Citations de Jan Clausen (21)
En bon anglais
Nous écrivons des poèmes dans nos essais
Et des essais dans nos poèmes.
Nous ne confondons pas la forme et le contenu.
Nous les fondons, voyez le fil de soie et le cordon qui s’entremêlent.
//Nellie Wong
Ce poème n’est pas un attentat suicide parce que la vérité ne peut jamais mourir.
Non, je ne suis pas chauve sous le voile
Non, je ne viens pas de ce pays
où les femmes n'ont pas le droit de conduire
Non, je n'aimerais pas quitter mon pays
je suis déjà américaine
Mais merci de me l'avoir proposé
Que voulez-vous savoir de plus
pour que je puisse souscrire une assurance,
ouvrir un compte en banque,
réserver un billet d'avion ?
Oui je parle anglais
Oui, je transporte des explosifs
On les appelle les mots
[...]
(Mohja Kahf - Scène au hijab, no 7)
Une femme parle
Extrait 2
Je n’habite
ni ma naissance ni mes divinités
moi qui suis sans âge et même pas adulte
cherchant encore
mes sœurs
sorcières du Dahomey
me portent dans leurs toiles nouées
comme autrefois notre mère
endeuillée.
J’ai été femme
durant longtemps
méfiez-vous de mon sourire
je suis trompeuse grâce à la vieille magie
et la nouvelle démence de midi
promise à tous vos vastes projets
je suis
femme
et non blanche.
//Audre Lorde
/Traduit par la poétesse française Gerty Dambury.
Je ne peux parler du langage et de l'action séparément. Pour moi, le langage est action. Dire des mots qui n'ont jamais été dits, imaginer ce qui est inimaginable, c'est créer le lieu où le changement (l'action) surviendra.
(Judith McDaniel)
The foot on my neck is part
of a body.
The song that i sing is part
of an echo.
(Assata Shakur, "Leftovers - What is left")
Pourquoi un poème, pourquoi pas un essai ? Ah mais, voyez-vous, nous écrivons des poèmes dans nos essais et des essais dans nos poèmes. (Nellie Wong - En bon anglais)
Quoi qu’il arrive entre nous, ton corps hantera le mien – tendre, délicat ta façon de faire l’amour, comme la fronde à demi enroulée des crosses de fougères dans les forêts tout juste baignées de soleil. Tes cuisses généreuses, éprouvées entre lesquelles mon visage entier est venu encore et encore – l’innocence et la sagesse de l’endroit que ma langue a trouvé là – la danse vivante et insatiable de tes mamelons dans ma bouche – ton toucher sur moi, ferme, protecteur, qui m’explore, ta langue puissante et tes doigts fins atteignant l’endroit où pendant des années je t’avais attendue dans ma caverne rose-mouillée – quoi qu’il arrive, il y a ça. (Adrienne Rich – Extrait de « Vingt-et-un poèmes d’amour »)
Tu sais, quand t’as compris qu’on ne peut pas faire confiance à dieu, Quand tu sais que le psy est un dealer, le mot un fouet et l’insigne est une balle, Qu’est-ce qu’il reste ? (Assata Shakur – Ce qu’il reste)
Puisse mon urticaire s’épanouir avec bravoure jusqu’à ce que ma chair s’embrase et brûle les toiles d’araignées. Puissions-nous devenir folles furieuses ensemble, mes sœurs. Puissent nos douleurs dans l’accouchement de cette révolution être la mort de toute souffrance. Puissions-nous comprendre que rien ne peut nous arrêter. (Robin Morgan – Monstre)
(…) nous, particulièrement les femmes noires, nous avons une immense tradition littéraire et en avons la connaissance, et il y a cette idée selon laquelle il nous faudrait être dans une mobilité descendante pour toucher tout le monde, ce que je ne pense pas nécessaire. Je trouve que c’est tout à fait comparable à la mobilité économique descendante à laquelle je ne tiens pas particulièrement non plus. Une fois que vous avez acquis un privilège, si vous voulez le rejeter, très bien, mais si vous avez travaillé dur pour votre éducation, ça n’a aucun sens. (Michelle Cliff, Claiming an identity they taught me to despise, p. 53)
Jamais un peuple colonisé n’a vu ses membres aussi isolé-es les un-es des autres et aussi longtemps que les femmes.
