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Critiques de Henri Michaux (138)
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Poteaux d'angle

Publié en 1978, « Poteaux d’angle » est une oeuvre tardive d’Henri Michaux, écrivain, poète et peintre belge disparu en 1984. Si cet ouvrage est paru dans la collection « Poésie » de Gallimard, il évoque davantage un recueil d’aphorismes, dont certains évoquent des kōans, qu’un recueil de poésie stricto sensu.



Malgré la diversité des maximes que nous propose l’auteur, une forme de cohérence sous-tend ce court recueil. Henri Michaux nous parle de manière extrêmement directe, en usant tout à la fois de l’impératif et du tutoiement.



« Avec tes défauts, pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger.

Qu’irais-tu mettre à la place ? ».



Le ton est donné, et donne parfois l’impression que l’auteur admoneste son lecteur. Une impression qui offre une fraîcheur étonnante à cet ouvrage acéré, incisif, mordant, caustique, acerbe, acide.



Le recueil s’articule autour de deux axes. Le premier est une injonction au dépouillement, au détachement, à la dignité. L’auteur nous enjoint à reconnaître notre finitude, notre vanité, à accepter nos défauts, à cesser enfin de nous mentir à nous-mêmes.



« Non, non, pas acquérir. Voyager pour t’appauvrir. Voilà ce dont tu as besoin. »



« Si tu es un homme appelé à échouer, n’échoue pas toutefois n’importe comment. »



« Quoi qu’il t’arrive ne te laisse jamais aller - faute suprême - à te croire maître, même pas un maître à mal penser. Il te reste beaucoup à faire, énormément, presque tout. La mort cueillera un fruit encore vert. »



Le second axe du recueil est une pensée qui tente de remonter le courant de la rivière des idées reçues. Michaux pense contre. Contre le communément admis. Contre l’évident. Contre ce que nous tenons pour indubitable. Cette contre-pensée iconoclaste offre aux aphorismes de Michaux un souffle roboratif ainsi qu’une force de percussion saisissants.



« On n’est pas allé dans la lune en l’admirant. Sinon, il y a des millénaires qu’on y serait déjà. »



« L’homme qui sait se reposer, le cou sur une ficelle tendue, n’aura que faire des enseignements d’un philosophe qui a besoin d’un lit. »



« Si la souffrance dégageait une énergie importante, directement utilisable, quel technicien hésiterait à ordonner de la capter, et à faire construire à cet effet des installations ?

Avec des mots de « progrès, de promotion, de besoin de la collectivité » il fermerait la bouche aux malheureux et recueillerait l’approbation de ceux qui à travers tout entendent diriger. Tu peux en être certain. »



Le style de Michaux tend vers l’épure d’une estampe japonaise et confère une forme d’âpreté aux aphorismes que nous propose ce recueil. L’auteur écarte le superflu, les mots qui ne disent rien, délaisse le superfétatoire, pour tendre vers une lumière d’une stupéfiante clarté.



« Des critiques examinent les mots les plus fréquents dans un livre et les comptent !

Cherchez plutôt les mots que l’auteur a évités, dont il était tout près, ou décidément éloigné, étranger, ou dont il avait la pudeur, tandis que les autres en manquent. »



J’ai découvert ce recueil à l’âge de vingt ans, cela fait maintenant trente ans que je le relis, et que je cherche ces mots qu’Henri Michaux a évités. Ces mots, je ne les trouve évidemment pas. Je ne pense pas que le passage des ans m’ait permis d’approfondir ma compréhension de ces « Poteaux d’angle », destinés à nous aider à rester droits et dignes, y compris dans la défaite de nos pensées. Je pense que la stupéfiante clarté de cet ouvrage m’avait frappé au coeur dès sa découverte, et que sa relecture a pour objet de rallumer la flamme de la poésie incandescente d’Henri Michaux.



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Poteaux d'angle

 

 

Henri Michaux dans ce recueil

traque le positif sous le négatif,

réhabilite l'énergie des échecs.



Il se soucie avant tout de ne pas

devenir maître à penser, et

encore moins maître à panser.



Cet éternel poseur de questions

souligne la légèreté de l'apparence,

l'incertitude scientifique, se méfie

du " multiple " et de son contraire

l'" un ".



Trouve les mots pour redorer

la ligne fugace, éphémère, mais

bien réelle de l'énergie vitale

des " passions tristes ".



Quelques exemples au travers

des citations ci-dessous :





" Garde ta mauvaise mémoire. Elle a sa raison d'être,

sans doute.

p.10





" Tu laisses quelqu'un nager en toi, aménager en toi,

faire du plâtre en toi et tu veux encore être toi-

même !

p.11





" Songe aux précédents. Ils ont terni tout ce qu'il ont

compris.

p.11





" Celui qui n'a pas été détesté, il lui manquera toujours

quelque chose, infirmité courante chez les ecclésias-

tiques, les pasteurs et hommes de cette espèce, les-

quels souvent font songer à des veaux. Les anticorps

manquent.

p.13





" intelligence même révoltée saura, pour se tranquil-

liser elle-même, faire de secrets et sages alignements,

petits et rassurants.

