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Critiques de Javier Cercas (529)
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Terra Alta

En catalogne, un petit bout de terre loin de tout, un peu austère, presque triste. Un affreux fait divers et un flic, tellement atypique, à la psychologie bien particulière. Terra Alta, petit village catalan, est secoué par un horrible crime : un couple de nonagénaire, notable du coin, est retrouvé assassiné à son domicile après avoir été torturé. Pour résoudre l'affaire, Melchor va être envoyé sur place, histoire de se faire oublié après son acte héroïque à la suite des attentats de Barcelone et de Cambrils. Terra Alta dissimule bien des secrets mais le policier aussi. Sur fond historique de guerre civile, Melchor sera confronté à l'omerta et aux ouvriers et villageois taiseux. Mais cette affaire va le pousser dans ses retranchements car il va aussi payer le prix de son acharnement. Malgré tout, quelques rayons lumineux viendront adoucir cette nomination sur les terres âpres de Terra Alta. Premier roman de Javier Cercas rencontré au festival Quais du Polar avec "Terra Alta" et il s'agit d'une belle découverte. Le rythme n'est pas effréné - il ne s'agit pas d'un page turner - mais quelle ambiance...L'auteur nous prend par la main et nous emmène sur cette terre presque inhospitalière de Terra Alta avec ses personnages rugueux, son manque de travail, ses problèmes sociaux et ses secrets. La résolution du meurtre passera nécessairement par quelques révélations du passé, peu glorieux, remontant à la guerre civile. L'écriture est belle, les descriptions immersives, les personnages travaillés, l'intrigue indéchiffrables jusqu'au bout. Ce qui fait le plus de ce roman, c'est l'attachement tout particulier de Melchor, policier au passé trouble aussi, au chef d'oeuvre de Victor Hugo, "Les Misérables".
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Terra Alta

Avec « Terra Alta », Javier Cercas signe le 1er tome d'une intense trilogie policière, parce qu'elle est bien plus qu'une trilogie policière.

Depuis que j'ai découvert Javier Cercas avec « A la vitesse de la lumière », je considère que cet auteur fait partie des grands écrivains contemporains actuels. Il traite ses sujets avec intelligence alliée à une belle plume.

Et c'est toujours un plaisir de le retrouver et plonger dans ses histoires. J'ai l'impression que mes petits neurones sautillent de joie parce qu'on leur offre l'occasion de lire une littérature de qualité, tout en réfléchissant sur la nature humaine, sur la complexité de l'âme humaine. Comme le fait remarquer Vàzquez, un des personnages, il faut lire pour éviter de « finir avec le cerveau plein de toiles d'araignée ».



L'écrivain ressemble à un journaliste d'investigation (qu'il est par ailleurs par ses chroniques pour le journal El País). Il aborde de graves sujets sociétaux : argent, drogue, pouvoir, politique, etc., qu'il mêle à l'histoire espagnole (cette belle Espagne assombrie et meurtrie par des années de guerre civile, de franquisme,…).

L'intelligence de Javier Cercas dans cette trilogie est d'appâter suffisamment le lecteur pour l'accrocher dans ses filets en lui proposant un mélange d'histoire policière sociale et politique. Une fois le lecteur capté par l'enquête policière, Cercas peut l'emmener dans les ruelles sombres espagnoles et lui montrer sa vision de ce pays… Il joue même avec le lecteur et ses personnages en s'insinuant dans l'histoire (un peu à la Hitchcock lorsque le scénariste se glissait quelques secondes dans ses films), peut-être pour en donner plus de réalisme.



Dans cette trilogie, nous suivons Melchor Marin sur plusieurs décennies… Après quelques embardées de jeunesse, il va devenir policier, notamment pour essayer de retrouver les meurtriers de sa mère… Ce personnage, portant la cape du justicier, nous séduit également par son goût pour la littérature du XIXème Siècle. Et ce n'est sûrement pas anodin que son livre fétiche soit « Les Misérables » de Victor Hugo. Car tout au long de ces 3 tomes -pour ne pas dire dans d'autres romans précédents-, on retrouve beaucoup de thèmes de ce grand roman classique français.

Dans cette trilogie, il est en effet question de rédemption, de vengeance, de mensonges, d'amitié, de culpabilité, de cette part sombre que l'homme a en lui avec des doses et variantes plus ou moins élevées. Il est donc aussi question de la notion du bien et du mal. de jusqu'où on serait prêt à aller pour réussir à obtenir ce que l'on veut. Si cela concerne particulièrement les individus du pouvoir (politique, industriel, etc.), de manière plus philosophique, cela nous interroge sur les écarts de conduite possibles des ‘'justiciers'' (policiers) et de nous-mêmes.

Ainsi, Melchor, le personnage central notamment n'est pas d'un blanc immaculé : il a des failles, des obsessions. Et c'est une des raisons qui explique notre plaisir à suivre cette trilogie : l'auteur nous montre les différentes facettes des hommes, même ceux qui sont du bon côté… Cercas ne se contente pas d'une analyse manichéenne du monde. Il utilise une palette de couleurs pour ces divers personnages, des nuances de blanc virant au noir profond.

