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Citations de Guy des Cars (762)


Ce n’était qu’une fois pourvu de ses attributs professionnels qu’il commençait à saluer ses confrères, estimant qu’il avait quitté l’incognito de la vie civile pour les splendeurs de la vie judiciaire. De vue, il connaissait tout le monde au Palais, depuis les plus illustres Présidents de Cours jusqu’aux plus humbles greffiers en passant par la cohorte innombrable des procureurs, avoués, avocats et avocaillons qu’il avait rencontrés tant de fois au hasard des différentes Chambres surchauffées, des couloirs poussiéreux et des escaliers interminables. Il connaissait tout le monde mais personne ne savait au juste qui il était. De jeunes confrères plus jeunes s’étaient même demandé ce que ce fantoche mal attifé, à la moustache pendante et aux lorgnons branlants, pouvait bien faire à errer ainsi dans l’immense bâtisse où il ne plaidait que très rarement.
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Là il abandonnait presque à regret son chapeau melon en hiver et son canotier de paille jauni à la belle saison pour recouvrir son chef d’une toque usagée qu’il plaçait très en arrière sur son crâne pour cacher sa nuque dégarnie. Ainsi coiffé, il endossait une toge élimée, sur laquelle n’apparaissait ni Légion d’honneur ni tout autre bout de ruban, sans prendre même la peine de retirer sa jaquette verdie. Ce double vêtement lui prêtait alors une corpulence qu’il était loin d’avoir dans la réalité, bien qu’il eût largement dépassé la soixantaine. Au moment de quitter le vestiaire pour commencer sa ronde habituelle, il complétait sa silhouette en glissant sous son bras gauche une vieille serviette en cuir dans laquelle il n’y avait pour toute pièce à conviction que la Gazette du Palais.
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Il traversait, comme il était le seul à le faire trois fois par semaine depuis près d’un demi-siècle, la Galerie marchande après avoir tourné en rond dans la salle des pas perdus. Il prétendait que cette promenade, dont il n’aurait pu se passer, lui permettait de « respirer le bon air du Palais ». Tout, depuis sa démarche traînante jusqu’à cette façon très particulière qu’il avait – lorsqu’il croisait un confrère – de pincer sa robe du bout des doigts pour esquisser une vague révérence, indiquait en lui la routine. Les lundis, mercredis et vendredis, à une heure de l’après-midi très exactement, on pouvait le voir gravir les marches du grand escalier extérieur donnant sur le boulevard du Palais et se diriger, sans prêter attention à qui que ce fut, vers le vestiaire des avocats.
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Il fit honneur au repas. La jeune fille n’osait pas l’interroger. Ce fut lui qu finit par parler, tout en découpant une poire.
- Je vois que vous mourez d’envie de savoir ce que j’ai fait ? Et, comme vous ne m’avez rien demandé, je vais vous le dire… J’ai assisté à quelques expériences…
- Des expériences ?
- Sur des êtres humains qui sont nés sans vue, sans ouïe, sans parole.
- Et ils vivent ?
- Moins mal que vous ne le croyez…
Il continuait à découper sa poire en observant sa jeune collaboratrice qui lui parut soucieuse.
- Qu’est-ce que vous avez ? demanda-t-il. Il y a quelque chose qui vous tracasse ?
- Je ne voulais même pas vous en perler, Maître, parce que je vous sais très occupé en ce moment… Voilà : toutes les nuits depuis votre départ, vers onze heures, ; j’ai reçu ici un coup de téléphone bizarre… C’était une voix de femme, toujours la même, qui demandait si vous étiez là ? Comme je répondais que vous étiez absent, on raccrochait immédiatement.
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- Bonsoir, ma petite fille… Est-ce qu’il reste quelque chose à manger ? J’ai une faim de loup… mon vieil estomac ne peut plus s’accommoder des splendeurs douteuses d’un wagon-restaurant.
- Il y a tout ce qu’il faut, Maître… Vous devez être fatigué ?
- Moins que je ne l’aurais cru… Je vous autorise à bavarder avec moi pendant mon dîner, mais après, il faudra réintégrer votre domicile…
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L’absence dura quatre jours. Danielle était inquiète quand le coup de sonnette caractéristique de l’avocat retentit. Il était dix heures du soir.
- Enfin, Maître ! Vous voilà !
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Danielle n’était pas sa petite fille, ni même sa parente, mais il avait pris l’habitude d’appeler ainsi la jeune étudiante qui terminait à la Faculté de Droit son Doctorat. Comme tant d’autres de ses sœurs, Danielle Geny se destinait au barreau. C’était par le plus grand des hasards qu’elle avait rencontré, quelques mois plus tôt, Victor Deliot à la terrasse d’un café boulevard Saint-Michel. Très vite, le vieux routier du Palais et l’avocate avaient sympathisé. Avec son esprit de contradiction habituel, Victor Deliot avait d’abord déconseillé à la jeune fille de s’inscrire, une fois ses études terminées, à un barreau quelconque en ne manquant pas de lui rappeler que le droit menait à tout à condition d’en sortir. Danielle, qui était arrivée dans la capitale cinq années plus tôt débordante d’ambitions juvéniles et d’espoirs, avait été quelque peu interloquée. Son nouvel ami ne lui dépeignait-il pas, avec une franchise émouvante, la misère qui l’attendrait si elle ne réussissait pas à s’affirmer dès ses premières plaidoiries ? Il lui fit comprendre qu’il était meix placé que quiconque sur ce chapitre pour avoir le droit de donner des conseils.
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Pendant cette nuit d’insomnie, Victor Deliot avait reçu une visite peu de temps après la conversation téléphonique avec Me de Silves :
- Bonsoir, Maître. J’étais très inquiète : je vous ai cherché partout au Palais…
- J’en suis revenu plus tôt que d’ordinaire.
