une image.



Tout au long de ce très long voyage, il faut trouver à manger, de l’eau pour boire et pour la locomotive tout comme du charbon ou du bois, enfin quelque chose à brûler dans la chaudière. Oh miracle ! Deïev arrive toujours à ses fins dans ce pays exsangue où la solidarité n’est plus de mise. Que ce soit dans les greniers du pouvoir, chez les ennemis de la nouvelle URSS, cela tient du miracle ou alors, ceux qui sont les artisans de cette famine veulent se racheter en sauvant cinq cents enfants… Excusez mon peu d’entrain.

Tout autour, la famine est là. Les femmes abandonnent leurs enfants ou les vendent. Une horde d’enfants vêtus de hardes, voire nus essaient de survivre, de monter dans le train. Les gens meurent

Le choléra est là, l’anthropomorphisme fait même son apparition. Cette époque, fin de la première guerre mondiale, révolution bolchevique, désorganisation totale et brutale, la famine est généralisée.



Un livre très intéressant quoique un peu naïf. , je me suis perdue dans les détails, j’ai sauté des pages et des pages ce qui fait que l’horreur de cette période de très grande famine s’en trouve amoindri. C’est dommage.
Lien : https://zazymut.over-blog.co..
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Convoi pour Samarcande

Un coup de cœur! " convoi pour Samarcande" de Gouzel Iakhina, nous emporte dans une épopée romanesque et tragique, évoquant une période dramatique celle de la famine qui a sévit en URSS en 1920. Une famine qui résulte pour partie de la collectivisation des productions agricoles et de la volonté de tout contrôler de manière aberrante. Ce qui se traduit notamment par des convois de marchandises en train de pourrir sous garde militaire attendant l'ordre de départ pour des contrées affamées, alors même que la famine servit autour du train. Un événement historique qui se répétera, créant un profond traumatisme, comme ceux qui tristement font l'histoire du peuple russe.

Dans ce marasme incroyable, le gouvernement veut sauver des enfants orphelins en les envoyant en train dans le sud-est de ce vaste pays, là où la famine ne sévit pas. Le convoi part de Kazan (Tatarstan) jusqu’à Samarcande (Turkestan), long voyage de 4000 kilomètres, soit plusieurs semaines au rythme lent d'une vieille locomotive. Cette mission échoit à Deiew, jeune capitaine de l'armée rouge. Et bien sûr, à part un ordre écrit, il n'a que sa détermination et son incroyable esprit d'initiative pour mener ce convoi de 500 enfants à Samarcande. Il sera accompagné d'une jeune commissaire Blanche qui a déjà l' expérience de ce type de voyage et ne s'en laisse pas conter.

Il va recruter un infirmier Boug (grande barraque rassurante), douze nurses dont Fatima qui invente milles berceuses apaisantes et au fil du voyage va faire preuve d'une imagination et d'un sens pratique, à même de soulever des montagnes. Et il y faut beaucoup de courage pour mener cette mission quand on sait qu'un nombre important d'enfants n'arriveront pas à terme du voyage.

Pour Deiew, c'est un engagement total qui frôle la déraison. C'est aussi une rédemption. Lui qui, a également été orphelin, a combattu et a dû commettre des actes de guerre qui le hantent, s'engager coûte que coûte à sauver tous ces (ses) enfants devient la finalité de sa vie. Il croisera sur sa route de nombreux personnages ambigus, dangereux ou lâches, mais dont la plupart lui seront d'un secours indispensables....l'esprit de rédemption est peut être contagieux....en tout cas il offre une certaine "noblesse" humaine.

C'est une histoire dramatique et les descriptions des affres de la famine nous saisissent au corps et au cœur. Mais des moments de grâce et d'humour allègent ce récit.

Je ne citerai que :

- le prêt temporaire de 500 paires de bottes par des militaires pour permettre aux enfants de rejoindre le train au départ, puis le cadeau des chemises.

- la découverte de la mer d'Aral par les enfants lorsque le train émet un coup de sifflet.

- le subterfuge trouvé par Deiew pour rendre anonymes tous les gamins arrivés à Samarcande. Il n'était pas prévu qu'ils arrivent aussi nombreux à destination, c'était sans compter sur le ramassage en cours de route. J'ai trouvé cette idée très symbolique (l'unité dans le dénuement)

- les prénoms que s'inventent les enfants. Une liste figure dans le livre et un lexique à la fin. Ces prénoms inventés sont une manière de se créer une identité et sortir de la masse. Ils sont parfois amusants ou stigmatisants et s'inscrivent dans un jeu, celui d'inventer une langue propre à l'enfance.

- la solidarité des enfants..."Je suis Iskander"

J'ai été saisie par le délire du jeune recueilli en cours de route qui se voit attaqué par un Pou géant. Ce chapitre fantasmagorique est tout aussi glaçant que les descriptions cliniques des dégâts sur les corps décharnés ou gonflés provoqués par la famine au stade ultime.

