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Critiques de Graeme Macrae Burnet (183)
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L'Accusé du Ross-Shire

Tout à la fois thriller, documentaire, confession, récit historique arrangé ou non, ce livre hors-norme échappe à toutes les règles et à toutes les catégories.

Nous sommes en 1869, dans un village reculé et miséreux d’Écosse. Le jeune Roderick Macrae raconte d’une voix monocorde sa courte existence, et les événements qui l’ont amené à commettre un triple meurtre d’une rare violence. C’est un récit venu du fond des âges qui dépeint la vie de nos aïeux, celle de paysans laborieux pétris de religion et de superstitions. Des hommes qui vivent selon des rites immuables et dont l’horizon s’arrête au bout de leur village ou de leurs champs.

Roderick n’est pas comme les autres garçons de son âge. Beaucoup plus intelligent, émotif, réservé que ses pareils, il est un poisson qui nage à contre-courant. Il ressent avec beaucoup plus d’acuité son profond dénuement, l’insignifiance de son existence et l’extrême violence de son monde profondément injuste. Un pasteur ignoble qui ne songe qu’à l’expiation, au rachat des péchés ; un père idiot, bêtement bigot, qui ne se complait que dans la souffrance ; des nobles ou des riches – la différence de classe avait une signification à cette époque − méprisants et arrogants ; des fricoteurs enfin, d’infâmes profitards qui réussiront à anéantir sa famille. C’est tout cela que Roderick a cherché à tuer, en même temps que son impossibilité de s’extraire de cette misérable existence, comme s’il était retenu par la glèbe collante des champs.

Un récit désespéré où Roderick, dans son petit village comme face à ses juges, ne cessera jamais d’être considéré comme un sous-homme. Un récit d’une noirceur sidérale d’où émergent quelques moments de bonheur qui viendront illuminer sa vie : la démarche d’une belle fille qui « donnait l’impression qu’elle chantait une chanson », quelques pintes de bière bues dans un cabaret, cet oisillon qu’il essaiera de sauver, un homme qui l’écoute et lui fait confiance, ses petits secrets avec sa maman partie bien trop tôt, et la frangine tant aimée qui le retient par les épaules…



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La disparition d'Adèle Bedeau

C’est un roman étrange, un peu hors du temps, que l’on verrait bien adapté au cinéma en noir et blanc… par Chabrol?



Manfred Bauman est un triste sire. Accoudé au comptoir du restaurant de la Cloche, l’esprit accaparé par une auto-analyse du moindre de ses propres gestes, et de l’effet qu’ils ne manqueront pas de produire sur les habitués, on ne peut pas dire que le personnage inspire la sympathie. Quant à cette curieuse impulsion qui le conduit à épier Adèle, la serveuse lorsqu’elle quitte son travail pour aller rejoindre un jeune homme à scooter…



Quand l’inspecteur Gorski entre en scène, c’est pour tenter de résoudre l’énigme de la disparition d’Adèle, et le projet lui tient particulièrement à coeur, dans le but à peine avoué d’exorciser un échec ancien, peut-être lié aux insuffisances d’un enquêteur débutant.



Alors Manfred, toujours dans le calcul subtil des conséquences de ses dires, avec une marge d’erreur confortable, s’enferre dans les mensonges, induits par ses précédentes allégations. Alors que la vérité l’aurait sans doute exclu de la liste des suspects, ou pas….



Je ne lis pas les préfaces, et en tout cas, pas avant d’entamer la lecture du roman proprement dit. Mais suffisamment intriguée par le ton et l’histoire, j’ai voulu en savoir plus sur cet auteur. Et là, on se demande si ce n’est pas Manfred Bauman lui-même qui a pris la plume pour nous embobiner! C’est signé des initiales de l’auteur affiché sur la couverture, mais on y découvre la vie romanesque de Raymond Brunet qui serait le véritable auteur. Quant à Chabrol…..

Tout cela pour dire que cette préface -là, il ne faut pas la manquer.



C’est avec beaucoup de talent que Graeme Macrae Burnet entraine son lecteur dans un tourbillon de miroir aux alouettes, qui empêchera ce roman de tomber dans une oubliette de la mémoire! Et incitera à découvrir les autres écrits de l’auteur
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L'Accusé du Ross-Shire

Chaque année, "Vrij Nederland" (Pays-Bas libres), un mensuel d'opinion, publie son "Guide de suspense". Une publication que tous les amateurs de thrillers en Hollande et en Flandre attendent avec impatience, car c'est quasi une référence en or des nouvelles apparitions dans ce domaine spécifique : un comité d'auteurs et de critiques professionnels du genre analysent pendant tout un an tout ce qui paraît, selon des critères archi rigoureux avec un système bien précis d'étoiles (de 0 à 5) et un lauréat de l'année . Comme pour beaucoup d'autres lecteurs mordus, c'est un peu ma bible.



Ainsi, le 38ème guide annuel vient d'être diffusé : Analyses d'exactement 618 ouvrages, seulement 8 cinq étoiles et le gagnant de 2017 est l'Écossais Graeme Macrae Burnet avec : "L'Accusé du Ross-Shire". À titre de comparaison, je mentionne les lauréats des 5 années précédentes avec entre parenthèses le nombre de critiques sur Babelio : 2016, Nick Pizzolatto "Galveston" (32 ) ; 2015, Paula Hawkins "La fille du train" (922) ; 2014, Robert Harris "D., L'affaire Dreyfus révisée" (25) ; 2013, John le Carré "Une vérité si délicate" (14) et 2012, Arnaldur Indriđason "La muraille de lave" (104). Parmi les 5 étoiles de la cuvée 2017, signalons : Daniel Cole, Tony Schumacher, Anders Roslund et Börge Hellström - mort d'un cancer en février dernier - Stefan Thunberg et Sharon Bolton, connue en France pour son "Sous emprises".



Mais comment ce jury professionnel motive-t-il sa sélection ?