Il décortique l'âme humaine, fouille, triture dans sa noirceur, étale les travers et faiblesses et c'est peu dire que ce n'est pas très beau à voir. Il analyse la société actuelle en dessinant toutes les complexités, certaines ambivalences et donne ainsi de la profondeur aux protagonistes. Et peut-être que Melchor, pour hésiter à poser sa préférence entre Jean Valjean et Javert, a en lui une bonne part des deux.



Par contre, Javier Cercas décrit ceux appartenant à la sphère politique de manière particulièrement sinistre et nauséabonde. Il ne fait pas dans la demi-mesure. Pour eux, le nuancier se limite souvent entre noir et très noir. Et c'est même quelque peu déprimant de voir à quel point il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Tout n'est que jeu de pouvoir, jeu d'influence, sans morale, sans conscience, pour parvenir à ses fins. C'est parfois écoeurant tellement tout ‘'ce beau monde'' est corrompu, vénal. S'il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, possible que l'écrivain l'étende aux terres espagnoles, de Terra Alta, à Barcelone, en passant par Majorque… Pas mal de vers sont en train de manger la pauvre pomme.



La violence des crimes narrés dans les 3 tomes est à la hauteur de la noirceur et de l'immoralité de certains grands de ce monde. C'est en tout cas ce qui, pour moi, en a résulté à la lecture de cette trilogie : l'histoire policière avait pour objectif premier de faire une critique sociale et politique sans concession, de décrire autant la sphère des dirigeants et leur intouchabilité que les failles de la justice.

La Catalogne, la terre âpre et qu'on croit paisible de Terra Alta, la rambla barcelonaise, la beauté de Majorque, les rayons du soleil espagnol pourraient nous aveugler en nous faisant croire que ces endroits ne sont que des petits bouts de paradis… mais ils ont aussi un petit goût d'enfer...



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L'Imposteur

Je crois que Javier Cercas est mon auteur contemporain préféré. Aussi, c'est avec délectation que je me suis plongée dans L'imposteur...en español !

Une histoire vraie extraordinaire dans le sens qui sort totalement du commun, de l'ordinaire.



Enric Marco est espagnol, catalan. Il est né en 1921. Lorsque la guerre civile éclate en juillet 1936, il est âgé de 15 ans. Sans envergure, sans talent particulier, Enric Marco profite des tragiques évènements historiques des années 30 et 40 pour s'inventer une vie, un passé, une position de héros, de déporté. Il se voit et se dit anarchiste exilé en France puis déporté en Allemagne. Il se construit une carrière de syndicaliste, de président de parents d'élève ETC...



Et si tout cela n'était que pure fiction dans la vie réelle !

Javier Cercas explore le passé sous un nouvel angle qui confine à l'hallucination totale ! Spécialiste du roman non fictionnel, il nous entraîne sur les chemins de travers et les secrets de travers d'Enric Marco. Une réflexion très bien étayée et documentée sur l'imposture.



Enric Marco au-delà de l'anti-héros, un homme qui a réellement existé et c'est inventé sa vie !

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Indépendance

« Ne me dis pas que tu n’as pas lu le dernier roman de Javier Cercas ? » (p.178)



Ce n’est pas la question que je veux vous poser, c’est une citation du livre, une autopublicité qui fait un peu bizarre au milieu de ce polar. Peut-être que ça se voulait un clin d’oeil au lecteur, mais ça m’a plutôt agacé.



Quand même, c'est un polar avec un policier vengeur qui veut devenir bibliothécaire, une incursion dans les cercles huppés de la Catalogne, les personnes qui se sentent au-dessus des lois et des magouilles financières et politiques, ce n’est pas à dédaigner.



Au final, malgré quelques maladresses, j’ai lu le dernier Cercas et je lirai bien le suivant!

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Le point aveugle

Ma lecture du point aveugle date un peu, sa critique sera donc très imparfaite...

Javier Cercas nous propose ici un recueil de conférences données à Oxford sur le roman, et sur le "point aveugle", une zone aveugle de la vision compensée par le cerveau, et qu'il applique aux romans. Pour lui, tout roman doit dès lors avoir son point aveugle, son énigme, sa part d'ombre.



Bel essai sur la littérature romanesque, le point aveugle discourt sur la recherche esthétique de Mann, Musil ou Broch, sur la liberté de composition, l'alternance de narration et le mélange des genres de Cervantès et de Kundera, sur ce qu'il appelle la post-modernité littéraire et la fiction collective de Borges.



Egrénant une belle brochette d'auteurs que je rêverais d'avoir le temps de lire ou relire, Javier Cercas fait l'éloge du roman et de la littérature comme nécessaires à la critique du monde contemporain, et rappelle l'importante contribution du roman espagnol au roman occidental lors des siècles passés.



Une très chouette lecture sur la littérature.
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Le château de Barbe Bleue

Le château de barbe bleue clôt la trilogie de Javier Cercas dont Melchor Marin est le héros incontestable. Cosette, sa fille a 17 ans et découvre qu'il lui a menti sur les circonstances de la mort de sa mère, et de fil en aiguille sur beaucoup d'éléments constitutifs de son histoire. " On est pas sérieux quand on a 17 ans"...Alors Cosette s'évade pour quelques jours à Majorque pour essayer d'y voir plus clair et apaiser la colère qui la ronge. Les choses ne se passent cependant pas comme prévu car le grand méchant loup est avide des petits chaperons rouges perdus dans leurs émotions !

