A l’époque où l’intime s’affiche dans tous les médias, où la transparence est souhaitée, traquée, mais où les failles sont aussi attendues et rêvées, il devient difficile de vivre sa vie sereinement pour toute personne se retrouvant sous les feux des projecteurs. Les uns espionnent les autres en espérant le faux pas, celui qui lui permettrait de se sentir supérieur à l’autre. James Meek pousse la logique jusqu’au bout en créant une entité gardienne de la moralité : La Fondation morale. Ces derniers attendent que les médias aient établi une réputation, puis la détruise avec un scoop au nom de la moralité, tout en laissant le choix de dénoncer quelqu’un de son entourage pour ne pas être touché.
Ritchie va en être victime et il va devoir choisir entre résister, comme son père avant lui, officier tué en Irlande pour ne pas avoir dénoncé un informateur, mais risquer de voir s’étaler sur la place publique des secrets inavouables qui feraient voler sa vie en éclat, ou bien trahir, vendre sa sœur, se préserver en trahissant sa famille.
« J’ai un tas de clients, réplique Midge. Ils aiment tous raconter leur vie. Et ça se résume à deux choses. Primo, ils n’arrivent pas à contrôler leur bite. Deuzio, ce pays est plein de mouchards et de balances… (…) De traîtres, poursuivit Midge. Des gens prêts à vous vendre. De filles qui couchent pour pouvoir raconter. De paparazzis. De marchands de tuyaux. De portables qui prennent des photos. Une vraie putain de Stasi… Comment croyez-vous que fonctionne un Etat policier ? Je vous donne un indice : ce n’est pas grâce à la police. Surveillez vos amis… la moitié du pays est prête à dénoncer l’autre. » (p. 195)
Une réflexion sur la moralité et sur la frontière mouvante entre le Bien et le Mal, s’amorce alors, ce roman entrant dans nos consciences pour analyser le phénomène et nous secouer :
« Vous pouvez commettre un acte, reprit-il, quelque chose de mal, et savoir que vous l’avez fait, mais personne d’autre le sait, ça reste un secret. Mais le truc, quand on se fait prendre, ce n’est pas seulement que tout le monde sait ce que vous avez fait. Le truc, c’est que vous ne savez pas vraiment ce que vous avez fait, jusqu’au moment où vous savez que tout le monde sait. » (p. 296)
Parallèlement, Bec, scientifique oeuvrant contre le paludisme cherche à apporter sa pierre à l’édifice de la science. Les ambitions des scientifiques faites de risques et de ratages, pour le bien fondé de la science et du progrès s’entremêlent subtilement au thème de la moralité.
Au terme de tergiversations nombreuses et aléatoires, Ritchie devra faire son choix, même s’il sait que la liberté individuelle et collective est la seule issue, chacun devant être son propre censeur.
Un roman ambitieux à ne pas manquer !
Lien :
http://www.lecturissime.com/..