AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Hans-Ulrich Treichel (17)


Je ne voulais ressembler à personne et à mon frère Arnold moins que quiconque. Ma ressemblance stupéfiante avec Arnold eut pour conséquence que je commençai à ressembler de moins en moins à moi-même.
Commenter  J’apprécie          200
[...] il ne leur serait jamais venu à l'idée de renoncer à ces excursions dominicales car elles étaient destinées d'abord à la préservation des forces laborieuses et constituaient, encore, un devoir dû au respect chrétien du dimanche. N'empêche que mes parents étaient incapables de profiter, ne fût-ce qu'à petites doses, des loisirs et de la détente. Au début, j'avais cru expliquer cette incapacité par leur origine souabe et piétiste d'une part, et de l'autre par leurs racines prussiennes, car je savais par les récits de mes parents que les piétistes souabes et les Prussiens orientaux étaient incapables de goûter ne fût-ce qu'un semblant de loisirs et de détente. Plus tard, j'avais fini par comprendre que leur incapacité à jouir des loisirs et de la détente avait un lien avec la disparition de mon frère Arnold et avec cette chose horrible que les Russes leur avaient, surtout à ma mère, infligée. J'avais, il est vrai, l'impression que ces excursions ratées me faisaient personnellement plus souffrir que mes parents car, pour mes parents, persuadés comme ils l'étaient que l'homme n'était pas sur terre pour faire des excursions mais pour travailler, ces excursions, dans un certain sens, ne pouvaient être que gâtées.
(p. 19)
Commenter  J’apprécie          120
Plus le poids du souvenir menaçait de pétrifier ma mère, plus mon père s'activait. Lui qui, deux fois de suite, après chacune des guerres mondiales, avait eu l'infortune de perdre sa maison et sa ferme et qui, après la dernière, était venu les mains vides s'installer à l'est de la Westphalie, avait alors, pour la troisième fois, réédifié ce qu'on appelle une existence. Il aurait pu vivre en paix mais pour lui, la paix n'existait pas.
(p. 40)
Commenter  J’apprécie          110
Mes parents n'étaient encore jamais partis en voyage et moi non plus, je n'avais jamais fait de voyage. Le voyage à Heidelberg qui devait durer en tout trois jours fut l'unique parcours relativement long que j'eusse jamais fait avec mes parents. Mes parents ne voyageaient pas. A cause du commerce, prétendaient-ils. Mais en réalité, s'ils ne voyageaient pas, c'était à cause de l'exode. L'exode, certes, n'avait pas été un voyage, mais tous les voyages semblaient leur rappeler l'exode. Un paysan de Rakowiec n'abandonne pas sa maison de son propre gré. Qui abandonne sa maison commet un péché. Les Russes sont à l'affût de celui qui abandonne sa maison. Lorsqu'on abandonne sa maison, celle-ci est livrée au pillage et vouée à la ruine.
(p. 103)
Commenter  J’apprécie          100
"Devenons amis.
- D'accord, dit Paul, mais en gardant le sexe."
Commenter  J’apprécie          100
"Mieux vaut la confiance que la bureaucratie" [...]
Commenter  J’apprécie          60
Paul connaissait un sombre tableau du lac de Grunewald par Leistikow. Une ambiance du soir en noir et orange. Le noir lui avait toujours semblé assez réaliste. Il avait observé plus d'une fois, lors de ses promenades autour du lac, que tout sombrait dans le noir : la forêt, l'eau, le chemin et même le ciel.
Et plus tout devenait noir, plus la circulation provenant de l'autoroute grondait fort. Une rencontre avec les sangliers qui erraient dans Grunewald pouvait alors devenir assez effrayante. Cela lui était arrivé une seule fois : soudain, à quelques mètres de lui, un sanglier était apparu au milieu du chemin, là où juste avant il n'y avait que du noir. Un sanglier gris foncé sur fond noir. Il avait failli rentrer en collision avec l'animal. Heureusement c'était un sanglier pacifique qui avait disparu aussi vite qu'il était apparu.
Mais un soleil couchant orangé comme sur le tableau de Leistikow, Paul n'en avait jamais vu sur le lac de Grunewald. Il n'en avait vu que des rouges. Rouge rubis. Rouge braise. Et parfois aussi, quand le ciel de Berlin renonçait à son austérité prussienne, rose. Peut-être était-ce lié à la pollution de l'air. Le tableau de Leistikow datait de 1895. L'air était très différent à cette époque. Le soleil pouvait encore darder ses rayons oranges comme s'il se couchait non pas à Berlin mais à Grenade.
Commenter  J’apprécie          30
Je ne pouvais pas partager avec eux la peur de ne pas retrouver leur fils aîné perdu pendant la fuite, car je ne savais pas qu'on avait perdu Gunter. Pour moi, Gunter était mort, mort de faim pendant la fuite, comme ma mère me l'avait toujours soutenu, en larmes. En réalité on l' avait perdu, et mes parents, ou plus exactement ma mère l'avait cherché jusqu'à la fin des années 70.
