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Critiques de Heinrich Böll (153)
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L'honneur perdu de Katharina Blum

Le lecteur est prévenu dès la page 9: le "journaliste" Tötges s'est pris quelques balles qu'il n'a certes pas volées... Et en est mort, bien sûr.

Heirich Böll, dans ce bref et passionnant roman, s'en tient aux faits: Comment, poussée à bout par les articles d'un torchon de la presse-caniveau allemande, Katharina Blum est devenue une meurtrière.

Ce roman percute Horus Fonck, qui a vu le film voici vingt-cinq ans.

Le livre date de 1974, mais reste d'une actualité encore amplifiée par Internet et les réseaux sociaux... Une actualité qui perdure depuis l'avènement de la presse écrite au XIXe siècle... Ou comment salir et détruire la vie et la réputation de celui ou celle victime de journaux sans scrupules.

Au reste, Katharina Blum, dont l'honneur du titre est perdu, garde la seule attitude digne par rapport à son geste: Aucun remords.

Et Heinrich Böll, je lui en sais gré, évite de nous asséner une quelconque morale sur l'acte de Katharina.

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L'honneur perdu de Katharina Blum

J'étais persuadée que L'honneur perdu de Katharina Blum était un rien sordide, et au minimum hyper triste - il faut dire que le peu que j'avais lu de Heinrich Böll se résumait jusque-là à quelques nouvelles franchement pas gaies. Et les autres lecteurs babeliautes qui ont écrit une critique sur ce roman ont beaucoup insisté sur son côté sombre, sur son écriture clinique. Je ne suis pas tellement en accord avec ça.





L'honneur perdu de Katharina Blum, publié en 1974, est sous-titré (ce qui a disparu de la couverture des dernières éditions en poche) "ou comment naît la violence et où elle peut conduire". C'est l'histoire d'une jeune femme employée de maison modèle, bien sous tous rapports et même considérée comme prude, qui va rencontrer à une soirée un jeune homme qu'on peut difficilement qualifier de "bien sous tous rapports" (il braque des banques, ce qui n'est généralement pas jugé comme vertueux) qu'elle ramène chez elle (ce qui tendrait à prouver qu'elle n'est pas si prude que ça). Or nous sommes en plein dans la première décennie des années de plomb en Allemagne de l'Ouest, donc à l'époque de la Fraction armée rouge, surnommée "Bande à Baader". le petit braqueur est suspecté de faire partie du groupe terroriste, la police se demande plus ou moins si Katharina est sa complice, la presse à scandale s'en mêle et tout ça finit par Katharina abattant le journaliste qui la harcèle avec un revolver. Je ne révèle rien : aucun mystère, tout est dit dès le début. Il ne s'agit aucunement d'un roman policier. le narrateur prétend disséquer l'affaire Katharina Blum (affaire toute fictionnelle, précisons-le bien) de la façon la plus objective possible - rapports de police et toutes sortes de documents à l'appui -, afin de démontrer comment une jeune femme extrêmement naïve peut en arriver à commettre un meurtre.





Sauf que sous les dehors d'un narrateur d'une neutralité à toute épreuve surgit très vite l'auteur, Heinrich Böll, qui donne dans l'ironie la plus mordante. Les rapports de police et autres documents s'effacent donc au profit d'un pamphlet s'attaquant à la presse à scandale, en mettant en scène le quotidien le Journal prêt à tout - c'est-à-dire à raconter n'importe quoi sur n'importe quel citoyen lambda par n'importe quels moyens, mais aussi à masquer les turpitudes d'autres citoyens beaucoup moins lambda, mais aussi à voir des communistes et des terroristes partout. Mais il n'y aurait pas de journal à scandale sans lecteurs naïfs, pour ne pas dire complètement idiots, parmi lesquels on peut compter Katharina Blum, victime donc d'une presse dont elle est la consommatrice. D'ailleurs, il n'est pas un personnage qui ne soit épargné. Katharina est à la fois rusée (un peu trop pour que ce soit crédible, d'ailleurs, et je suppose que c'est voulu) et incroyablement niaise (plus on avance dans le roman, plus on se rend compte qu'elle en tient une sacrée couche), les hommes mûrs sont au mieux agités par des fantasmes de romances platoniques avec leurs jeunes employées, au pire de gros pervers, etc., etc. Non, L'honneur perdu de Katharina Blum n'est pas un roman sordide ; c'est un roman à l'humour certes insistant (on peut trouver que c'est un peu trop, bon, c'est une question de goût), où Heinrich Böll se lâche carrément par moments. Rien que les pages consacrées aux écoutes téléphoniques valent franchement le détour...





Je ne sais pas pourquoi l'humour de ce roman est si peu mis en avant par ses lecteurs. Oui, le sujet de fond est sérieux. Mais Heinrich Böll a justement choisi de le traiter de manière légère. En 1972, Böll eut maille à partir avec la presse à scandale, plus précisément avec le journal Bild, qu'il accusait de publier des mensonges sur la Fraction armée rouge et d'entretenir un climat de violence dans le pays. Bild avait alors déversé son fiel sur Böll et on peut considérer L'Honneur perdu de Katharina Blum comme sa réponse sous forme de roman pamphlétaire, où la presse à scandale est proprement ridiculisée. On comprend donc que la place de l'humour y soit prépondérante, puisqu'il ne s'agissait ni de répondre de manière agressive à Bild, ni de donner dans le tragique.





On peut trouver des parallèles avec notre époque si l'on veut, on peut penser aux fake news, pourquoi pas, mais aussi aux chaînes d'info en continu traitant de l'actualité de manière ultra-subjective et presque toujours biaisée. Mais est-ce que c'est un roman si universel que tout le monde le dit ? Mouais, pas si sûr que ça...





