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Citations de Jacques Sternberg (219)


Les rats

Il y avait longtemps qu'ils préparaient leur coup et, un matin, ils passèrent à l'action. Tous en même temps.
Sortant de leur monde souterrain des égouts, les rats montèrent à l'assaut de la civilisation, en une seule gigantesque armée qui déferla dans les coulisses de la capitale. Les rats savaient où se diriger et ils le prouvèrent en commençant par saboter les centrales électriques pour couper le courant, vital pour l'homme, inutile pour eux. Ensuite ils envahirent tous les centres nerveux et commerciaux de l'alimentation, se livrant à un pillage impossible à réprimer. Ils n'étaient pas invincibles, mais ils avaient le nombre pour eux. Un rat mort était instantanément remplacé par dix autres rats agressivement en vie.
La panique des citadins tourna très vite à l'hystérie, avivée par l'épouvante et la répulsion.
Cela se passait par une journée caniculaire de juin qui faisait de toute la ville un gigantesque brasier de puanteur toxique, de merde bétonnée surchauffée, de pollution qui bouffait chaque centimètre cube d'air stagnant.
Le soir même, contre toute attente, on vit les rats regagner leurs égouts, titubants, à moitié asphyxiés, intoxiqués. Ils ne revinrent jamais à la surface du sol. Il fallait être un humain pour supporter, à l'air libre, de pareilles conditions de vie.
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Jacques Sternberg
Dans ce monde de fous furieux, il y a aussi des mous sérieux.
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Les assistés

En ce temps-là, les problèmes ne manquaient pas et le quotidien en dispensait à satiété, mais ceux du chômage avaient été résolus pour une raison d'une désarmante simplicité : partout, les salariés ne travaillaient plus qu'à mi-temps.
En effet, tant était allé l'homme au langage qu'il avait fini par y couler.
A l'ère atomique avait succédé l'ère de la parole. Le besoin de croire au sens profond de la vie, le refus de toute glaciale lucidité, la soif de se raconter, de justifier chaque sursaut psychologique, la névrose d'analyser son cas personnel, de se confesser par téléphone, à la radio, la télévision, à son psychanalyste ou en public ; toute cette hystérie amorcée depuis plusieurs décennies devint une nouvelle façon de vivre à l'aube du XXIe siècle.
En effet, plus personne ne travaillait à temps complet, les lois en avaient décidé ainsi. Une moitié de la journée devait être consacrée au travail et l'autre à disséquer ce que l'on vivait, pourquoi on avait agit ainsi, ce qu'il aurait fallu faire et ce que l'on ferait ou ce que l'on s'interdirait de faire.
Au commencement était le verbe. A la fin, également.
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Jacques Sternberg
Une bibliothèque, c'est un des plus beaux paysages du monde...
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Le Pacifisme

C'est en hiver 2002 qu'éclata brusquement la Troisième Guerre mondiale. Ne pouvant plus contenir leur potentiel d'agressivité avivé par une crise décidément insoluble, quatre grandes puissances libérèrent leurs missiles à haute nuisance pour les envoyer en plein centre des villes les plus peuplées. Le conflit ne dura qu'une seule nuit et fit 550 millions de victimes.
Deux ans plus tard, la France et l'Allemagne qui étaient restées modestement en dehors de ce carnage nucléaire voulurent retrouver, pour le troisième fois, les sortilèges virils de la grande boucherie qu'elles organisaient si régulièrement depuis plus d'un siècle. C'est alors qu'on enregistra un fait unique dans l'Histoire et les annales militaires ; soucieux de retrouver une guerre "propre" menée par des fantassins, les deux pays proclamèrent tapageusement la mobilisation générale à laquelle répondirent 1 245 Français et 896 Allemands.
On dut admettre qu'on venait d'entrer dans l'ère de la lucidité et qu'il était temps de penser à un désarmement général. Cela se fit dans le monde entier, à tous les niveaux de la technologie du meurtre : on détruisit les fusils des baraques foraines comme les fusées tueuses les plus perfectionnées.
Le XXIe siècle allait sur ses 5 ans quand, pour la première fois, des êtres venus d'ailleurs, d'une lointaine galaxie, débarquèrent sur la Terre.
Les Stryges ne pouvaient que décevoir les camés de l'étrange conventionnel : ils n'avaient rien des monstres galactiques qui crachaient le feu depuis tant d'années dans les magazines de science-fiction. Ils nous ressemblaient comme des frères et ils étaient venus en force pour le prouver : une armada de deux millions de Stryges armés jusqu'aux dents. Les hommes, désarmés jusqu'aux dents également, ne purent qu'accueillir les envahisseurs avec des fleurs, de l'étonnement et un semblant de cordialité. Qui ne donna le change à personne. Les Stryges colonisèrent les Terriens bien plus rapidement et plus facilement que les Européens jetés face aux Indiens ou aux Africains.
Non sans un certain nombre de massacres tout à fait gratuits. Pour l'exemple, peut-être. Ou pour le plaisir alors. Par jeu. Pour ne pas perdre la main.
Les Stryges ressemblaient, en effet, aux Terriens comme des frères. Mais à ceux d'avant la Troisième Guerre mondiale.
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La création