C'est un livre poignant, mais aussi une histoire humaine dans un contexte si désolant.

J'ai été très attristée (dans les trois dernières lignes du livre) par le sort de ce gamin sauvé par Deiew, qui devient son ombre et le suit comme un chien...

Un livre qui laisse une empreinte forte.



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Convoi pour Samarcande

Nous sommes à Kazan en octobre 1923. Suite à la collectivisation, les habitants de la Volga souffrent de la famine.

Deïev, jeune vétéran de la guerre civile, affecté au département des Transports, est chargé de convoyer des enfants de l’orphelinat vers le Turkestan. L’homme avisé construit son train avec des wagons de récupération parfois insolites.

Pour cette expédition, il est accompagné de Blanche, une commissaire à l’enfance rigoureuse et pragmatique.

Ensemble, ils visitent l’orphelinat pour « choisir » les enfants qui participeront au voyage. Si Blanche les veut sains et résistants, Deïev, sensible à leurs conditions de vie insalubres, souhaite prendre tous les enfants, même les grabataires. Durant tout le voyage, la raison et l’expérience de Blanche s’opposent au coeur et à la sensibilité de Deïev.

Boug, gaillard de soixante dix ans fera office d’infirmier. Douze femmes de compétences et d’origines variées sont engagées comme nurse. Memelia, le cuisinier aura la lourde de tâche de nourrir tout ce monde avec peu de choses.

Le convoi de cinq cent enfants est prêt à parcourir 4000 kilomètres. Plus de deux semaines de voyage

Optimiste, Deïev part avec trois à cinq jours de vivres. Il espère trouver en chemin ravitaillement et combustible pour la locomotive. Son culot et son obstination n’ont-ils pas permis de convaincre les soldats de prêter leurs bottes aux enfants et de leur donner leur chemise.

Et il le prouve plus d’une fois. Il récupère au prix de sa vie les surplus d’un centre de stockage. Il récupère une nourrice puis une chienne allaitante pour nourrir un bébé. Malgré lui, l’homme suscite la compassion des cosaques ou des tchékistes. Deïev, hanté par son passé, insomniaque, n’a plus rien à perdre mais il est prêt à tout pour sauver tous les enfants errants et affamés.

Durant ce trajet jonché de morts et de miracles, les passés des adultes et de certains enfants se dévoilent, toujours marqués par la guerre, la famine et les épidémies.

Après avoir traversé forêts et déserts, cruelle réalité et affreux cauchemars, le convoi arrive péniblement à destination. Jusqu’au bout, Deïev se bat pour sauver tous les enfants, quelles que soient leur origine, leur âge ou leur langue.

Gouzel Iakhina possède un style fluide , une narration généreuse. Magicienne, elle n’hésite pas à en faire parfois un peu trop pour mieux montrer que l’humanité existe même dans la plus grande noirceur. Avec maintes péripéties, elle donne la possibilité à chacun d’atteindre la rédemption.

Un grand roman d’aventures empreint d’histoire et d’humanité.
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Convoi pour Samarcande

L'histoire se déroule en 1923. L'Union soviétique nouvellement créée est un pays où règne le chaos, après avoir été secouée par une guerre civile. La famine fait des ravages, des millions de personnes en souffrent et en meurent. Des enfants sont abandonnés par leurs parents, jetés dans la neige, déposés sur les marches des centres d'accueil, oubliés dans les gares, avec l'espoir qu'un train sanitaire les embarque.



4 000 kilomètres est la distance que doit parcourir le train sanitaire de la miséreuse Kazan pour rallier la terre promise, l'opulente Samarcande. A son bord, 500 enfants épuisés par la faim.

Le chef du convoi est un vétéran de la guerre civile. Il est prêt à prendre tous les risques pour sauver ces enfants d'une mort certaine. Ce voyage sera pour lui, une rédemption de ses péchés et de son passé trouble.



Pour écrire cette fiction historique, Gouzel Iakhina s'est largement inspirée des archives d'historiens et des souvenirs de fonctionnaires de parti de l'ex URSS.

Elle remue les horreurs passées de son pays, les raconte sans faire de procès à quiconque. Elle assume cette mission délicate avec beaucoup d'intelligence et d'humanisme.



Je ne donne que 4 étoiles, car j'ai trouvé son style trop héroïque, un peu irréaliste, mais ça ne m'empêche pas de recommander cette lecture.

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Convoi pour Samarcande

Un convoi d’enfants évacués dans la Russie, nouvellement soviétique, des années 1920.



Un périple, en train, de plusieurs milliers de kilomètres de Kazan à Samarcande.



C’est la mission de Deïev, chef du convoi. Il sera secondé par Blanche, membre de la commission à l’enfance.