Bref, lisez L'honneur perdu de Katharina Blum. Au mieux, vous rirez un bon coup mais vous aurez l'air plus intelligent et cultivé que si vous avouez avoir ri en regardant un film avec Dwayne Johnson (car les gens sont terriblement snobs). Au pire, vous n'avez pas d'humour (c'est pas de pot, à tous les coups vous n'aimez pas non plus Dwayne Johnson et vous faites partie des snobs) mais vous aurez quand même l'air intelligent et cultivé car vous aurez lu un Nobel. Je pense avoir usé des bons arguments pour convaincre tout le monde.
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L'honneur perdu de Katharina Blum

Katharina Blum est un personnage vraiment sublime.

Peu choyée par le destin, elle conserve un comportement irréprochable moralement en restant toujours fidèle à son caractère propre, peu importe les circonstances.

Soudain soumise, suite à la rencontre d'un homme recherché par la police, aux précédés douteux d'un journaliste à sensation qui traduit tout les éléments irréprochables de sa vie en moyens de provoquer l'attention et l'intérêt d'un public toujours blasé et insatiable, elle perd tout intérêt pour la vie qu'elle menait jusqu'alors et en vient, en quelques jours seulement, à commettre un meurtre sans aucun remord de conscience.

Les événements sont exposés de manière très précise, efficace, avec de petites pointes d'humour qui permettent de ne pas accorder trop de grandeur aux méprisables procédés employés par l'indigne gratte-papier.

J'ai été frappé de trouver que les procédés méprisables montrés dans le roman sont très près de ce que l'on peut observer dans la réalité. Quiconque a eu affaire en personne à l'actualité sait à quel point la vérité est souvent présentée par les médias sous son jour le plus sensationnel, souvent strictement anecdotique, en laissant beaucoup trop fréquemment l'essentiel complètement dans l'ombre.

Lorsque les règles du jeu pervers sont connues, c'est à ceux qui veulent passer leurs messages de faire bien attention à éviter le moindre faux pas, le moindre mot de trop, tout en arrivant à donner aux journalistes de quoi vendre leurs papiers. Par contre, lorsque ce n'est pas le cas, lorsqu'il s'agit d'une personne qui ne demande qu'à poursuivre son honnête vie modeste dans l'anonymat, l'ignominie du phénomène devient vraiment frappante. On touche ici clairement à un aspect essentiel de tout système démocratique, l'information du public, qui fonctionne actuellement extrêmement mal puisqu'elle se vend à la sensation, ce qui peut tout à fait déborder de la manière cauchemardesque, tel que présenté par Böll.

Le roman a été écrit dans les années 1970 et a malheureusement constamment gagné en actualité depuis. Avec l'arrivée d'Internet et des médias sociaux, c'est vraiment pire que jamais.

Puissent la vigilance, l'esprit critique et l'ironie toujours nous accompagner dans ces vallées d'ombres et de morts au rabais!
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La Mort de Lohengrin

Comme j'ai bien fait d'acquérir ce recueil de nouvelles d'un auteur qu'ainsi je découvre!

Et cette nouvelle qui donne le titre, et qui m'a mis au bord des larmes!

Quinze nouvelles, comme quinze coups de feu, de flammes, de grisou!

C'est poignant, c'est triste, c'est doux (si doux), et cocasse et brutal parfois!

Pensez! Quinze histoire en cent-cinquante pages dans lesquelles la guerre est là, si proche, jamais loin avec sa ricanante copine la mort!

Cette guerre qui dure, encore et encore après qu'elle soit terminée et qui bouffe tout de sa mâchoire putride et inassouvie.

Il y a des fulgurances et un humour qui affleure parfois comme une petite plante gracieuse autant qu'inattendue. Des instants pendant lesquels la guerre fait la pause et regarde, un court instant ailleurs!

Comme il m'a tenu, Heinrich! comme il a su m'emmener dans le vert, le gris, le vert-de-gris!

Comme il a ferré le Horusfonck!

Dis, Heinrich, tu m'emmèneras encore comme cela, dans tes autres filets littéraires?

Je puis le dire: J'ai eu un coup de Bôll!
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Le train était à l'heure

Tout soldat qui va a la guerre va a la mort. Ceux qui n'arrivent pas a destination peuvent revenir chez eux, pas sains mais saufs. Les autres resteront pour toujours sur les champs de bataille.





Andreas, le protagoniste de ce bref mais saisissant roman d'Henirich Boll, est une jeune recrue allemande, envoye en 1943 au front de l'Est. Il prend un train empli de soldats pour la Pologne, penetre de l'idee, de la croyance certaine, qu'il n'arrivera pas jusqu'au front et qu'il mourra quelque part entre Lemberg et Czernowitz. Pendant trois jours, cet angoissant voyage va devenir une reflexion sur la vie et la mort, sur l'amour, sur le role de la religion et des consensus sociaux en des situations extremes comme l'est la guerre.





J'ai eu le sentiment que Boll tracait deux vecteurs allant en directions opposees: le soldat vers la mort, la mort vers le soldat. Le point de rencontre devenant ineluctable. C'est une tragedie. Et j'ai senti la douleur, les tripes nouees du condamne a mort dans toutes les pensees et tous les dires d'Andreas. "Je ne veux pas mourir!". Plus rien ne l'importe, ni qui va gagner la guerre ni comment elle continuera a se derouler. Il n'y a plus que le temps qui s'ecoule, inexorable, et la conviction que le sursis que lui ont donne ses proches, son entourage, sa societe, est en train d'expirer. Mais il reste, comme ceux qui l'entourent, dans ce train de condamnes a mort, par un exces d'obedience conformiste et fataliste, comme si la liberte etait une chimere n'ayant jamais existe.

Il pense a ce qu'il a laisse derriere lui: manger chaud, dormir dans un lit. La banalite heureuse de la vie. Mais comment oser se rappeler ces bagatelles alors que ce qu'il devrait faire c'est prier? Et prier, ca sert a quoi, dans ce train? Quelle consolation peut apporter la priere face au destin fatal et horrible qui l'attend, qui le rejoint?