Cherche donc, cherche et tâche de détecter au moins

quelques uns de ces alignements qui, sous-jacents,

à tort t'apaisent.

p.15





" Attention ! Accomplir la fonction de refus à l'étage

voulu, sinon ; ah sinon…

p.17





" Arctique par le front. Seulement par le front.

p.17





" Garde ce qu'il faut d'ectoplasme pour paraître " leur "

contemporain.

p.17





" Ce que tu as gâché, que tu as laisser se gâcher et

te gène et te préoccupe, ton échec est pourtant cela

même, qui ne dormant pas, est énergie, énergie sur-

tout. Qu'en fais-tu ?

p.19





" Il plie malaisément les genoux, ses pas ne sont pas

bien grands, mais il reçoit mieux n'importe quel

rayon, celui qui jamais n' été disciple.

p.19





" Si la souffrance dégageait une énergie importante,

directement utilisable, quel technicien hésiterait à

ordonner de la capter, et à faire construire à cet

effet des installations.

Avec des mots de " progrès, de promotion, de besoin

de la collectivité " il fermerait la bouche aux malheu-

reux et recueillerait l'approbation de ceux qui à

travers tout entendent diriger. Tu peux en être cer-

tain.

p.20





" Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi.

En une seule vie tu n'as pas pu tout souiller.

p.22





" Avec une sensibilité de citerne, ne fraie pas avec une

sensibilité d'effleurement.

p.24





" En te méfiant du multiple, n'oublie pas de te méfier

de son contraire, de son trop facile contraire : l'un.



p.27

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Un barbare en Asie

C'est le premier livre, je crois, que je lis de Henri Michaux. Je ne connais pas sa poésie. Et je reste un peu dérouté par cette lecture. Nous sommes en 1931 et Michaux parcourt l'Asie. Dans sa nouvelle préface de 1967, on peut lire : « L'Asie continue son mouvement, sourd et secret en moi, large et violent parmi les peuples du monde. Elle se remanie, elle s'est remaniée, comme on ne l'aurait pas cru, comme je ne l'avais pas deviné. Il date ce livre. de ma naïveté, de mon ignorance, de mon illusion de démythifier, il date. »

Ces propos reflètent bien le contenu du livre. IL s'agit d'un arrêt sur image sur l'Inde, la Chine, le Japon, la Malaisie, l'Indonésie, quelques pages sur le Népal et Ceylan, plus quelques textes sur la nature. le « barbare », l'étranger, c'est bien évidemment l'auteur-voyageur, l'Européen, Le Blanc. « Ici, barbare on fut, barbare on doit rester ». D'une manière générale il découvre l'Orient. On le sent curieux de tout. Surtout des échanges avec la population. Il décrit beaucoup les habitudes, les comportements qui l'étonnent, en comparaison avec ceux de l'Occident. Mais, parfois, il n'est pas tendre dans ses descriptions. Ses nombreuses assertions comme : « les Chinois sont…, les Japonais sont... » nous mettent parfois mal à l'aise, tant son propos est réducteur et se résume à une observation fugace qu'il présente comme une vérité. C'est dommage, mais l'intérêt du livre est ailleurs. Pour le lecteur d'aujourd'hui, il révèle plus la pensée d'un occidental en Asie dans les années 30 qu'une bonne description des peuples d'Extrême-Orient. A lire en resituant le livre dans son contexte.
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La Nuit remue

Une poésie ou une teinte de surréalisme se mélange à la réalité nue de la vie. Une gouache de couleurs et ces couleurs sont à notre appréciation. Si on préfère le noir, il dominera ; si on préfère le rouge, le jaune ou l'indigo, notre œil les percevra en premier. Une ironie douce (mais est-ce vraiment cela ?) parcoure certaines lignes. Ou un humour un peu froid, un peu noir ? J'ai laissé Henri Michaux de côté pendant longtemps. Je m'étais trop ennuyée à l'étudier. Mais je me suis toujours méfiée de mes ennuis pédagogiques.... J'ai redécouvert Henri Michaux, comme on se remet d'une indigestion après une diète salutaire. Un petit morceau de temps en temps comme toujours en poésie, on savoure lentement pour s'imprégner du goût et qu'il reste dans notre mémoire sensitive....
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Comme un fou qui pèle une huître

J'avoue que je connaissais très peu, pour ainsi dire quasiment pas (si ce n'est de nom bien sûr) Henri Michaux jusqu'à présent. Je trouve donc que c'est une très bonne initiative de la part de Télérama d'avoir réédité ces quelques poèmes tirés de son oeuvre.



En commençant le lecture de cet ouvrage, je me sentais un peu perdue, ne voyant pas où l'auteur voulait mener le lecteur puis, petit à petit, j'ai compris. A la différence des autres poètes que j'ai lu jusqu'à présent, Henri Michaux n'aborde pas les thèmes qui sont en général propres à chaque ouvrage de poésie, à savoir l'amour, la vie et une glorification de la femme et en gros de l'amour. Ici, il est essentiellement question de l'homme (avec un grand H). L'Homme dans toute sa splendeur mais aussi dans toute sa miséricorde. En effet, autant celui-ci est capable d'accomplir de grandes choses (tels les hommes de science ou encore les philosophes), autant il est capable d'accomplir les pires atrocités qui soient. La guerre en étant le parfait exemple et est magnifiquement (enfin si l'on peut employer ce terme) illustrée ici.



