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EAN : 9782366244540
220 pages
Cambourakis (16/10/2019)
4.02/5   29 notes
Résumé :
De nombreuses poétesses figurent parmi les plus influentes activistes, théoriciennes et porte-paroles des mouvements féministes aux Etats-Unis depuis les années 1970 et 1980. Quel est le lien entre leur création poétique et leur activité militante ? Quelle est la place de l'écriture poétique dans leur oeuvre théorique ? Dans un essai rédigé "dans le feu de l'action" en 1982, la poétesse féministe Jan Clausen raconte [histoire des premières années du "mouvement de la... >Voir plus
Que lire après Je transporte des explosifs on les appelle des motsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
À qui puis-je parler?
Honorer les femmes c'est encore parler d'elles
Il n'y aura pas de garantie d'écoute
Mais la poésie et le féminisme doivent avancer
C'est un danger et une promesse qui défient le monde
Imaginez des explosifs des mots partout transportés par des femmes plurielles exceptionnelles
Oseront-Elles franchir toutes les barrières que le patriarcat a mis devant elles
Trop souvent elles sont freinées déconsidérées quand ce n'est pas violentées ou tuées
Alors un peu de dynamite dans ce bordel
N'est-ce pas la réponse défensive évidente
Alors à qui pourraient-elles parler, ces poétesses?
Honorer la vérité c'est encore l'écrire la diffuser lui donner un corps des jambes pour qu'elle puisse vaquer rencontrer célébrer celles qui ont su créer la poésie féministe
Le monde a besoin d'elles puisque cette lumière dessine les contours de l'obscurité dans laquelle elles sont repoussées
Il nous faut cette éruption de mots dégoupillés
Il nous faut cette énergie redoutable et puissante qui désintègre la merde qu'ils auront laissé
Ce qu'il reste dans les voix de ces femmes
C'est des violences des silences spécifiques
Quand une femme parle
Elle n'abandonne rien de la douleur de sa complétude de son histoire de son amour
Elle habite une langue un mot son poème
Elle est aussi vie que mort
Cercle et cathédrale
Vague et soupir
Elle-même et autre
A qui maintenant pourrais-je parler
De mon émotion
Quand je les ai lu, elles, dans leurs luttes
Dans leurs créativités dans leurs intimes
Qui voudra entendre les coup sur mon coeur
A me pulvériser le palpitant dans cette heure calme
Que je ne voudrais oublier
Elles étaient brunes noires survivantes
Bombes hystoires libres guérilleres
24 poétesses féministes États-uniennes
Performantes
Consciences
Utiles
Apeurées triomphantes en colères
Et j'ai reçu leurs dévastations au fond de moi
Je les ai accueillies pour mieux les comprendre
Est-ce que mon amour aussi est spécifique?
L'amour sera toujours ma boussole
Entre ici ou là-bas
Je ne peux perdre mon nord
Puisque je suis amoureuse de la poésie
Surtout quand elle vibre aussi fort
Aussi terrible qu'elle soit j'entends mes soeurs
Comment je peux retenir cette révolution
Épidermique
Qui se joue dans nos fiertés féminines?
J'attends tout de la poésie
Qu'elle sauve le monde qu'elle transmute les femmes
Mais encore plus qu'elle soit engagée politique
Libre sensorielle nécessaire pour nous toutes
Je crois en son mouvement
Je veux qu'elle soit chant scène chose destinée couleurs vérités histoires exemple litanie pouvoir restes chemins ailleurs flottante monstre
À qui puis-je parler
Des milliers d'explosions que leurs mots
Ont fait en moi
Est-ce que ce coup de coeur est spécifique?
Oui.
À qui puis-je en parler?
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La poésie prend souvent la femme comme objet : c'est la Muse, celle qu'on aime, celle au sujet de laquelle, sans cesse, se construit un discours masculin. Il est donc particulièrement intéressant que les féministes se soient emparées de ce médium pour faire entendre un discours sur les femmes elles-mêmes.
En elle-même, cette réappropriation rend cette anthologie passionnante en montrant de multiples facettes de l'expérience féministe. En effet, il y a parmi les autrices des femmes de diverses origines, des femmes racisées, des hétérosexuelles, des lesbiennes, des trans, etc. Mais ces poèmes sont aussi d'une grande beauté, tirant souvent leur force de leur simplicité, et leur façon de faire entendre clairement ce dont la société attend que ce soit tu, tout en préférant la vérité d'une expérience intime aux postures et aux grands discours, sans craindre la violence. Ainsi, « Monster » de Robin Morgan m'a semblé un chef d'oeuvre : elle décrit, à partir d'un mot d'enfant, sa peur que son fils de deux ans apprenne à voir dans la féminité une altérité à détester et à dominer. Dans beaucoup de poèmes, on rêve d'un retour à un « avant » idéalisé : on pourrait y voir le souvenir d'une théorie longtemps en vogue selon laquelle les premières sociétés étaient matriarcales. J'y vois plutôt une nostalgie d'un état d'innocence, avant que s'insinue le discours patriarcal aliénant, qui fausse même le regard sur soi. le travail poétique d'affirmation de soi et de la valeur de l'expérience féminine passe d'ailleurs plusieurs fois par la réappropriation de sa propre langue, avec l'insertions d'espagnol et de yiddish (l'on peut cependant regretter que ces passages n'aient pas été traduits).

