Représentées pour la première fois en janvier 1704, la pièce semble avoir eu du succès, le duc d'Orléans lui-même (le futur Régent) est venue la voir au théâtre, et elle a été donnée à Versailles devant la cour. Il s'agit d'une pièce en trois actes, ce qui est relativement rare pour les pièces françaises de l'époque, les comédiens n'aimaient pas ces pièces jugées trop courtes. Elle est par conséquent complétée par Un prologue et Un divertissement final avec de la musique, ce qui donne la durée requise. Comme souvent chez Regnard, on reconnaît des nombreuses influences, comme celle de
Molière, et tout particulièrement de L'école de femmes, le thème du vieillard qui veut épouser la jeune fille qui lui a été confiée en dépit de ses souhaits, et prêt à cela à tous les abus, mais aussi de la jeune fille au final plus fine qui lui. Il y a aussi quelque chose de l'esprit du théâtre italien, d'un jeu plus débridé et libre. Regnard arrive à mélanger tout cela pour produire une pièce cohérente, amusante, et au final personnelle.
Le prologue nous amène au théâtre. Monsieur Dancourt l'autre auteur comique important de l'époque, mais aussi membre de la troupe de la
Comédie-Française, a du soucis avec la star de la troupe, Mademoiselle Beauval, qui ne veut pas jouer la nouvelle pièce qu'elle juge idiote. L'auteur (que nous ne voyons pas) s'y met aussi : il ne veut pas qu'on le joue au vue des critiques exprimées. Ce qui provoque l'envie chez l'actrice de jouer la pièce à tout prix. Mais débarque Momus, le dieu de la raillerie, de la moquerie, et sa présence arrange les choses : la pièce débute.
Au premier acte Agathe confie à sa suivante, Lisette, que son amoureux Eraste est de retour. Elle profite d'une porte entrouverte pour sortir et essayer de prendre contact avec lui. Survient Albert, son tuteur, qui veut l'épouser, et qui n'apprécie pas cette sortie matinale. Il exprime son intention de tenir Agathe confinée pour ne courir aucun risque. Crispin, le valet d'Eraste arrive, et raconte quelques inepties à Albert pour expliquer sa présence. Il prétend entre autres, vouloir cueillir des herbes médicinales, car il prétend savoir guérir les maladies. Albert finit par le renvoyer fermement. Crispin discute avec Eraste du meilleur moyen de pénétrer dans la place.
Au deuxième acte, Albert fait sortir Agathe et Lisette, car il entreprend des travaux pour fermer complètement la demeure. Agathe arrive à échanger un peu avec Eraste, avant qu'Albert ne l'oblige à rentrer. Pendant qu'Albert s'emploie à chasser Eraste, Lisette revient : sa maîtresse a un comportement des plus étranges, elle semble avoir perdu l'esprit. Agathe elle-même survient : sous un déguisement de Scaramouche, elle chante, et a un comportement incongru, ne semblant reconnaître personne. L'assistance est médusée : elle en profite pour glisser une lettre à Eraste. Albert, aux abois, demande l'aide de Crispin, pour essayer de la guérir.
Au troisième acte, Agathe redouble de folie : elle se déguise en vieille, puis en soldat d'une grande agressivité. Albert n'a plus d'espoir qu'en Crispin qui lui a promis de la guérir. Agathe extorque de l'argent à Albert, pour payer les frais de sa fuite, argent qu'elle donne à Eraste. Crsipin profite de la situation et de sa prétendue science pour se débarrasser d'Albert et permettre aux jeunes gens de s'enfuir.
Le Divertissement final, le mariage de la Folie nous fait assister au mariage de façon comique et tout en chansons. Tout se termine par l'arrivée du Carnaval, accompagné de Momus, de la Folie et de quelques masques pour quelques dernières chansons.
C'est un mélange assez étrange mais au final plutôt réussi entre une intrigue relativement classique, des amours contrariés de deux jeunes gens par un vieillard tyrannique et de quelque chose qui ressemble à une forme de théâtre improvisé, à la manière des Italiens, avec des chansons, des personnages mythologiques. Une forme d'ironie, de jeu d'apparences. C'est vraiment Agathe qui mène le jeu, même les domestiques ne peuvent que suivre ses initiatives. Les personnages de fous (visionnaires) étaient fréquents dans les comédies du XVIIe siècle, ici les différentes incarnations d'Agathe introduisent un élément qui fait dérailler l'intrigue classique, donne un aspect très moderne à la pièce, dans une sorte de mélange de genres. Sans oublier le théâtre dans le théâtre du Prologue. Vraiment une pièce très intéressante.