Le premier jour, Dieu créa le rhume de cerveau. Cela lui parut bien peu de chose.
Le deuxième jour, il créa la grippe. C'était mieux, mais bien anodin encore.
Le troisième jour, il créa la pneumonie. Il en fut content, pas tout à fait cependant.
Le quatrième jour, il créa la peste. Cela permettait d'envisager des épidémies que l'on arriverait à enrayer un jour, il le savait.
Le cinquième jour, il créa le cancer et il fut franchement satisfait de cette initiative. Il manquait cependant quelque chose au cancer, il en était très conscient et le sixième jour, enfin, il créa la mort.
Le septième jour, il put aller se reposer. Il ne l'avait pas volé.
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Le Communiqué
Il était sur le point de s'endormir quand, soudain, il vit briller dans la nuit la petite lucarne de sa radio qu'il avait oublié de fermer. Il se redressa et, machinalement, il fit passer d'un poste à l'autre l'aiguille de métal qui boucla le tour du cadran sans se heurter au moindre son, pas même un parasite. Il allait fermer le poste quand soudain l'aiguille se buta à une voix. L'homme s'étonna: il n'avait jamais obtenu le moindre programme sur cette longueur d'ondes.
- Cher auditeur... dit la voix.
De cela, l'homme était certain : la voix n'avait pas fait mention des chers auditeurs. Cher auditeur, avait-elle dit. Et cette voix ne semblait pas appartenir au monde des spectacles et diffusions. Elle n'en avait pas la sonorité classique, il lui manquait une certaine onctuosité, un certain pouvoir rassurant. Elle sonnait sèche, personnelle. Le ton était distant, neutre, légèrement froid.
- Cher auditeur, dit la voix sans aucun effet oratoire, il est maintenant zéro heure, zéro minute, zéro seconde. Votre programme est terminé. Nous vous donnons rendez-vous demain matin dans un autre monde.
L'homme, en effet, ne passa pas la nuit.
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la politique, fille de la diplomatie et de l'escroquerie courtoise.
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L'invention

Il avait inventé une petite antenne portable qui supprimait radicalement les pensées parasites du cerveau humain.
Il l'essaya avec succès sur sa propre personne. A peine avait-il donné le contact qu'il ne pensait plus qu'à la mort, à l'inutilité de toute entreprise, à la vanité d'avoir mis au point cet engin révolutionnaire. Le temps de penser à couper le contact, il s'était suicidé.
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FOI
On se raccroche à la foi pour sauver son moi, garder son toit, être son roi, faire sa loi, peser le poids, manquer de choix, suivre sa voie et demeurer coi. (p.87)
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Le temps n'est pas seulement le seul véritable ennemi de l'homme, c'est également et surtout son ennemi le plus sournois, le plus lâche. Et, bien sûr, le seul que l'on n'ait pas la moindre chance de vaincre.

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Personnellement, toute question de nourriture mise à part, je préférais de loin les restaurants chinois aux autres : on y subissait moins de bruit, les clients y élevaient rarement la voix. Je m'étais toujours demandé pourquoi. Le riz devait moins disposer au vacarme que la frite, je ne voyais pas d'autre explication.

