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Critiques de Jean-François Regnard (15)
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Le Légataire universel

Ça fait du bien parfois de lire une petite comédie sans prétention, qui ne recherche pas l'esbroufe ni le fort message à portée philosophique.



Juste un petit texte plaisant, bien écrit, avec le charme inégalable d'un début XVIIIème, sans la mécanique pesante des quiproquos à la Molière, avec un petit air de Beaumarchais avant l'heure.



Oui, je dois bien reconnaître que j'ai beaucoup aimé cette comédie en cinq actes, malgré, ou en raison, de la légèreté du propos.



C'est tout simple, ça tient en quelques mots. Un vieil avare, Géronte, est aux portes du trépas, son neveu, Éraste aimerait bien tâter du magot mais il n'est pas seul en lice sur les rameaux de l'arbre généalogique. le testament peut seul pourvoir à ce modeste inconvénient.



La femme de chambre, Lisette, bonne à tout faire (vraiment tout) pour le vieux souhaiterait bien, elle aussi, ne pas être oubliée dans les dernières volontés, sans parler de Crispin, le redoutable roublard qui sert Éraste.



Durant toute la pièce il sera donc question de faire cracher aux vieux des écus qu'il semble bien décider à ne pas lâcher facilement. Mais si une histoire d'amour vient se greffer là-dessus, il se pourrait bien que cela vienne tout compliquer des plans du brave Éraste et de son équipe de vautours bien décidés à éplucher ce qui restera de la carcasse de Géronte.



Jean-François Regnard aurait pu en faire une pièce très grinçante mais ce n'était manifestement pas ses intentions, il ne fait pas du neveu un horrible calculateur, Géronte n'est pas pathétique au dernier degré, même le fieffé coquin de Crispin semble pouvoir s'amender et la belle Isabelle n'apparaît pas mue d'un désir de richesse.



C'est donc juste le parfum léger de la comédie que semble rechercher l'auteur, un vaudeville avant l'heure, un exercice récréatif et c'est bien ce qu'il produit. On en sort tout guilleret, sans prise de tête, sans embarras, sans poids sur le coeur, et c'est très bien ainsi. Merci Monsieur Regnard.



Ceci n'était que mon avis dont je vous fais les légataires universels, mais ne vous réjouissez pas trop vite, ce que je vous offre n'est pas grand-chose.
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Le Joueur

L'histoire est ingrate ou du moins a-t-elle une mémoire sélective. À mesure que s'éteignent ceux qui ont vécu une époque et qui pouvaient dire à tous ce que vraiment elle était, l'époque efface des noms, discrètement, en catimini, et n'en conserve au mieux que deux ou trois, c'est heureux, le plus souvent un seul, c'est fâcheux mais c'est comme ça.



Voilà pourquoi, vu d'où nous sommes, nous avons la faiblesse d'esprit de dire : " Le grand auteur de ce siècle était... " C'est évidemment une absurdité puisque les grands hommes ne poussent jamais seuls au milieu d'une terre nue, déserte, hostile à tout autre.



Les grands hommes, les géniaux inventeurs, les novateurs de tout poil, quand on y regarde de près, ne sont pour la plupart que la suprême représentation d'une tendance qui était très à la mode en leur temps et dont ils étaient de malicieux suiveurs.



C'est ainsi que l'histoire, dans ses crises d'amnésie, n'a retenu pour le XVIIème siècle français que trois noms de dramaturges. Deux pour la tragédie, c'est heureux (Corneille & Racine) et un seul pour la comédie (Molière), c'est fâcheux, mais c'est comme ça. Encore devons-nous nous estimer heureux avec trois ou quatre noms passés à la postérité car de la pouponnière d'auteurs qu'était la scène du théâtre élisabéthain on ne retient que Shakespeare et du siècle d'or espagnol que Cervantès. Quelle ingratitude pour les autres, et quels autres !



Pourtant des tragédiens de ce siècle, si l'on voulait s'en donner la peine, on en trouverait à la pelle, et même d'assez honnêtes. Je ne vous parle même pas des auteurs de comédies qui fourmillent à cette époque. Rien qu'en sélectionnant les bons grains de l'ivraie, de ces auteurs et de ces pièces oubliées, les gens de chez La Pléiade ont réussi à en faire trois pleins volumes. Ça vous en bouche un coin, non ?



Et bien notre ami Jean-François Regnard est de ceux-là. Franchement, c'est mieux écrit que Molière, toujours très fin, très subtil, annonçant déjà Voltaire ou Beaumarchais, loin des quiproquos un peu lourdingues et répétitifs de Molière.