Elle se retrouve ainsi sous les crocs de Rafael Mattson, magnat et philanthrope américain qui dispose d'une véritable forteresse à Majorque.

Bien qu'ayant délaissé son métier de policier pour celui de bibliothécaire, Melchor n'a rien oublié des techniques de pistage ,ni surtout de sa soif de justice,d'autant plus aiguisée qu'il s'agît de sauver sa fille!

Javier Cercas redonne savamment une place à tous les personnages que nous avons aimés dans les deux premiers tomes pour créer une équipe de choc et nous faire palpiter dans cette chasse à l'ogre moderne!

Il ya pas mal d'invraisemblances dans le dénouement de l'intrigue,mais peu importe! Je me suis laissée aller au plaisir de faire justice au côté de Melchor pendant toute ma lecture et je suis un peu triste de lui dire adieu!
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Le château de Barbe Bleue

« Les troisièmes parties n'ont jamais été bonnes » dit un adage espagnol. C'est bien le sentiment que j'ai eu en lisant ce troisième volet de la trilogie Terra Alta qui, d'ailleurs, a été un échec en librairie. J'ai essayé d'en comprendre les raisons mais plutôt que d'en faire une analyse, je vais laisser la parole à l'écrivain et chacun jugera.

♦On trouve dans son roman des délices littéraires telles que ces ineffables récits :

« En face de lui, Salom ronfle doucement, les mains croisées sur son ventre pendant que son thorax se soulève et s'abaisse au rythme de sa respiration ; l'air qui pénètre dans ses fosses nasales berce comme une brise les poils de sa moustache. » Beurk!

«  Avant 7 heures il arrive à l'aéroport de El Prat. Il gare sa voiture sur le parking du terminal 2, passe les contrôles de sécurité avec son billet électronique et le voilà assis à une table du Starbucks située en face de la porte d'embarquement B22, avec devant lui un express double et une madeleine aux myrtilles. » Miam !

♦On y relève des événements de cette importance :

« Chez un glacier il acheta un cornet de glace de deux boules - une à la fraise, l'autre à la noix de coco- et les lécha jusqu'au moment où, à la hauteur d'une placette ombragée, la glace finit par fondre dans ses mains ; alors il fit demi-tour et s'en retourna. » Pas de bol!

♦De la belle poésie du genre :

« À trente mètres à peine devant lui, la surface de la mer, éblouissante, évoque une plaque d'aluminium tremblante ; plus près encore, au bord de l'eau, des grappes de baigneurs s'exposent au soleil vertical de midi. » Cette « plaque » métallique qui, un peu plus loin, va devenir «une plaque de verre étamé » .

« Le jour s'est levé aussi sombre que sa fille. Souffle un vent mauvais qui agite les branches des arbres mais qui ne parvient pas à balayer les nuages du ciel de Collserola qui défilent au-dessus de leur tête comme un cortège funèbre . » Ah le bel exemple d' anthropomorphisme que voilà ! Javier s'entraînerait-il pour écrire une quatrième partie en vers libres ? C'est à la mode !

♦Des observations aussi fines et pénétrantes que celle-ci :

« C'est une après-midi sans vent et, au loin, sur les crêtes de la sierra de Fontarella, les éoliennes se profilent sur le bleu cobalt du ciel, immobiles comme de gigantesques insectes endormis. »

« Le jour s'est levé, sombre et couvert.  Bien que les fenêtres du salon restent ouvertes, les lampes du plafond sont allumées. »

♦Des aphorismes à n'en plus finir et d'une grande profondeur :

 «  Ceux qui cherchent la vérité méritent de la trouver comme punition. »

«  Parfois il faut échouer un peu pour pouvoir réussir ensuite. »

« Haïr quelqu'un c'est comme boire un verre de poison en pensant que tu vas tuer celui que tu hais. »

♦Et pour ceux qui aiment l'art du délayage et du remplissage, sachez que J. Cercas en est le maître absolu. Je me garderai bien d'en fournir des exemples : 200 pages y suffiraient à peine.



Voilà pour la forme. Reste l'histoire. Elle est simple et se lit sans ennui : c'est un bon point. Sans en révéler le contenu, je dirai simplement que ce thriller tourne autour du thème du mensonge, de la corruption, des abus sexuels chez les puissants et de la vengeance. Cependant la trame en est faible et la fin décevante, en partie bâclée.

Les trois quarts du récit ne sont guère que du blabla qui alterne avec des dialogues de machos, bourrés de vulgarités et de grossièretés. Il faut pratiquement attendre la dernière partie pour que l'action débute enfin. Cependant l'assaut de la demeure du méchant est bâclée, précipitée et invraisemblable.

Bref, la seule chose que j'ai appréciée dans ce roman ce sont les relations touchantes entre Melchor et sa fille, Cosette, la bien nommée.

Ce roman noir laisse son auteur à des années-lumière de ce qu'il nous avait montré dans Les soldats de Salamine et Les lois de la frontière. Souhaitons qu'après cette littérature économique il revienne à ses premières amours : le thriller, ce n'est pas pour lui.

