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Citations de Günter Grass (223)


Disons-le tout de suite : j'étais de ces nourrissons à l'oreille fine dont le développement intellectuel et psychologique est déjà achevé à la naissance et n'a plus besoin ensuite que de confirmation. Autant, à l'état de fœtus, je m'étais soustrait à toutes les influences pour n'écouter que moi et n'estimer que moi en me reflétant dans le liquide amniotique, autant je prêtai une oreille critique aux premières déclarations spontanées que mes parents firent sous les ampoules. Cette oreille était parfaitement éveillée. Bien qu'on dût la dire petite, pliée, collée et en tout cas mignonne, elle conservait chacun des mots d'ordre désormais si importants pour moi parce qu'ils me furent offerts comme premières impressions. Mieux encore : ce que je captai avec l'oreille, je le traitai sur-le-champ dans mon minuscule cerveau et je décidai, après avoir suffisamment médité tout ce que j'avais entendu, de faire ceci ou cela, mais de m'abstenir assurément d'une chose.
"Un garçon, dit ce monsieur Matzerath qui présumait être mon père. Plus tard, il reprendra la boutique. Maintenant, nous savons enfin pourquoi nous nous tuons au travail."
Maman pensait moins à la boutique et davantage au trousseau de son fils : "Ah, j'savais bien que ce s'rait un garçon, même si j'ai dit quelque fois que ce s'rait une petite".
C'est ainsi que je fis prématurément connaissance avec la logique féminine et j'entendis ensuite : "Quand le petit Oscar aura trois ans, on lui donnera un tambour en fer-blanc".
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Une affection inquiète, attentive aurait à coup sûr interdit à mes amis d'apporter un objet aussi dangereux que du papier vierge et de l'abandonner aux sécrétions verbales de mon esprit.
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Je le concède : je suis pensionnaire d'une maison de santé, mon infirmier m'observe, me tient à l’œil, car il y a dans la porte un judas, et l’œil de mon infirmier est de ce brun qui ne saurait percer à jour celui qui a les yeux bleus comme moi.
(Incipit)
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Vous parlerai-je de la montagne de lunettes, parce qu'elles parlent à l’œil ?
Des dents en or, parce que ça se pèse ?
De solistes et de leurs lubies particulières, parce que les nombres à six zéros n'éveillent pas la sensibilité ?
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Je suis le gastéropode civil, humanisé. Mon goût d'aller de l'avant, de rentrer en moi-même, ma tendance à résider, hésiter et adhérer, mon agitation et ma précipitation dans l'ordre du sentiment : pour tout cela je suis gastéropode.
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Le miroir devient, par la ballerine, l'instrument sans indulgence de l'ascèse.
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Ce n’est pas lui, c’est le monde qui est mauvais.
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[...] cette pensée s'insinue de temps à autre en moi : que serait devenu le football allemand si l'arbitre, quand Puskás a tiré, n'avait pas sifflé une touche, que nous ayons été dominés jusqu'aux prolongations ou ayons perdu ensuite aux tirs au but, et que nous soyons sortis du stade non pas comme champions, mais encore une fois comme vaincus...

1954

p179
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Soyez heureux avec le miel artificiel et les pierres à briquet, dis-je sans colère ni accusation, mon art à moi portera un autre nom, mon bonheur sera désormais inscrit sur des pierres tombales ou, plus professionnellement buriné dans des pierres tombales.
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On croirait que la cité répand une odeur fraiche, propre, de sable, conformément à la saison - mais dans l'Allée de l'Est, dans l'Allée de l'Ouest, dans le Chemin des Ours, non, partout à Langfuht, Prusse-Occidentale; mieux encore, toute l'Allemagne en ces années de guerre sentait l'oignon, l'oignon cuit à petit feu dans la margarine, je ne veux pas m'arrêter: l'oignon bouilli avec, l'oignon frais coupé, voilà ce que ça sentait, bien que les oignons fussent rares et presque introuvables, bien qu'on fit des bons mots sur les oignons rares en connexion avec le maréchal du Reich Gering qui avait dit quelque chose à la radio sur la rareté des oignons, des bons mots que l'on colportait à Langfuhr, Prusse-Occidentale, dans toute l'Allemagne; c'est pourquoi je devrais frotter superficiellement de jus d'oignon ma machine à écrire et lui donner ainsi qu'à moi une idée de cette odeur d'oignons qui, en ces années-là, empestait toute l'Allemagne, la Prusse occidentale, Langfuhr, l'Allée de l'Est comme l'Allée de l'Ouest, et masquait l'odeur prédominante de cadavre.
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«Monsieur Matzerath, voyons, me morigène-t-il, si vous continuez à tambouriner aussi fort, cela va s'entendre ailleurs, qu'on tambourine bien trop fort ici. Vous ne voulez pas faire une pause, ou tambouriner plus doucement ?»
Oui, Bruno, je vais essayer de dicter à mon fer-blans un nouveau chapitre, moins bruyant, bien que ce sujet là, précisément, réclame à grands cris un orchestre rugissant, affamé.