Certes, j'avoue qu'il n'y a pas chez Regnard de ces points d'orgue fulgurants qui sont la grande arme et le grand atout de Molière comparativement à tous les autres, mais s'il monte moins haut, je dirais aussi qu'il descend moins bas.



Ici, l'auteur s'intéresse à un problème archi connu, celui de l'addiction au jeu et les conséquences néfastes que cela peut avoir. À l'époque, ne jouent que les gens de la très haute société (donc cela ne fait pas tellement de monde, tout bien considéré) et parmi cette petite portion de joueurs, les cas d'addiction maladive au jeu sont connus mais demeurent du registre de l'exception.



Jean-François Regnard ne se doutait probablement pas qu'il mettait le doigt sur un vrai problème, bien plus vaste que cette comédie de caractère ne le laisse supposer. On sait combien, depuis que tout un chacun peut librement perdre ses économies dans le jeu, nombreuses sont les personnes susceptibles de contracter une addiction. (Nous en savons quelque chose ici sur Babelio, en matière d'addiction, car nous sommes tous plus ou moins des malades d'addiction à la lecture.)



Ainsi, nous côtoyons Valère, un beau jeune homme de belle famille, amoureux d'une belle Angélique, elle aussi riche et de belle famille. Tout va pour le mieux, me direz-vous, puisque ces deux-là s'aiment et échafaudent de se marier dans le meilleur des mondes possibles.



Oui mais non, cela ne fonctionne pas toujours aussi bien que les apparences en donnent l'air. Valère est un joueur acharné, tellement piqué au tric-trac qu'il s'est tissé un manteau de dettes, bien épais et bien chaud qui le suit partout.



Cette attitude l'a conduit à la brouille avec son père, qui pourtant l'aime et l'apprécie mais qui ne supporte pas de savoir son fils tellement dissipateur et mordu aux chimères du jeu.



Mais ce n'est pas tout, car Angélique commence à se lasser des promesses d'abandon de jouer, mille fois réitérées, jamais mises en pratiques.



Sur ce canevas de base, l'auteur va greffer un faisceau d'intrigues amoureuses destinées à accroître le comique qui ne résiderait sans cela qu'entre les relations qu'entretient Valère avec ses créanciers.



Nous voyons donc arriver une sœur d'Angélique, comtesse et veuve de son état, un marquis enragé aux choses de l'accouplement, un oncle de Valère aux prétentions justifiées et une querelle larvée entre frères que je vous laisse le soin de découvrir.



Le panorama ne serait pas complet si j'omettais de vous parler de l'importance dramatique des valets, Hector pour Valère et Nérine pour Angélique qui jouent vraiment l'un et l'autre, en sens inverse, un rôle prédominant dans le devenir de la relation amoureuse principale.



Chut ! Je n'en dirais pas davantage, si ce n'est que c'est une pièce oubliée qui mériterait qu'on se souvienne plus d'elle tellement elle est fraîche et plaisante, rythmée et pas du tout hors sujet de notre époque quoique vieille de plus de deux cents printemps.



Mais de ceci, faites ce que vous voulez car ce n'est là qu'un avis, c'est-à-dire bien peu de chose. Ne jouons pas avec ça, ne laissons pas l'avis de quelques uns nous dire : " Ceci est bien, ceci ne vaut rien. " car c'est ainsi que l'histoire procède pour barrer certains noms et en retenir chaque fois moins au risque de perdre en nuances et en diversité.
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Voyage en Laponie : 1681

Un voyage en Laponie au XVIIème siècle ! C’est prometteur. Lu dans l’édition de 1730, ce qui ne simplifie pas les choses (ah l’époque où les s ressemblaient comme deux gouttes d’eau à des f…) Jean-François Regard, célèbre dramaturge français aujourd’hui bien oublié, était également un voyageur qui accomplit plusieurs périples qu’on pourrait qualifier de « touristiques ». A une époque où se rendre d’une ville A à une ville B n’était jamais ni facile ni simple ni confortable ni rapide, il fit parti de ces pionniers qui décidèrent un jour de parcourir le monde ni pour une mission diplomatique, ni pour faire la guerre, ni pour faire du commerce, ni un pèlerinage, mais simplement pour voir et découvrir sans autre but que de s’enrichir l’esprit.



