Hélène Veyssier vous présente son ouvrage "
Jardin d'été" aux éditions Arléa. Rentrée littéraire automne 2019.
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Nous étions tout près l'un de l'autre. Je me souviens, je craignais qu'il ne me trouve laide avec ce ciel en pleine figure et cette angoisse que j'avais parce qu'il m'aimait et que l'amour ça peut se perdre.
D'autres enfants c'est sûr ont dû vivre ça, ce double abandon d'une mère et de ce qu'on invente pour y survivre. Allez, je ne suis pas le seul, alors je n'y pense plus ou presque, sauf parfois chaque semaine, par paroles qui s'enchaînent, chaque vendredi, ici. Quelques fois je m'allonge sans quitter mon manteau, j'ai froid je tremble, ma voix aussi. Entre les phrases souvent de longs temps de silence, des hésitations, des reprises. Le tissu du divan sous ma main est rêche, et la souffrance. Je parle.
Dans le soleil d'été, dans les champs et les bois toutes ces promenades avec mon frère, au long des sentiers, les mûres qui teignent la bouche et les doigts, on doit frotter longtemps, et puis les baies qu'il ne faut pas manger, qu'on a appris à reconnaître, et puis les fruits maraudés aux coutures des jardins, et puis au sol la terre.
Il raconte quelques fait que j'avais oubliés, drôles ou valorisants pour l'enfant que j'étais, des choses comme on en raconte dans toutes les familles. Ainsi, sans la nommer, il ravive le temps où maman nous aimait. Je l'écoute, avide.
Où m'as-tu emmenée mauvais homme ? Je me débats je lutte je t'aimais. Avant cette scène du couloir, je t'aimais si fort de mon coeur d'enfant.
Ils (les souvenirs) se chevauchent, se chassent, s'effacent les uns les autres et on ne sait lesquels retenir, ni comment dire, évoquer tout, comprendre.
L'enfance construit pour toujours, reste, puis ressurgit et porte ou accable, selon.
Parfois, assise au café, seule ou avec des amis, elle devient pâle et comme absente, on s'étonne, on s'inquiète. Elle ignore pourquoi une sorte de brise, de vent léger la traverse, la vide de toute couleur. Oui, blanche. C'est toujours très soudain et ça dure peu de temps, juste quelques minutes ou même quelques instants, il est là.
Je vis passer la clarté furtive de sa robe. Ses hauts talons la faisaient trébucher sur les cailloux, se retenir par à-coups au bras de l'homme. Moi, pas bougé, rien dit. Cinq ans. Pétrifié. Oui, pétrifié, j'y suis encore. "Il y est resté" dit-on pour dire de quelqu'un "il y est mort".