J'en viens a croire qu'il n'y a que ceux qui ont fait la guerre – et en sont revenus – qui peuvent en parler de cette facon. Comme Boll. L'horreur est dans tous les instants. Pas seulementt quand on se bat activement. Mais aussi quand on boit et devise avec des camarades, quand on chante, quand on couche avec une prostituee frontaliere, quand on monte dans un train.





Le train etait a l'heure est un court roman qui traite de l'horreur de la guerre depuis la perspective de l'echelle la plus basse des combattants: les simples soldats. Ceux qui ne savent rien des grandes strategies qui les menent d'un endroit a un autre. La seule chose qu'ils connaissent c'est la peur, l'angoisse, ou le fatalisme. Et quand ils s'en sortent, les cauchemars.

Un grand petit livre.

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Le destin d'une tasse sans anse

Qui n’a jamais conservé, oubliée sur le rebord d’une fenêtre, reléguée au fond d’un buffet ou traînant dans un coin en guise de cendrier, une vieille tasse sans anse dont on s’est souvent demandé pourquoi on ne s’en était jamais débarrassé ? C’est peut-être parce qu’elle a partagé notre vie, un peu de notre quotidien, et qu’il semble qu’on l’ait toujours connue, vieille tasse amie qui nous a suivi lors de déménagements, de déplacements, de voyages, qui nous a réchauffé lorsqu’on avait froid, qui nous a désaltéré lorsqu’on avait soif, sur laquelle on a pressé nos mains, posé nos lèvres…

Ha ! Si l’on pouvait écouter tout ce qu’elle a à dire, cette vieille timbale toute ébréchée, à l’émail passé, aux couleurs éteintes, elle en aurait tant à raconter…Sûrement qu’elle arriverait alors à la même conclusion que la tasse sans anse dans la nouvelle d’Heinrich Böll et s’exclamerait résignée, « que ces humains sont déraisonnables ! »



« Que ces humains sont déraisonnables ! »…à l’instar de cette tasse sans anse née d’un plat à gâteaux et d’un respectable beurrier, Heinrich Böll (1917-1985) a inlassablement exprimé cette déraison humaine tout au long d’une œuvre brillante et dense, composée de romans, de nouvelles et d’essais : « L’honneur perdu de Katharina Blum », « Portrait de groupe avec dame », « La mort de Lohengrin », etc…



L’expérience forcée de la guerre, le rejet du nazisme et plus généralement le dégoût inspiré par l’uniforme, ont stimulé cet écrivain phare de l’Allemagne d’après-guerre vers une littérature dominée par un engagement politique de chaque instant, un esprit critique plein d’acuité et une volonté de restituer la puissance et la grandeur de la langue de Goethe que le jargon nazi avait dénaturée.



Les 18 nouvelles qui composent le recueil du « Destin d’une tasse sans anse » ont été rédigées sur 30 ans, de 1950 pour les premières jusqu’à l’aube des années 1980 pour la dernière. Elles sont aussi excellentes que variées. Chacune a son ambiance, son décor, son univers bien particuliers, pourtant elles font montre d’un identique sens moral, participent d’une même volonté de mettre en scène des êtres insignifiants au prise avec une réalité qui les perturbe, les déçoit, les trahit ou les effraie, dans un pays qui a déposé, comme une lie tenace, les traces honteuses d’un dramatique passé au fond des consciences.



L’auteur allemand, Prix Nobel de littérature en 1972, y déploie avec brio une belle maîtrise narrative, une connaissance aigue de l’être humain qu’il soumet à une ironie fine et un esprit quelque peu grinçant qui prête souvent à sourire mais sait aussi être tendre et compatissant.

Sous le couvert de l’humour, les histoires de l’écrivain sont également parcourues d’un fort devoir de mémoire et d’une volonté de tirer les enseignements d’un passé que certains, et notamment les gouvernements et les classes dirigeantes, voudraient s’empresser d’oublier et tentent d’occulter ou à défaut d’édulcorer.



Si elle ne s’affiche pas toujours au fronton de ses livres, si elle ne porte pas toujours haut les armes du racisme, de la haine et du rejet par lesquelles elle détruit, la guerre court ainsi régulièrement, tout au moins en filigrane, le long des œuvres d’Heinrich Böll.

Elle y prend différents visages, s’incarne dans plusieurs rôles et diverses formes : une musette de combattant faisant le tour du monde dans « Les aventures d’une musette », des enfants jouant aux réfugiés dans « Drôle de cirque », quelques minutes de bonheur pour un soldat ivre dans « Une cuite à Potocki »…

Toujours bien réelle et présente, elle s’exprime aussi de façon plus larvée, avec les armes de la bassesse, de la trahison ou de la bêtise, dans l’évolution économique et sociale d’individus sans scrupule rassemblés sous les maîtres mots de Rendements et Profits, ainsi qu’en témoignent les nouvelles « Comme dans les mauvais romans », « Il va sa passer quelque chose » ou « Pas une larme pour Schmeck »…



Etayé par une écriture effilée et économe, Heinrich Böll exploite particulièrement bien le format court de la nouvelle par cette façon personnelle d’aller droit au but, sans effet de style inutile, au gré d’une langue fluide, simple, concise. On n’est ni dans le laconique, ni dans l’épuré ou le lapidaire, on est dans une volonté de clarté, sans arêtes ni détours; ce qui doit être dit est dit et bien dit, exprimé de façon claire, nette, précise.

Au terme de ces 18 nouvelles portées par un bel élan pacifiste et un solide sentiment moral, le constat sera celui de la tasse sans anse : « Que ces humains sont déraisonnables ! »…

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Où étais-tu Adam ?