Cette relation de voyage est assez curieuse à lire. Certains passages, notamment dans les forêts de Laponie, font l’objet de longs récits. D’autre, tels que la visite d’une capitale, ne font l’objet que d’observations laconiques. A plusieurs reprises, son groupe a à maille à partir avec des voleurs de grands chemins – mais ils sont suffisamment nombreux et bien armés pour s’en tirer sans dommage. Par curiosité, il visite également les gigantesques mines de Suède, ainsi que la célèbre mine de sel polonaise de Wieliczka, encore aujourd’hui une grande attractivité touristique. Bon à l’époque les conditions de sécurité laissaient un peu à désirer : les ouvriers commençaient la descente (acrobatique) dans le puit par une prière…



L’ouvrage est également parsemé, comme il se devait, des connaissances (ou plutôt des croyances) scientifiques glanées au fil du chemin. Certaines sont curieuses, notamment celle selon laquelle les hirondelles hibernaient… Au fond des étangs, rassemblées en gros paquets enfouis dans la vase. En revanche, ses observations sur les parentés entre les langues sont largement justes, et illustrent l’ancienneté des origines de la linguistique. Il a également la chance de rencontrer le célèbre astronome Johannes Hevelius, l’un des plus grands du XVIIème, et de visiter son observatoire.



Pour le lecteur moderne, ce livre constitue un voyage presque aussi dépaysant que ledit voyage pour son auteur. Un voyage dans un autre temps et surtout dans les mentalités de l’époque, étonnamment proches de nous par certains aspects, très éloignées par d’autres.
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Attendez-Moi Sous l'Orme : la Serenade : et..

Issu d’une bourgeoisie aisée, Regnard connaît une jeunesse aventureuse, marquée par des voyages lointains. Revenu à Paris, il achète des charges qui lui permettent d’accéder à la noblesse de robe, en faisant des placement judicieux. Mais il s’adonne aussi à la littérature, tout particulièrement au théâtre. Après des débuts au théâtre italien, dans lequel il connaît le succès, il se tourne vers la Comédie-Française avec des comédies qui vont assurer sa postérité. Il sera avec Dancourt l’un des deux auteurs comiques importants entre Molière et Marivaux. Voltaire d’une façon un peu sommaire, a considéré Dancourt comme l’héritier de l’aspect farce de Molière, et Regnard comme celui qui a continué la haute comédie, oubliant entre autres, son passage chez les Italiens dont on retrouve trace dans certaines comédies françaises de Regnard.



Attendez-moi sous l’orme, créée en 1694, est une petite pièce en un acte et en prose, accompagnée de musique et de danses. L’intrigue en est très simple. Une jeune, jolie et fortunée villageoise, a la tête tournée par un officier aux abois, prêt à l’épouser pour payer ses dettes. Elle néglige son fiancé paysan. Mais la servante de la jeune fille et le valet renvoyé de l’officier décident de la sortir des griffes de ce dernier. Lisette, la servante, se déguise en veuve encore plus riche, et fait attendre l’officier sous l’orme du titre. Tous les protagonistes viennent se moquer du jeune homme berné et le mariage des deux jeunes villageois est célébré.



C’est une petite intrigue très classique, menée d’une manière prévisible mais efficace. Nous avons les deux serviteurs malins qui mènent la danse, les patois des villageois, les intrigues d’amour, la cupidité du prétendant, et une fin heureuse. Tout ce qu’attendaient les spectateurs de l’époque. Regnard reprendra le titre pour une comédie du théâtre italien, dont l’intrigue, en plus de l’esprit, est différente. Certains spécialistes considèrent que la pièce française n’est pas de sa plume seule, mais que Regnard aurait réécrit une pièce composée par Dufresnay, pour s’assurer d’entrer à la Comédie-Française, versant une compensation financière à son confrère.
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Le Légataire universel

C’est la pièce la plus connue de Reganrd, qui continue à être citée et même jouée relativement fréquemment encore maintenant. La pièce a été créée en janvier 1708. Dès le mois de février, Regnard lui adjoint une petite pièce en un acte, La critique du Légataire, peut-être pour répondre à ses détracteurs, ou pour lancer ou entretenir une polémique, ce qui permettait souvent d’attirer des spectateurs plus nombreux. Cette petite pièce suit de très près La critique de l’Ecole des femmes de Molière, et au contraire du Légataire, n’a pas vraiment eu du succès : seulement trois représentations.



L’intrigue du Légataire est assez décousue, chaque acte s’engage presque dans une autre direction. Dans le premier, nous découvrons Géronte, un riche vieillard, pourvu d’un neveu pauvre, Eraste,amoureux d’une jeune femme Isabelle. La mère de cette dernière est d’accord pour le mariage, mais à condition que Géronte fasse d’Eraste son légataire universel, ce à quoi s’emploient Crispin, le valet d’Eraste, et Lisette, la domestique de Géronte, les deux serviteurs projetant un mariage entre eux. Géronte est plutôt bien disposé à l’égard d’Eraste, mais lui aussi envisage d’épouser Isabelle, ignorant les sentiments des deux jeunes gens.