Un court ouvrage mais qui est pourtant d'une grande profondeur et qui ,surtout, demeure intemporel puisque, malheureusement, toujours d'actualité. A découvrir et à faire découvrir !
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Poteaux d'angle

Première approche de ce monument qu'est Henri Michaux. En tant que belge et amateur de poésie, mes attentes étaient probablement ailleurs. Aussi la "mayonnaise" que nous "Belgicains" mettons sur nos frites, la mayonnaise n'a pas pris. Le style âpre, comme du papier sablé, le forme en apparence sentencieuse, moralisatrice, le ton souvent désabusé sinon cynique m'ont décontenancé, m'attendant à une écriture teintée de surréalisme ou inspirée de ce réalisme fantastique dont les Belges sont les porte-étendard.

Où la lecture s'est faite passionnante sinon émouvante c'est dans cette volonté de déconstruire notre appartenance au monde - j'ai envie de parler de dysharmonie - ce refus de la métaphore et de la musicalité au profit du repli sur son vécu originaire, ce hiatus, ce fossé que le poète tente avec des mots de creuser pour délimiter son être profond et propre (dans tous les sens du terme), sur cette lutte contre tout ce que la culture, la société ont voulu implanter au cœur de sa pensée et sa perception du monde.

Probablement à relire plus vieux (encore plus vieux qu'aujourd'hui ???).
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L'Himalaya cahin-caha

Tout d'abord Mille Mercis aux éditions Densité , ainsi qu'à son directeur, Hughes Massello, sans oublier Babelio

pour la découverte de ce magnifique objet- livre, fort joliment relié, pour les petits....et les grands....



L'histoire d'un petit train et d'une locomotive-poney...qui osent entreprendre la montée de l' Himalaya !?



Un extrait d' "un Barbare en Asie" du poète- peintre, Henri Michaux, illustré incroyablement par l'artiste argentin, Carlos Nine, que je découvre pour la toute première fois...



Tout est astucieusement pensé dans ce livre, au format déjà étonnant : reliure en tissu, avec l'illustration couleur de cet Himalaya rêvé, couvrant le premier plat, format oblong, tout en Hauteur, qui met en valeur les illustrations de Carlos Nine se déployant toutes en spirales montantes...Des volutes baroques et fantasmagoriques...qui habitent joyeusement le texte de Michaux ;les mots eux-mêmes,disposés de façon élégante et fantaisiste !



Intriguée par " la patte" de cet artiste...j'apprends avec regret, qu' il est décédé en 2016...Il aura eu au moins la joie de voir de son vivant cet album très réussi, paru, il y a déjà plus de 10 années( 2011)...

Je tiens à insérer un extrait, même si il n'est plus d'actualité; lignes finales présentant aux tout jeunes lecteurs ; à la fois l'auteur et l'illustrateur...



"Henri Michaux et Carlos Nine ne se sont jamais rencontrés sauf dans ces pages que tu as parcourues.



Henri était poète, mais il n'a jamais écrit pour les enfants.Il fut d'abord voyageur- poète, puis poète- poète, enfin peintre- poète. Comme Carlos.



Carlos vit en Argentine, presque de l'autre côté du monde, plus loin encore que les sommets de l'Himalaya.Quand c'est l'hiver chez nous, chez lui, c'est l'été. Il dessine et peint sans arrêt, il sait aussi inventer des histoires. "



Double petit Bonheur: la beauté de cette publication jeunesse, qui ravit aussi les yeux des Grands !... m'ayant , en plus, fait connaître ce " peintre -sculpteur-

auteur "argentin....avec l' envie de reprendre, relire le texte de Henri Michaux...



Bravo à l'éditeur pour cet album somptueux et

enchanteur !





***** lien pour en savoir plus sur l'artiste, Carlos Nine:

https://m.bedetheque.com/auteur-2223-BD-Nine-Carlos.html

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Oeuvres complètes, tome 1

À PROPOS DE LA RALENTIE



"La Ralentie" paraît dans son intégralité pour la première fois en 1937. le texte, qui a subi de multiples variations avant de se figer dans sa forme définitive, en 1938, met en jeu, dès l'origine, des éléments personnels à Michaux. Il est avéré que son séjour en Amérique du Sud, fin 1936, où il rencontre Susana Soca et Angelica Ocampo, ou que sa relation compliquée avec sa femme Marie-Louise Ferdrière, ont infléchi le texte.



Dans ce volume, conformément à l'édition Gallimard de 1963, "La Ralentie" se présente dans la deuxième section du recueil « Plume précédé de Lointain intérieur ». L'ensemble des textes du recueil fait poindre des voix multiples et de très nombreux personnages. Trois ans après « La nuit remue », qui était tourné vers des lieux, des états, ce recueil, se tourne à présent vers des voix.