L'argument déterminant est la construction originale de l'ouvrage, baptisé par le jury de "thriller dossier". En effet, à la base figurent des documents historiques, des déclarations et des rapports, qui constituent ensemble un dossier relatif à une affaire criminelle de 1869. Un adolescent de 17 ans, Roderick - Roddy - Macrae reconnaît avoir commis un triple meurtre dans un bled isolé en Écosse occidentale. Dans sa commune. Roddy est considéré comme bizarre, tandis que son instituteur, en revanche, le qualifie de "le plus intelligent garçon de sa classe". En attendant son procès, en prison à Inverness, Rody note le comment et surtout le pourquoi de son geste. Cette déclaration volontaire forme un des documents-clés du dossier, ensemble avec une évaluation psychiatrique de son état mental et une compilation de coupures de presse se référant à son procès.



Le jury hollandais n'est pas le seul à avoir été impressionné par l'ouvrage, puisqu'il était déjà lauréat du prestigieux Prix Booker pour fiction, le prix littéraire incontestablement n° 1 au Royaume-Uni.



Les lecteurs friands d'évasion et de dépaysement seront gâtés, car l'histoire se situe à Culduie, sur la péninsule d'Applecross, dans les Highlands écossais. Je me souviens d'avoir emprunté l'unique route dangereuse menant au village d'Applecross, fermée d'ailleurs en hiver. L'approvisionnement des quelque 550 habitants se faisant alors par mer. Autre particularité de l'endroit, le hameau ne compte qu'une rue, appelée "The Street" d'où l'on voit au loin l'archipel des Îles Hébrides Intérieures.



Graeme Macrae Burnet, qui a étudié la littérature à l'université de Glasgow, a été professeur en France, en République tchèque et en Pologne. En 2013, Il a publié son premier thriller " The Disappearance of Adele Bedeau" (La disparition d'Adèle Bedeau) - situé à Saint-Louis en France - et cette année, tout récemment d'ailleurs, il en a sorti une suite sous le titre "The Accident on the A35" (L'accident sur la route A35).



Je termine cette chronique par la réponse de l'auteur à un journaliste du "Irish Times", qui lui avait demandé ce que ses livres lui avaient appris, : "Avant de publier mon premier livre, je pensais que j'étais complètement normal". Apparemment écrire des thrillers n'est pas sans danger pour son équilibre mental !
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La disparition d'Adèle Bedeau



On entre dans le récit de Graeme Macrae Burnet en franchissant la porte du restaurant de « La Cloche » à Saint Louis, commune proche de Mulhouse.

Comme tous les soirs, les habitués refont le monde autour d’un verre, les journaux repliés devant eux. Tout semble figé par le temps.

Manfred Baumann banquier de son état tente jour après jour de se fondre dans le décor. Notre homme n’aime ni parler ni se faire remarquer, allant jusqu’à passer commande des mêmes plats du jour, semaine après semaine de peur qu’un changement suscite les questions et l’étonnement du patron.

Lorsqu’ Adèle Bedeau s’approche avec son assiette, il n’ose pas la regarder franchement, préférant fantasmer en l’observant dans le miroir au-dessus du bar.

La mystérieuse disparition de la jeune serveuse chamboule ce microcosme, chacun y va de son commentaire et de ses suspicions.

L’arrivée de l’inspecteur Gorski, aussi terne que le décor, ajoute à la lourdeur du scénario de cet étrange polar.

Flic, taiseux, consciencieux, tenace, il va se livrer à un véritable duel avec Manfred Baumann qu’il soupçonne immédiatement.

Ce face à face entre ces deux hommes paumés, mal dans leurs peaux va se transformer en véritable corps à corps psychologique.



Tout l’intérêt de ce polar réside dans l’ambiance qui s’en dégage.

A défaut de multiples rebondissements, l’auteur s’attarde sur ses personnages, les dissèque avec la minutie d’un médecin légiste.



Graeme Macrae Burnet signe un polar passionnant, totalement addictif, sans cadavre, sans violence avec une atmosphère digne de Simenon.

J’ai eu du mal à lâcher cette lecture avant la dernière ligne.



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Une patiente

Ce que j’ai ressenti:



« Tout le monde a des secrets. Allez, dites-moi un des vôtres, et je vous dirai un des miens. Échange de bons procédés. »



Un secret, alors? Voyons voir…Qu’êtes-vous prêts, à révéler? Je ne parlerai pas tant que vous n’en ferez pas autant…



Mais, dans ces pages, c’est le duo Rebecca Smyth et Collins Braithwaite qu’on a le plaisir d’entendre…Et le moins que l’on puisse en dire, c’est que des secrets, ils en ont. Des tonnes. Mais, ils le cachent étonnamment bien, au regard de la société. Une patiente et son psychothérapeute, c’est habituellement, un lien fort, de confiance, d’une bonne volonté de part et d’autre…Sauf, que là, le trouble prend sa place. Les intentions, l’ambivalence de l’un comme de l’autre, nous emmène à garder notre vigilance, au plus haut degré…À moins que, ce ne soit l’auteur lui-même, Monsieur Graeme Macrae Burnet, qui se joue de nous dans ce thriller impeccablement mené?



« Pour préserver sa santé mentale, il faut s’évader. »



J’ai toujours été passionnée par la psychologie et l’étude des cas des troubles dissociatifs de l’identité, et ce que je préfère dans le genre Thriller, c’est justement, le thriller psychologique…La diversité des troubles de la personnalité est tellement grande, que l’imagination peut se glisser dans toutes les petites failles de ces esprits malades, et faire rejaillir de l’inattendu, voire, un double résistant…J’ai été bluffée par l’originalité, la forme singulière des carnets, le mystère omniprésent…En prenant le thème de l’alter-égo, l’auteur a matière pour nous faire ressentir des émotions très fortes, à mêler le vrai-faux des confidences, mais aussi, à créer un roman addictif et déroutant. Et c’est tout ce que j’attendais! Une très belle découverte!



« C’est de moi-même que j’ai essayé, en vain, de m’évader. »



Je ne tiens pas à en révéler plus sur cette lecture pour ne pas divulgâcher le suspense, mais il faut que je vous confie encore un petit secret: j’ai adoré! Parce que ce n’est pas seulement un thriller brillant, mais c’est une analyse pertinente sur la condition féminine dans les sixties. On sent une impossibilité d’agir, de s’exprimer, de prendre leurs envols chez toutes ces jeunes femmes qui se croisent dans ce cabinet, preuve du mal-être qui les habitent…Et si certaines, s’en sortent, d’autres ne trouvent pas d’alternatives à ce désespoir asphyxiant…Mon moi et mes autres inconnues, vous conseillent ardemment de faire cette lecture… « Maintenant que j’ai fini, je suppose qu’il est temps d’y aller. Je pense que ce seront là mes dernières notes. »
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L'accident de l'A35

Bertrand Barthelme, personnalité locale mais peu appréciée d'une bourgade alsacienne, est victime d’un accident de voiture et sa veuve ne parait pas particulièrement bouleversée.