Jamais aucun n’a été saisi par la compassion pour l’oppresseur qui chaque nuit respire sur l’oreiller d’à côté. (p. 97, extrait de Robin Morgan, Monster)
Pour celles d’entre nous
qui ont la peur gravée
comme une trace imprécise au milieu du front
apprenant à craindre le lait de notre mère
car avec cette arme
cette illusion de trouver une certaine sécurité
les brutes espéraient nous réduire au silence
Pour nous toutes
qui n’étions pas censées survivre
à cet instant et ce triomphe.
Et quand le soleil se lève nous craignons
qu’il ne dure pas
quand le soleil se couche nous craignons
qu’il ne se lève pas au matin
l’estomac plein nous craignons
une indigestion
l’estomac vide nous craignons
de ne plus jamais manger
aimées nous craignons
que l’amour s’évanouisse
seules nous craignons
que l’amour jamais ne revienne
et lorsque nous parlons nous craignons
que nos mots ne soient pas entendus
pas accueillis
mais quand nous sommes silencieuses
nous craignons encore
Alors il vaut mieux parler
en se rappelant
que nous n’étions pas censées survivre.
(Extrait de « Litanie pour la survie » de Audre Lorde)
Zi shemt zikh/ Elle a honte
Elle a oublié
Alts fargesn
Tout oublié
A qui puis-je parler ?
se demande-t-elle.
di mame la mère
der tate le père
di bobe la grand-mère
der zeyde le grand père
di oves les ancêtres
alts
alts fargesn
tout oublié
digantse mishpokhe
la famille entière
dos folk
les gens
Mit vemen
Ken ikh redn ?
A qui puis-je parler ?
Di meysim farshteyen
Mir afile nit
même les fantômes
ne me comprennent pas.
Irena Klepkisz
africa
who scratched these roads
in pitch
across your face
new scars
to mark the new maturity
the knowledge of imperial evil
for surely
these are te paths of plunder
that violate the sacred forests
to race for hidden treasures
leaving us
a continent of opened secrets
(Wilmette Brown, "Bushpaths")
Je suis au sommet et en bas
d’une infériarchie.
Je suis amoureuse de la terre
depuis des temps anciens.
Je suis amoureuse des perdant-es et des rires.
Je suis amoureuse
de la liberté et des enfants.
L’amour est mon glaive
la vérité ma boussole.
Qu’est-ce qu’il reste ?
(extrait de Leftovers – what is left, d’Assata Shakur)
Ne te laisse pas séduire. N’oublie pas un seul instant que les soldats portent des fusils. Accroche-toi à ton coeur. Demande-leur d’abord ce qu’ils sont prêts à donner pour le voir. Dis-leur qu’ils peuvent commencer par leurs armes. Alors seulement tu commenceras à négocier.
(extrait de Leçon d’anatomie, de Cherrie Moraga)
Pouvoir
et tandis que je la battrai à lui faire perdre connaissance et
mettrai le feu à son lit
un chœur grec chantera sur un rythme de ¾
‘Pauvre chose. Elle n’a jamais blessé une seule âme. Ce sont
Vraiment des bêtes.’
//, Audre Lorde
Monstre
Eh bien, je meurs, étouffée ce soir par cette désespérance
par ce poids mort de devoir lutter même avec
ces rares hommes que j’aime et dont je me soucie moins
chaque jour où ils me tuent.
Comprenez-vous ? Je meurs. Je deviens folle.
Vraiment. Pas de métaphore poétique.
J’ai des visions de minces filets arc-en-ciel
comme des toiles d’araignées partout sur ma peau.
// Robin Morgan
Une femme parle
Extrait 1
Marquée par la lune touchée par le soleil
mon charme est implicite
mais quand la mer se retirera
elle abandonnera mon corps
je ne cherche pas l’approbation
indifférente au sang
implacable comme le fléau de l’amour
aussi têtue que mes erreurs
ou ma fierté
je ne confonds pas
l’amour et la pitié
ni la haine et le mépris
et si vous voulez me connaître
fouillez les entrailles d’Uranus
où les océans inlassables se fracassent.
...
//Audre Lorde
/Traduit par la poétesse française Gerty Dambury.