Citations de Jean Amila (209)
Ainsi l’Empereur multipliait-il les empereurs pour tromper les espions ?… Ça devenait de la haute politique ! Vive l’Empereur !
Les agents français font toujours passer l’hommage à la beauté avant les intérêts du service !
Qu’importait la boisson pourvu qu’il y ait de la main-d’œuvre et qu’on s’occupe du seigneur ! Il avait d’ailleurs plein de pastilles et de comprimés dans ses poches, toujours quelques médicaments aux frais de la Sécurité sociale pour combattre l’obsédant volume du lard.
Et une femme de quarante ans, croyez-moi mon garçon, c’est encore très jeune !
Mieux valait dîner avec n’importe quel cinglé que de se retrouver seul à table.
Et n’oubliez pas, les enfants, qu’on ne fait pas de la jamesbonderie sadouillarde à grand renfort d’accessoires puérils… Tout est dans la gueule ! Ce n’est pas pour rien que j’ai choisi ce qu’il y a de plus holpète dans la gent comédienne ! À vous de jouer, mes petits !
On ne savait même pas exactement leur fonction. Giberne qui ne pouvait les souffrir les appelait la Gestapo. Les autres variaient : les Prussiens, les Cocos, les Kamarades, ou les Frisous.
-Des lâches ! Des défaitistes ! On les a fusillés, c’est bien fait !
Et il semblait tout à fait normal qu’on s’attaque à l’épouse et à l’enfant dont le père avait été fusillé en novembre 1917 avec ses camarades qui avaient refusé de monter à l’assaut de Perthes-les-Hurlus, dix fois repris et reperdu, où près de cent quarante mille « Poilus » étaient morts pour rien, car l’endroit n’avait aucune valeur stratégique et on ordonnait ces boucheries inutiles uniquement pour entretenir le moral de la Troupe ».
La mère était rentrée tard et elle avait directement filé à la cuisine.
Il n'y avait pas de salle de bains et le petit garçon pouvait entendre qu'elle se lavait à l'évier. Il faisait ses devoirs et n'avait pas voulu intervenir, mais il se doutait qu'on baignait encore dans le drame.
Plusieurs fois déjà des commères avaient jeté des œufs pourris ou des immondices sur la Maman. Alors elle revenait toute sale et, simplement, elle lavait sa peau, son linge, sa coiffure (...).
Dans tout ce qu'on avait prétendu me faire faire, je n'avais rien compris ! Rien partout ! Je savais seulement que j'étais devenu quelque chose d'insignifiant, de négligeable, qu'on pouvait tuer comme un moucheron ou une fourmi !
Mais je revendiquais aussi ma part de pauvre héros, dans ce conflit où je n'avais rien vu, rien compris, et où je m'étais seulement mis là où l'on m'avait dit.
Un jour, le canon a grondé. Un premier coup a secoué l'horizon. De tressautement local en pâleurs concentriques, on nous a dit, c'est la guerre !
Immédiatement et sans délai, je suis parti à la guerre. Il me fallait des allures de petit courage. Elle avait des lettres, la bonne guerre, des lettres hautes dans le journal. On avait fait sa publicité. C'était quelqu'un, la guerre aux lettres hautes. On était badaud, bon badaud moral. On allait voir la guerre.
Si vous n’êtes pas de mon avis mes petits vieux, alors ce n’est pas pour vous ce que j’ai écrit.
Que tous ceux qui n’ont pas vécu dans la merde se retirent.
Si vous êtes bien gentils, je vous dirais, moi, que pour connaître le sens du monde, il faut qu’il vous ait montré son cul.
Mais Augustin restait froid comme la rampe de l’escalier. Il avait regardé autour de lui, il avait enregistré un peu, il avait tout de suite compris que c’était un truc à discipline, cette grande boîte, avec super-chefs et intra-chefs, mouchards officiels et mouchards subreptices, bons sourires ostensibles et coups de pied sous la table. Il en avait pris la nausée avant seulement d’avoir vu la tête du premier collègue. Ça lui flanquait un immonde dégoût, cette grande boîte avec laquelle il allait se marier pour le restant de ses jours.
Tous les jours !
Tous les jours, bon Dieu !
La peine de mort en soi est une séquelle des temps barbares !
Puisque la réalité ne lui fournissait pas la matière d’un beau roman policier, il faudrait donc, une fois de plus, faire appel à l’imagination, recommencer le jeu classique de la découverte du coupable, après la suspicion quasi obligatoire de tous les innocents… Jeu assez vain dont il commençait à se lasser.
Bonpied le criminaliste, p. 22
Édouard lisait très tard dans la nuit, des bouquins de la bibliothèque municipale. Il s’installait dans la salle à manger ou bien encore dans le lit, près de Gisèle, avec l’oreiller dans le dos. Et Gisèle se réveillait de temps en temps ; elle surgissait de son sommeil avec une hargne furibarde.
— Tu ne dors pas encore ?… J’ai besoin de dormir, moi !… Demain je dois travailler, moi !…
Édouard insistait un peu par dignité masculine, mais il finissait par éteindre et s’endormait d’un sommeil en tunnel, noir et sans rêve.
Il retirait de ces lectures beaucoup moins qu’il croyait. Et souvent, à son réveil, il avait l’esprit vide et paresseux, comme tous ceux qui ont trop cherché à oublier.
Il ne se levait pas avant dix heures, sauf quand il allait se réassortir rue d’Aboukir. Il avait pris l’habitude des demi-sommes du matin. Quand il entendait Gisèle partir, il se disait qu’il en avait encore pour deux heures à somnoler. Et puis il se levait, il allait tirer les rideaux, il se lavait, il prenait son petit déjeuner…
(Au sujet de la politique)
Les ministres, qu'il me disait placidement, on commence par les foutre à l'eau. Comme ça, hop! Et puis ensuite on met au pouvoir les honnêtes gens! Pas des politiciens, Monsieur, des honnêtes gens! Et puis les autres on les fusille, à droite comme à gauche, il faut être juste. Les étrangers, on les refoule. Les journalistes, on les fout en prison. Les gros, on les envoie au bagne!
À bas la guerre civile! C'est pas votre avis?
En France, on « doit » avoir une religion, comme on a un pantalon ; c’est une question de décence.
Non, il n'avait jamais eu consciemment l'intention de trucider qui que ce soit, mais ses petits anti-héros de papier avait nettement le profil de redresseurs de torts.Ça se faisait malgré lui, ça venait d'ailleurs, mais il en assumait volontiers toutes les conséquences.
- Venant d'ailleurs..., que voulez- vous dire ?
- Je suis bien incapable de donner une explication .Je sais seulement que nous sommes des quantités de réfractaires, partout, et à toutes les époques. Des emmerdeurs, en somme.
(...)Et il n'y a aucune raison de nous classer chez les dingues parce qu'on est faits pour nager à contre-courant.
(p.64)
Lire et relire.(...)
Redécouverte totale.
À Paris, comme à la campagne, il avait des murs de bouquins, demi-siècle d'achats divers.Des heures, des mois, des années de lectures qu'il fallait peu à peu intégrer comme des nouveautés.
C'était peut-être là l'originalité d'une expérience personnelle qu'il n'avait pas cherchée. Vieux bonhomme, il lui fallait tout apprendre comme au temps où, arpète en usine à cinquante- cinq heures la semaine, plus les cours du soir, il prenait sur ses nuits pour lire tout et n'importe quoi.Deux fois autodidacte, donc.
( p.38)