C'est une édition explicitement féministe, avec des traductions notamment qui utilisent l'écriture inclusive. Cela me semble une démarche cohérente avec le propos du livre ; en revanche, j'ai vraiment tiqué quand, dans la biographie des autrices, les cavales de certaines, après des braquages de banque meurtriers, sont présentés presque comme une résistance politique (« elle entre dans la clandestinité »), et surtout quand il est question, deux fois, de la « mort d'un flic » et du « meurtre de flics ». Et ce n'est pas la même chose de tenir des propos très violents dans un poème et dans de telles notices. Ne peut-on faire entendre une voix féministe forte sans procéder à une telle déshumanisation ?

Enfin, j'ai moins aimé l'essai de Jan Clausen précédant l'anthologie proprement dite, pas toujours d'un grand intérêt. Tout d'abord, même s'il propose des pistes de réflexion intéressantes, il est assez répétitif, car semble réunir plusieurs articles. Il m'a semblé aussi trop verser dans les questions d'identité (pour caricaturer un peu : une féministe hétéro blanche a-t-elle autant de légitimité qu'une noire lesbienne ?), et les débats internes aux cercles de poétesses féministes américaines. L'autrice semble dans une situation inconfortable : d'une part, elle dénonce, avec beaucoup de précautions, le poids excessif du politiquement correct et des attentes politiques et non poétiques du public, mais d'autre part elle inscrit le plus possible son article dans ce système. Cela me semblait donc parfois assez futile – mais qui suis-je pour juger, moi le bourgeois blanc gay cisgenre ? Mieux vaut donc ses concentrer sur ce qui essentiel : les morceaux de bravoure poétiques de cette anthologie.
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Au-delà de ce titre un peu trop explicite pour moi, ce recueil de poèmes américains et féministes est une belle découverte. Des autrices diverses, avec des styles complètement différents, abordent les thèmes qui les touchent, cherchent leur place dans le monde.
La longue introduction de Jan Clausen, elle-même poétesse, permet de cerner ce que serait une poésie féministe. Elle montre ine traduction féministe américaine résolument tournée vers la poésie, alors que la période des 70s en France était plutôt marquée par des romancières féministes. L'autrice explique pourquoi la poésie est un genre pertinent (une forme courte, en lien avec les contraintes matérielles), et comment elle rend compte de l'expérience des femmes, abolissant la frontière entre le personnel et le politique.
Jan Clausen épluche aussi les préjugés sur la poésie féministe, les décortique : elle serait utile (car politique), elle serait accessible (pour être lisibles par toustes), ce serait un processus collectif (au-delà de l'ego), la critique serait hors de propos, le monde de la littérature féministe serait clos sur lui-même...
Elle pose de très bonnes questions. Comment conserver une vision critique, exiger une qualité littéraire, quand un genre devient un outil de lutte au-delà de la littérature ?
Ce recueil peut être lu pour son introduction très riche, ou abordé en butinant directement les poèmes d'Audre Lorde, Adrienne Rich, Gloria Anzaldúa, bell hooks, Dorothy Allison... et tant d'autres autrices précieuses à découvrir.
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L'essai de la poétesse et militante lesbienne Jan Clausen datant de 1982, compose la première partie du livre et dresse un état des lieux de la poésie féministe étasunienne : le développement de "l'activisme créatif", le choix spécifique de la poésie comme médium d'expression mais aussi les conditions de création, de publication et de diffusion de ces oeuvres. Cette réflexion quoi que très personnelle, l'autrice étant elle-même concernée par son sujet, porte un regard distancé et critique sur certains aspects de la poésie féministe.
S'en suit, une anthologie de poèmes publiés entre 1969 à aujourd'hui, proposée ici dans une édition bilingue, qui est vraiment agréable tant pour la musicalité que pour le sens des textes. Vous y trouverez des poétesses d'origines, d'âges et de sexualités différentes portant un regard et des voix multiples sur la condition de femmes. Tantôt en colère, résignées, enflammées, blessées, leurs mots résonnent profondément en nous. Personnellement je relirai souvent cinq poèmes qui m'ont particulièrement touché : Monster de Robin Morgan, Leftovers-What is left de Assata Shakur, A litany for a survival de Audre Lorde, Plain english de Nellie Wong, Hijab scene #7 de Mohja Kahf.
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Superbe anthologie de poétesses états-uniennes aujourd'hui mal connues pour la plupart (en tout cas en France). le dossier introductif est très riche et instructif. Je ne savais pas que la poésie féministe avait eu une telle importance aux États-Unis au siècle dernier, et ça m'a donné envie d'en découvrir plus. A certains égards ça m'a fait penser aux lectures-performances de textes engagés de certain-es poéte-sses qu'organise Button Poetry. J'étais contente de découvrir des textes vifs et touchants dans ce livre, et de me dire que cette pratique est encore bien vivante aujourd'hui !
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Quoi qu’il arrive entre nous, ton corps hantera le mien – tendre, délicat ta façon de faire l’amour, comme la fronde à demi enroulée des crosses de fougères dans les forêts tout juste baignées de soleil. Tes cuisses généreuses, éprouvées entre lesquelles mon visage entier est venu encore et encore – l’innocence et la sagesse de l’endroit que ma langue a trouvé là – la danse vivante et insatiable de tes mamelons dans ma bouche – ton toucher sur moi, ferme, protecteur, qui m’explore, ta langue puissante et tes doigts fins atteignant l’endroit où pendant des années je t’avais attendue dans ma caverne rose-mouillée – quoi qu’il arrive, il y a ça. (Adrienne Rich – Extrait de « Vingt-et-un poèmes d’amour »)
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Une femme parle


