Citations de Inès Cagnati (41)
Tu sais comment tout le monde t'appelle, Génie la folle. Génie la folle, c'est bien trouvé. Je peux te faire enfermer à l'asile. Une folle en liberté, tout le monde la regarde. Mais une folle enfermée, on l'oublie.
Je n'ai pas remarqué ce jour plus que les autres, sur le moment, parce que rien jamais n'avertit qu'on est en train de vivre un jour particulier, un commencement et une fin, ni même si un commencement heureux parce que certaines choses ont l'air normales ou heureuses et après on voit qu'elles deviennent terribles.
Je suis une indécise parce que la plupart des choses que je fais n'ont aucune importance, et ce que je décide ne change rien.
Le docteur du village est venu me voir tous les jours pendant quarante jours.
Il portait les médicaments, il me faisait les piqûres, il me donnait des tisanes sucrées parce que je n'avais pas le droit de manger......
Pendant quarante jours il est venu me soigner. Et vous savez ce qu'il a demandé en paiement ? Un poulet.
Un poulet, rien d'autre.
Au jour d'aujourd'hui avec un poulet vous ne pourriez même pas payer une visite.
Les gens ont trop à manger, alors ils se sont mis à avoir faim d'argent.
Les vieux avec les vieux dans les hospices, les jeunes avec les jeunes au travail, et les enfants avec les enfants aux écoles.
Moi je trouve que les morts devraient rester à leur place et non pas s'amuser à faire les fantômes.
beaucoup de gens sont nés comme ça, d'un méchant hasard.
J'ai marché. Longtemps, j'ai marché dans le froid de la terre et du ciel.
La neige s'est mise à tomber, tendre, silencieuse. Je suis devenue bloc de glace déséquilibré à la dérive de la neige. Il neigeait sans fin et moi je marchais sans fin.
Et puis, à la fin de la nuit, je suis arrivée au bord des marécages immobiles de gel sous un ciel froid d'étoiles. J'ai pensé à Daisy qui dormait dans son nid, le chiot au creux de son ventre doux. Je me suis dit : c'est une bonne mère, Daisy, c'est une bonne mère.
Je cherchais les nids de corbeaux, je me disais comment je les apprivoiserais aussi, je leur apprendrais à parler, à rester percher sur mes épaules ou sur ma tête, et tous, les renards et les corbeaux et moi, on s'aimerait tranquillement, comme des familles heureuses.
C'était une lettre officielle, dactylographiée, écrite par personne. Elle disait : Pierre était mort plein d'honneur et serait enterré avec tous les honneurs qui lui étaient dus.
L'enfance, c'est la mémoire de la vie.
Pauvre petite Antonnella. Moi je sais ce qu'elle a. Elle croyait qu'elle faisait partie de moi et maintenant que je suis partie sans elle, elle s'aperçoit qu'elle n’est pas moi. On ne s'en console jamais. Je le sais parce que j'ai été longtemps comme ça avec ma mère. Je croyais que j'étais elle. C'est amusant à penser et même un peu dégoutant. Je ne me souviens pas du temps où je croyais faire partie de maman, et je me rappelle le jour où j'ai compris qu'elle et moi on était deux personnes distinctes, et après le monde n'a plus jamais été pareil. Jamais plus.
A cette époque, il y a tant de lunes, une fille abandonnée enceinte c'était une grande honte pour les siens et des larmes pour elle que personne n'épouserait ou alors un pauvre type sans rien.
Quand on est presque vieux, le sang circule mal, on a besoin de se donner chaud à l'intérieur, surtout le dimanche.
Je me connais, depuis quatorze ans que je vis avec moi. Si j'étais quelqu'un d'autre et que je m'aie pour copine, je ne resterais pas longtemps avec moi, j'en suis sûre.
Quand on me demande comment c'est, à la maison, mes parents, toutes mes sœurs, et notre vie, je pars sans répondre. Et si je réponds, j'invente des histoires en ajoutant beaucoup de détails pour faire vrai. Parce qu'enfin, on n'a pas à me demander ici ce qui se passe à la maison. Ce qui se passe à la maison ne regarde personne.
Ses yeux heureux et lumineux sont plus vivants que ceux qui voient.
Lorsqu'on déteste les gens, on leur en veut d'être là, même si ce n'est pas du tout de leur faute.
Je ne comprends même pas comment elle peut m'aimer. Moi, si j'étais aussi merveilleuse qu'ellr, je ne m'aimerais pas, je me détesterais d'être si noire, avec ces cheveux noirs, ces yeux noirs, et ce tablier de cuisine si vert toujours. Lorsque je pense à moi, je me déteste bien plus que ne font les autres. Oui. Bien plus.
A force de vivre au cœur de ces terres gorgées d'eau sauvage où poussent de si étranges fleurs taciturnes, où vivent des oiseaux fantômes dont on ne connaît que les cris qui peuplent certaines nuits plus vagues que les autres, et ces brumes folles où se perdent les arbres et nos collines, à force de vivre au milieu de ces terres d'eau sans jamais rencontrer personne, je crois qu'on ne sait plus comment est la vie, ailleurs, ni même si ailleurs des gens et des villes existent.
Les chiens deviennent très fatigués, quelquefois, comme les gens, mais on ne peut pas pendre les gens quand ils ne servent plus à rien. aux animaux, on peut faire tout ce qu'on veut, les pendre lorsqu'ils deviennent vieux et fatigués.