Si la commissaire est rompue à ce type de mission, pour le chef du convoi c’est une première et leur collaboration ne va pas se faire sans heurts.



Car Deïev veut emmener et tenter de sauver tous les enfants, même les grabataires, dont la famine a tellement entamé l’organisme qu’ils sont aux portes de la mort.



Blanche est plus pragmatique, pour elle seuls ceux qui ont une bonne chance d’être sauvés doivent être évacués. Les autres sont, malheureusement, déjà des morts en sursis.



Et cela ne sera pas la seule difficulté, car il faudra aussi trouver de quoi nourrir les enfants en route, du combustible pour le train ou de quoi soigner les malades.



Ce roman, le troisième de Gouzel Iakhina, est sans conteste le plus éprouvant à lire. La guerre frappe durement les civils et c’est insupportable de lire, de tenter de se représenter ce que que représente la famine, d’autant plus lorsqu’elle frappe des enfants.



D’imaginer que des cadavres de corbeaux puisse constituer un repas recherché. De se confronter au choix de parents décidant de sacrifier un de leurs enfants pour tenter de sauver l’autre. Les pages se tournent, la gorge serrée.



Ce livre est aussi un récit sur la guerre, qui ravage le pays mais aussi le cœur des hommes. Ceux-ci développent leur propre guerre interne. Ils sont confrontés à des décisions terribles qui les corrompent, insidieusement. Ils massacrent mais aident des enfants. Ils pillent mais donnent leurs butins aux petits affamés. Une bonté tordue pour reprendre l’expression d’un personnage.



Pourtant ce livre est aussi beau, touchant, drôle aussi. Les personnages croqués nous embarquent dans ce roman, qui est aussi un récit d’aventures, aux multiples rebondissements. Le talent de conteuse de l’autrice fait encore merveille ici.



On ne lit pas, on fait véritablement partie de cette « guirlande », de cet espoir fou.



Je ne peux que vous conseiller ce magnifique roman.
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Convoi pour Samarcande

C’est le troisième roman de Iakhina : comme dans les deux précédents, elle poursuit son exploration historique de l’URSS loin du pouvoir, loin de la capitale, juste à la hauteur des vrais gens.

Et c’est magnifique.

Nous sommes dans les années 20, dans la toute jeune Union soviétique.

Dans la région de la Volga une atroce famine sévit, après les années de guerre civile et avec les débuts de la collectivisation forcée. Un nombre incalculable d’enfants sont abandonnés, orphelins, seuls au monde.

Le projet est de les convoyer vers Samarcande, terre de blé et de raisin, terre promise.

Le militaire Deïev est donc chargé d’organiser le transport de 500 de ces enfants perdus : trouver une locomotive et des wagons, les aménager, trouver cuisinier, infirmier et nurses, rassembler nourriture et combustible, et en route pour deux mois de voyage vers le Sud.

Deux mois en train avec 500 mômes.

(Quiconque a déjà voyagé quelques heures en train avec des gosses en bas âge sent déjà son sang se glacer, pas vrai ?)

Tout l’art de Iakhina est de décrire l’horreur de la famine, le désespoir des populations et les souvenirs traumatiques de la guerre, sans avoir l’air d’y toucher, juste en écrivant de petites scènes ou de courts dialogues, et surtout en incarnant profondément chacun de ses personnages.

Vous vous attacherez forcément à Deïev, à Blanche la commissaire disciplinée et volontaire, à Fatima la zoologiste qui chante des berceuses, à Boug le vieil infirmier qui en a tant vu, et même à Memelia le cuistot.

Même les 500 enfants, tous sont nommés, elle y tient.

Je quitte à regret ce train empli d’enfants et d’humanité.



Traduction parfaite de Maud Mabillard.



Challenge ABC
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Convoi pour Samarcande

Encore une magnifique découverte que cette Auteure qui sait raconter une histoire, en presser le sens jusqu'à la dernière goutte. Raconter le cheminement d'un convoi tentant de conduire 500 enfants affamés de la Volga ( dans les années '20) jusqu'à Samarcande où la famine ne règne pas n'est déjà pas rien. Une lutte de tous les instants - trouver de la nourriture en chemin, de l'eau, du carburant pour la locomotive, des médicaments pour les nombreux malades, affronter les dangers de bandes armées incontrôlables, sans parler des poux, de la galle, du Typhus qui rode ... Vous êtes dans ce train. Vous vivez la peur, le désarroi, le découragement, l'espoir. Vous vous retrouvez dans la tête, les pensées, la folie et la douceur des personnages. Vous avez faim, froid, soif tout comme eux . Vous les comprenez au-delà de leurs faiblesses. Certains chapitres sont de pures merveilles, jusque dans leur démesure. Les personnages ont une épaisseur rare. Les enfants sont campés de façon magistrale. On ne sait plus s'il s'agit d'une histoire, d'un conte, d'une épopée, d'un mythe. Et cela n'a aucune importance; on voudrait que ça dure ... tout en espérant que la quête prenne fin! Les amis, quel roman ....
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Convoi pour Samarcande

Troisième livre de G. Iakhina, troisième que je lis... Un roman éprouvant et émouvant, un récit effroyable et incroyable, des personnages héroïques aux actions que le contexte historique rend presque possibles. Un livre dense, des descriptions dont émane la beauté du conte, tout en lenteur, avec une imagination débordante et un talent qui rend digeste l'indigeste.
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Convoi pour Samarcande

Terrifiant, sordide et merveilleux. Des descriptions à couper le souffle. Mon coup de cœur 2024.