L’inspecteur Gorski voit plus qu’un simple accident dans cette perte et va alors dans se lancer dans une enquête pour aller creuser dans cette vie plus tortueuse qu'il en a l'air.



Le roman prend le soin et le temps de raconter l’investigation de Gorski et celle de Raymond, le fils ado du défunt.



On se souvient bien des précédents romans du romancier britannique Graeme Macrae Burnet comme L'accusé de Ross Shire ou bien encore son dernier en date, "La disparition d'Adèle Bedeau."



Des romans qui n'aimaient rien de plus que de tisser lentement mais surement une atmosphère un peu surannée, proche de Simenon ou des films de Claude Chabrol, pour sonder les tréfonds d'une petite ville de province, avec ses secrets et sa torpeur mélancolique et cette mesquinerie dissimulée derrière les attitudes de circonstance,



Polar psychologique par nature, cette nouvelle enquête du ténébreux commissaire Gorski ne conviendra certes pas aux amateurs de violence et d'action en tous genres tant le rythme est assez lent, voire nonchalant, et l'’hémoglobine quasi absente de l'intrigue



Mais les autres se régaleront de leur lecture : L’écriture fluide de Macrae Burnet est d’une redoutable efficacité, il offre au lecteur une habile, impertinente et précise description de la vie dans la province de l'est francais , cet ennui, et tristesse porté par des personnages largement faillibles et aussi profondément attachants .Un roman policier qui se savoure lentement avec modération mais delectation, un peu comme un bon vin alsacien !!
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L'Accusé du Ross-Shire

Moi, naïve, je crois ce qu'on me dit. Alors, quand l'auteur me déclare en préface qu'il a déterré cette affaire de meurtre en faisant des recherches sur son arrière-grand-père en Ecosse, j'ai confiance...Et puis quand même, au bout de quelques pages, je comprends : c'est un fake ! C'est du reconstitué fait main !! Bon, je suis un peu déçue de comprendre que l'auteur est à la fois, le jeune homme, le psychiatre, l'avocat etc...Mais je continue, parce que c'est diablement intéressant et bien fait.

Voilà les pièces du dossier, mesdames, messieurs. Un très jeune homme, Roderick Macrae, dix-sept ans, est accusé d'un triple assassinat ...On ne sait pas encore clairement sur qui. Nous accédons dans le livre à diverses dépositions de témoins (voisins, prêtre, instituteur), et surtout au récit des événements et de ses circonstances par le ci-devant Roddy Macrae, supposément pourtant un paysan attardé et illettré. Nous avons ensuite les rapports médicaux (psychiatre) et le procès.

Grâce à cette construction très habile, Graeme Macrae Burnet fait le tour d'un système social inique, où tout est fait, bien sûr, pour écraser le faible, le travailleur. L'Ecosse du XIXème siècle fonctionne de façon médiévale. Les terres sont attribuées à des paysans, mais appartiennent au seigneur. Les paysans sont "managés" à divers niveaux, dont le plus pervers est l'élection de l'un d'entre eux pour surveiller tous les autres, les dénoncer et les punir. Evidemment, dans de telles conditions, le drame couve. Roddy Macrae est un enfant compliqué- orphelin de mère, père violent, taiseux, idiot- et qui doit se soumettre à des diktats religieux et sociaux qui insultent son intelligence. L'intelligence a par ailleurs été cultivée par l'instituteur, et constitue dans ce cas une bombe à retardement. Car on peut faire ce que l'on veut, mais 1869, ce n'est pas le Moyen-Age, et les esprits ont changé...De même que dans le livre d'Anna Hope, La Salle de Bal, nous voyons par ailleurs comment la science-la médecine-participe activement et paradoxalement à maintenir la société dans son jus le plus conservateur, cherchant à enfermer et éliminer tout élément perturbateur (les fous lobotomisés remplacent les pendus...)

Je suis loin d'avoir abordé tous les thèmes du livre, tous les personnages, toutes les attitudes scandaleuses (et fort d'actualité d'ailleurs, nihil novi sub sole) qui font le foisonnement du récit. le livre est vraiment intéressant, original, et écrit d'une manière à rendre addict n'importe quel lectrice-lecteur.

Je le recommande donc vivement, et remercie les éditions Sonatine et l'opération Masse Critique pour ce cadeau de grande qualité !

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La disparition d'Adèle Bedeau

Manfred Baumann est un homme d'habitudes. Directeur d'une agence bancaire à Saint-Louis dans le Haut-Rhin, il mange tous les midis à La Cloche où il se rend aussi le soir pour prendre un ou plusieurs verres au comptoir. Solitaire depuis sa plus tendre enfance, il ne parle à personne, se contentant d'observer Adèle, la jeune serveuse.

Quand elle disparait mystérieusement, Manfred est interrogé par l'inspecteur Gorski, un policier désabusé qui ne s'est jamais vraiment remis de sa première affaire d'homicide qui a vu condamner un SDF, coupable tout désigné mais innocent.

Même s'il n'a rien à se reprocher, si ce n'est d'avoir espionné Adèle, Manfred ment au policier, lui cache le peu qu'il sait et s'enferre dans ses mensonges, faisant de lui le principal suspect de Gorski.



Ambiance désuète à la Simenon pour un duel entre deux hommes qui ont finalement plus en commun qu'ils ne le pensent, deux hommes malheureux et gris dans une ville qui l'est tout autant. Car ce polar, sombre et addictif, se concentre plus sur l'atmosphère que sur l'action. On est à Saint-Louis, une petite ville sans intérêt particulier, un endroit figé dans le temps où les personnages végètent sans autre ambition que de ne pas mourir d'ennui.

Les deux personnages ont renoncé au bonheur, à la joie, à la vie. Ils se contentent de jouer leur rôle, banquier pour l'un, policier pour l'autre. Leur rencontre ne fait pas d'étincelles, c'est un face à face psychologique entre deux taiseux.