C'est pour avoir touché cette ineffable oralité que "La Ralentie" a fait ainsi l'objet d'un grand nombre d'interprétations et d'enregistrements.

Autour des années 50, nombreuses étaient les expériences sur la voix radiophonique. Multiples étaient également les réflexions sur la manière de dire des poèmes à la radio, en particulier celle de s'éloigner du style déclamé qui était encore en vogue à l'époque. Michaux, qui n'était pas favorable à la lecture de ses poèmes par des comédiens, fut ainsi conquis par l'enregistrement de "La Ralentie" par Germaine Montero et Marcel van Thienen en 1953. (on peut écouter ce magnifique enregistrement via ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=BNKCmAAACSI).



« Je ne saurais trop vous conseiller, dit Michaux à ce propos, d'écouter l'extraordinaire composition de M. van Thienen qui, loin de chambouler tout, reste dans la traîne des vers (qui d'ailleurs n'en sont pas) et fait son sillon non pas dans les mots, mais dans le silence [...] Michaux, à cette occasion, parlait également de « textes étrangement ranimés, à croire qu'ils venaient d'être faits la veille ».



L'entrelacement des voix dans La Ralentie dissimule à peine les nombreuses références autobiographiques dont Michaux fait le jeu. Ces sources, qui se retrouvent également dans « Je vous écris d'un pays lointain » écrit au même moment, font apparaître des entités féminines parfaitement reconnaissables. Lorellou incarne sans ambiguïté sa femme, Marie-Louise Ferdrière (qui utilisait d'ailleurs pour elle-même le diminutif Lou). En atteste la transformation in extremis du prénom Marie-Lou en Lorellou, demandée par Michaux à son éditeur avant l'impression du texte. Quant à Juana, elle exprime Susanna Soca que Michaux rencontre lors de son voyage en Argentine en 1936, dont il tombe éperdument amoureux et de laquelle il fut aimé, tout comme elle représenterait Angelica Ocampo, cette autre femme lointaine, dont il se serait pris aussi de passion.



Ces références sont importantes à mentionner du fait qu'elles éclairent le trouble hors du commun qu'éprouva Michaux pendant la rédaction de "La Ralentie". En témoigne cette lettre adressée à sa grande amie Aline Mayrisch (appelée étrangement « Loup » elle aussi), où figurent ces quelques mots : « ... mais moi aussi je regarde la Ralentie avec vos yeux... Pire, avec de la haine... Je jure et, sur mon agenda je trouve mon serment répété, que je n'entrerai plus jamais dans un état pareil... / D'ailleurs pas besoin de me forcer, la peinture semble avoir libéré toutes mes forces et mes activités. »



Il est ainsi frappant que c'est à cette même époque que Michaux évoque pour la première fois la peinture de façon aussi éclatante, lui pressentant de rendre possible ce que les « mots-voix », selon lui, ne sauraient rendre qu'à travers d'insupportables souffrances.



(Les sources de ce commentaire sont dans le présent volume de la Pléiade, et dans « Dire la poésie », ouvrage collectif sous la direction de Jean-François Ruff, ed. Cécile Defaut, 2015, communication d'Anne-Christine Royère)

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Plume (précédé de) Lointain intérieur

Est-ce un recueil de poèmes en prose? un conte pour enfant? un rêve éveillé pour surréaliste? Plume-le-livre est tout cela à la fois, et bien plus encore.

Plume c'est surtout un personnage. C'est l'enfant rétif qui sommeille en nous, c'est l'éternel étranger, c'est le clown blanc attrapeur-de-nuages, c'est l'empêcheur de rationaliser en rond, c'est Candide en Absurdie.

Plume c'est la légèreté grave, la gravité en apesanteur..

.Il fait rire- c'est un clown- il fait pleurer -c'est un clown- il fait penser, critiquer, se rebeller, mais surtout rêver...

Plume se glisse sous notre oreiller...de plumes, et c'est toute la nuit qui s'agite et palpite au battement de ses ailes blanches.

Plume se met au bout des doigts de l'écrivain-peintre Michaux, comme une histoire un peu folle, un croquis volé, un conte esquissé à finir en songe...
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La Nuit remue

Un recueil que j'ai préféré aux précédents mais que j'ai quand même lu en diagonale. Avec Henri Michaux j'ai trop de mal! Sa poésie est trop abstraite, trop hermétique pour moi. Dans ce domaine je reste une lectrice d'un grand classicisme. Henri Michaux est un poète pour public averti, pour lecteurs au dessus de la mêlée, pour intellectuels très fins et avisés.
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Plume (précédé de) Lointain intérieur

Pas simple, la poésie de Michaux ! Ce recueil est composé de 2 parties : « Lointain intérieur » et « Plume ». Mais j'ai vraiment eu des difficultés à séparer les deux parties tant elles se rejoignent dans la forme et le contenu. Ce qui m’apparaît le plus évident, c'est le décalage entre l'absurdité ou la naïveté apparente, à la manière surréaliste, et le sens, terriblement sombre. On retrouve cette différence quasiment à chaque page. Michaux, sous des allures rieuses, nous présente un monde sauvage et incontrôlé où les individus n'hésitent pas à s’entre-tuer.