- Vous n’êtes pas souffrant, au moins ?
- Non, ma petite fille…
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Elle apparut, la fille, mais la vision fut telle qu'il en eut le souffle coupé : ce n'était pas la fille de légende, mais une fille qui n'avait pas pris le temps de se maquiller, ni de dénouer sa chevelure. La robe de rêve était remplacée par un peignoir quelconque jeté sur une chemise de nuit. Ses pieds dans des vieilles pantoufles d'où dépassaient ses orteils.
L'amoureux manqua défaillir de surprise.
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Ida avait triché en virtuose non seulement avec les êtres humains mais aussi avec la vie, à laquelle elle avait trop demandé pendant les dernières semaines, et avec la mort dont elle avait devancé l'appel. Tout n'avait été chez elle que tricherie : l'accent anglo-saxon très net qu'elle s'était ingéniée à prendre, une fois rajeunie , pour marquer une différence sensible avec cette femme de cinquante ans qu'elle reniait et qui, elle, parlait admirablement sa langue natale... l'écriture qu'elle avait su camoufler: celle d'Ida était large et voluptueuse, celle d'Edith, menue et raisonnée...
Dans tous ces détails, qui avaient eu leur importance pour compléter l'illusion, Ida avait su se montrer une grande artiste ! Quelle étonnante comédienne elle aurait fait !

Jamais tricheuse n'avait atteint à pareille maîtrise.
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Apprenez que la police est une institution parfois lente à se mettre- en mouvement mais qui va jusqu'au bout quand une enquête est commencée... Je comptais justement vous téléphoner ce matin pour vous prier de passer à mon bureau... Nous avons déjà recueilli un certain nombre de renseignements intéressants.
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L'homme savait que sa vie, qui était déjà infernale depuis son veuvage, deviendrait intolérable s'il ne pouvait trouver auprès de celle qui avait été sa vraie maîtresse — et qui le savait — le seul refuge contre sa solitude grandissante. Il n'osait encore se
l'avouer mais il était tout prêt à reconnaître, dans le secret de son âme, qu'Ida avait raison quand elle lui rappelait qu'elle l'avait marqué pour toujours...
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Ce qui vous a attiré en Edith a été uniquement sa ressemblance avec moi.. Croyez bien que ce que je dis là n'est pas dicté par
l'orgueil : c'est une simple constatation. Souvenez-vous, mon petit Geoffroy, que je vous ai dit, la dernière fois où nous nous sommes vus, que vous resteriez mon amant jusqu'à votre mort, même si nous ne devions plus jamais nous retrouver.
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Un homme, qui consacre chaque minute de son existence à rechercher le moyen — même
s'il n'est pas encore au point —d'améliorer les conditions de vie de ses semblables, mérite le respect. Et, de toute façon, en quoi une accusation de cet ordre aurait-elle pu modifier le mystère du silence d'Ida ?
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Il faut croire que la terre est trop peuplée... ou encore assez vaste pour que l'on puisse y changer complètement de vie et
d'identité !
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L'ancienne maîtresse était trop femme, trop rouée aussi pour ne pas savoir que l'homme brutalement solitaire est une proie facile: Ida n'aurait pas perdu une seconde pour agir si le destin inexorable n'était venu, sous l'apparence d'un diagnostic médical, lui faire comprendre qu'il lui serait désormais interdit de jouer les amoureuses... A partir de cet instant, la vie de celle à qui tout avait réussi — même la rénovation physique — ne devait plus être qu'un drame
atroce où se mêlaient les remords de n'avoir pas su se montrer mère avec une enfant
unique et les regrets de ne pouvoir être à nouveau une maîtresse adorée.
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Ida n'avait jamais pensé qu'il pourrait exister, entre les deux êtres jeunes, quelque chose de plus fort qu'un désir passager. Quand elle s'en était enfin aperçue, c'était trop tard. Tous ses efforts de rajeunissement
et tous ses calculs s'étaient révélés inutiles : Geoffroy et Edith étaient déjà mari et femme. La maîtresse évincée pour toujours n'avait plus eu qu'une idée
démoniaque : troubler, casser même le plus vite possible ce bonheur dont elle n'était pas.
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Une femme que tout le monde admirait et dont le seul tort a sans doute été de ne pas être satisfaite de son sort et de sa
beauté cependant déjà très enviables ! Je ne comprends toujours pas et je ne
comprendrai probablement jamais pourquoi vous avez voulu, par un excès bien inutile d'orgueil ou de coquetterie, bonifier encore le véritable chef-d'œuvre
féminin que vous aviez la chance d'incarner ?
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Elle était apparue, rayonnante de sa beauté sculpturale etde son aisance souveraine, suscitant la convoitise chez les hommes et la jalousie chez les femmes qui s'étaient aperçues, dès le premier regard et avec un instinct exaspéré, qu'aucune lutte ne serait possible avec la nouvelle venue s'il lui prenait envie de faire son métier de femme. Le désir et la haine seraient les deux sentiments qui naîtraient spontanément sur le passage de cette Edith Keeling...
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Jamais fille n'avait autant rappelé sa mère mais, à la
réflexion, c'était assez normal. Ce qui, aux yeux de Geoffroy, semblait plus
incroyable, était qu'Ida ne lui eût jamais parlé de l'existence de cette
Edith... La seule explication possible était que la mère avait préféré cacher à
tout le monde son secret plutôt que de se vieillir par un tel aveu. Ida, qui ne
cherchait qu'à plaire et pour qui la vie n'avait pas d'autre sens, devait être
désespérée à la pensée que sa propre enfant — dont un destin inexorable avait
mit sa réplique exacte avec les années en moins — talonnerait de plus en plus
sa féminité qu'elle croyait irremplaçable.
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