Des gens ordinaires dans des situations extraordinaires, des secrets et une certaine vision de la province pour un polar original au dénouement étonnant. A découvrir si l'on aime Maigret, Chabrol et les surprises.

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Une patiente

Si vous avez l'impression que tous les polars se ressemblent, si vous en avez marre des schémas classiques avec une enquête et un flic, si quand vous voyez sur la quatrième de couverture qu'il s'agit ENCORE d'une histoire de disparition d'enfant, alors ouvrez sans tarder Une patiente de Graeme Macrae Burnet.

On a connu cet auteur écossais avec La disparition d'Adèle Budeau, l'Accusé du Ross Shire ou bien encore l'Accident de l'A 35, trois romans dont l'atmosphère semblaient très inspirés par Simenon ou même le cinéma de Claude Chabrol , deux références bien françaises pour un auteur écossais mais vivant en Alsace.

Cette fois l'auteur nous entraine à Londres dans les années 60 et joue avec virtuosité des frontières entre fiction et réalité.

Nous n'avons pas envie de dévoiler l'astuce que trouve Graeme Macrae Burnet pour nous plonger dans son histoire.

Véronica, pourtant promise à un brillant avenir, s'est suicidée et sa sœur, pour essayer de comprendre, va se retrouver dans le cabinet du célèbre psychanalyste qui la suivait, Collins Braithwaite.

Pour brouiller les pistes, elle endosse une fausse identité : Rebecca Smith, une personnalité qui va devenir de plus en plus envahissante alors qu'un véritable jeu pervers et dangereux s'engage entre elle et le psychanalyste.

C'est très intelligent, à la fois drôle (la jeune femme, élevée par une mère qui voit toute femme comme une Jézabel, a une vision de la vie et du sexe qui m'a beaucoup fait rire) et sinistre ( car que de solitude dans ces vies que nous montre l'auteur).

Un thriller totalement atypique et brillant qui piège son lecteur dans un maelstrom de faux semblants et de vertiges insensés!
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L'Accusé du Ross-Shire

Plongez dans les mémoires de Roderick Macrae, petit paysan de dix-sept ans qui a commis un triple crime sauvage dans le petit village d’un coin reculé des Highlands. Le jeune homme aurait écrit ses confessions en prison sur les conseils de son avocat. Roderick a tué à coup de pioche le paysan qui officiait en tant que connétable de la région et qui harcelait depuis plusieurs mois sa famille.



Aucun doute de sa culpabilité, reste à comprendre pourquoi un jeune homme sans histoire en vient à commettre l’irréparable. Dans sa cellule le condamné reçoit la visite du médecin de la prison, d’un aliéniste, spécialisé dans l’étude des meurtriers et de son avocat un homme progressiste qui veut plaider la folie pour ainsi lui éviter la potence.



Lors du procès, tous les témoins du drame annoncé se succèdent et c’est le tableau d’une grande et misérable détresse qui se dessine.



Des familles de paysans en servage total, à la merci d’un connétable omniprésent, lui-même à la merci d’un régisseur qui ordonne l’immense domaine d’un Lord.



La révolution industrielle à déjà commencée et pourtant, dans des coins reculés d’Europe, des familles vivent encore des craintes moyenâgeuses. L’ordre et la morale règnent et gare à celui qui ose remettre en cause l’ordre établi.



L’écriture fluide de Macrae Burnet est d’une redoutable efficacité, il offre au lecteur une habile et précise description de la vie dans les Highlands écossaises au milieu du XIX e siècle.



Empathique et humaniste, « L’accusé du Ross-Shire » est assurément un formidable roman historique.
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L'accident de l'A35

Troisième roman de Graeme Macrae Burnet , et deuxième que je lis : L'Accient de l'A35 met en scène l'inspecteur Gorski dans un petit village d'Alsace. Celuic-i cherche à vérifier que la mort de Bertrand Barthelme est bien ce qu'il y paraît : un accident de la route. Mais lorsqu'il fait des visites dans la famille et le voisinnage, des éléments le troublent et lui font dire que cette affaire est bien trop simple pour être vraie.



Une fois de plus la lecture de cet auteur a été un délice, et je le redit cette fois aussi j'ai été sciée par la qualité de la traduction de Julie Sibony !

C'est un roman que j'ai trouvé très vivant, très visuel, sans fioriture et avec une analyse et un regard très justes sur la vie dans les petites villes. Et bien sûr, les petites touches humoristiques relèvent la saveur globale du récit.

La comparaison avec Simenon n'est pas si incongrue qu'on pourrait le penser car c'est vrai que c'est un roman très réflexif, qui prend son temps. Pour les mateurs de thrillers haletants misant tout sur l'action, passez votre chemin.

Pour ceux qui savent appréciser la mise en place des personnages, des lieux et des erreurs : n'hésitéez pas !



Je remercie donc très chaleureusement Babelio et les éditions Sonatine de m'avoir permis de découvrir l'univers de Georges Gorski !
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L'accident de l'A35

Je remercie avant tout Babelio et les éditions Sonatine, que j'affectionne particulièrement, pour l'envoi de ce livre.

Le point de départ de l'intrigue est un accident mortel qui se produit sur l'A35. La victime est un notable d'un petit village alsacien, marié et père d'un adolescent. A priori, un tragique accident, donc, mais somme toute banal. Tristement banal.

Gorski, commissaire de police, se retrouve en charge du dossier. Etre commissaire dans cette petite ville ce n'est pas la joie, c'est même un peu la honte par rapport aux collègues de Strasbourg...Son couple est terminé, il boit beaucoup. Ses collègues ne l'affectionnent pas particulièrement.

Mais pourquoi la veuve de l'accidenté ne semble-t-elle pas éplorée? Pourquoi personne ne semble regretter le défunt?

Bien malgré lui, le commissaire va se retrouver à fouiner dans la vie de cette famille apparemment sans histoires.



J'avais déjà lu quelques critiques sur le livre aussi je ne m'attendais pas à lire un thriller haletant et plein de suspens. C'est au contraire une véritable autopsie de la vie des gens, une plongée dans les secrets de Monsieur et Madame Tout-Le-Monde.

Non-dits, mensonges, suspicion m'ont souvent mise mal à l'aise, je dois l'avouer. Je n'ai pas du tout aimé le fils, Raymond, même si je comprenais son mal-être. Quant à la femme de la victime, son inertie m'a agacée.