PS: la traduction de ces quelques extraits est personnelle.
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Indépendance

Après Terra Alta,je retrouve avec enthousiasme Melchor. Homme qui a vécu plusieurs vies en une seule,qui a laissé tomber son costume de délinquant pour endosser l'uniforme de policier,et qui envisage de devenir bibliothécaire. Il faut dire que c'est grâce à la lecture des Misérables qu'il est devenu justicier,grâce aux livres qu'il a rencontré l'amour et eu une petite fille qu'il a nommé Cosette!

Indépendance se déroule principalement à Barcelone. Afin d'aider son ancien collègue dans une affaire de chantage "sextape" exercé sur la maire de Barcelone, il abandonne quelques temps sa terre chérie.

Javier Cercas nous plonge dans le milieu peu reluisant de la politique,de la soif du pouvoir . Si la critique acerbe de ce milieu s'ancre dans l'histoire de la Catalogne, la personnalité abjecte des personnages de ce roman,leur absence de scrupule pour arriver à leur fin,la soumission à laquelle peuvent être tenté certains pour accéder à une classe sociale élevée peuvent se transférer chez nous comme ailleurs!

J'ai moins aimé ce second tome mais le personnage de Melchor rachète bien certaines longueurs et des digressions parfois superflues à mon goût ! Je regrette aussi d'avoir deviné beaucoup trop vite un des éléments essentiels de l'histoire. Je vais cependant me lancer sans plus tarder dans le troisième volumes!
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Terra Alta

Un polar, certes, mais pas que…

Une terre aride, déshéritée et inhospitalière au fin fond de la Catalogne intérieure, où il ne se passe en principe jamais rien. Un triple assassinat, un couple de riches nonagénaires et sa domestique. Un carnage, ils ont été atrocement torturés de leur vivant. Un flic, ancien délinquant et amoureux de Victor Hugo. Une enquête tortueuse, laborieuse et au bout la vérité, bien sale. On est bien dans le polar, avec une intrigue très détaillée, des rebondissements, et des fausses pistes qui se révèlent essentielles pour comprendre les ressorts cachés du crime.

Mais on devine très vite que ce qui intéresse l’auteur c'est aussi de montrer de quoi sont faits les êtres humains, dans toute leur complexité. Il se sert pour cela du charismatique flic Melchior Marin, personnage extraordinaire et fascinant partagé entre la violence qui l'habite depuis toujours et son respect pour la loi qu'il représente. C’est le second mystère du roman.

Deux énigmes cohabitent alors, à savoir qui est l’assassin et qui est ce « héros de Cambrils », surnom donné par la presse à ce policier. Javier Cercas nous invite à suivre au plus près cette enquête à rebondissements et la résolution de ces deux questions en alternant l’histoire personnelle de Melchior et les investigations qu’il mène avec ses compagnons.

Terra Alta est un roman policier intense, captivant et d’autant plus intéressant et enrichissant que l’auteur y insère un peu de politique avec les indépendantistes catalans, le franquisme et la guerre d’Espagne qui a tellement bouleversé ce pays.

C’est un polar sur fond social, politique et historique, passionnant de bout en bout.

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Indépendance

J'avais trouvé le premier tome long à démarrer, et j'avais mis ça sur le compte sur la présentation du héros. Ce deuxième tome est tout aussi long à se mettre en place. "Les misérables" son roman favori, occupe toujours une place importante dans sa vie. J'ai eu du mal à m'intéresser à l'aspect politique de la mairie de Barcelone et j'ai trouvé cela un peu longuet. Le style est facile à lire mais je ne suis pas totalement emballée par ce roman même si le personnage de Melchor est intéressant. J'ai apprécié les références humoristiques sur son précédent tome. Il vaut mieux lire les livres dans l'ordre.
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Les soldats de Salamine

Les Soldats de Salamine, Javier Cercas. Après tous les articles et, les passionnantes critiques et analyses de multiples Babeliotes, je n'ai que peu de choses à rajouter. C'est un livre qui m'a marquée. La guerre civile, fût un drame pour ceux qui l'ont connue, elle a déchiré des familles et un pays entier. Le long regard qui a sauvé la vie du fugitif est une pièce clé du récit, un long instant littéraire.
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Terra Alta

Premier tome d'une série, qui présente les débuts du héros alternativement avec l'enquête qu'il mène à Tera Alta. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans l'histoire, et c'est dût au style un peu détaché. C'est dommage le héros est intéressant par la vie qu'il a menée. et sa passion de la littérature, surtout "Les misérables".
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Indépendance

Indépendance est le deuxième tome de la trilogie Terra Alta.

Melchor Marin mène de nouveau l’enquête mais pour une affaire qui le fait quitter la Terra Alta, région chère à Olga, son épouse aimée mais assassinée dans le livre précédent.

Il revient à Barcelone, sa terre d’enfance, pour enquêter sur une affaire mêlant politique, jeux de pouvoir et d’influence. Le tout baigné dans une atmosphère de perversion. De beaux ingrédients, certes, mais ça, c’est ce que l’auteur avait sans doute l’intention de faire. Sauf que le tout forme une brouet très indigeste. Les composantes sont là, posés sur la table, inertes et sans vie.