Deux ans apres avoir publie Le train etait a l’heure, Boll est encore obnibule par la guerre. Ici la guerre n'a rien d'heroique, nous sommes en 1944, ici c'est la hideur de la deroute d'une armee qui ne veut pas reconnaitre sa defaite, la detresse morale de soldats qui se demandent si leur engagement a encore un sens, quelle coherence ont leurs ordres, percus pour beaucoup comme stupides, dans cette debandade organisee qui ne dit pas son nom.



Boll met en scene differents soldats, en differentes situations, en differents recits qui ne sont relies entre eux que par certains personnages qui reapparaissent dans plusieurs d'entre eux. Des recits qui rapportent une certaine retraite depuis la Hongrie jusqu'au heimat allemand.

Il y a des fanatiques monstrueux, comme ce commandant de camp qui ne garde en vie que ceux qu'il trie pour sa chorale. Il y a des fous, comme ce colonel qui envoie son adjoint jusqu'a la la ligne de front, franchir la ligne de front, pour qu'il lui rapporte du vin de Tokay. Mais il y aura aussi l'abnegation de ce docteur qui ne veut quitter les blesses de son hopital de campagne, alors que tous les autres fuient, sachant pertinemment qu'il met en jeu sa propre vie. Et il y a beaucoup d'autres, qui ont perdu leur superbe, ceux qui se rememorent nostalgiquement leur vie d'avant-guerre, ceux qui revent d'un calme futur, ceux qui s'accrochent a la vie par de petits plaisirs voles, s’empifrer d’abricots, faire un tour dans une balancoire comme un gosse, s'amouracher sentimentalement d'une jeune femme qu'on n'a connu que quelques jours.



Boll n'a pas besoin de nous conter de grandes batailles. Il nous parle de retraites, ou d'arriere-garde. De solitude et de camaraderie, de peur, d'angoisse, de cruaute et de bienveillance, de douleur, de maladie, de desespoir, de folie, de mort. De la guerre, vecue par le simple soldat. Il reussit a nous en rendre l'horreur. Nous sommes submerges par l'horreur meme (et peut-etre surtout) quand nous rencontrons dans le recit des hommes qui donnent le meilleur de soi, des actes de bonte, de devouement, d'altruisme, qui restent sans importance pour la guerre mais qui sont ce qui peut donner un sens a l'existence de ceux qui la font, ses eternels sacrifies.



Dans Le train etait a l'heure, le heros, Andreas, voyageait vers le front, allait vers sa mort. Ici, un des personnages qui apparait dans nombre de chapitres, de recits differents, Feinhals, se rapproche peu a peu de son village, Weidesheim, de sa maison natale, de ses parents, de chez lui. Cela ne change rien. C'est la guerre. La guerre poursuit les soldats jusque chez eux.



Boll a mis en exergue une citation de Saint-Exupery: “La guerre est une maladie. Comme le typhus". Boll a connu la guerre. Il a ete malade. Ses deux premiers livres, Le train et celui-ci, sont son effort de combattre cette maladie, son effort de guerison. Et pour nous, lecteurs, un possible vaccin contre cette maladie.

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L'honneur perdu de Katharina Blum

Après un billet sur « Je hais les matins » de Jean Marc Rouillan, Michèle nameless et Michèle michefred m’ont gentiment conseillé « L’honneur perdu de Katharina Blum ». Merci à elles pour cette piste.



Au pays de l’injustice, je voudrai le milieu journalistique. Dans le rôle des donneurs de leçons, les journalistes. Tous nos remerciements à ces millions de lecteurs dont la bêtise a rendu possible la diffamation gratuite qui vient régulièrement se répandre en premières pages de torchons à travers les siècles.

Donneurs de leçons, oui, mais d’honneur, non.

Ici, au siècle dernier, c'est-à-dire hier dans les années 70, la presse allemande ou plutôt une certaine presse, la gazette des poubelles, va en quelques jours s’emparer de la vie d’une paisible jeune femme et la pousser au crime à force de harcèlement et de diffamation.

Ce livre dénonce la perversité et les dérives d’un droit à l’information tout à fait justifié quand il ne sort pas de son rôle.

Les années passent et rien ne change, au contraire. Ce que certains appellent progrès, permet d’aller chaque jour un peu plus loin dans les bas fonds de l’homme. Internet, facebhêêêê et autres réseaux sont responsables de « perte d’honneur » de combien de Katharina Blum ?

Heinrich Böll par son écriture et la forme qu’il lui donne dans ce bouquin, pourrait servir d’exemple à certains pseudos journalistes. On a la sensation de lire des rapports de police (enfin l’idée que je peux m’en faire) avec juste des faits bruts sans jugement. Les faits sont rapportés sans tentation d’orienter le lecteur. De l’information quoi, ni militante, ni moralisante, ni normalisante, ni lobotomisante et surtout pas racoleuse.



Aujourd’hui qui peut citer un titre qui ne fait que de l’information ?

Les faiseurs d’opinion appartiennent aujourd’hui à de grands groupes industriels et quelques familles. Les lignes éditoriales changent au rythme des acquisitions ou entrées de nouveaux actionnaires dans le capital des journaux. Je n’en vois que deux moins pire que tous les autres car tapant avec la même force et la même énergie sur les dérives des uns ou des autres sans être autant bridés, Médiapart et Le Canard.

D’un autre coté, il faut bien dire que certains diffamés d’aujourd’hui et diffamant d’hier et inversement) jouent avec la presse et s’en servent. Un Mélenchon qui fait sa vierge effarouchée en se filmant pendant une perquisition, encourageait ces mêmes flics à tout fouiller chez un Fillion ou un Sarkozy par exemple et quand on sait que j’ai voté Mélenchon, c’est dire si ce système me débecte de plus en plus.