Les autres personnages, du commissaire au barman, sont criants de vérité et c'est là la force du roman.



Un roman très bien mené, bien écrit, extrêmement réaliste.
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La disparition d'Adèle Bedeau

Un livre bien étrange, puisqu’on a l’impression de plonger dans un bon vieux Chabrol. Une intrigue qui prend son temps et avec une lenteur qui pose avec délice les personnages. C’est un livre qui se déguste, qui prend le temps de camper les personnages.



Un livre au premier abord banale, mais qui va se révéler beaucoup plus complexe et profond qu’il n’y parait.



Parfois le tableau semble bien banale, mais l’auteur nous rappel que ce n’est qu’un tableau qui a besoin d’être dépoussiéré, pour enfin révéler toutes les nuances de l’arc en ciel. Sauf qu’ici l’arc en ciel est fait de nuances de gris (on se calme, rien de sexuel…)



On se laisse facilement prendre par cette lecture, dans laquelle on se perd entre réalité et fiction… Entre présent et passé mais surtout entre faits divers réels ou imaginés… Un roman, qui ne vous laissera pas indifférent…


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L'Accusé du Ross-Shire

Un livre glaçant de bout en bout, où le cynisme rejoint le sordide, où les mots comme la parole sont confisqués au profit des puissants.

Les paroles se dérobent , tous les acteurs, et tous les fermiers obéissent à une terrible omerta, le silence du vieux, trop lisible, ne laisse filtrer aucune lueur, Roderick Macrae lui même se retranchera parfois dans le silence.





Si un livre peut changer votre vie, celui-ci est de ceux, capable de vous désespérer de l'humanité, de la religion, de la justice et de votre père. Alors autant le lire d'une traite (avec un seul r).

Comme un bernicle sur son rocher, ce roman policier, plus proche du thriller, à l'intrigue diabolique et inventive, au suspense omniprésent ne vous lâchera plus.





Ce coup de maître d'entrée, est à saluer, l'auteur vous invite à lire, un récit écrit par un détenu qui raconte les meurtres qu'il a commis. Un récit écrit en 1869 et retrouvé dans les archive d'Inverness !

C'est parti il nous tient en laisse comme un épagneul un peu fou. de dépositions, en comptes-rendus d'audience Graeme Macrae Burnet tisse sa toile.

Pris dans la nasse, au plus prêt des acteurs, frustres mais si crédibles, cette longue lecture éveillera en vous de douloureux questionnements. La honte s'insinue dans la famille Macrae, quand l'arrogance s'affiche dans le clan Mackensie.





La religion représentée par M Galbraith est une injure au bon sens et au simple devoir de compassion. le révérend est un cynique douteux, incapable du moindre signe de sympathie, il affirme au contraire, que si votre femme est morte c'est de votre faute ; ce qui donne en langage sacerdotal, et onctueux, ; "Je lui ai rappelé que les tribulations de cette existence, nous échoyait en juste rétribution de nos péchés et qu'il devait les accepter comme telles", ainsi s'exprimait page 267, le révérend au décès de la maman du prévenu, Roderick et de son père John.





Mais qui est le père, de l'enfant né ce jour où sa maman meurt en couche ?

La maman est qualifiée de frivole et d'hypocrite, par le révérend Galbraith.





Quant à la féodalité, qui règne alors en Écosse, celle-ci est omniprésente. Propriétaire de territoires très étendus, jusqu'aux plages, son pouvoir s'exerce par son représentant, le Constable, Lachlan le Large, le clan Mackensie, qui conjugue cynisme et humiliation., le régisseur, rappelait, au cours de l'entrevue demandée par John Macrae, page 127 que " par bonté le bail est encore prolongé" !



Dans ce village isolé des Highlands, les meurtres perpétrés chez le constable Lachlan le Large, déclenche un procès hors norme, où chacun est là pour défendre une thèse propre à son camp.

L'église avec le révérend Galbraith, les propriétaires terriens représentés par les victimes, les fermiers soumis au labeur et à une loi, où chacun doit rester à sa place, ces clans vont s'affronter au cours des enquêtes menées par les avocats.



Un mot me revient, que l'on trouve prononcé par le révérend, « tribulations », que cache t-il réellement ? Alors que Jetta la soeur adorée de Roderick, est bien enceinte, son père John déclarera plus tard qu'il ne la connaît pas.



Lui Roderick connaît le père, de l'enfant, il l'a surpris ; Au lieu de quoi "celui-ci m'attrapa par la nuque, colla son visage contre le mien" et me dit : "quand tu seras grand tu comprendras qu'un homme doit satisfaire ses besoins quelques part". P 83

"Surtout maintenant que ta chère mère n'est plus parmi nous". Lâcha le constable Lachlan.

Il laissa alors échapper un rire sonore et partit.



Dans son cahier, après la mort de sa mère il écrira page 41 : "Je méditais le sermon de Monsieur Galbraith et résolus à cet instant, avec la terre grise sous mes pas, que lorsque l'occasion se présenterait, je deviendrais le rédempteur de mon père".  et plus loin "je crois que Monsieur Galbraith était très satisfait de la mort de ma mère, car elle corroborait la doctrine professée".





L'étroite relation qui relie le lord Middleton, et le révérend ne doit pas être rompue. Aucune requête n'est acceptable si elle s'oppose au constable, aucun délit de Laclan le Large du clan Mackensie, ne peux lui être imputé, les tribulations des femmes, portent la honte, quand elles tombent enceintes.



Quelle magnifique fresque de l' Écosse du XIXe siècle, si mal connue, on est bousculé interloqué, par les interventions de la défense, par les dépositions des uns et des autres. Quelle signification doit-on donner à ces meurtres, sont-ils une vengeance, l'oeuvre d'un illuminé ?



La clé de l'énigme n'est pas donnée me semble-t-il, il faut la forger,reprendre le récit de chacun, reprendre la chronologie des faits, nul doute que cette lettre envoyée la veille du meurtre, est le déclencheur du désastre, lettre à laquelle le révérend ne répond que par une pirouette insipide et insultante « prions ».



Merci aux éditions Sonatine de cet ouvrage si remarquable, merci Masse Critique de ce choix si judicieux.

On retrouve des points communs, entre cet ouvrage de Graeme Macrae Burnet, et L'île du Serment de Peter May.





