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Citations de Hélène Gestern (507)


Car être musicien, avant d’affronter la scène, les feux de la rampe, le public, c’est cela, avant tout : s’asseoir devant son instrument, aligner les notes pendant des heures, chaque jour, chaque semaine que Dieu fait, et nourrir l’illusion de toucher, de temps en temps, à une éphémère perfection.
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À quoi sert la musique, si ce n’est à être partagée ? Je ne connais rien qui égale sa capacité à reformuler nos chagrins dans une langue supportable.
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Oh, je sais bien, il paraît que maintenant le citoyen a le droit et même le devoir de pouvoir à toute heure contempler la saloperie du monde, les corps ensanglantés sur les chaussées de Syrie ou d’Irak. Même une enfant qui se noie centimètre par centimètre au journal de vingt heures, on nous la montre.

Peut-être que c'est de la lâcheté de ma part, que je vieillis, mais moi, je n’y arrive plus. Si ça ne nous laisse que le temps d’avoir mal à notre impuissance, sans rien pouvoir y faire, merci bien.
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Depuis toujours, je suis fasciné par les musiciens. J’ai beau savoir que leur technique, leur virtuosité sont le fruit d’heures de pratique et de milliers d’exercices enchaînés, pour moi, ce sont des magiciens, des prestidigitateurs. Je regarde leurs doigts courir à une vitesse surnaturelle sur le clavier et, chaque fois, j’ai l’impression d’assister à un miracle.
(pages 37-38)
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Pour les vacances, Irene n’a jamais tenu parole. Et quand un accident de voiture l'a emportée, à l'âge de trente-six ans, laissant mon père incrédule et son second mari anéanti, mon frère et moi n’avions toujours pas mis les pieds dans sa maison romaine.

Malgré tout, je suis certaine qu'elle était sincère quand elle nous faisait ses promesses, et qu'elle aurait aimé avoir le temps de mieux nous connaître. Il n’y avait aucune méchanceté, aucune sécheresse de cœur chez ma mère. Juste l'égoïsme des grands artistes, et un oubli total de ce qui n’était pas la musique.

Et il se trouve que nous, ses enfants, nous n’étions pas la musique.
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À quoi sert la musique, si ce n’est pas à être partagée ? Je ne connais rien qui égale sa capacité à reformuler nos chagrins dans une langue supportable.
(page 330)
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Hier, le petit Polonais lui a suggéré de décrire un lieu où elle avait été heureuse. Elle s’est rappelé Cézembre, un jour de baignade avec Hélène. La mer était calme, le soleil réchauffait sa peau, le vent caressait son visage avec une infinie douceur. À demi étendue dans un fauteuil de toile rayée, elle avait pensé aux pages du Sâr qui parlaient de réincarnation : elle avait soudain senti son corps se fondre dans les éléments et en épouser chaque particule. Alors elle s’était faite goéland, ciel, vent, les ailes déployées, glissant en silence dans le ciel ; elle avait été eau, herbe et sable, sa chair dissoute dans une paix magnifique. Elle s’était endormie.
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Je me suis rendue cinq fois en prison, dans le cadre de rencontres avec les détenus.Depuis longtemps, je voulais savoir à quoi ressemblait la vie carcérale. L’habitude de considérer la prison comme une poubelle de l’espace sociale, le lieu d’un justice immanente où les violeurs sont violés et les assassins torturés est absurde et inquiétante : c’est ignorer que le condamné, à plus ou moins long terme, aura une place à reprendre dans la société. Comment le faire si l’on a détruit en lui le capital d’humanité qui lui reste ?
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Je me demandais ce qui fait la vérité d'un être, ce que l'on devient quand on a grandit sans souvenirs, qui étaient ces gens qui m'avaient connue et dont je ne savais rien, s'il restait en moi quelque chose d'eux, un mot, une image, une odeur.
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Blanche avait continué à vivre ici à l'issue de la guerre, comme j’avais continué à vivre à Paris : là sans y être. Mais elle avait déserté, de plus en plus souvent, ce lieu réceptacle de trop de larmes, d'attentes et de chagrin, au profit d'un autre, dont elle avait fabriqué la réplique inoffensive. Et cette petite maison au bout d'un chemin arboré, non loin du cours paisible d'une rivière, vierge de la guerre et du deuil, lui permettait d y trouver, sinon l'oubli, du moins une forme de repos de la mémoire.

La même que j'étais venue y chercher, presque cent ans plus tard, pour des raisons qui n étaient, au fond, pas si différentes des siennes.
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(…) après ma thèse, ce n'est pas par hasard que j’avais opté pour la carte postale. J'aimais sa quiétude, son vernis d'embourgeoisement, sa rassurante banalité. Je crois que je cherchais surtout à me prémunir contre l’émotion charriée par ces empreintes de lumière, ce mélange sidérant de vie et de mort, de certitude et d'illusion, qu'est toute photographie.