Javier Cercas a complètement oublié de nous raconter une histoire. Il s’est contenté de coucher sur papier ses propres fantasmes et ses propres critiques de la Catalogne et de Barcelone en particulier. Le tout n’est pas maîtrisé du tout. L’histoire demeure palotte, sans relief et complètement incapable de nous emporter. Fade en un mot.

Que nous a fait Javier Cercas avec l’écriture de ce bouquin? Je m’interroge car le talent de Cercas est très grand. S’est-il trop vite engagé à écrire une trilogie vis à vis de je ne sais qui? J’espère juste vis à vis de lui-même et qu’il s’agit d’un acte manqué sans qu’elle ait été inspirée par des personnes mues par l’appât du gain...

Le livre est constellé de dialogues sans intérêt (et selon moi, un excès de dialogues dans un roman est une preuve de l’absence d’inspiration d’un auteur), de descriptions de la vie politique autour de la ville de Barcelone auxquels je n’ai rien compris ou si peu. Je me demande même si l’auteur comprendrait en se relisant. N’est pas James Ellroy qui veut... Aucun personnage ne sort du lot, tout est plat et invraisemblable. Même Melchor Marin, l’énigmatique héros magnifiquement sombre et original du premier livre de cette trilogie, est devenu insipide. L’auteur aurait pu le préserver et sauver ainsi son roman de façon infime, mais cela aussi il a omis de le faire.

Il y avait, dans les premières pages, une enquête policière parallèle prometteuse mettant en scène une affaire de séquestration d’une épouse d’un parrain de la drogue local... Cercas ne la développe pas du tout, alors qu’elle aurait pu donner du relief à ce bouquin. Il parque cette enquête dans le bac à sable comme un bolide en panne d’essence. Idem pour le personnage de l’inspecteur Sanchez dont l’auteur ne fait rien non plus. Une suite de pétards mouillés.

Je n’ose imaginer ce que sera le troisième tome de Terra Alta. Je ne le saurai jamais. Désolé, Javier.

Inutile de vous dire que je vous déconseille Indépendance, même si mon attirance pour cet auteur reste intacte. J’en ai heureusement d’autres sur mon étagère.
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Terra Alta

Ce roman est dense. L’écriture est précise. Les hypothèses et alternatives sont décrites en profondeur les unes après les autres.

Les phrases sont longues mais se lisent très bien. L’histoire est très fournie mais en même temps simple.

Les chapitres concernant la vie de Melchor alternent avec le temps présent et l’enquête pour meurtres. Melchor est têtu et obstiné, taiseux mais droit.

Les références et parallèles permanents avec les misérables de Victor Hugo sont forts.

La littérature tient une place importante dans ce roman .

La lecture est envoûtante.
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Terra Alta

M’étant rendue il y a peu en Catalogne du Sud et ayant fort apprécié mon voyage, il m’a paru intéressant de poursuivre l’exploration, par la littérature, de ces terres oubliées de la Generalitat (gouvernement catalan) et de découvrir cet écrivain controversé qu’est Javier Cercas.



Terra Alta s’est révélé un vrai page-turner, que j’ai dévoré en quelques jours seulement (une des raisons pour lesquelles le roman se lit si vite est qu’il est rempli de dialogues, ce qui rend la lecture particulièrement fluide).



J’ai beaucoup aimé la description des paysages, qui m’ont rappelé mes impressions (notamment l’effet d’optique qui se crée à cause de la chaleur sur les routes : « l’asphalte de l’autoroute, où le reflet du soleil crée des flaques tremblotantes d’eau illusoire) et la mention de lieux où je m’étais rendue : Benifallet, Xerta, Tortosa, Riumar, Miravet… L’auteur excelle à retranscrire les ambiances, notamment celle du petit village où habitent les personnages, avec le bar sur la place du village où se croisent les différentes générations, et notamment les petits vieux.



Le roman est particulièrement ancré dans le réel et notamment dans la politique : l’écrivain fait référence au referendum sur l’indépendance de la Catalogne d’octobre 2017 (le fameux « 1 d’octubre ») à et à Carles Puigdemont, aux moyens limités de la police et au mauvais salaire des fonctionnaires qui y travaillent…



Le personnage principal est un peu caricatural des policiers que l’on retrouve dans les polars : torturé, hanté par son passé et épris de justice. Le lecteur fait donc la connaissance de Melchor, qui porte ce prénom car lorsqu’il est né sa mère a trouvé qu’il ressemblait à un roi mage. Fils de prostituée, ancien taulard et héros des attentats islamistes, Melchor est envoyé en Terra Alta par ses supérieurs, soucieux de le protéger des conséquences que pourraient avoir son acte de bravoure à Cambrils. Il commence à travailler dans un petit commissariat où la plupart de ses collègues sont indépendantistes. Il y fait la connaissance d’Olga, une ravissante bibliothécaire, de quinze ans son ainée, et, après quelques discussions littéraires (qui portent principalement sur des romans français, Javier Cercas semblant particulièrement passionné par la littérature française : Hugo, Perec, etc) tombe vite sous son charme. Il finit par se marier avec elle et avoir une fille, nommée Cosette en l’honneur du personnage des Misérables