« Ah, comprendre le monde maintenant ou jamais ! » p 116

« Aventures terribles, aventures douloureuses et guidées par un ennemi implacable. » p 151

« Alors, comme on était là avec un tas de Bulgares, qui murmuraient entre eux on ne sait pas quoi, on a préféré en finir d'un coup. On a sorti nos revolvers et on a tiré. » p 152

Et le pauvre Plume subit les mêmes turpitudes.

C'est un recueil que j'ai lu en prenant mon temps. Pour essayer d'en apprécier toute la saveur et la complexité.
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Donc c'est non - Lettres réunies et annotées pa..

Une correspondance à la fois jubilatoire et pathétique d'un poète- écrivain- peintre dont j'avoue mal connaître l'œuvre, pourtant si vaste et si éclectique...

Une personnalité étonnante qui s'est battue toute sa vie contre la "vedettomanie", contre toute publicité autour de son nom et de ses textes...

Impressionnante réunion de lettres de refus..., qui montre à quel point cet artiste était horripilé par le cirque éditorial et littéraire...quelle énergie déployée pour ne céder à aucune facilité...



[ 29 novembre 1973- (...) Dans l'entourage verbal des autres, je ne me retrouve jamais" ]



"3 juillet 1958.... A Monsieur Bréchon (...)



Mes livres montrent une vie intérieure. Je suis, depuis que j'existe, contre l'aspect extérieur,

contre ces photos appelées justement pellicules, qui prennent la pellicule de tout, qui prennent tant qu'elles peuvent les maisons familiales ou autres, les murs, les meubles, tout

ce qui est permanent et stabilité et que je n'accepte pas, au travers de quoi je me vois passant" (p. 73)



Michaux se révèle être insatisfait, et très exigeant face à ses textes, ses écrits...On lui voit des interlocuteurs d'une qualité exceptionnelle ,qui sont aussi parmi les "obscurs"...comme

cet autre écrivain-poète que j'affectionne profondément, M. Jean de Boschère...



" A Jean Boschère...1946- (...) Mais vous exagérez sans doute mon importance- Un autre paraîtra un jour, qui connaissant des états analogues , les dira infiniment mieux" (p.50)

...

Au même, le 15.11.1965

(...) Je cherche une secrétaire qui sache pour moi de quarante à cinquante façons écrire " non" " (p. 93)



Quel incroyable parcours...de talent et d'anti-conformisme...de bagarres pour qu'on lui fiche la paix...Si rare...



Cet homme, aux talents multiples... ne souhaitait surtout pas se soumettre à aucun mouvement littéraire, aucun mouvement , aucune revue, aucun parti d'aucune sorte...

Une sorte de rage le prenait à chaque sollicitation et elles étaient bien nombreuses !!





" A Gaston Gallimard - 8 octobre 42



(...)

Je ne désire aucunement la réédition de textes, de plaquettes ou de livres de moi, et même je m'y oppose ici catégoriquement. Dans la crise du papier, ce ne sera pas moi qui mordrai dans le stock...." (p. 43)



Il reste à remercier la passion et la ténacité de Jean-Luc Outers, ainsi que son admiration sans bornes pour Michaux....



"Préface De J.L. O...

La littérature aide à vivre, dit-on. Pour moi, Michaux résume à lui seul cette formule. Si je lui avais proposé mon projet, nul doute que j'aurais rejoint la liste des éconduits qui se consolent sur le bord de la route en lisant et en relisant ébahis

la lettre qu'ils ont reçue à la fois comme une caresse et une gifle. Il y a des gifles qui font du bien... " (p. 21)



Avec une très haute idée de la poésie... qui ne doit pas être galvaudée ni mise en spectacle à n'importe quel prix, Michaux se battra sur tous les fronts...toute son existence...

" Déjà en 1941, il écrivait à son ami l'écrivain Jean de Boschère qui publiait une modeste revue littéraire: " je vous en prie instamment, ne me consacrez jamais un numéro spécial. Ce serait un cas de brouille.". Les colloques, les manifestations

commémoratives, les anthologies, les demandes d'articles, d'hommages ou de réédition subissent le même sort: retour à l'envoyeur. L'université, ce n'était pas sa langue. s'agissant de poésie surtout, il voulait se tenir éloigné " de tout endroit

où la poésie est l'occasion d'un discours" (p. 18- préface de Jean-Luc Outers)

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Poteaux d'angle

Poteaux d’angle est une oeuvre née par vagues successives : un premier ensemble de textes a été publié à l’Herne en 1971. D’autres textes l’ont complété et ce nouveau recueil est sorti en 1978 chez Fata Morgana. S’y ajoutent en 1981, dans l’ouvrage édité chez Gallimard, deux ensembles inédits et un poème final.



Chaque ajout apporte intensité et complexité à ce livre tardif d’Henri Michaux, écrit alors que le poète avait plus de quatre-vingt ans. Quatre mouvements se succèdent avec une logique interne. Quatre mouvements, quatre poteaux d’angle, dessinent un champ de réflexion vaste et intense.