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L'Accusé du Ross-Shire

Un triple meurtre dans les Highlands au XIXeme siècle. Le roman s'ouvre sur la confession de Roderick Macrae (un soit-disant héritage qu'aurait léger le personnage au narrateur/auteur).

Puis viennent les avis des scientifiques, docteurs en psychologie criminelle et autres experts. Et enfin les trois jours de procès puis le verdict.



Avant de donner mon avis, une conclusion s'impose : bien joué !

Gramae Macrae Burnet à vraiment bien joué avec ce roman, que ce soit avec ses personnages ou ses lecteurs !

Tout d'abord il y a cette ouverture assez lente qui, si on s'y laisse prendre, s'inscrit assez bien dans la tradition du 'storytelling' gaélique. La seconde partie est plus intellectuelle, plus structurée. Et c'est là que je me suis demandé.... "Mais de qui se moque-t-il?!!" S'il est vrai que l'intrigue peut perdre le lecteur par sa vraisemblance, lorsqu'on s'est déjà confronté au post-modernisme avec Paul Auster notamment, difficile de ne pas apprécier ce jeu de piste !



Pour apprécier ce roman, il faut accepter l'idée de se laisser porter par lui et ne pas trop en attendre d'emblée car il résiste à toute tentative de définition ou à tout type d'étiquette. Ce n'est ni un thriller, ni un roman policier, ni un roman historique, ni une biographie, ni un pamphlet ou un étendard pour un Gaelic revival.



Bien sûr, au-delà de ce jeu narratif, certains motifs semblent ressortir malgré l'auteur. Par exemple le sentiment de malaise de l'adolescent différent - à la Holden Caufield de J.D.Salinger. Ou encore la dérision dont l'auteur fait preuve face à toutes ces sciences et spécialistes en tout genre. Chacun d'eux est sans cesse dépassé par un nouveau, et au final : personne n'a la réponse !



Avant de conclure ce billet, je tiens à saluer le superbe travail de traduction de Julie Sidony qui a su rendre le récit parfaitement fluide. D'autant que le langage et l'élocution des personnages à une grande importance dans ce roman.

Les traducteurs sont souvent fustigés à tort : le fameux traduire c'est trahir. Facile à dire, mais il y a aussi des traducteurs qui sont de véritables passeurs, des passionnés qui savent, sans qu'on s'en rende compte s'effacer derrière le récit pour se mettre à son service. Un grand bravo et merci à elle pour avoir fait parvenir ce texte au public français.



Et pour finir, je remercie bien sûr très chaleureusement Babelio et les éditions Sonatine pour leur confiance, pour cette lecture et l'organisation de cette fabuleuse rencontre qui fut si riche.

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L'Accusé du Ross-Shire

Je tiens tout d'abord à remercier Babelio et les Editions Sonatine pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse critique privilégiée.



Malheureusement, je n'ai vraiment pas passé un bon moment de lecture. The Time (en 4ème de couverture) qualifie ce livre de « Passionnant, et aussi divertissant qu'intelligent. » C'est le mot « divertissant » qui m'interpelle. Je n'ai pas trouvé l'histoire divertissante mais plutôt consternante. Quelle tragédie familiale! Quand j'ai refermé le livre je pleurais comme une madeleine. Je dois être trop sensible pour lire ce genre de livre qui est, cela étant dit, très bien écrit.



Au fur et à mesure que j'avançais dans le récit, j'en attrapais mal au ventre Il y a une scène qui m'a profondément choquée Non... rien de divertissant dans cette histoire.



Ce livre m'a laissée toute tourneboulée...



Challenge multi-défis 2017 (13)
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L'accident de l'A35

Comme dans La Disparition d’Adèle Bedeau, Graeme Macrae Burnet nous entraîne dans une vertigineuse mise en abyme : un roman dans le roman, un écrivain qui se prétend un autre. La première de couverture nous annonce un roman de Graeme Macrae Burnet, L’Accident de l’A35, alors que la page de titre indique que l’auteur de ce roman se nomme Raymond Brunet et que Macrae Burnet et Julie Sibony (la traductrice) ont, pour leur part, établi la nouvelle édition de cet ouvrage. Je salue au passage l’élégance de Burnet/Brunet qui associe de cette manière sa traductrice au processus de création.

***

Avant-propos et postface sont ici indissociables du roman lui-même : ils accentuent l’effet de réel en proposant des explications qui se révèlent nécessaires à la compréhension et à l’appréciation du jeu littéraire dans lequel l’auteur entraîne son lecteur. L’avant-propos annonce d’ailleurs un troisième ouvrage du même Raymond Brunet. En effet, le notaire détenteur des manuscrits en a envoyé deux à la maison d’édition Gaspard-Moreau, mais pour ce faire, selon la volonté de Raymond Brunet, il a attendu la mort de Marie Brunet, la mère de ce dernier. Ce détail laisse supposer que les deux manuscrits contiennent le récit d’événements probablement choquants pour elle. Remarquons au passage que l’un des deux personnages principaux s’appelle Raymond, comme l’auteur… Un roman autobiographique ? La postface apporte des réponses.

***

Nous retrouvons ici l’inspecteur Georges Gorsky, de la police de Saint-Louis, calme et ennuyeuse petite ville frontalière avec la Suisse. Notre inspecteur est toujours le même, un peu maladroit, peu sûr de lui, mal intégré au commissariat, mal adapté à ce milieu de notables provinciaux que son métier, ses enquêtes et sa femme lui imposent de fréquenter. Ce n’est pas un hasard, l’inspecteur est en plein déconfiture conjugale, ce qui semble le pousser à s’alcooliser, lentement mais consciencieusement dans tous les endroits, où il passe. Il enquête sur un accident de voiture. La victime, Bertrand Barthelme, notaire, n’avait rien à faire sur l’A35 qui relie Saint-Louis à Strasbourg ce mardi soir. Pour faire plaisir à la veuve qui ne lui est pas indifférente, Gorsky va mener l’enquête. Parallèlement, Raymond, le fils adolescent du défunt, trouve dans le bureau de son père un papier avec une adresse à Strasbourg et décide de s’y rendre. Nous suivrons tantôt l’inspecteur, tantôt l’adolescent et nous réaliserons que ces deux-là, malgré leur différence d’âge et de statut social, se ressemblent beaucoup.