L’intrigue commence in medias res, comme souvent dans les romans policiers : un couple de personnages âgées, les Adell, est retrouvé mort dans leur propriété. La particularité de ce meurtre : la torture, ce qui conduit les enquêteurs envoyés sur les lieux à écarter la piste du vol. Sur la liste des principaux suspects, on trouve leur fille, leur gendre et le gérant de l’entreprise dont ils étaient propriétaires. L’enquête piétine rapidement et au bout de quelques semaines, l’affaire est classée, au grand dépit de Melchor, qui se met à bosser sur l’affaire en dehors de ses horaires de travail, ce qui lui vaut un rappel à l’ordre de sa hiérarchie. Melchor se voit alors forcé d’arrêter son enquête officieuse, pour un temps du moins. Il la reprend rapidement à la mort (supposément accidentelle mais rien n’est moins sûr) de sa femme, qui, il en est persuadé, a un lien avec les assassinats des Adell survenus quelques semaines plus tôt. Spoiler(cliquez pour révéler)Parviennent alors à Melchor des messages mystérieux qui l’orientent sur une piste qu’il n’avait pas identifiée plus tôt, et qui lui permettent de recoller les pièces du puzzle, et donc de coincer l’assassin.



Le choix d’alterner chapitres au présent et au passé fonctionne bien, mais j’aurais apprécié un peu plus de passages sur la guerre civile, qui est présente dans le roman (et surtout son dénouement) mais qui gagnerait à être développés, ne serait-ce que pour la gouverne du lecteur étranger. D’un autre côté, l’action du roman se situant de nos jours, il est logique que la plupart des acteurs de la guerre ne soient plus de ce monde (c’est d’ailleurs pour ça que l’auteur a choisi comme victimes des nonagénaires), et donc que la mémoire « directe » de la guerre s’efface progressivement de la conscience collective . J’aurais aimé que l’auteur crée une sorte de huis-clos villageois étouffant, alimenté par de vieilles rancunes et des histoires de famille. Car si c’est bien de vengeance familiale qu’il s’agit, et si le motif des assassinats se trouve dans le passé, le lecteur vient presque à regretter qu’il n’y ait pas de flash-back plus anciens que l’arrivée de Melchor en Terra Alta, qui remonterait à la guerre civile ou au début de la dictature.



Le dénouement n’est pas très original, sans doute par le nombre de suspects, somme doute assez réduit, mais il a le mérite d’être réaliste.



J’ai hâte de me plonger dans le deuxième tome de cette trilogie, « Indépendance », qui s’annonce assez politique.
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Le château de Barbe Bleue

Le bibliothécaire Melchor Marin, attend sa fille à la gare routière de Gandesa (Tarragone). Or celle-ci ne viendra pas, car elle a préféré prolonger de quelques jours son séjour à Majorque.

Les jours passent et son père ne la voyant pas revenir, il commence à s’inquiéter sérieusement. Après avoir tenté une énième fois de la joindre sans succès, il se résout à déclarer sa disparition auprès de ses ex-collègues de la police.

Dans ce troisième tome de la série « Terra Alta », Javier Cercas s’intéresse avant tout à la portée des relations humaines : celle entre un géniteur et sa fille à peine majeure, mais aussi et surtout entre d’anciens compagnons de travail. Et on s’aperçoit que les non-dits sont en l’occurrence beaucoup plus dommageables que les inévitables maladresses verbales.

C’est à dessein que je garde dans l’ombre la trame de ce roman très agréable à lire qui s’attaque aussi à la corruption, un problème endémique en Espagne, a fortiori dans les zones les plus riches...

Mais, si l’expérimenté Javier Cercas ne devait faire passer qu’un seul message à travers cet opus, c’est peut-être « n’accordez qu’une confiance limitée aux institutions aussi prestigieuses soient-elles, fiez-vous plutôt à votre bon sens au moment de jauger vos interlocuteurs ».

Autant je n’avais jamais réussi à entrer dans « Independencia » le tome précédent (cf. ma critique sur ce site), autant ce troisième épisode m’a réconcilié avec le parcours totalement atypique de Melchor Marin et les valeurs cardinales qu’il incarne : sincérité, résilience, engagement.
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Le château de Barbe Bleue

Ce troisième et dernier opus de la trilogie de Javier Cercas mettant en scène son héros identitaire, Melchor, et une nouvelle héroïne, la fille de celui-ci, Cosette, affublée d'un prénom lié aux goûts littéraires de ses parents misérables mais inapproprié à sa personnalité, est une vraie réussite par sa structure et le rythme que lui a impulsé l'auteur.



Même s'il comporte de trop nombreux rappels de faits survenus dans les deux tomes précédents, rendant sa lecture compliquée pour ceux qui se lanceraient dans le château de Barbe Bleue sans avoir lu Terra Alta et Indépendance, il présente l'harmonie de deux parties qui, tout en laissant le lecteur se complaire des réflexions métaphysiques ou humoristiques de l'auteur, portent chacune un vrai suspense et deux vrais dénouements.



Dès le début du roman, Cosette disparaît, et cette première partie illustre parfaitement le désarroi de son père, ses investigations qui vont le mener assez vite vers la découverte d'une vérité qu'il est un peu dommage que le lecteur puisse pressentir aussi aisément. Néanmoins, le drame est bien installé et l'action ainsi que la réflexion sont au rendez-vous.