Commenter  J’apprécie          20
Un paysan de Rakowiec n'écoute pas de musique d'opérette. Un paysan de Rakowiec est à l'écoute des bestiaux dans l'étable, du vent dans les champs et du carillon de l'église.
Commenter  J’apprécie          10
Arnold était devenu mon ami et il serait demeuré mon ami si ma mère ne m'avait convoqué un jour à ce qu'elle appela une "explication". Ma mère ne m'avait encore jamais convoqué à une explication et mon père non plus. Durant toute mon enfance et les premières années de ma jeunesse, il ne m'était jamais arrivé d'être convié à une explication ou même à un semblant d'explication. Pour communiquer avec moi, mon père se contentait d'ordres brefs et de directives de travail, et quand ma mère me parlait, ce qui arrivait, la conversation débouchait toujours sur mon frère Arnold et s'achevait par des larmes et par le silence. Ma mère aborda l'explication en déclarant que j'étais à présent, assez grand pour apprendre la vérité. "Quelle vérité ?", demandai-je à ma mère car je craignais qu'il pût éventuellement s'agir de moi. "Il s'agit, dit ma mère, de ton frère Arnold." D'un coté, je fus soulagé d'apprendre qu'il s'agissait une fois de plus d'Arnold, mais en même temps, j'enrageais. "Qu'est-ce qu'il se passe avec Arnold?" Dis-je, et ma mère sembla à nouveau au bord des larmes, ce qui m'amena spontanément mais un peu étourdiment, à demander s'il était arrivé quelque chose à Arnold, question à laquelle ma mère répondit d'un air perplexe. "Arnold" dit ma mère sans autre préambule, "Arnold n'est pas mort. Il n'a pas non plus succombé à la faim. ce fut à mon tour d'être perplexe et aussi un peu déçu. mais au lieu de me taire, je demandai à ma mère, de nouveau sans trop réfléchir, de quoi Arnold était-il alors mort. "Il n'est pas du tout mort", dit ma mère une fois de plus, et sans la moindre émotion, "il a disparu"
Commenter  J’apprécie          10
Nous ne pouvions pas nous plaindre. Un éventuel regroupement familial pour 249 euros, que demander de plus? Tout était soudain très simple et bon marché.
Commenter  J’apprécie          10
L’homme ne sait jamais quand il va mourir. L’homme meurt généralement à contretemps, toi aussi tu es mort à contretemps
Commenter  J’apprécie          00
Je sais que tu es mort. Je sais que que je ne devrais pas rester ici avec toi. Je vais te recoucher sur ton lit et te croiser les mains avant que le docteur et les autres hommes arrivent
Commenter  J’apprécie          00
Si je n’écris pas tout maintenant, je ne le ferais plus jamais
Commenter  J’apprécie          00
Même si nous souffrions tous les deux de nos doutes, qui non seulement nous rongeaient mais menaçaient aussi peu à peu de nous dévorer. Je me dis parfois qu’ils ont aussi dévoré ma poitrine
Commenter  J’apprécie          00
Mon frère se tenait à croupetons sur une couverture de laine blanche et riait en direction de l'objectif. C'était la guerre, disait ma mère, la dernière année de la guerre, "chez nous". "Chez nous", c'était à l'est du Reich et mon frère était né dans les provinces de l'Est. En prononçant les mots "chez nous", elle se mettait à pleurer, comme il lui arrivait souvent de pleurer lorsqu'il était question de mon frère. Il s'appelait Arnold, le même prénom que mon père. Arnold était un enfant joyeux, disait ma mère, tout en contemplant sa photo. Puis elle se taisait, et je me taisais moi aussi, et contemplais Arnold à croupetons sur sa couverture de laine blanche avec son air réjoui. Je ne sais ce qui réjouissait Arnold, on était finalement en guerre, il se trouvait en outre à l'est du Reich et cela ne l'empêchait pas d'être joyeux. J'étais jaloux de la joie de mon frère, j'étais jaloux de la couverture de laine blanche de mon frère et j'étais également jaloux de son emplacement dans l'album de photos.Arnold occupait la première place dans l'album, avant même les photos de mariage de mes parents et les portraits de mes grands-parents, alors que moi, j'était loin en arrière. En outre, Arnold figurait sur une photo d'assez grand format alors que les photos sur lesquelles je figurais moi- même étaient, la plupart, petites, voire minuscules.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Hans-Ulrich Treichel (64)Voir plus

Quiz Voir plus

TOMEK TOME 1

Comment le capitaine du bateau de Vaillante s'appelle-t-il ?

Bastibaligom
Eztergom
Bastibalagom
Pépigom

7 questions
21 lecteurs ont répondu
Thème : La Rivière à l'envers, tome 1 : Tomek de Jean-Claude MourlevatCréer un quiz sur cet auteur

{* *}