Au deuxième acte, la mère d’Isabelle est toute prête à accorder la main de sa fille à Géronte, même si elle préférerait Eraste. Mais l’intérêt financier prime. Les domestiques et Eraste profitent de quelques signes de maladie chez Géronte pour le persuader que le mariage lui serait néfaste dans son état. Il s’apprête à faire son testament en faveur d’Eraste, mais compte faire deux legs importants à deux membres éloignés de sa famille qu’il ne connaît pas.



Au troisième acte, Crispin se déguise tour à tour en neveu et nièce de Géronte : un neveu brutal qui menace son oncle, et une nièce qui l’insulte. Géronte est donc décidé à laisser tout son bien à Eraste. Il accepte aussi le mariage de son neveu et d’Isabelle. Tout semble aller pour le mieux, les notaires sont convoqués pour le testament.



Au quatrième acte, Géronte tombe en catalepsie, et ne semble pas pouvoir être ranimé avant de mourir. Crispin se déguise pour recevoir les notaires et leur dicter un testament, dans lequel il n’oublie pas de laisser des legs importants à Lisette et à lui-même. Eraste est outré, mais ne peut dénoncer la supercherie.



Au cinquième acte, coup de théâtre : Géronte revient de sa catalepsie. Mais il est affaibli, ce qui permet à son entourage de le persuader que c’est bien lui qui a dicté le testament, mais qu’il ne s’en souvient plus. Il est particulièrement incrédule devant les legs faits aux deux domestiques, mais finit par les accepter. Le mariage d’Eraste et Isabelle peut enfin avoir lieu.



Il n’y a pas une action unique dans la pièce, mais une suite de rebondissements, qui s’enchaînent. A chaque fois, il y a un obstacle, qui semble être levé finalement assez facilement, Géronte étant visiblement attaché à son neveu, et au final plutôt raisonnable. Mais une autre difficulté surgit qu’il s’agit de résoudre rapidement. Cela donne à la pièce un rythme effréné, le lecteur ou spectateur n’a pas le temps de s’ennuyer. Cela donne aux acteurs, en particulier celui qui joue Crispin des occasions de briller, d’enchaîner des déguisements, des reparties. On est dans le burlesque pur, ce qui a comme contrepoint d’appauvrir peut-être l’analyse psychologique des personnages : Eraste est surtout intéressé par l’argent de son oncle avec qui il se montre très hypocrite, Isabelle est quasi inexistante, Crispin est une franche fripouille, même s’il est sympathique par son entrain, Lisette est un peu trouble, on se pose des questions sur ses relations avec Géronte. Au final le personnage le plus univoque est Géronte : vieux et malade, il est un peu la victime des manigances de ceux qui l’environnent. Cela donne une autre image du vieillard, un peu moins stéréotypée qu’habituellement dans les pièces de l’époque.



Incontestablement une excellente pièce dont la réputation n’est pas usurpée.
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Les Folies Amoureuses

Représentées pour la première fois en janvier 1704, la pièce semble avoir eu du succès, le duc d’Orléans lui-même (le futur Régent) est venue la voir au théâtre, et elle a été donnée à Versailles devant la cour. Il s’agit d’une pièce en trois actes, ce qui est relativement rare pour les pièces françaises de l’époque, les comédiens n’aimaient pas ces pièces jugées trop courtes. Elle est par conséquent complétée par Un prologue et Un divertissement final avec de la musique, ce qui donne la durée requise. Comme souvent chez Regnard, on reconnaît des nombreuses influences, comme celle de Molière, et tout particulièrement de L’école de femmes, le thème du vieillard qui veut épouser la jeune fille qui lui a été confiée en dépit de ses souhaits, et prêt à cela à tous les abus, mais aussi de la jeune fille au final plus fine qui lui. Il y a aussi quelque chose de l’esprit du théâtre italien, d’un jeu plus débridé et libre. Regnard arrive à mélanger tout cela pour produire une pièce cohérente, amusante, et au final personnelle.