[Passage suivi du chapitre :] Foi espérance amour
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Maman pouvait être très gaie. Maman pouvait être très anxieuse. Maman pouvait oublier vite. Maman avait cependant bonne mémoire. Maman m'avait jeté mais étal avec moi dans l'eau du bain. Je perdais parfois Maman mais son découvreur la suivait. Quand je trucidais des vitres, Maman apportait le mastic. Elle se mettait souvent dans son tort en même temps que sur son trente et un. Même quand Maman se boutonnait jusqu'au col, elle m'ouvrait des pistes. Maman craignait le courant d'air et n'arrêtait pas de faire du vent. Elle vivait à crédit elle n'aimait pas payer d'impôts. J'étais le verso de sa carte supérieure. Quand Maman jouait le coup à cœur, elle gagnait toujours. Quand Maman mourut, les flammes rouges pâlirent un peu sur le cylindre de mon tambour mais la peinture blanche devint plus blanche encore, et si crue que même Oscar, aveuglé, devait parfois fermer l’œil.
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La sensation croissante de resserrement. C’est un comme sous contrainte que l’unité allemande est invoquée à grands cris, il ne manque plus que de passer brusquement à l’acte. Il devient peu à peu dangereux d’élever la voix contre cette folie d’un nouveau genre. Si je persiste néanmoins à dire non, ce n’est pas par défi, c’est plutôt – outre tous les arguments et avec eux – par un pressentiment de plus en plus fort d’un échec. (…) En dépit de conditions apparemment favorables, l’espoir initial mis dans le miraculeux deutschemark risque, au sein de la population de RDA, de tourner à la déception. Les chiffres du chômage augmentant par bonds, l’arrogance prétentieuse de ces messieurs de l’Ouest avec leur ton de commandement, la perspective probable d’être à nouveau les couillonnés, les éternels perdants, voire de surcroît les incapables, pourraient faire germer de la haine, une haine mêlée de haine de soi-même. Après l’effondrement de la dictature communiste et de son économie de pénurie, ce sont à présent le système capitaliste et son idéologie, la stricte économie de marché et le pouvoir des banques, qui vont faire leurs preuves.
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La veuve riait fréquemment. Un rire précédait et suivait ses phrases avec accent : un rire sans raison, semblait-il, simple avant-goût, simple après coup. Ce rire frisant la stridence plut au veuf, car il y a dans ses papiers : « Comme un coucou. Parfois ça fait peur. Certes, pourtant j'aime l'entendre rire sans lui demander le pourquoi de son hilarité fréquente. Il se peut qu'elle rie de moi, se moque de moi. Mais il me plaît aussi de lui être risible. »
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On chatouillerait Matern qu'il ne se lèverait pas de sa chaise. Il est assis, les mains entées sur les genoux, ne faisant qu'n avec le meule, comme s'il devait y rester neuf ans ; ainsi sa grand-mère, la vieille mère Matern, resta neuf ans collée à son fauteuil et ne faisait que ribouler des yeux.
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Langfuhr était si grand et si petit que tout événement survenant ou pouvant survenir dans le monde survenait ou aurait pu survenir aussi à Langfhur.
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Je ne peux pas me rappeler que le professeur nous ait donné un enseignement sérieux. Quelques sujets de réactions me reviennent : "Préparatifs de noce chez les Zoulou." Ou bien : "Le destin d'une boîte à conserves." Ou bien "Quand j'étais bonbon de sucre d'ore et devenais de plus en plus petit dans la bouche d'une petite fille." Ce qui importait au professeur, c'était d'alimenter notre imagination ; et comme parmi quarante élèves il en est deux en général qui possèdent de l'imagination, trente-huit élèves pouvaient somnoler tandis que deux élèves de troisième - un autre et moi - déroulions le destin d'une boîte à conserves, prêtions aux Zoulous des coutumes nuptiales étonnantes et suivions à la piste un bonbon de sucre d'orge en train de diminuer dans la bouche d'une fille.
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Il est dangereux de suivre du regard les papillons ivres. Ils ont un plan sans importance.
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Même quand tombait la neige, mais que le vent donnait ss huit mètres-seconde, le moulin moulait régulièrement dans la tourmente inégale. Rien au monde ne ressemble à un moulin fonctionnant par neige tombante ; même pas les pompiers quand, sous la pluie, ils doivent éteindre le château d'eau en flammes.
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Quand des amitiés sont nouées pendant ou après des bagarres, il faut, ainsi que l'ont à tous enseigné les films à suspense, qu'elles soient mises à l'épreuve souvent et avec suspense. Bien des épreuves seront imposées à l'amitié Amsel-Matern dans ce livre - rien que pour ce motif, il traînera en longueur.
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