La métaphore du titre, Poteaux d’angle suggère tout à la fois la nécessité d’un support stable pour celui qui cherche à se construire, et le balisage de son espace intérieur.



Dans ce recueil, le précepte, l’aphorisme, le constat aigu - à la deuxième personne du singulier - tendent à culminer.



Jamais encore Michaux n’avait risqué tant de recommandations à méditer par l’homme moderne. Après bien des combats, le voilà parvenu, tout à la fin de sa vie, à une sagesse qu’il consigne. Livre de sagesse donc, qui ressemble à un traité de morale dans le style de l’Antiquité. Mais attention, ici les moralités sont paradoxales : renversement de lieux communs, enseignements contre l’enseignement, anti-sagesse enseignant la sagesse.



Michaux fut avant tout l’homme de la quête ininterrompue, l’homme de la recherche intérieure comme une interminable aventure. L’homme jamais établi, jamais réalisé, jamais arrêté. Sa sagesse et la modernité de son expérience résident justement dans cette volonté de ne pas se tenir pour éclairé.



Un maître, donc, mais un maître sans disciples - chose qu’il aurait eue en horreur, lui qui ne l’a jamais été : "Il plie malaisément les genoux, ses pas ne sont pas bien grands, mais il reçoit mieux n’importe quel rayon, celui qui jamais n’a été disciple". Un maître à vivre et non un maître à penser : "Quoi qu’il t’arrive, ne te laisse jamais aller - faute suprême - à te croire maître, même pas un maître à mal penser. Il te reste beaucoup à faire, énormément, presque tout. La mort cueillera un fruit encore vert."



Dans ces Poteaux d’angle, le poète parle le plus souvent à l’impératif et s’adresse à un interlocuteur ("toi"). Le lecteur se trouve aussitôt interpellé, tel un disciple qui écoute et reçoit multiples conseils. Mais en réalité, le lecteur n’est que le miroir d’un intime et troublant face-à-face. C’est à lui-même que Michaux s’adresse et fait la leçon et c’est ce qui permet à chacun de la recevoir.



La quête authentique de Michaux, menée avec persévérance et constance, convie au voyage intérieur. Ne s’étant jamais contenté d’une seule voie ( "Si tu traces une route, attention, tu auras du mal à revenir à l’étendue"), n’ayant cessé d’être en chemin ("La pensée avant d’être oeuvre est trajet"), Michaux appelle son lecteur à refaire personnellement et individuellement les expériences proposées. Chacune de ses phrases est une "incitation à une conduite" selon le mot de Cioran, une incitation à un travail intérieur toujours en cours.



Que nous enseigne Michaux dans ces Poteaux d’angle ?



L’authenticité, avant tout : accepter ses défauts, ses faiblesses, ses erreurs. Par fragments, le poète esquisse l’inventaire de comportements destinés à "mettre en route vers l’homme". Il énonce des valeurs pouvant se concrétiser par des actes : le secret, la lenteur, l’effacement, la rêverie... Mais encore : "...Toujours garde en réserve l’inadaptation". Et puis, apprendre à se rendre insaisissable : "Ne te livre pas comme un paquet ficelé. Ris avec tes cris ; crie avec tes rires." Mais aussi, se méfier du savoir : "N’apprends qu’avec réserve. Toute une vie ne suffit pas pour désapprendre..." "Souviens toi. Celui qui acquiert, chaque fois qu’il acquiert, perd". Ne pas craindre, enfin, de refuser l’aisance et d’apprécier l’insatisfaction : "Plutôt demeure entouré d’horripilant, qu’assoupi dans du satisfaisant." Ne pas hésiter à se battre : "Il faut un obstacle nouveau pour un savoir nouveau."



A cela s’ajoute de multiples questionnements sur l’époque et les relations avec autrui. Michaux s’interroge sur la communication, l’écriture et le livre : "Plus tu auras réussi à écrire... plus éloigné tu seras de l’accomplissement du pur, du fort, originel "désir ", celui, fondamental, de ne pas laisser de trace...". Le poète suggère, pour finir, quelques voies privilégiées comme la musique ou les langues - si nécessaires dans notre monde.



Etablie dans les marges de la littérature, l’écriture de Michaux sape les certitudes, rejette tout compromis, détruit les illusions. Elle invite le lecteur à s’arracher au sommeil dans lequel l’humanité s’ensevelit parfois. Elle l’engage à l’insoumission et à la combativité, mais aussi à la sérénité.



Essentielle toujours, cette écriture est tantôt un cri - dont l’écho ne cesse d’être renvoyé par ces Poteaux d’angle -, tantôt un murmure, où s’instaure (émotion troublante) la poésie vraie, la poésie de l’éveil.



Entre le texte et le dessin, entre la souffrance et la sérénité, Michaux chemine, "toujours partagé" comme il le dit lui-même. Cet aventurier de l’esprit explore et expérimente sans cesse de nouveaux domaines afin d’agrandir le champ de la conscience et de débusquer une vérité du monde située au-delà des apparences ; investigateur d’espaces, il questionne et déchiffre tour à tour musique et peinture, drogues, langues, hommes, corps et esprit comme autant de choses signifiantes nourrissant sa "passion de l’exhaustif" selon le mot de Cioran.