Le prologue nous amène au théâtre. Monsieur Dancourt l’autre auteur comique important de l’époque, mais aussi membre de la troupe de la Comédie-Française, a du soucis avec la star de la troupe, Mademoiselle Beauval, qui ne veut pas jouer la nouvelle pièce qu’elle juge idiote. L’auteur (que nous ne voyons pas) s’y met aussi : il ne veut pas qu’on le joue au vue des critiques exprimées. Ce qui provoque l’envie chez l’actrice de jouer la pièce à tout prix. Mais débarque Momus, le dieu de la raillerie, de la moquerie, et sa présence arrange les choses : la pièce débute.



Au premier acte Agathe confie à sa suivante, Lisette, que son amoureux Eraste est de retour. Elle profite d’une porte entrouverte pour sortir et essayer de prendre contact avec lui. Survient Albert, son tuteur, qui veut l’épouser, et qui n’apprécie pas cette sortie matinale. Il exprime son intention de tenir Agathe confinée pour ne courir aucun risque. Crispin, le valet d’Eraste arrive, et raconte quelques inepties à Albert pour expliquer sa présence. Il prétend entre autres, vouloir cueillir des herbes médicinales, car il prétend savoir guérir les maladies. Albert finit par le renvoyer fermement. Crispin discute avec Eraste du meilleur moyen de pénétrer dans la place.



Au deuxième acte, Albert fait sortir Agathe et Lisette, car il entreprend des travaux pour fermer complètement la demeure. Agathe arrive à échanger un peu avec Eraste, avant qu’Albert ne l’oblige à rentrer. Pendant qu’Albert s’emploie à chasser Eraste, Lisette revient : sa maîtresse a un comportement des plus étranges, elle semble avoir perdu l’esprit. Agathe elle-même survient : sous un déguisement de Scaramouche, elle chante, et a un comportement incongru, ne semblant reconnaître personne. L’assistance est médusée : elle en profite pour glisser une lettre à Eraste. Albert, aux abois, demande l’aide de Crispin, pour essayer de la guérir.



Au troisième acte, Agathe redouble de folie : elle se déguise en vieille, puis en soldat d’une grande agressivité. Albert n’a plus d’espoir qu’en Crispin qui lui a promis de la guérir. Agathe extorque de l’argent à Albert, pour payer les frais de sa fuite, argent qu’elle donne à Eraste. Crsipin profite de la situation et de sa prétendue science pour se débarrasser d’Albert et permettre aux jeunes gens de s’enfuir.



Le Divertissement final, Le mariage de la Folie nous fait assister au mariage de façon comique et tout en chansons. Tout se termine par l’arrivée du Carnaval, accompagné de Momus, de la Folie et de quelques masques pour quelques dernières chansons.



C’est un mélange assez étrange mais au final plutôt réussi entre une intrigue relativement classique, des amours contrariés de deux jeunes gens par un vieillard tyrannique et de quelque chose qui ressemble à une forme de théâtre improvisé, à la manière des Italiens, avec des chansons, des personnages mythologiques. Une forme d’ironie, de jeu d’apparences. C’est vraiment Agathe qui mène le jeu, même les domestiques ne peuvent que suivre ses initiatives. Les personnages de fous (visionnaires) étaient fréquents dans les comédies du XVIIe siècle, ici les différentes incarnations d’Agathe introduisent un élément qui fait dérailler l’intrigue classique, donne un aspect très moderne à la pièce, dans une sorte de mélange de genres. Sans oublier le théâtre dans le théâtre du Prologue. Vraiment une pièce très intéressante.
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Le Joueur

La pièce a été créée en décembre 1696 à la Comédie-Française, et donnée dès le 31 décembre à Versailles. Elle eut un grand succès, malgré (et peut-être aussi à cause) d’une polémique avec Dufresny, qui accusa Regnard de lui avoir volé son sujet, et qui donne une pièce très proche sur de nombreux points à peine deux-trois mois après Regnard, sous le titre Le Chevalier joueur. Malgré une représentations à Versailles du Chevalier joueur en février, c’est la pièce de Regnard qui a continué à être jouée, qui triomphait. Toute une série d’épigrammes et autres écrits entretenaient la querelle, le théâtre du XVIIe siècle a toujours été friand de polémiques et scandales.



Le sujet du jeu, des joueurs, était de toutes les façons un sujet dans l’air du temps à l’époque, où cette passion était une cause de ruine de nombreuses familles, un vrai fléau social. On peut citer par exemple la petite pièce de Dancourt, La désolation des joueuses. Regnard peut ainsi rejoindre Molière, qui à partir du Tartuffe, évoque le but de la comédie, comme la correction des vices des hommes, Le joueur est sans doute une des pièces qui ont donné à l’auteur le statut d’héritier de Molière dans la haute comédie.