La deuxième partie, que je nommerais celle de la justice, revêt, malgré ses invraisemblances caractéristiques de nombreux polars, de belles études de personnalités, les différents protagonistes étant nombreux et présentant des caractéristiques variées qui font la richesse des développements. C'est le temps de la préparation de l'action qui porte en lui-même le suspense, Javier Cercas laissant finalement imaginer à ses lecteurs le déroulement d'une finale à laquelle il consacre finalement très peu d'espace. Ce procédé m'a paru très intéressant et original, installant une action avant même qu'elle se mette en place.



Au final, c'est un bon roman familial et policier, la dénonciation des crimes sexuels qu'y ont vu plusieurs lecteurs m'ayant semblé accessoire bien qu'elle tienne son rang, l'art de Javier Cercas étant de laisser ses lecteurs s'imprégner de ce qui va le plus les atteindre, selon leurs perceptions et la gestion de leurs émotions.
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Le château de Barbe Bleue

Un texte auquel Javier Cercas a apporté une attention encore plus prégnante.



Les deux qui précédaient cette trilogie, à savoir « Terra Alta » et « Indépendance », étaient à mes yeux des réussites, surtout lorsqu’on sait que l’écrivain ne s’est mis que tardivement au roman policier (à la soixantaine). Dans ce troisième volume qui fait chronologiquement suite aux précédents sans qu’on ait fondamentalement besoin d’avoir lu les autres, on retrouve Melchor le bibliothécaire anciennement policier, sa fille Colette maintenant une ado de 17 ans, sa petite amie Rosa et quelques anciens compagnons de route ou de galère.

Cependant il y aborde un thème différent et que je trouve très actuel, celui des jeunes filles retenues dans des domaines prestigieux appartenant à de parfaits prédateurs.

Sa fille, venant d’apprendre que son père lui avait menti concernant les raisons de la mort de sa mère lorsqu’elle avait 3 ans, décide de poursuivre seule les vacances commencées à Barcelone en compagnie de sa meilleure amie Elisa. Très vite Melchor comprend qu’il lui est arrivé quelque chose et enclenche au plus vite une procédure de disparition. Cela n’arrêtera plus la spirale dans laquelle est engloutie Cosette.

Voila Melchor une nouvelle fois bouleversé, pris dans un ensemble de sentiments qu’il a toujours essayé de combattre : la colère, la haine et la vengeance. Concernant la haine, de très belles phrases sont dites par Melchor.



Le trafic d’êtres humains, ici essentiellement celui des très jeunes filles, ainsi que la corruption qui gangrène la presque totalité des Baléares, sont au coeur de ce dernier volet de la trilogie. S’ajoute un merveilleux décor de fonds que Javier Cercas dépeint si magistralement. Ce décor se révèle ici comme un indéniable piège à jeunes touristes dont un certain nombre ne rentreront plus chez eux, mais Cercas ne tombe pas pour autant dans ce côté niant niant rencontrés dans d’autres livres.



L’amitié est toujours présente en fond et aucun jugement n’est porté ; que des faits, rien que des faits dans ce monde de brut. Je le trouve même un peu trop gentil dans ce dernier volume. Le premier volume était plus incisif, ce que j’avais peut-être préféré à ce dernier qui se veut un peu trop douçâtre aux vues de la gravité des thèmes. C’est mon seul bémol, tout perso mais manifeste pour moi.



A noter également que la traduction m’est apparue comme une réussite elle aussi. Il s’agit d’Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon ; le premier est serbe et a vécu en Espagne et en France, la seconde est française et traduit Cercas depuis « le Monarque des ombres » (zut pas lu, à mettre sur ma liste).
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Le château de Barbe Bleue

Et voilà... Fin de la trilogie policière de Javier Cercas. Encouragée par les amis babéliotes qui m'avaient assuré que ce 3ème volet était meilleur que le second, je suis entrée dans ce château maudit pleine d'allant.

Je concède, qu'effectivement, ce dernier opus a un peu chassé ma déception. Un peu...

Dans cette intrigue sur thème de pédocriminalité et d'impunité des puissants, Melchor n'est plus flic, mais bibliothécaire, et semble avoir enfin trouvé l'apaisement. Il poursuit sa lecture des romans du XIX ème - Tourgueniev à remplacé Hugo. Mais, quand Cosette, sa fille de 17 ans disparaît, il se voit contraint de reprendre du service.

Le titre ne fait pas ombrage à Perrault. Dans le "château" du milliardaire suédois planqué aux Baléares, une porte est à ne pas ouvrir...

Derrière s'y trouvent les secrets sordides d'une prédation sexuelle, les trophées sanglants d'appétits pervers que la corruption généralisée de la police et de la justice couvrent d'un flegme et d'une indolence abyssale.

Bien sûr, l'allusion à l'affaire Weinstein est assumée. Affaire qui prélude à celle d'Epstein et à la trop longue litanie qui entache les milieux culturels, politiques, judiciaires et financiers. Peu de sphères où l'argent ne coexiste pas avec vice et violence, une forme de corollaire inévitable où, force est de le constater, hors d'un bruit médiatique tonitruant, rien ne se passe réellement du côté de la justice.