A partir des années cinquante, les livres qu’il publie sont de plus en plus petits, serrés, feutrés, traversés d’une lumière intérieure. La parole du poète tend vers une sérénité toujours frôlée, toujours repoussée.



http://www.larevuedesressources.org/
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Poteaux d'angle

En dehors d'un texte ou d'un ou deux poèmes glanés ça et là, je n'avais jamais lu Henri Michaux. Cette première rencontre me laisse perplexe. Sa poésie manque de clarté et je n'y suis pas vraiment sensible. Elle ne m'émeut pas... Sans doute est-ce trop intellectuel pour la petite lectrice que je suis.
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Poteaux d'angle

Ce petit livre d’aphorismes évoque magnifiquement l’impression d’une liste d’ingrédients pour une recette de vie, mais c’est beaucoup plus complexe que cela bien-sûr, beaucoup plus subtil aussi.



Ces réflexions portent sur la vie en société, ou sur l’homme nageant dans ses profondeurs, et luttant avec ses émotions.



Souvent sentencieuses, graves, mais aussi teintées de délicatesse et d’une grande poésie, elles parlent d’une liberté à acquérir, d’un retour à une certaine quiétude. Souvent, Michaux interpelle les normes établies, et invite à obéir aux nôtres, même si nous nous trompons. Il faut pour lui, avoir le courage d’aller au bout de tout ce que nous entreprenons, de nos envies, et compléter nos initiatives, persister, pour enfin trouver une part de nous-mêmes, ou l’entrevoir.



Cette œuvre demande un peu de calme si l’on s’y penche, afin de pouvoir y découvrir son côté solaire, car elle est remplie de pépites.

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Moments

Ne plus penser

Ne plus parler

Mais percevoir, apercevoir, écouter, sentir,

avec une attention attentive à la moindre nuance, la moindre variation, l'infime mouvement,

qui tout à coup enfle et élève puissamment,

nous fait redescendre,

parcourir l'espace et le temps,

être aspiré par l'air

et s'abreuver de la lumière.
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Plume (précédé de) Lointain intérieur

C'est un ouvrage assez étonnant, tant par sa structure (à mi-chemin entre la poésie et le récit, selon moi) que par ses textes. Ce recueil est composé de deux parties : Lointain intérieur et Plume.



Bien que j'ai lu l'intégralité du livre, c'est la partie sur Plume qui me reste le plus en mémoire : en effet, c'est celle que nous avons étudiée en cours de littérature française.



Cette poésie (puisque Gallimard la nomme ainsi) est étrange et absurde, si bien que j'étais parfois interloquée, que j'avais l'impression de passer totalement à côté du livre, et d'autres fois, j'appréciais ma lecture pour ce qu'elle était et je riais aux aventures de Plume. J'ai trouvé un certain humour cynique dans l'écriture d'Henri Michaux.



Malgré tout, je suis restée relativement hermétique aux nouvelles et aux poèmes proposés par l'auteur.
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Souvenirs d'un voyage au Mont Analogue

Bernard Amy a réuni dans ce livre neuf petits textes d'auteurs variés sur l'alpinisme. Le premier et le dernier sont de lui-même, sa source d'inspiration étant le livre de René Daumal, "Le Mont Analogue. Roman d'aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques"... tout un programme !

J'aime bien cette idée de rassembler des textes en apparence très différents, mais qui, quand on les lit attentivement ont bien plus de points commun que ce que l'on pourrait croire. Entre autres, une grande originalité.

Ces récits sont en effet tout sauf classiques et sont liés par de l'excentricité, de la poésie, de la philosophie, le tout dans des dosages différents selon leur auteur, et par-dessus tout, la passion de la montagne.

Le récit le plus singulier est sans conteste celui d'Henri Michaux, "Le dépouillement par l'espace". Récit assez hallucinant, son auteur étant, au sens propre, halluciné ! Il explique avoir consommé une substance peut-être pas tout à fait légale, puis être allé "à bonne altitude" pour en observer les effets. Il n'a pas été déçu du résultat, mais surtout, a parfaitement réussi à rendre compte de son "trip". Il nous emporte dans son voyage et fait formidablement bien partager son ressenti.

Un petit extrait pour vous mettre l'eau à la bouche : "Le statique, le fini, le solide avaient fait leur temps. Il n'en restait rien, ou comme rien. Dépouillé, je filais, projeté ; dépouillé de possessions et d'attributs, dépouillé même de tout recours à la terre, délogé de toute localisation, dépouillement invraisemblable qui semblait presque absolu, tant j'étais incapable de trouver quelque chose qu'il ne m'eût pas ôté."

Étrange et bien agréable sensation que de suivre l'auteur dans son aventure, sans prendre aucun risque, bien douillettement installée avec mon livre. J'ai adoré cette nouvelle dans laquelle Henri Michaux invente des mots pour retranscrire ce qu'il perçoit. L'extraordinaire "L'espace m'espacifiait" m'a fait particulièrement rêver.