C'est le premier, roman de cette autrice que j'ai lu. Je laisse passer un peu de temps pour "Zouleikha ouvre les yeux". Il ne faut jamais comparer les livres comme les amants. D'une certaine façon j'ai tellement adoré ce livre que j'ai peur d'être déçue.

La folle équipée dans d'enfants victimes de la famine dans un train spécialement affrété, de Kazan à Samarcande, dans les années 1920, début de l'ère soviétique.

J'ai réussi à venir à bout de mon roman en plusieurs jours, tellement c'est long et riche.

Ce qui est beau c'est le dévouement de la poignée d'adultes qui font tout pour que les enfants arrivent à bon port : il faut les nourrir, les soigner, les laver, trouver du combustible pour faire avancer la locomotive, quitte à se mettre hors la loi, tout en traversant un pays exsangue, avec des pillards et autres difficultés qui ralentissent l'avancée, sans non plus savoir ce qui les attend au bout du voyage... Suspens.

Les personnages sont haut en couleur, adultes comme enfants, pleins d'une vie qui ne tient parfois qu'à un fil. Il y a des passages parfaitement hilarants !

Je trouve que l'autrice a une sacrée confiance dans la nature humaine, donc ce n'est pas déprimant, malgré toutes les épreuves terribles. Ça en fait une espèce de conte parfois surréaliste. Certainement très "russe". J'ai pensé à une Dostoïevski "femme" et j'ai lu que c'était son auteur préféré !

Je pense, j'espère qu'elle deviendra une des grands auteurs classiques incontournables de ce début du XXIe siècle.

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Convoi pour Samarcande

Ils sont partis à 500 de Kazan, la capitale du Tatarstan ravagée par la famine, dans un train qui les conduisait vers un avenir meilleur à Samarcande, dans le Turkestan. Ces gamins des rues, 400 garçons et 100 filles, abandonnés par leurs parents, mouraient de faim dans un orphelinat et, en 1923, la République Soviétique ordonna de les convoyer dans une région plus accueillante, où foisonnaient les vignes et les rizières.



Deïv, ancien militaire travaillant au Département des Transports, fut nommé Chef de convoi et se chargea de l’entreprise, supervisé par Blanche, la Commissaire à l’Enfance.



Afin de convoyer ce train de 8 wagons rempli d’enfants, il monta une équipe composée d’un cuisinier, un infirmier et 11 nurses, pour les encadrer sur les 4000 km que comptait le trajet.



C’est l’histoire vraie de leur voyage à travers cet immense territoire que nous raconte l’autrice russe, Gouzel Iakhina.



Dans un pays fait de multiples peuples aux religions, aux mœurs et aux langues différentes, il leur faudra trouver du bois pour la locomotive et de l’eau et des vivres pour les voyageurs.



Mais sortant de la Guerre Civile, la population est ravagée par les réquisitions de l’Armée Rouge et les révoltes sont nombreuses dans les régions traversées. De la «Steppe de la faim » aux « Sables de la mort » cette guirlande de fer va croiser la route des plus terribles chefs barbares mais également faire des rencontres pleines d’humanité.



Chaque adulte, chaque enfant sont décrits avec maints détails d’apparence et de caractère et j’ai fini par connaître si bien tous ces voyageurs, grands comme petits, que j’ai eu l’impression d’avoir moi-même participé à ce voyage de l’impossible.



L’autrice, au fil des kilomètres, nous imprègne de l’âme russe, de sa grandeur et de sa fierté et si le récit a parfois quelques longueurs, elles permettent de reprendre son souffle face à l’intensité du récit.



Un magnifique roman dans lequel j’ai plongé corps et âme pour suivre cet incroyable périple à travers les régions les plus inhospitalières de Russie et mes pensées sont un peu restées là-bas, ballotées dans des wagons bruyants, le long d’un chemin de fer ensorcelant.
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Convoi pour Samarcande





j'ai beaucoup aimé Les Enfants de la Volga et Zouleikha ouvre les yeux J'ai dévoré ce livre de 466 pages en trois jours.