Cet art vertigineux de prouver et d'absoudre tout à la fois le temps provoque en moi autant de fascination que d'affolement, et ce depuis le jour où Marraine m’a mis mon premier Polaroïd entre les mains. Je me rappelle encore le moment où j'ai vu apparaître, à la surface de l’image, le vert des arbres et le reflet sable du pelage de Lallie, notre chienne, un golden retriever à l'affection exubérante avec laquelle je jouais quelques secondes plus tôt.
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Tu verras quand tu sauras lire. Tu ne t’ennuieras plus jamais …..Le jour où l’on apprend à lire, on reçoit le trousseau de clé de l’existence.La vie est un tissu de signes , que les époques ont codifiés, épurés : pour nous, vingt-six lettres, un alphabet….Vingt-six lettres: notre monnaie d’échange contre la gratuité de la vie et l’inéluctabilité de l’oubli.
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À mesure que je l’observais, je révisais mon opinion sur cet homme. Vaniteux, certes. Mais pas dénué de cran. Finalement, ce Français, avec son mélange d’arrogance et de sang-froid, commençait à me plaire. À sa façon d’engloutir son petit-déjeuner, de prendre ce qu’il y a à prendre, je devine chez lui, une volonté âpre, écrasante.
(page 186)
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— Tu veux toujours être pianiste ?

Son fils ferma les paupières un instant, les rouvrit. Ses yeux verts, ceux de sa mère, étaient d'une pureté polaire. Mais à cet instant, on y lisait une haine si limpide, un mépris si incommensurable pour la brute qui lui faisait face que l’homme en fut un instant désarçonné. Sans ciller, le jeune garçon articula distinctement :

- Oui, Père, c’est ce que je veux.

L’homme n’hésita pas. Dans le silence de la bibliothèque, le cuir dur du talon de sa botte s’abattit sur le dos de la main gauche de son fils.

Une fois, deux fois, trois fois, jusqu à ce qu’il entendît les os craquer.
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Certes, mon frère était bipolaire. Mais il n’était pas fou. Au contraire, durant certaines périodes, sa lucidité était implacable. Au sortir des phases dépressives, il notait les conséquences des dernières crises et des traitements. Les kilos en trop, les doigts réfractaires, la somnolence, les trous de mémoire quand il recommençait à jouer. L’effort surhumain d’apprendre et réapprendre les partitions dont les anxiolytiques avaient effacé la trace.
(page 411)
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J'ai pensé à Blanche. Un mari porté disparu, un frère tué, une enfant morte. Les douleurs, quand elles se succèdent de la sorte, finissent-elles par s'annuler ?

Les femmes de Jaligny étaient une lignée de veuves qui jamais ne s’étaient remariées, et je mesurais, à la lumière de mon propre deuil, ce que ces destinées de solitude avaient dû exiger de force de caractère et de résistance à l'adversité.
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Pendant des années, l'écouter avait été ma drogue. Ces vinyles et ces petites boîtes de plastique m’avaient servi d’héritage, bien plus qu’une rente venue d'Italie ou le souvenir d'une eau de Guerlain le soir dans un taxi.

Ma mère, tu n’as guère été là, mais c'est à force de t'entendre jouer que j'ai appris une grande partie de ce que j'étais capable d'éprouver. Tu as fait mon éducation humaine en vingt-quatre sonates de Scarlatti, et il faut avouer que d’autres ont fait moins bien avec autrement plus de temps et de moyens.
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Elle avait gardé Scarlatti pour la deuxième partie. Six sonates interprétées avec une délicatesse et une maestria qui ont laissé le public époustouflé. Ce n’était plus la célérité brillante de la première intégrale ni la mélancolie de la seconde : Terzian le jouait dans une plénitude sobre, déterminée, accomplie. Elle retournait la musique comme un gant, elle lisait à travers elle comme à travers une eau cristalline. Ses mains noueuses, sa silhouette marquée par la voussure de l’âge semblaient aimantées par le clavier.
(page 276)
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Hélène Gestern
Je suis illettrée de la musique, je ne sais pas jouer d’un instrument, pas déchiffrer une partition. La seule chose que je sais faire avec la musique, c’est de l’aimer.
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Car, à vingt ans , si rien ne nous est arrivé , nous sommes une argile malléable . Il nous manque des années d’existence, avec leurs foudroiements, leurs vertiges, leurs chagrins, pour former la matière d’un récit. A moins d’un coup de génie absolu, l’imagination, même débridée,ne suffit pas; la pensée d’un livre requiert ce que Michaud appelait la «  connaissance par les gouffres ».
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