Et puis de temps en temps, une Katharina Blum est jetée en pâture à l’opinion comme on jette une carcasse dans la fosse aux lions. Un peu de « sang… sationnel » c’est toujours bon pour les affaires.



Bien qu’on nous dise qu’il y a une presse à sensation et une presse d’information avec des journalistes qui font bien leur métier et blablabla, tout cela n’est qu’un jeu de dupes où la complicité des uns encourage l’escalade des autres au pays des fake news comme on dit aujourd’hui.

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Portrait de groupe avec dame

Le grand auteur allemand Heinrich Böll nous propose un portrait. D’ailleurs, le titre le l’ouvrage porte bien son nom : « Portrait de groupe avec dame ». La dame en question se nomme Léni Pfeiffer, née Gruyten. Elle est belle, trop sans doute (cela attise les mauvaises langues) mais surtout mystérieuse. C’est comme si personne n’avait jamais su la déchiffrer ni comprendre les faits et gestes de sa vie. Et l’auteur-narrateur-enquêteur, bien qu’il reste toujours en retrait même s’il est constamment présent, fait de son mieux pour élucider ce mystère.

À travers les témoignages de multiples personnes (amies de jeunesse Margret Sclömer, née Zeist, et Lotte Hoyser, née Berntgen, domestique des parents Marja van Doorn, partenaire financier du père Otto Hoyser, enseignante au pensionnat sœur Clémentine, etc.), l’auteur parvient à dresser un portrait de Léni. Mais chaque nouvelle information soulève un mystère nouveau. C’est un casse-tête sans fin.



Sans nécessairement se contredire, les différents témoins livrent une image, une facette inattendue de Léni. Oui, elle semble être une femme correcte, une bonne Allemande, travailleuse, peu portée vers le luxe ou l’accumulation de richesse (elle se départit d’un immeuble, sous-loue des appartements à un prix dérisoire). Aussi très patriotique. Mais, en même temps, elle lit des auteurs juifs et se lie avec un prisonnier soviétique, qui deviendra le père de son fils. Et plus tard avec un Turc. Plutôt déroutant. Pourtant, même ceux qui dénoncent certains de ses revers (et qui pourraient faire en sorte qu’on en fasse un portrait peu flatteur) s’entendent sur ses qualités. Malheureusement, en tant que lecteur, nous ne disposons jamais de l’opinion, du point de vue ni même du moindre commentaire de Léni elle-même.



Qu’est-ce qu’il faut retenir de ce roman ? Peu importe tous les documents et tous les témoignages que l’on peut accumuler sur une personne, le portrait qu’on en dresse sera toujours incomplet. La preuve ? À la fin du roman, malgré toutes les informations qu’on dispose sur Léni, elle demeure un mystère. De plus, à travers et au-delà son portrait de Léni, Heinrich Böll nous offre un portrait de l’Allemagne, allant de l’Entre-deux-guerre jusqu’aux années 70. La vie dans la petite bourgeoisie, l’éducation des jeunes filles, le rôle de la femme, le commerce important des couronnes de fleurs pendant la Seconde guerre mondiale, le sort réservé aux juifs puis aux prisonniers russes. Mais c’est à peine si Léni semble en avoir conscience. On dirait qu’elle est insensible à tout ce qui se passe autour d’elle, un simple voyageuse, perdu au milieu de ces années de tourmente.



Les romans de Böll ne sont pas d’approche facile. En tous cas, pour moi. Je sens toujours que je me livre à un exercice intellectuel ardu. Et il y a cette distance (quoique, dans ce cas-ci, l’approche journalistique ou d’enquête me semble appropriée). Mais, si j’accroche difficilement, je persévère toujours. Puis, tout d’un coup, il y a ce moment qui me perd complètement. Dans le cas présent, c’est le voyage qu’entreprend le narrateur-enquêteur en Italie pour questionner sœur Clémentine. Trop étrange à mon goût et, surtout, peu utile. Le roman s’étirait et j’avais perdu l’intérêt à continuer dans le délire de l’auteur.



Je pense souvent à cet enseignant de littérature qui nous faisait lire des œuvres indigestes ou pénibles et qui, pour nous encourager, nous vantait leurs qualités artistiques, leur originalité. Avec le recul, je me dis qu’il n’avait pas tort, mais cela ne rendait pas les romans plus accessibles ou intéressants. Eh bien c’est souvent à cet enseignant que je pense quand je lis du Heinrich Böll ou encore du Günter Grass. Le chemin n’est pas aisé, je ne comprends pas tout, mais, malgré tout, j’en retire toujours quelque chose rendu à la fin. Même si je ne m'en rends pas compte sur le moment...
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L'honneur perdu de Katharina Blum

Poussée vers ce livre par sa présence sur plusieurs listes de "livres qu'il faut avoir lus", j'en ressors en état de légère sidération, plutôt agréablement surprise.

Surprise par son mode narratif d'abord, ce récit journalistique, essentiellement factuel, n'étant pas du tout ce à quoi je m'attendais.

Surprise par sa violence aussi, accentuée à la fois par la brièveté du roman et par le ton sarcastique de l'auteur qui met de l'ironie sur l'infamie de ce qu'il relate avec un mélange déroutant de colère et de jubilation.

Peut-être était-ce bien là l'intention d'Heinrich Boll que de susciter cette sensation chez le lecteur afin de l'associer à son indignation face aux agissements de la presse à scandale dont il a lui-même été victime, et auquel ce court roman réagit. C'est plutôt réussi car cette intention fonctionne encore quarante ans plus tard, malgré que le sujet soit aujourd'hui , au vu des pratiques actuelles d'une certaine presse, plutôt galvaudé.

Il est vrai que le thème sous-jacent du livre, explicité dans son titre complet (L'honneur perdu de Katharina Blum ou comment peut naître la violence et où elle peut conduire), est pour sa part tout à fait intemporel...