Au début du premier acte, Hector se désole : son maître, Valère, a encore passé toute la nuit à jouer, et il n’est pas encore rentré. Nérine, la suivante d’Angélique, la financée de Valère arrive, et constate l’absence du jeune homme. Or il a promis à Angélique d’arrêter le jeu. Elle fait savoir à Hector qu’elle va informer sa maîtresse. Hector est accablé, son maître est couvert de dettes, et seul le mariage avec Angélique lui offre une possibilité de se renflouer. Valère arrive, il a encore perdu. Il envisage de hâter le mariage avec Angélique pour sortir de l’embarras. Arrive Géronte, le père de Valère, qui le menace. Valère arrive à retourner un peu la situation en lui parlant du mariage projeté, et surtout en faisant valoir à son père qu’il souffle ainsi à Dorante, le frère de Géronte, Angélique, que ce dernier voudrait bien épouser.



Dans le deuxième acte, Angélique est décidée à renoncer à Valère. Mais sa sœur, la comtesse, est toute prête à l’épouser, ce qui ébranle la décision d’Angélique. Arrive Valère, qui ne balance pas et préfère Angélique. Cette dernière tente bien de rompre, mais Valère arrive à la persuader de sa volonté de changer. Elle lui donne son portrait enrichi de diamants, qu’il s’empresse de mettre en gage pour avoir de quoi jouer.



Au troisième acte Dorante se fait signifier son renvoi, Géronte règle une partie des dettes de Valère. Ce dernier est euphorique, il a enfin gagné. Mais il ne s’empresse pas de dégager le portrait d’Angélique, il est en réalité beaucoup moins pressé de l’épouser, alors qu’il a de l’argent.



Au quatrième acte, Nérine fait la morale à sa maîtresse, tentant de la faire rompre avec Valère. Les deux femmes font parler Hector : son maître est encore en train de jouer et de perdre, il n’a pas tenu ses promesses. Valère qui ne voit plus d’échappatoire, est quand à lui décidé à épouser Angélique au plus vite.



Au cinquième acte, Angélique déclare son amour pour Valère à Dorante qui se résigne. Toutefois, Angélique découvre que Valère a mis son portrait en gage. Lorsqu’il arrive, elle lui demande où est l’objet, et Valère se perd dans des mensonges de plus en plus invraisemblables, et parfaitement inutiles. Angélique annule le mariage, et à l’arrivée de Géronte, lui signifie qu’elle a décidé d’épouser Dorante. Valère se console, en annonçant qu’un jour le jeu lui fournira une compensation aux pertes amoureuses.



La pièce est vraiment très bien construite, avec des personnages principaux bien caractérisés, et accompagnés de personnages secondaires essentiellement comiques (la comtesse, son soupirant le marquis etc) d’une grand efficacité. C’est une excellente mécanique comique. Même si tout cela n’a rien de vraiment nouveau, Regnard assemble fort bien tous les éléments pour écrire une pièce efficace tenue de bout en bout. Elle a été reprise régulièrement, y compris au XXe siècle, et cela n’a rien d’étonnant. Tout cela peut parfaitement fonctionner encore aujourd’hui.
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Le Légataire universel



C'est souvent plein d'esprit,



'Quelque trait d'avarice admirable et nouveau. Il a pour médecin pris un apothicaire Pas plus haut que ma jambe, et de taille sommaire : Il croit qu'étant petit, il lui faut moins d'argent ; Et qu'attendu sa taille, il ne paiera pas tant.'



C'est comme Molière assez peu confiant en la médecine,



'Mais il faut tant d'argent pour se faire soigner,

Que, puisqu'il faut mourir, autant vaut l'épargner.

Ces porteurs de seringue ont pris des airs si rogues !...

Ce n'est qu'au poids de l'or qu'on achète leurs drogues.

Qui pourrait s'en passer et mourir tout d'un coup,

De son vivant, sans doute, épargnerait beaucoup.'



Et puis d'un réalisme à toute épreuve,



'Votre époux, vous laissant mère et veuve à vingt ans,

Ne vous a pas laissé, je crois, beaucoup d'enfants.

Rien que neuf ; mais, le cœur tout gonflé d'amertume,

Deux ans encore après j'accouchai d'un posthume.'





Et l'arrêt toujours interlocutoire nous fait balancer entre deux filouteries.



Regnard, pourquoi l'oublier autant aujourd'hui?
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Le Légataire universel

"Le style de Regnard est comme le bon vin qu'il versait à ses hôtes, il est aisé, c'est bien le mot, c'est sa devise."