Kazan 1921 -1922, la famine sévit dans la région de la Volga. Les autorités soviétiques chargent Déiev de former un convoi pour évacuer 500 enfants dans la région de Samarcande où ils trouveront de meilleures conditions



On y rassemblait, de tous les coins proches et lointains de la Tatarie rouge, des enfants que leurs parents ne

voulaient pas ou ne pouvaient pas nourrir ;



Déïev va réunir et aménager des wagons disparates : un wagon de luxe, une église roulante...une équipe formée d'une commissaire intransigeante Blanche, d'un infirmier Zoug, géant à l'âge de la retraite, de six nurses, un jeune cuisinier et un mécanicien. Ils devront conduire les 500 enfants sur près de 3000 km (2200 km à vol d'oiseau) à travers la campagne, la steppe et les déserts. Il faudra ravitailler le convoi aussi bien en nourriture qu'en combustible pour la locomotive. Une épidémie de choléra se déclare. Lutter aussi contre la vermine, le froid. Affronter des bandits dans des régions pas encore pacifiées. 



C'est donc une épopée que Gouzel Iakhina va nous faire vivre. le lecteur sera happée dans les épisodes dramatiques de la recherche de nourriture que Déïev mène, les armes à la main. Il n'hésite pas à user de violence et de chantage auprès des autorités rappelant à ceux qui gardent les entrepôts de grain leurs crimes de guerre. Et par la même occasion, faire part au lecteur de la barbarie de la guerre et ses massacres. Elle oppose la culpabilité de tous et le pardon possible, la rédemption dans le sauvetage de 500 enfants. Ces derniers, enfants des rues ne sont pas innocents pour autant, eux aussi ont volé pour survivre, certains sont drogués, certains ont tant souffert qu'ils en sont devenus fous, ou mutiques. 





Si le personnage principal est donc le commandant du convoi, tout l'art de l'auteure est de donner épaisseur aux autres personnages adultes et enfants, et même au train qu'elle appelle "la guirlande" ou à la chienne qui sera la nourrice du bébé abandonné par sa mère sur le marchepied du train. Elle nomme les enfants par leurs surnoms qui racontent un peu de leur vie antérieure, de leurs origines ou de leurs particularités physiques. 



C'est un récit haletant comme un thriller. Le lecteur se demande à chaque épisode comment Déïev trouvera nourriture, bois ou eau. Dans le désert les rails vont même se perdre....Et que trouveront-ils à Samarcande?
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Convoi pour Samarcande

Gouzel Iakhina a du souffle, elle l'a prouvé dès son premier roman, Zouleikha ouvre les yeux, qui révélait son immense talent de narratrice, dans un récit exigeant mais éblouissant. Après Les enfants de la Volga, reçu comme en confirmation, avec quelques bémols tout de même, pour une propension à surcharger son récit de descriptions, Convoi pour Samarcande ajoute une pierre de plus, toujours dans le même registre historique et épique mais, cette fois, l'excès de détails n'est sans doute pas étranger au fait que certains passages apparaissent comme très arides, pour ne pas dire éprouvants. L'époque auquel se déroule le livre est des plus rudes, les années 1920 dans une Russie post-révolutionnaire où la famine fait rage, en particulier dans la région de la Volga. D'où le convoi qui s'ébranle de Kazan, avec 500 enfants à son bord, et qui doit rejoindre le Tatarstan, après un long voyage ferroviaire, synonyme d'aventure où la peur, la faim et les maladies feront office de voyageurs clandestins. Même si la romancière reste une conteuse picaresque étonnante, Convoi pour Samarcande est une lecture parfois fastidieuse, de par ses digressions et son souci de tout décrire par le menu, y compris les éléments les plus sordides de cette incroyable odyssée. A force de multiplier les arrêts, le récit s'enlise et surtout suscite plus l'effroi que l'émotion. Sauf que la répétition dans l'horreur et l'accumulation d'épisodes où l'héroïsme triomphe du malheur ont tendance à assommer un lecteur qui n'en peut mais de tant de situations inextricables et tragiques. Tant mieux si certains se passionnent pour le roman mais prendre du plaisir à Convoi pour Samarcande apparaîtra comme une gageure impossible pour d'autres, qui n'auront de cesse de voir enfin arriver le train dans sa gare de destination, après un périple aussi harassant.
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Convoi pour Samarcande

L'idée et le thème de ce livre était excellent mais beaucoupp trop de longueurs ont eut raison de ma patience pour ce livre.

Dommage, je trouve qu'il y a trop d'invraisemblance dans cette histoire, il en faut me direz-vous dans un roman, mais là, cela dépasse la dose acceptable à mon sens.