Une occasion de découvrir le prix Nobel de littérature 1972, et d'avoir envie d'y revenir.
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Fin de mission

Heinrich Böll est un grand écrivain allemand qu’il n’est pas donné à tous de bien apprécier. Quand on pense à lui, ce qui nous vient en tête, c’est surtout son prix Nobel ou deux-trois de ses romans les plus populaires. Mais c’est qu’il a eu une carrière littéraire prolifique et, dans les années 1960, alors qu’il se consacrait surtout à son engagement politique, quelques uns de ses romans sont passés presque inaperçus. C’est le cas de Fin de mission, qui lui permettait de dénoncer un peu la situation en Allemagne. On y retoruve sa vision pessimiste tant du système judiciare que politique qui, selon lui, ne s’appuyaient pas sur des bases morales très solides mais plutôt sur l’avidité, la corruption, la pingrerie, la petitesse d’esprit, etc.



C’est un peu tout ça qu’on retrouve dans Fin de mission. Dans une petite ville de Rhénanie (je ne me rappelle plus laquelle, mais ses habitants me donnaient l’impression d’avoir cet « esprit de village » propice à ce que Böll souhaitait dénoncer), Grulh père et fils ont mis le feu à un véhicule de l’armée qu’ils avaient subtilisés. Les deux répondent coupable aux accusations, tout aurait pu être réglé rapidement mais on insiste pour en faire un procès tapageur. C’est l’occasion pour beaucoup (allant du brigadier au curé) de laisser aller leurs bassesses et leur mesquineries tout à fait gratuitement.



Bref, Fin de mission, c’est une parodie de procès mais surtout une critique sociale. Tellement que ça en devient drôle. Toutefois, d’un point de vue littéraire, c’est un peu lourd et mélangeant, la narration ne suivant pas un seul individu (ou quelques uns) mais se promenant chez tous les citadins impliqués de près ou de loin dans ce simulâcre procès. En particulier le journaliste. Aussi, quiconque a déjà lu du Böll sait qu’il s’attelle à une œuvre intelligente et, conséquemment, pas toujours facile d’approche. C’est comme écouter un film tchèque avec des sous-titres anglais… Même si c’était intéressant (par moment) j’avais hâte d’arriver à la fin.
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L'honneur perdu de Katharina Blum

L'honneur perdu de Katherina Blum possède une grande force et une actualité toujours avérée, 44 ans après sa parution. Heinrich Böll y décrit comment une campagne de presse visqueuse et acharnée conduisit ladite Katherina à tuer le journaliste responsable des torchons qui la salissent depuis quatre jours.



Dans un avertissement, l'auteur renvoie explicitement cette forme de presse sordide, tabloïds et presse à scandales, au journal Bild. Le journaliste, future victime, ne recule devant rien pour obtenir des informations, informations qu'il détourne aisément à sa convenance pour surenchérir dans l'abject et enterrer un peu plus médiatiquement Katherina.



Elle, jeune femme d'une vingtaine d'années, travaille durement pour mener une vie loin de ce qu'elle a connu auprès de sa famille et d'un premier mari très vite devenu importun. Heinrich Böll a adopté pour ce court roman un style précis et clinique. Il se veut le compte-rendu précis et exhaustif de ce qui conduisit au meurtre du journaliste. Le récit se base sur des procès-verbaux, des rapports judiciaires et d'autres sources moins officielles. Malgré la sécheresse conséquente de l'écriture, Katherina apparaît comme une femme attachante dont on voudrait assurer la défense dans cette affaire.



En filigrane court la méfiance de la RFA pour tout relent un peu trop rouge, en ces années de plomb des années 1970. Si cet aspect du roman représente aujourd'hui une page tournée, celui de la presse-poubelle reste complètement d'actualité. Il n'y a qu'à compter le nombre de fois où les termes "fake news" apparaissent dans les médias. Par son style clinique, c'est aussi la société avide de scandales et de détails juteux ou croustillants qu'autopsie le prix Nobel 1972, les présomptions de culpabilité qui découlent des assauts médiatiques contre Katherina.



Première incursion pour moi chez Böll avec ce roman, mais certainement pas la dernière.
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Mais que va-t-il devenir, ce garçon?

Il m’est impossible de sortir d’une bibliothèque avec moins de cinq livres sous les bras. Mais, quand je ne suis pas particulièrement inspiré, malgré les milliers de possibilités, c’est une lourde tâche. Trop, c’est comme pas assez. Ainsi, je me suis retrouvé dans les rayonnages de la lettre B, puis devant le nom d’Heinrich Böll. Le seul bouquin de lui que je n’avais pas lu et qui était disponible, c’est celui-ci : Mais que va-t-il devenir, ce garçon ? Et je l’ai pris. Il s’agit surtout d’une recollection de souvenirs de jeunesse dans les années 30. Il y a bien quelques références au système totalitaire nazi mais les différentes parties de cette autobiographie se concentrent sur le jeune Heinrich. Ses difficultés à l’école (plus d’ordre social ou comportemental qu’académique), ses tentatives à l’école buissonières, etc. L’histoire de plusieurs garçons en 1933. Ça me surprend toujours d’apprendre qu’un écrivain n’a pas eu une expérience positive à l’école. Je ne sais que l’un et l’autre ne vont pas toujours ensemble, que certains des plus grands noms de la littérature ont fait l’apprentissage de la vie ailleurs. Mais Böll a persévéré et il a fini par réussir son baccalauréat en 1937. Rendu à ce point, un peu plus vieux et plus mature, il trouve du boulot dans une libraie (ou une maison d’édition, ça m’échappe) et s’intéresse aux livres et aux écrivains. Je suis toujours curieux de connaître les auteurs qui inspirent ou passionnent d’autres auteurs et ça donne des idées de lectures. Entre ces deux dates, d’autres souvenirs épars, peu mémorables qui m’échappent davantage. Donc, qu’est-ce que je retiens de ce livre ? Pas grand chose ? Quelques unes des anecdotes sont cocasses mais sans plus. Son principal intérêt réside dans le fait qu’il livre un pan de la vie de Heinrich Böll mais, malheureusement, là aussi, on passe à côté car je n’ai pas l’impression d’avoir tant découvert sur l’auteur non plus. Dommage.
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L'honneur perdu de Katharina Blum