Le conte de fées n'a plus valeur d'exorciste mais de chronique du quotidien.

Javier Cercas plonge dans ce cloaque et en profite pour prolonger sa réflexion récurrente autour des notions de héros, de justice et de vengeance.

Il me semble impossible que l'auteur n'ait pas eu en tête l'oeuvre "Dans le château de Barbe Bleue" du philosophe George Steiner, qui, dès les années 70 interrogeait déjà la violence faite aux femmes et la toxicité du pouvoir dans une mise en abyme de la culture et de la société.

Bref, sur le fond, ce roman rempli son office avec brio, et l'on retrouve le grand Cercas scrutateur des forces et faiblesses humaines.

C'est à nouveau sur la forme que j'ai achoppé tant le scénario m'a semblé rocambolesque. Mais là, je risque de spoiler et je vais m'abstenir.

Reste à conclure que cette trilogie brosse un portrait saisissant de notre époque, où, malheureusement, " ceux qui cherchent la vérité méritent la punition de la trouver."...
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Terra Alta

Terra Alta, Javier Cercas

Etonnante, cette décision de Cercas de se mettre à écrire un roman, une trilogie même, sous forme de polar...

Mais c’est cependant une belle réussite. Les deux autres romans (Les Soldats de Salamine, L’Imposteur) de Cercas lus précédemment suivaient déjà la trame d’une investigation pour donner corps à l’histoire. Cette fois, l’auteur nous conduit donc littéralement à travers une enquête policière.

En deux mots, une riche potentat, nonagénaire et retors, et sa femme, sont sauvagement assassinés dans leur grande demeure en Terra Alta, après avoir subi des tortures innommables. Terra Alta est une région, que l’on appelle “comarque” en Espagne, située aux confins de l’Aragon et de la Catalogne. Quelques quatre-vingt années plus tôt, elle fut dévastée par la bataille de l’Ebre, la plus dévastatrice de la Guerre civile espagnole. Francisco et Rosa, les victimes, furent les fondateurs et uniques propriétaires de la plus grande entreprise de la région, les cartonneries Adell. Celle-ci donne du travail au beaucoup de personnes, Francisco est adulé pour cela, ou censé l’être. Alors pourquoi cette boucherie?

La police mène l’enquête, plus particulièrement Melchor Marin, flic atypique, ancien malfrat, blanchi, sorti de taule et héros antiterroriste lors de l’attaque de Daech sur Cambrils. Melchor porte un passé très lourd avec le meurtre irrésolu de sa mère, prostituée à Barcelone. Il a dû abandonner son enquête personnelle visant à découvrir les coupables du crime. Ce qui lui procure frustration, rage et envie de venger sa mère.

Melchor voue également un culte aux Misérables de Victor Hugo, livre dans lequel il puise un vade mecum puissant qui le guide dans sa vie personnelle et professionnelle. C’est presque un mantra pour lui. Jean Valjean et l’inspecteur Javert accompagnent Melchor dans sa vie et accompagnent nous, lecteurs, dans le roman. Il sera les deux personnages de Hugo à la fois, navigant constamment entre le gentil méchant et le méchant gentil. Il trouvera un certain équilibre à la fin du roman ...

Voilà donc les éléments principaux du texte et je me doute que cela puisse paraître hétéroclite voire difficilement conciliable. Toutefois, Javier Cercas en fait une trame magistrale, simple à lire et à comprendre. Finalement, l’aspect polar du livre n’est qu’un prétexte pour en arriver aux véritables objectifs de l’auteur. Nous faire revivre les blessures de la Guerre d’Espagne, les stigmates du franquisme. Dans ce roman, Cercas cultive toujours ses thèmes de prédilection que sont l’identité, la justice (et donc aussi l’injustice), les torsions de l’Histoire, le ressentiment qui peut conduire au désir de vengeance.

Cercas réussit également à représenter la région de Terra Alta en élément quasi personnifié de son livre. Elle est inhospitalière, sèche comme le coeur des hommes qui y vivent et elle vous rejette sans merci si vous vous obstinez à ne pas obéir à ses règles. C’est très réussi et le patronyme de cette région mérite amplement le fait de porter le titre du bouquin...

J’ai beaucoup aimé Terra Alta, comme j’ai tout aimé de Javier Cercas. Terra Alta est le premier volet d’une trilogie dont les deux autres sont déjà parus (Indépendance et La Château de Barbe Bleue). Cercas, l’air de rien, nous la joue James Ellroy et son Quatuor de Los Angeles, même si le style des deux écrivains, ainsi que leur personnalité, soient très éloignés l’un de l’autre. Mais cette façon de brosser en fresque une région et la façon dont les communautés se développent en elle est très proche de la démarche brillantissime de Ellroy et de son Quatuor. Dans les deux cas, les enquêtes policières sont davantage une main courante, un fil rouge dans un récit qui va bien au-delà du simple polar, avec des personnages souvent hors normes.

Merci à Javier Cercas d’avoir eu cette idée, qui pour moi, est une réussite magistrale. Le pari est réussi et je ne vais trop attendre pour lire les suites de Terra Alta...

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