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Convoi pour Samarcande

Dans une interview en juin 2022, Gouzel Iakhina affirme raconter dans ses livres "des histoires d’humbles gens, d’humains qui vivent l’amitié, l’amour, la bienveillance, comme des antidotes face à la machine étatique. Dans mes romans, il y a le pire mais aussi le meilleur : des petites graines qui peuvent faire éclore un peu de bonheur par la suite…"

Le pire, c'est la brutalité et la crudité des faits historiques dans lesquels ces humains sont empêtrés inextricablement. Le meilleur, c'est le pouvoir intense de la littérature qui le fait surgir, pour autant que je puisse juger avec cette première lecture de cette autrice.



J'ai retrouvé dans ce Convoi pour Samarcande le contexte terrifiant qui s'esquisse dans les nouvelles d'Isaac Babel, que j'ai découvertes il y a quelques semaines. Guerre civile, collectivisation, dékoulakisation, une série d'événements traumatiques accompagnant la jeune révolution russe, et que je n'avais pas encore abordés dans mes lectures soviétiques, plutôt inscrites dans la période stalinienne. Plongez dans ces histoires humbles aux côtés de Babel ou de Iakhina, mais n'espérez pas ressortir indemnes...



Dans ce roman, le spectre, l'ennemi, c'est la faim. La famine qui a ravagé la région de la Volga dans les années 1920, nous apparaît par le pouvoir de la littérature, dans son essence envahissante, dévorante, avilissante, déshumanisante. L'ensemble de la narration, ample et qui se déploie sur différents points de vue, se construit autour de cette famine, si inconcevable pour nous, privilégiés et nantis. Famine face à laquelle un étrange convoi de bric et de broc va résister par miracle, pour tenter de sauver à travers quelques dizaines d'enfants quelques miettes d'humanité. Quelques enfants pour 2 millions de morts...



Gouzel Iakhina est tatare, population turque de Russie, qui a été durement touchée par cette famine, à moitié décimée au cours de ces terribles années. Elle a fait des recherches, parmi des documents historiques qui n'intéressent personne. Elle fait revivre ces souffrances et ces traumatismes enfouis, ces blessures jamais cicatrisées. Par la forme romanesque, elle cherche à faire surgir la lumière du fond de ces ténèbres.



Convoi pour Samarcande est un roman qui questionne la fraternité. Comment vivre en frères et sœurs quand la violence, l'absurdité, le manque de tout, la privation de liberté semblent avoir anéanti toute humanité ?

Le héros du roman, Deïev, incarne cette question, dans ses rapports avec tous les personnages, et particulièrement avec Zagreïka, garçon autiste qu'il recueille et va sauver autant qu'il va le martyriser. Abel et Caïn, impossible fraternité... Impossible espérance de vouloir sauver qui que ce soit, y compris soi même, au risque de devenir un bourreau...



Cette relation terrible et déchirante est à mes yeux le noeud du roman. Elle donne au propos de l'autrice une dimension mystique, peut être évangélique. Je ne sais pas si Gouzel Iakhina est chrétienne... Mais à la lecture du dernier paragraphe, comment ne pas penser au soleil qui se lève sur les justes et les injustes de l'évangile de Matthieu ? Soleil qui est celui, rouge, de l'espérance soviétique... Comment ne pas ressentir la condamnation à l'errance de Zagreïka comme un signe de l'échec annoncé de cette fraternité promise par le communisme, qui veut s'imposer par la violence et la haine ?



"Trois personnes s'éloignaient dans des directions différentes : un homme, une femme et un garçon. Deïev dans un train vers l'ouest. Blanche dans une voiture cahotant vers le sud. Zagreïka, aveugle, avançait à tâtons le long des rails, marchant vers le nord - il cherchait son frère. Il savait qu'il ne cesserait jamais de le chercher.

À l'est, un soleil jeune et rouge montait dans le ciel, les éclairant tous."

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Convoi pour Samarcande

Avec une attention minutieuse portée au moindre détail, l’écrivaine russe reconstruit le quotidien de ces jeunes passagers. Chaque notation frappe par son authenticité, et c’est dans l’heureuse combinaison entre le réalisme et l’onirisme que réside la force du roman.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Convoi pour Samarcande

Les visages inhumains de la grande famine russe…



La contemporaine Gouzel Iakhina a indéniablement hérité de l’art romanesque des grands auteurs russes. Comme eux, ses histoires incroyablement romanesques sont serties de précisions historiques mettant intelligemment le doigt sur les traumatismes de son peuple ; comme eux, elle sait offrir moult portraits de personnages ambigus décrits à la fois avec grandiloquence et finesse, des hommes et des femmes ni bon ni mauvais qu’elle traite avec réalisme, sans le moindre manichéisme ; comme eux elle se fait peintre via les nombreux clair-obscur savamment distillés qui donnent réellement l’impression d’avoir sous les yeux non pas des mots et des phrases mais une vaste galerie dotée d’une magnifique succession de tableaux aux scènes tour à tour tragiques et saisissantes ; comme eux, elle nous marque via moult images horrifiques et visuelles, ces images qui sont de celles marquant le lecteur au fer rouge à jamais.