« Katharina demanda si l'Etat – ce fut le terme qu'elle employa – ne pouvait rien faire pour la protéger de toute cette boue et lui rendre son honneur perdu. »



Et voilà dès que c'est publié dans un journal à sensations, même si le lecteur ne croit qu'un cinquième -parce que c'est bien connu : il n'y a pas de fumée sans feu- c'est déjà un cinquième de trop. Comment Katharina Blum aurait-elle pu échapper à la déferlante boueuse du JOURNAL ?



Mais revenons à l'origine : « Il est certes affligeant qu'une gouvernante d'intérieur abatte un journaliste et c'est donc une affaire qu'il faut tirer au clair ou du moins tenter d'expliquer. »



« Pourquoi fallait-il que ça en arrive là, pourquoi fallait-il que ça finisse comme ça ? » Ce qui dans LE JOURNAL se mua en : « Ca devait arriver, ça devait finir ainsi ! »



« Le lecteur est désormais très au courant des procédés du JOURNAL. »



Katharina Blum, une gouvernante si honnête, pointilleuse, discrète, travailleuse et prude, est devenue en moins d'une semaine une communiste, une extrémiste anticléricale, tombée amoureuse d'un voleur, certes aussi la meurtrière d'un journaliste, fait indéniable.



J'ai adoré cette lecture. C'est un roman construit avec une intelligence incroyable et la plume de Böll est fine, mordante et pleine de drôlerie -voire sarcastique parfois. Les personnages qui gravitent autour de cette gouvernante sont tous fouillés par l'auteur (et par LE JOURNAL, avec des conséquences désatreuses). Ainsi, en est-il de ce pauvre Maître Blorna, avocat d'affaires et employeur de Katharina, un homme respectable et posé. « Voilà cet homme-là en passe de confectionner des cocktails Molotov ! » Personne n'échappe à la tourmente. C'est drôle -et triste- mais tellement bien écrit, je me suis régalée.



« Il se passe trop de choses sur le devant de la scène sans que nous sachions rien de ce qui se passe en coulisse. » Heinrich Böll montre le dessous des cartes (police, justice, accointances entre les milieux économiques et journalistiques, presse...) de fort belle manière.

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Rentrez chez vous Bogner !

Un bon livre, courageux car écrit en 1954. Une homme se laisser aller , ne travaille pas ou peu, laisse sa famille et tout cela en Allemagne . Il a fait la guerre, il est détruit , ne supporte plus son quotidien et le fuit. Une autre époque, celle du plein emploi et celle où la position du chef de famille était liée directement a l'entretien de cette dernière. On y voit la perdition d'un couple qui s'aime encore mais que les épreuves ont mis a terre. Pour l'époque ça devait être assez moderne et original.
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L'honneur perdu de Katharina Blum

Après le Musée de l'innocence et le funambule de Manhattan, je reste dans les années 1970 avec ce presque classique.

C'est un petit roman, au ton faussement documentaire, mais vraiment distancié, et clairement ironique, voire dénonciateur.

Que dénonce-t-il? Apparemment les excès de la presse à scandale qui ravage sans scrupule la vie d'innocentes victimes (encore l'innocence!).

Sauf que la victime n'est pas si innocente que cela et surtout que la presse à scandale agit pour des motifs politiques. Böll dévoile les dessous de la République fédérale allemande, notamment son anticommunisme viscéral, bien pratique pour excuser l'inavouable comportement de la génération précédente.

Et ce petit roman prend une autre dimension. Sous les dehors florissants de la réussite économique pourrit une société gangrénée par des maux qu'elle refuse de voir en face.

S'y ajoute une condition féminine très difficile, surtout quand on est issu d'une famille dysfonctionnelle et dans le besoin. Les hommes ne manquent de trouver tout naturel d'en profiter. L'anticommunisme et la goujaterie comme les deux faces d'une même pièce, de mauvais aloi.

Émerge de cette fange un très beau personnage de femme, dont le portrait est brossé par petites touches. Elle est celle dont l'honneur est bafoué, dans la presse mais aussi par la police et par ses employeurs ou leurs "amis". Mais elle réagit de façon déterminée, ferme sur ses principes, même si elle commet l'irréparable. Et en fin de compte, elle est guidée par l'amour.

Malgré une certaine froideur due au ton adopté, un petit roman bien riche et bien intéressant.
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L'honneur perdu de Katharina Blum

Court roman sous forme de compte rendu d'un juriste dont on ne sait rien. Un écrit difficilement classable qui rappelle le Portrait de groupe avec dame où l'identité du narrateur est révélée tardivement. Les quelque 140 p. exigent un effort de concentration pour adhérer au style quasi juridique. Rien de très technique, pas de spéculations sur la procédure mais une raideur qui résiste à la lecture.

L'héroïne Katharina Blum est une gouvernante, une jeune femme belle et intègre. Elle est accusée d'avoir hébergé un homme recherché par la police. Les griefs contre le prévenu sont flous. Un journaliste peu scrupuleux s'empare de l'affaire. Il mène une enquête à charge déformant à l'envi les témoignages recueillis.et profère des accusations infondées à l'égard de Katharina Blum. Un acharnement contre Katharina Blum devenant le symbole de l'hypocrisie et du double jeu.

Blessée dans sa fierté par les calomnies récurrentes de la presse à scandale, harcelée par les appels anonymes et le soupçon de la police, diffamée et acculée, Katharina tue le journaliste.