(page 61).
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Jacques Sternberg
 
 
Au royaume des sourds les aveugles sont muets.
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Se donner la peine de monter à la tribune pour dénoncer toute ambition ne peut naturellement être qu'un acte d'ambitieux.
(Échappement libre)
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Les esclaves

Au commencement, Dieu créa le chat à son image. Ensuite, comme il l'avait voulu indolent et passablement paresseux, il créa l'homme qu'il imagina très actif et surtout très inventif, pour entretenir le chat, lui servir à tout jamais d'esclave. Et il en fut ainsi.
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Les chats
On s’était si souvent demandé, et depuis longtemps, à quoi les chats pouvaient bien penser. Tapis au plus profond de leur solitude, enroulés autour de leur chaleur, comme rejetés dans une autre dimension, distants, méprisants, ils avaient l’air de penser, certes. Mais à quoi ? Les hommes ne l’apprirent qu’assez tard. Au XXIe siècle seulement.
Au début de ce siècle, en effet, on constata avec quelque étonnement que plus aucun chat ne miaulait. Les chats s’étaient tus. On n’en fit pas un drame. En fin de compte, les chats n’avaient jamais été tellement bavards : sans doute n’avaient-ils vraiment plus rien à dire à présent. Puis, plus tard, on releva un autre fait. Plus singulier celui-là : les chats ne mouraient plus. Quelques-uns mouraient évidemment par accident, écrasés par un véhicule, le plus souvent; ou emportés en bas âge par quelque maladie particulièrement pernicieuse. Mais les autres évitaient la mort, lui échappaient, comme si cette fatale échéance n’avait plus existé pour eux.
Cette énigme, personne ne la perça jamais.
Leur secret était simple pourtant. Les chats, depuis qu’ils étaient sur terre, n’étaient jamais sortis de leur indolence native pour accomplir, comme les hommes, mille petits tours savants. Ils n’avaient jamais rien construit, pas même leur niche. Ils avaient toujours laissé les hommes s’occuper de leur sort, leur procurer la nourriture, le confort et la chaleur artificielle. Eux, libérés de tout, avaient toujours vécu dans une sorte d’hibernation idéale, bien dosée, parfaitement mise au point, ne songeant qu’à mieux se concentrer, douillettement lovés dans leur bien-être.
Les chats avaient eu beaucoup de temps pour y penser. Ils avaient beaucoup pensé. Mais alors que les hommes pensaient à tort et à travers, au superflu de préférence, les chats, eux, n’avaient pensé qu’à l’essentiel, sans cesse, sans se laisser distraire. Ils n’avaient médité inlassablement, au cours des siècles, qu’un seul problème.
Et, à force d’y penser, ils l’avaient résolu.
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La loterie

Les affaires comme l'industrie allaient de plus en plus mal, les entreprises étaient acculées à la faillite, beaucoup de magasins fermaient à jamais leurs portes et trouver un emploi, même sous-payé, devenait problématique.
C'est alors que le gouvernement fit un coup double en lançant à grand tapage une loterie nationale dotée quotidiennement d'un même prix pour dix gagnants seulement : un emploi stable de fonctionnaire dans un des innombrables bureaux de chômage, ceux-là même qui proliféraient un peu partout, à une cadence accélérée.
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Aux livres que l'on est censé dévorer, je préférerai toujours les livres capables de me dévorer.
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Or, il faut bien le préciser, le travail était un mythe qui n'appartenait qu'à la terre. Nulle part ailleurs, dans l'espace, on n'avait jamais songer à travailler. Demeurée ou civilisée, larvaire ou souterraine, aucune créature n'avait jamais ressenti le besoin saugrenu d'amasser des biens, de se faire une situation ou de gagner sa vie en acceptant de la perdre suivant un horaire judicieusement prémédité selon tous les barèmes du sadisme mental.
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Pour la quatrième fois je passai devant ce groupe d'immeubles.
Le fait, pour la quatrième fois, s'affirma indéniable, grotesque, mais évident: je ne retrouvais plus ma maison.
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