- Sainte-Beuve 1852



Qui en dehors de certains érudits, (dont je ne suis malheureusement pas...) cite ou connait encore Regnard. Je n'ai pas vraiment besoin de faire un sondage sur le trottoir de ma rue. Je crois que je connais la réponse. (Dans ma rue il y a peu d'érudits)



C'est bien parce qu'en continuant mon rangement, je suis tombé sur ce titre que j'ai voulu aller un peu plus loin. Quand on se remet dans l'ambiance du texte on apprécie. C'est très bien écrit, et on se demande pourquoi certains autres auteurs ont eu du succès et celui-ci a disparu de nos discours.

Sûrement parce qu'on ne peut pas parler de tout le monde...

La totalité de son oeuvre peut peut-être donner une explication. Tout n'est pas de la même veine.

Enfin, ça m'a fait du bien de découvrir ce texte.

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Voyage en Laponie : 1681

Voyage en Laponie - étape 1 :

Je lirai donc, dans le cadre de Masse Critique, le récit du Voyage en Laponie de Jean-François REGNARD en 1681. Je découvre d'abord dans la préface que Regnard fut un auteur dramatique important de la deuxième moitié du 17ème siècle. Joué à la Comédie Française, il fut avant cela un voyageur aventureux - vendu comme esclave à Alger - jusqu'en Laponie. C'est donc ce personnage aux deux facettes (même si sa carrière d'auteur n'a pas conmmencé en 1681) qui nous ouvrira la voie vers la Laonie
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Les Folies Amoureuses

Une jeune fille est surveillée étroitement par un vieil avare qui veut l'épouser mais son amant parvient à la libérer. Cette histoire m'en rappelle d'autres au sujet très voisin. Commençons par L’École des femmes de Molière où Agnès sortie d'un couvent est séquestrée par Arnolphe et finissons par Bartholo dans le diptyque de Beaumarchais (Le barbier de Seville/Les noces de Figaro) qui veut épouser la pupille qu'on lui a confié. Dans les trois cas, le barbon est un personnage rébarbatif au possible. Selon une note liminaire Régnard a donné du corps à cette pièce en forçant la caricature. A mon humble avis, il s'en est très bien sorti même si certains déplorent l'impertinence d'Agathe. Si ses déguisements sont extravagants, on ne peut pas dire que son langage soit incohérent puisqu'elle parvient (avec l'aide de Lisette) à se faire comprendre d'Eraste. Quoiqu'il en soit la lecture est agréable, bien rythmée. N'en déplaise à ceux qui voient les verres à moitié vides. On pourrait même dire qu'ils sont bien à plaindre !
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Le Joueur

On dit "heureux au jeu, malheureux en amour"; quant à Valère, s'il veut être heureux en amour, il devra d'abord arrêter de jouer.
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Oeuvres Complètes de J. F. Regnard, Volume 5

Voyage de Flandre et de Hollande, du Danemarck; de la Suède.

Voyage de Lapponie

Voyage de Pologne

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Voyage en Laponie : 1681

Voyage en Laponie(1681) de Jean-François Regnard



Editions Ginkgo, 2010, 195 pages



"On sort souvent de chez soi pour n'aller qu'en Hollande, qu'on se trouve, on ne sait comment, jusqu'au bout du monde"... voilà qui résume bien la situation, un jour Jean-François Regnard décide d'aller rencontrer le roi de Hollande, et de fil en aiguille, il se retrouve à parcourir la Laponie pendant deux mois. C'est son récit de voyage, a priori des feuillets ou journaux adressés à son frère, que nous lisons ici.



La longue préface nous met bien en garde contre ce récit de voyage et son côté un peu fabulateur. Même sans la préface, il aurait été très aisé de s'en rendre compte. Ce texte est déroutant et ressemble plus à une grande farce qu'à un véritable compte rendu d'expériences de voyage.



Je ne connaissais pas cet auteur auparavant, mais je suis bien curieuse et impatiente de lire l'une de ses pièces, car il a vraiment un sens de la comédie et du burlesque très développé. Tant et si bien que l'on ne prend pas son récit très au sérieux... je ne remets pas en compte le fait qu'il soit vraiment allé en Laponie, mais si on me disait un jour que ce n'était qu'imagination, ça ne me choquerait pas plus que ça.



Le livre rassemble tout ce qu'il y a de plus clichés sur "le bout du monde" de l'époque (oui la terre s'arrête au bout de la Laponie, tout le monde le sait). On nous étale toutes les idées reçues sur le bon sauvage qui chasse, partage sa femme, vit de la pèche et de la chasse, ressemble à un animal... en même temps, pour continuer dans les clichés, ce sont des gens plutôt accueillants et joviales, passablement imbibés dès qu'ils trouvent une bonne occasion (et ils ne cherchent pas bien loin).