Haroun Tazieff a dit que pour être écrivain, "il faut d'abord avoir quelque chose à dire" et par son texte "Tourmente", Samivel prouve qu'il en est un, et un grand. Outre sa poésie coutumière, on y trouve une tempête animée, douée de vie rageuse, et deux hommes face à elle. Deux hommes qui vont unir leurs forces pour lutter jusqu'au bout. On suit leur magnifique combat tout au long d'un récit prenant et émouvant. Samivel décrit l'instinct de survie, "un instinct puissant, protecteur vigilant de l'espèce" grâce à qui les deux grimpeurs sortiront vivants de leur aventure : "Désormais, ce fut ce pilote qui guida la fragile machine d'os et de chair à travers les embûches du vide, choisit les prises avec une admirable pertinence, aperçut enfin l'anneau."

Voilà.

Chaque texte a son thème, son style, sa personnalité. J'ai plus accroché avec certains, moins avec d'autres : c'est le lot de toute anthologie, mais j'ai vraiment aimé l'ensemble.

Attention, si cette lecture vous tente : le premier texte de Bernard Amy m'a semblé assez obscur, et j'ai eu la désagréable impression de ne pas tout comprendre, de passer à côté, car je n'ai pas lu le livre de René Daumal. Les évocations fréquentes de "l'esprit du Mont Analogue" m'ont donc un peu frustrée, mais ce n'est pas la faute de l'auteur : mea culpa, mea maxima culpa ! Je vais m'empresser de combler cette lacune, et j'espère ainsi mieux apprécier le dernier texte, que j'avoue avoir laissé de côté afin de ne pas gâcher ma lecture. Mais peut-être certains lecteurs trouveront-ils de l'intérêt dans ces deux récits de Bernard Amy même sans avoir lu René Daumal.

En tout cas, "Souvenirs d'un voyage au Mont Analogue" est un livre fort intéressant, qui plaira à tous les passionnés de montagne.

Je remercie chaleureusement Babelio pour son opération Masse critique et les éditions Tensing (quel nom !) pour ce voyage vivifiant.

Je conclus enfin en reprenant les mots de Pierre Dalloz, auteur d'un des textes : "Qui une fois a connu l'altitude en reste hanté." Tous les amateurs d'alpinisme approuveront, j'en suis certaine !
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Plume (précédé de) Lointain intérieur

J'ai beaucoup de mal avec les textes de Henri Michaux. Je ne ressens pas d'émotion. Cet auteur trop intellectuel et complexe n'est pas fait pour la petite lectrice que je suis. Dommage...
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Plume (précédé de) Lointain intérieur

Là où dans La Nuit remue Michaux faisait l'inventaire de ses « propriétés », il renie ici ce terme trop évocateur d'une possession figée, et se fait plus que jamais le sujet d'une dépossession permanente. le mouvement est intense, dans les images, les rythmes et les formes employées. Plume est une force centrifuge qui emmène vers une altérité introspective, un « Lointain intérieur », titre d'une partie du recueil dont la rédaction est postérieure de quelques années aux autres textes mais qui se retrouve placée au début : illustration éloquente du remue-ménage(rie) que constitue ce livre riche en animaux fantastiques, métaphore d'une identité en permanente métamorphose.



Alors on y tourne et on y retourne dans le monde de Plume. On espère y trouver et y retrouver du sens, balloté entre les brises du grand large comme un petit cheval intranquille, roulé en boule mais ne demandant qu'à se déployer, à se transformer, à s'envoler au-dessus de l'océan.



On aimerait y forger quelque chose en-Plume, mais faut-il pour cela marteler les mots d'une paire d'yeux attentifs ou au contraire laisser dériver son attention le long des lignes, avec la légèreté du duvet emporté par le vent ?



La brise tempêtueuse achoppe parfois sur un calme angoissé lorsque celle-ci est « ralentie ». La ralentie, c'est le principe féminin du poète, une pulsation qui duplique, multiplie, sa voix et le fait naître de toutes choses, à tout moment, sous des formes extravagantes. Et via ce nouveau tempo, le mouvement renaît lui aussi de plus belle.



Parmi les réincarnations de la voix de Michaux, on trouvera Plume. Plume n'en a pas conscience, mais il est atteint d'une légèreté ontologique qui semble tout faire glisser sur lui, même l'insoutenable. Il lui arrive de s'endormir dans son voyage vers un pays lointain, entre quelques cadavres et quelques réveils en sursaut. Plume est sans famille, sans amarres. le monde le tient pour coupable et ceux qui prétendent l'aider (avec une désinvolture maternaliste ou paternaliste) le rendent complice de crimes. Plume est passif, Plume se laisse faire, trop léger pour s'opposer, mais cette légèreté semble aussi bien le menacer que le sauver : moins soumis à la pesanteur, il tombe moins vite que les autres. Là où certains s'étouffent en avalant leur langue, lui accepte de la laisser partir nager avec les poissons et peut encore parler. Plume chute en tourbillonnant vers le plafond et il nous fait perdre la tête, afin qu'elle sorte des murs.



Plume nous démembre, nous change à travers les signes, nous change en signes transitoires. Il nous fait signe, et le monde nous fait signe à travers lui.
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