***

J’ai aimé ce roman comme j’avais aimé le précédent. La mise en abyme, la complicité établie avec le lecteur, la grande connaissance de la littérature française et les différents hommages rendus à certains auteurs français me séduisent. Comme dans La Disparition d’Adèle Bedeau, le coup de chapeau à Simenon impose certains thèmes qui lui étaient chers : la vie étriquée de province, le manque de confiance en soi, la peur du ridicule, le souci du qu’en-dira-t-on, la médisance et la calomnie, etc. L’écriture aussi traduit l’admiration portée à cet auteur tant dans la précision des descriptions que dans la finesse de l’analyse psychologique des personnages. Vivement la suite !

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La disparition d'Adèle Bedeau

L’écrivain écossais Graeme Macrae Burnet avait montré toute l’étendue de son talent avec son premier roman traduit en France : L’Accusé du Ross-Shire. Sa capacité à plonger le lecteur dans L’Écosse profonde du XIXème siècle était proprement ahurissante. Le voilà qui étonne encore davantage en nous immergeant dans… une petite ville alsacienne, Saint-Louis.



Quelle mouche a donc piqué l’auteur, vous demandez-vous ? L’idée lui est venue d’une visite dans cette commune frontalière de la Suisse, près de Mulhouse. Un endroit de passage, où il a eu l’impression que le train-train était immuable par rapport aux grandes villes alsaciennes (principalement Strasbourg, où se déroulent quelques scènes du livre).



Burnet a transposé son intrigue dans les années 80, pour en rajouter dans cette vision d’habitants figés dans leurs habitudes. C’est bien ce sentiment d’immobilisme qui transpire de chaque chapitre, avec des protagonistes englués dans leurs routines. A l’image de ce personnage de banquier qui ne déroge pas d’un poil de ce qui constitue son quotidien.



Sauf que rien n’est plus trompeur que l’image que renvoie ce type de personnes (qui trompent les autres et se trompent eux-mêmes).



C’est là tout l’intérêt et la force de ce roman noir qui fleure bon l’époque des Maigret. L’écrivain ne cache pas son amour pour Simenon. Mais on est loin d’une banale copie ! Il s’amuse à créer son récit comme une poupée gigogne, un livre dans le livre et un badinage qui fait croire que ce roman a été adapté au cinéma par Claude Chabrol. On y croirait presque et on est tout à fait dans l’ambiance.



On pourrait s’inquiéter de voir un romancier écossais décrire une Alsace qu’il ne connaît pas. Même s’il utilise Saint-Louis comme cadre figé dans le temps ; la ville l’est un peu moins que ça en réalité de nos jours ; on sent qu’il a bien mis les pieds en Alsace, à Mulhouse, à Strasbourg. Il m’a même bluffé à parler d’endroits qui existaient dans les années 80 et qui ont disparu maintenant. Un vrai travail de recherche ET de terrain. Good job, Scottish man.



L’histoire de cette disparition pourrait paraître banale, mais c’est bien la manière dont l’auteur crée l’ambiance et décrit les personnages qui donne du piment à sa recette.



Son écriture empathique et toute en subtilité rend le roman attachant, donne certaines couleurs à la grisaille et un côté singulier à l’ordinaire.



Graeme Macrae Burnet a décidément une étonnante capacité à créer une atmosphère. La disparition d’Adèle Bedeau a ce charme des romans du passé, plus vénéneux qu’il n’y parait de prime abord. Un polar atypique dans ce XXIème siècle où l’excès semble devenir la norme dans beaucoup de romans. Ici, c’est bien la finesse de l’étude de mœurs qui prime.
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L'Accusé du Ross-Shire

Il faut toujours regarder au-delà des apparences. En voici un parfait exemple. L’accusé du Ross-shire est une duperie aussi intelligente que divertissante.



1869, dans un village perdu au fin fond des Highlands, en Écosse. Un triple meurtre, et un jeune accusé qui ne nie pas sa culpabilité. Mais, entre gens « simples » et terriens, rien n’est pourtant plus compliqué que la responsabilité des actes.



C’est à l’image de ce livre, qui n’est pas ce qu’il paraît être. Une préface qui augure d’une histoire vraie sur un ancêtre de l’auteur, un éditeur qui estampille le roman comme thriller. Que croire ?



Il est effectivement question de meurtres. Et de l’histoire d’un jeune homme vu à travers sa propre confession écrite, conjuguée à d’autres documents (témoignages, articles de journaux, rapport de légiste…).



Réalité ? Fiction ? Je vous laisse le découvrir. En tout cas, ce roman est bien davantage une chronique du 19ème siècle qu’un thriller.



Une chronique de la condition de vie paysanne à cette époque, mais aussi du système judiciaire, d’une vision de la psychiatrie à ses débuts et des « techniques » à l’aune du profilage criminel. Tant de thèmes qui rendent cette lecture aussi enrichissante que prenante.



Graeme Macrae Burnet est un auteur étonnant. Son travail de documentation est impressionnant pour donner corps à l’existence dans les Highlands de l’époque. L’accusé du Ross-shire se rapproche du roman social et historique, même si l’imagination du lecteur est titillée par l’originalité de la construction narrative.



N’attendez pas un rythme soutenu, mais plutôt de plonger dans le quotidien, les croyances, les règles paysannes et sociétales de l’époque. Le tout est vraiment captivant, à l’image de la dernière partie qui retranscrit toute l’atmosphère d’un procès « spectacle » pour une population sevrée de distractions.



L’accusé du Ross-shire est un roman aussi original que Graeme Macrae Burnet est talentueux. Une lecture à part, assez inclassable, et qui mérite qu’on se laisse porter par la narration. Poussez la porte du temps, croyez-moi, on s’y croirait.



Chapeau bas, au passage, à la traduction de Julie Sibony, qui rend un bel hommage à cette volonté de retranscrire une époque.
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L'accident de l'A35

J'ai déjà lu pas mal de romans policiers dans lesquels il ne se passait pas grand-chose… Et à vrai dire, j'aime assez le concept ! Je ne suis pas vraiment une adepte de l'hémoglobine, de la violence, des courses-poursuites… J'aime le propre, le net, le pas compliqué en terme d'intrigue (autrement je ne comprends rien) et moins il y a de mouvements, d'agitation, mieux c'est.