C'est sur ce meurtre que s'ouvre le roman. le roman est un flash-back des quatre journées et le récit de l'emballement des faits.

Étrange écrit :

- factuel, précis avec toute la rigueur d'un écrit juridique, ou d'un rapport comptable ;

- partisan puisque c'est un plaidoyer assumé pour la défense de la gouvernante;

- objet non identifié, partant en roue libre lors d'un certain nombre de scènes totalement décalées et drôles (gâteau, écoutes, avocat qui sent mauvais...) dans un contexte de carnaval et de déguisements .

Pour comprendre ce livre il faut retourner dans les années 70 où le fils d'Heinrich Böll avait hébergé des militants d'extrême gauche, épisode dont le magazine Bild avait fait ses choux gras attisant le soupçon et la peur. le prix Nobel lui-même avait eu droit à une campagne d'insultes pour avoir prôné une certaine modération dans les propos de la presse sur la bande à Baader.

Le roman est dense. Beaucoup de thèmes sont abordés, effleurés ou sous-jacents dans une Allemagne qui n'est pas encore été réunifiée, qui a peur des communistes, des femmes et probablement d'elle-même.

Si l'ouvrage, et dans sa foulée le film, ont connu telle audience c'est qu'il s'agit d'un réquisitoire démontrant la manipulation de l'information par une presse puissante.

Aujourd'hui on imagine mal la presse à sandale avoir pareil impact. L' actualité de ce pamphlet s'impose avec force face aux réseaux sociaux propageant ouvertement haine et jugements définitifs en totale impunité.

A lire et relire.
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L'honneur perdu de Katharina Blum

Cologne, 1974. Katharina Blum est une jeune femme de vingt-sept ans qui travaille comme aide chez les Blorna, entre autres, quand elle ne fait pas quelques autres petits boulots pour arrondir ses fins de mois. Belle, morale et prude, elle est décrite comme étant sans histoire, sauf que tout être humain est plus complexe qu’il n’en paraît… Heureuse de se rendre à une fête chez sa marraine où il y aura de la danse, en tout bien tout honneur, au contraire de certains endroits où la dépravation règne, elle y fait la connaissance d’un homme qu’elle ramène chez elle, qui s’avère suivi par la police; il réussit à quitter l’immeuble au petit matin sans que la filature ne s’en aperçoive… Amenée au poste pour y être interrogée, la presse a vent de ce qui se passe, on prend Katharina en photo au sortir de l’ascenseur de son immeuble, et de ce point de départ, c’est toute sa réputation qui s’en trouve mise à mal, ce qui se conclura quelques jours plus tard par un geste fatal dont nous apprenons la teneur dès le début du roman. L’honneur perdu de Katharina Blum est la réponse littéraire d’Heinrich Böll, prix Nobel de littérature, à la diffamation qu’il a lui-même subi pour avoir dénoncé les propos d’une certaine presse quant à l’affaire de la « bande à Baader ». Au thème contemporain - une presse plus avide de vendre que d’informer -, et porté par une ironie fort amusante, ce « témoignage-enquête » questionne les ressorts psychologiques menant à l’usage de la violence chez Katharina Blum, par la présentation des éléments factuels de l’affaire, nous laissant en juger - mais le problème n’est-il pas là justement, dans le fait de juger ? Conflit interne entre des représentations de soi conflictuelles, geste puéril d’une jeune femme amoureuse, reprise de pouvoir ? Un texte que j’ai trouvé féministe pour l’époque à laquelle il a été écrit, et que j’ai pris plaisir à lire.
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La Mort de Lohengrin

Publié en 1950, au tout début de la carrière de Heinrich Böll, il s’agit d’un court recueil de 150 pages composé de 15 nouvelles. Autant dire que ce sont des textes courts, très ramassés, très intenses aussi. Beaucoup évoquent la guerre toute proche et ses conséquences. Pas en la décrivant, mais en montrant comment elle affecte, brise, la vie des gens, des gens sans importance, n’importe qui, qui pourrait être nous. C’est très humains, assez dramatique sous l’apparence d’un quotidien banal, mais un quotidien qui sous des aspects triviaux est habité par la souffrance, la mort, et la perte de sens, l’absurdité.



L’humour fait son apparition un peu dans les dernières nouvelles, et surtout dans une d’entre elle, « Pas seulement à Noël ». Mais là, nous changeons de monde, la famille au centre du récit est assez différente des autres personnages, ce sont des gens du beau monde, qui grâce à leur position arrivent à échapper aux malheurs communs. Qui finissent d’une certaine manière par les rattraper, et l’auteur se donne à coeur joie pour décrire une situation cruellement comique, avec une ironie assez féroce.



Ce sont vraiment de beaux textes, très humains, très sensibles, qui en quelque pages brossent des portraits de personnages, des situations fortes et touchantes, avec simplicité, une émotion contenue, mais très authentique.
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L'honneur perdu de Katharina Blum

Comment se défait une réputation ? Quel est le point de bascule ? Voici une femme, Katharina Blum, raillée par la bien-pensance parce qu'elle ne coche pas les bonnes cases du moment. Aussi, une presse caniveau ne reculera devant rien pour l'accuser de meurtre.



Ce qui est effrayant dans cette fiction, c'est la mécanique de la calomnie qui prend le pas sur la vraisemblance avec cette étrange sensation que cela peut nous arriver. Nous, êtres ordinaires qui au détour d'une rencontre impromptue pouvons nous retrouver sous les huées moralisatrices. Huées qui ici, ont poussé l'héroïne au coup de feu fatidique. Salutaire ou vengeur ?



L'histoire est saisissante et interpelle sur les effets dévastateurs du racontar inquisiteur. Toutefois l'usage de la "note" comme style d'écriture m'a laissée au bord du chemin.
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