Extrait 2

Je n’habite
ni ma naissance ni mes divinités
moi qui suis sans âge et même pas adulte
cherchant encore
mes sœurs
sorcières du Dahomey
me portent dans leurs toiles nouées
comme autrefois notre mère
endeuillée.

J’ai été femme
durant longtemps
méfiez-vous de mon sourire
je suis trompeuse grâce à la vieille magie
et la nouvelle démence de midi
promise à tous vos vastes projets
je suis
femme
et non blanche.


//Audre Lorde
/Traduit par la poétesse française Gerty Dambury.
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Pour celles d’entre nous
qui ont la peur gravée
comme une trace imprécise au milieu du front
apprenant à craindre le lait de notre mère
car avec cette arme
cette illusion de trouver une certaine sécurité
les brutes espéraient nous réduire au silence
Pour nous toutes
qui n’étions pas censées survivre
à cet instant et ce triomphe.
Et quand le soleil se lève nous craignons
qu’il ne dure pas
quand le soleil se couche nous craignons
qu’il ne se lève pas au matin
l’estomac plein nous craignons
une indigestion
l’estomac vide nous craignons
de ne plus jamais manger
aimées nous craignons
que l’amour s’évanouisse
seules nous craignons
que l’amour jamais ne revienne
et lorsque nous parlons nous craignons
que nos mots ne soient pas entendus
pas accueillis
mais quand nous sommes silencieuses
nous craignons encore
Alors il vaut mieux parler
en se rappelant
que nous n’étions pas censées survivre.
(Extrait de « Litanie pour la survie » de Audre Lorde)
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Non, je ne suis pas chauve sous le voile
Non, je ne viens pas de ce pays
où les femmes n'ont pas le droit de conduire
Non, je n'aimerais pas quitter mon pays
je suis déjà américaine
Mais merci de me l'avoir proposé
Que voulez-vous savoir de plus
pour que je puisse souscrire une assurance,
ouvrir un compte en banque,
réserver un billet d'avion ?
Oui je parle anglais
Oui, je transporte des explosifs
On les appelle les mots
[...]
(Mohja Kahf - Scène au hijab, no 7)
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En bon anglais



Nous écrivons des poèmes dans nos essais
Et des essais dans nos poèmes.
Nous ne confondons pas la forme et le contenu.
Nous les fondons, voyez le fil de soie et le cordon qui s’entremêlent.

//Nellie Wong
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