Mais tout cela est tellement clichés que ça en devient parodique, surtout, comme je l'ai dit plus haut, Jean-François Regnard a un sacré sens de l'humour.



Pour vous en rendre compte vous-mêmes, quelques citations :



(ils sont au milieu de murs de glace) : "Nous étions pourtant alors dans les plus fortes chaleurs de la canicule; mais ce qu'on appelle ici un été violent peut passer en France pour un très rude hiver."



"Ne connaissant point de médecins, il ne faut pas s'étonner s'ils ignorent aussi les maladies, et s'ils vont jusqu'à une vieillesse si avancée qu'ils passent ordinairement cent ans, et quelques uns cent cinquante."



Vous pourrez remarquer que ce monsieur à le sens de l'hyperbole bien développé. Il a également un sérieux sens de la répétition, si on a pas bien compris certains concepts, oh c'est pas grave ! dans quelques pages ça risque bien de revenir !



J'ai spécialement aimé tous les passages liés à la magie et au démon, et comment les lapons s'en sortent toujours pas une pirouette et une bonne dose d'eau de vie à l'assemblée pour cacher leur manque d'efficacité.



Pour conclure, on ne peut pas dire que j'en ai appris beaucoup sur les lapons, mais quelle franche rigolade que ce livre ! On a l'impression de lire un roman picaresque ! Je vous le recommande vraiment !
Lien : http://cryssilda.canalblog.c..
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Voyage en Laponie : 1681

Pour ma première participation à l’Opération Masse Critique de Babelio, j’ai eu la chance de recevoir ce livre en total accord avec mes deux passions : la littérature et les voyages. Je tiens donc avant tout à remercier l’équipe de Babelio ainsi que les Editions Ginkgo pour cet envoi.



Ce livre est divisé en trois grandes parties : le commentaire de l’oeuvre, les annexes, et enfin le récit de Jean-François Regnard. Je vais donc suivre l’ordre de la lecture, en vous parlant en premier lieu du commentaire de texte, écrit par le professeur et ethnologue Philippe Geslin. Dès les premières page, cette préface de 30 pages m’a semblée incontournable ; en effet, elle évoque plusieurs éléments importants pour la compréhension du récit de l’auteur, mais également autour de l’organisation de ce voyage. Ce prologue me semble donc être une partie presque primordiale dans ce récit, afin de le parcourir de façon objective.



Une fois ce prologue et les annexes parcourues, on se retrouve face à un long récit de voyage sans aucun chapitre, qui peut repousser aux premiers regards. Une mise en page compréhensible lorsque l’on sait que l’auteur n’avait pas pour but de publier ce récit – il s’agit d’ailleurs de ses premiers écrits publiés, 22 ans après sa mort.



À travers ces pages, nous découvrons donc la Laponie de 1681 à travers ses paysages, son climats, sa faune et ses habitants. Chaque chose est décrite de façon détaillée et parfois accompagnée d’une illustration, de telle sorte qu’il est facile pour le lecteur de s’imaginer au milieu de ce pays. Cependant, ces descriptions parfois trop poussées peuvent finir par ennuyer un lecteur qui ne serait pas passionné par le sujet des voyages et de la découverte des autres civilisations. J’avais moi-même parfois l’impression de parcourir un guide ou un livre scolaire, plus que de m’être plongée dans un simple récit de voyage.



Au final, et malgré ce petit point négatif, j’ai été emportée par l’esprit de découverte de ce livre, qui s’accompagne de reflexions profondes et intéressantes sur l’état de l’âme face aux voyages de façon plus générale : un sujet qui me convient particulièrement, vu ma passion pour le Monde. Je regrette cependant un point qu’à très bien décrit Philippe Geslin dans sa préface, et que je vous citerais pour conclure : « Lorsque les biographes abordent [ce livre], c’est à Regnard qu’on l’attribue. Passée la difficile période de ce voyage, Corberon et Fercourt (les deux hommes ayant accompagné Regnard dans cette escapade) semblent quitter la scène. Il est fort possible qu’eux aussi aient contribué directement à sa création, non pas en le rédigeant, mais en apportant chaque jour à son auteur les témoignages recueillis ou les impressions ressenties. Pourquoi en attribuer la paternité au seul et futur homme de lettres ? »
Lien : http://www.a-demi-mot.com/?p..
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