Comme pour son livre précédent, Les enfants de la Volga, l’histoire est soutenue par plusieurs piliers, combo étonnant, récit gigogne entremêlant le conte, le fantastique, la poésie, le romanesque, et l'histoire politique et économique de la Russie du début du 20ème siècle. Alors que son précédent livre relatait la vie dans les colonies d’Allemands installés en Russie depuis le XVIII siècle et racontait l’histoire politique et économique de ce territoire sur les bords de la Volga au début des années 1920, près de la ville de Saratov, l’auteure s’empare ici d’une réalité historique tragique : la famine des années 1920 qu’a subie cette région. Le nouvel état soviétique, après la Première Guerre mondiale et après la Révolution de 1917 n’arrive pas à nourrir la population. La collectivisation forcée des terres à coup d’impôts insoutenables pour les récalcitrants a en effet engendré une famine terrifiante en Ukraine, en Crimée, en Russie.



Le mot famine n’est pour nous qu’un concept, une idée. L’auteure nous plonge dedans, nous met la tête bien dedans, reliant à ce concept mille et une images. Une famine qui pousse à l’anthropophagie, à calmer sa faim en mangeant des soupes de sables, à sucer des cailloux, à se nourrir de poux, de semelles de cuir, de racines. Une famine qui pousse les mères à donner leurs enfants pour qu’ils aient un avenir meilleur, voire à les laisser en guise de nourriture, notamment aux loups affamés eux aussi, pour pouvoir sauver sa vie et celles d’enfants plus grands et plus robustes. La famine qui enlève toute humanité. Les très nombreux passages sur ce fléau, ses conséquences sur les organismes enfantins, les maladies dont elle est à l’origine (choléra, typhus, gonflements…), les millions de morts qu’elle engendre, n’interdit pas Gouzel Iakhina de distiller de la poésie, et même un certain humour, et c’est bien cette osmose-là qui est incroyable et qui donne du charme au livre malgré l’horreur racontée.



Pour tenter de sauver quelques centaines d’enfants de la famine, le gouvernement soviétique met sur pied des convois d’évacuation pour eux. C’est l’un de ces trains que l’officier de l’Armée rouge Deïev prend en charge, avec à son bord cinq cents enfants, qu’il doit acheminer de Kazan, la capitale du Tatarstan, jusqu’à Samarcande (une carte en tout début du livre nous permet de suivre leur périple à travers la Russie). Pour atteindre le Turkestan, terre d’abondance épargnée par la famine, il faut faire un long voyage de milliers de kilomètres à travers les forêts de la Volga, les steppes de l’Oural, puis les déserts d’Asie centrale. Chaque arrêt est l’occasion de s’imprégner des paysages très divers. Vu l’âge des enfants, de 2 à 12 ans, enfants affamés, orphelins ou vagabonds, il est facile d’imaginer que ce road-movie ne sera pas une sinécure, ce d’autant plus que les adultes ne sont pas nombreux pour cette armée d’enfants : il y a Deïev, la commissaire Blanche, femme forte et charismatique, douze nurses, un jeune cuisinier et un vieil infirmier dénommé Boug.

Chaque arrêt va être l’occasion pour eux de trouver à nouveau de la nourriture, de l’eau, du charbon, du savon, de la viande…entre la bonté miraculeuse de quelques personnages rencontrés, la chance de Deïv, les maladies contractées, la mort qui va frapper malgré toute la volonté désespérée des adultes, les essais infatigables des enfants des rues pour rejoindre ce convoi de l’espoir, le train va avancer cahin caha avec son lot d’horreurs, d’espoirs et quelques moments d’une beauté fulgurante.



Au-delà de la famine dont les ravages sont stupéfiants, je suis durablement marquée par quelques scènes qu’il me semble avoir vécues, vues, ressenties. Ce village sous la neige aux isbas vides et glacées, tous les habitants réunis dans une seule isba pour se tenir chaud, sans n’avoir rien à manger, il me semble l’avoir traversé moi aussi, avoir senti les odeurs fétides flottant dans cette isba remplie de corps monstrueusement maigres ou monstrueusement gonflés, entassés…ou encore la découverte des enfants grabataires au dernier stade de la faim dont la description est d’un réalisme glaçant, il me semble les avoir portés. Je pense aussi aux instants d’amour entre Deïev et Blanche, dans ce wagon au décor rococo, j’en ai été témoin discrète. L’histoire de ce petit garçon aussi qui en est venu à se mettre sur les rails, attendant l’arrivée du train pour en finir, le même qui a vu sa sœur dévorée par les loups et qui a retrouvé sa mère morte, j’ai lu dans ses pensées et ai été très émue. Et je pourrais en citer tant d’autres…L’auteure raconte tellement bien que nous voyons les scènes, nous sommes dans le train, à tanguer avec ces cinq cent enfants, nous sentons les odeurs, percevons la psychologie très subtile de chaque personnage qui deviennent d’autant plus attachants, sommes enveloppés par l’ambiance si singulière que distille l’auteure…