Bref, j'aime qu'on assassine et qu'on enquête... sans se salir, sans courir, et en prenant le temps de déguster régulièrement une tasse de café (j'suis pas très thé et encore moins tisane) ou une p'tite pression (même si, pour ma part, j'aime mieux le cidre...)

Eh bien là, j'ai été servie ! Disons-le : il ne se passe absolument RIEN, mais RIEN de RIEN dans le dernier roman de Graeme Macrae Burnet ! Degré zéro de l'intrigue... Franchement, à ce point, je n'aurais pas osé ! Surtout que le roman est publié chez Sonatine, maison d'édition spécialisée dans la littérature policière… Je pense que certains lecteurs vont tomber des nues… Au moins, vous, vous serez prévenus ! J'aime beaucoup d'ailleurs la phrase inaugurale, et augurale par la même occasion puisqu'elle annonce immédiatement le programme : « Il semblait n'y avoir rien de particulier à signaler au sujet de cet accident sur l'A35. ») Ah, ah… C'est exactement ça ! Flaubert qui voulait écrire un livre sur rien peut aller se rhabiller… (Oui, je sais, chez Flaubert, il y a l'écriture…)

Ce roman manque-t-il pour autant d'intérêt ? Eh bien non ! Et c'est peut-être cela le plus extraordinaire ! J'ai lu ce récit avec plaisir, élaborant mille dénouements, douze mille renversements de situation, cent mille rebondissements plus fous les uns que les autres et qui ne se sont jamais présentés… Ce texte est une espèce d'O.V.N.I de la littérature policière qui tient des romans de Simenon (un bandeau rouge nous apprend d'ailleurs que l'auteur est le Simenon du XXIe siècle - ce qui est très juste!) On y retrouve aussi l'atmosphère étouffante et oppressante des films de Chabrol : les petites villes de province où règnent l'ennui, les non-dits et où les commérages vont bon train. Mais vous pouvez aussi ajouter une cuillère à café de Camus et notamment du personnage de Meursault (oui oui de L'Étranger!) et du sentiment d'absurde…

Mélangez le tout et vous voilà à... Saint-Louis en Alsace, à une quarantaine de kilomètres de Mulhouse (où, après cette lecture, vous ne louerez à coup sûr aucun airbnb). À lire sur Internet les commentaires des habitants (actuels), c'est plutôt pas franchement attirant comme coin : froid (dans tous les sens du terme), cher (la Suisse n'est pas loin), un peu coincé, bref… nombreux sont ceux qui rêvent d'en partir… Le roman d'ailleurs nous en parle en ces termes : « Saint-Louis est une commune relativement insignifiante située dans la région des Trois-Frontières, au carrefour de l'Allemagne, de la Suisse et de l'est de la France. Ses vingt mille habitants peuvent se répartir en trois groupes : ceux qui n'aspirent pas spécialement à vivre dans un endroit moins terne ; ceux qui n'ont pas les moyens de partir ; et ceux qui, pour des raisons connues d'eux seuls, s'y plaisent. »

Georges Gorski, inspecteur dans cette ville, est amené à enquêter sur un banal accident de voiture : un certain Bertrand Barthelme, notaire du coin, a trouvé la mort brutalement une nuit tandis qu'il se rendait… Eh oui, c'est bien ça le problème… C'est qu'on ne sait pas où il se rendait ni précisément ce qu'il faisait sur cette route et à cette heure-là. Et c'est sa femme qui va discrètement demander à l'inspecteur d'enquêter, car elle s'interroge… Oui, normalement, tous les mardis soirs, son mari va dîner avec ses collègues… Et il n'avait donc rien à faire sur cette route !

Le problème c'est que Gorski n'a aucun doute : c'est un accident. Point barre. Maintenant, Madame Lucette Barthelme est plutôt jolie et son décolleté plongeant assez tentant… Gorski veut bien faire un petit effort mais il a lui-même pas mal de soucis et une belle dépression à peine contenue qu'il noie régulièrement dans l'alcool  : sa femme l'a quitté, ses collègues l'apprécient peu et sa mère perd la tête… (J'aime bien cet inspecteur qui a encore un brin de morale, d'humanité et n'aime rien tant que de s'asseoir derrière un bar pour siroter un demi…)

Que dire encore ? (Pas la peine de me prier de ne rien dévoiler… Là-dessus, il n'y a pas grand risque… ah, ah, ah…) Bon, finalement, celui que nous allons suivre de près s'appelle Raymond Barthelme, fils du défunt… Oui, c'est lui qui va passer sur le devant de la scène… C'est lui aussi qui m'a fait penser à Meursault… Il est assez étrange ce garçon, un peu paumé… On ne sait pas trop ce qu'il cherche ni comment il va réagir… En tout cas, la mort de son père ne semble pas beaucoup le peiner… Il va trouver dans un tiroir du bureau paternel un mot sur lequel est notée une adresse… Qui a pu écrire cela ? Et pourquoi ? Roulements de tambour… Suspense insoutenable…

L'écriture extrêmement minutieuse dans les descriptions crée, je trouve, plein de leurres : on se dit qu'en effet, si deux pages (ou plus) sont consacrées à la description d'une femme qui entre dans un bar avec son petit chien, boit un cognac puis ressort, oui, on se dit que cette femme a forcément quelque chose à voir avec l'intrigue… Eh bien non ! Les détails abondent sans qu'ils aient de lien avec l'intrigue. Les portraits à la Degas (vous savez la femme devant son verre, « l'Absinthe ») sont nombreux et franchement assez réussis et l'atmosphère étouffante de la petite ville, la mélancolie, la tristesse, l'ennui qui pèse comme un couvercle sur les esprits (etc, etc.) assez génialement rendus, il faut bien le dire… Chacun semble traîner sa misérable vie comme un fardeau... Une éventuelle enquête policière sur un éventuel meurtre aurait pu divertir, distraire un tant soit peu les âmes en peine… Mais il n'en est rien. Le vide demeure, aucune issue ne se présente et chacun reste à sa place. Plus qu'un roman policier, L'Accident de l'A35 présente un tableau d'une province française tristounette aux décors surannés et de ses habitants dans les années 80/90 (pas de portables etc, etc, un autre monde quoi...)

Pas désagréable à lire mais il manque quand même, à mon avis, un petit quelque chose…

(Cela dit, j'aime bien Gorski, oui, lui, je l'aime bien...)


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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