« Parfois, des juments s’ébrouaient. Les corbeaux croassaient souvent, ils étaient des nuées. Maigres, les plumes hérissées, ils sautillaient sur les toits, atterrissaient sur les sièges des chariots et les harnais des chevaux, fourrant partout leurs becs éhontés dans l’espoir de rafler quelque chose. Un épouvantail était dressé sur le faite de quelques grandes, mais les oiseaux ne craignaient rien : ils se posaient sur les mannequins, sur leurs bras écartés, et tapaient méchamment du bec sur leurs têtes, des pots fendus (Deïev remarqua que l’un des épouvantails était vêtu d’une soutane, un autre, d’un frac tout déchiré). Plus ils avançaient, plus les corbeaux étaient nombreux, et leurs cris bruyants. Et l’air était de plus en plus épais : les objets apparaissaient à travers une brume blanchâtre, les contours perdaient leur netteté ».



Chose à souligner aussi, comme pour son livre précédent, ce livre se démarque également par sa facette fantastique, voire magique, facette moins présente que dans Les enfants de la Volga mais cependant bien là, donnant à cette histoire une touche étonnante, tel un piment venant rehausser un plat, le fantastique colore par moment le récit. Citons par exemple les visions hallucinantes d’un enfant à l’article de la mort attaqué par un Pou qui m’a fait penser immédiatement à Kafka…



« Le Pou tressaillit devant l’odeur de sang frais. Il hésita encore un instant, bougeant le museau, puis arracha ses griffes-serpes de la couchette et, crissant sur le sol, se précipita vers Senia. Sa panse grasse traina sur les planches et manqua d’arracher sur son passage les châlits solidement arrimés (…) Derrière lui, il entendait déjà grincer les serpes du Pou. Celui-ci avait de la peine à avancer sur la surface lisse : il était contraint d’enfoncer l’un après l’autre ses crochets dans le fer, gauche-droite, gauche-droite, et de progresser ainsi, par à-coups, comme s’il ramait sur le toit. Sa panse à la peau épaisse heurtait les tuyaux, et on distinguait de grosses lentes qui roulaient à l’intérieur de l’animal »…



La poésie est bien présente et émane des enfants eux-mêmes. N’ayant aucune possession, même pas des habits ou des chaussures, privés de parents et de maison, et souvent même de souvenirs d’enfance, les enfants ne sont maitres que d’une chose : la langue. C’est leur richesse, leur patrie dont ils inventent de nouveau territoires. Un trésor qu’ils ne peuvent pas perdre pendant leurs errances, pendant les rixes, un trésor inusable et qui, au contraire, s’enrichit avec le temps. Un trésor qui ne trahit pas et reste toujours avec eux.



« Les enfants aimaient les rimes – non, pas celles des poètes, mais celles qu’ils inventaient eux-mêmes. Les plus entreprenants composaient des strophes. Les plus timides répétaient ce qu’inventaient les autres. Chaque situation, l’événement le plus élémentaire, comme une bousculade dans la queue de distribution du repas ou le compte des poux sur sa chaise, pouvaient être immédiatement transformés en consonances sonores. C’était une chose de menacer de taper le nez. Une tout autre, de proférer cette menace en vers : « J’vais t’écraser le groin / T’en as bien besoin ». C’était une chose de ne pas croire quelqu’un et de le lui dire. Une tout autre, de prononcer avec mépris, plissant les yeux : « Ton clapet pue les cabinets ».



La poésie est également très présente dans les moments d’humanité qui ponctuent le récit comme le « mariage » des enfants, l’amour naissant entre Deïev et Blanche, les gestes de tendresse de Fatima, les gestes de bonté surgissant au milieu de la barbarie, la solidarité des enfants entre eux…





L'écriture de l'auteure honore à merveille la nature et la femme. Comme dans son précédent livre, les femmes ici sont des êtres forts, stables et visionnaires. La flore, la neige la Volga, la steppe sont magnifiés. Gouzel Iakhina utilise les jeux de lumières, les couleurs, les odeurs et les sons, ainsi que de nombreuses personnifications pour sertir son roman de descriptions inoubliables faisant souvent penser à des tableaux comme expliqué au début de mon billet.





Au final, ce roman est un roman extraordinaire, un livre intelligent et sensible, touchant et instructif, fort et bien écrit. C’est un grand roman dans la lignée des grands romans russes qui laisse au lecteur un savoir approfondi sur l’histoire russe servi par des images inoubliables, immersives et visuelles. L’auteure nous raconte l’horreur de la famine russe des années 1920 tout en développant avec virtuosité la psychologie de ses personnages, en magnifiant la nature traversée, avec poésie et magie. Du grand art !





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