Citations de Jean Guéhenno (179)
Ce n'est qu'assez tard que j'ai enfin jugé dérisoire ce conflit de vanités de tant d'hommes qui marchent sur le même trottoir de la même grand'rue, surveillant qui ils salueront, qui les saluera, à qui ils laisseront le haut du pavé, qui le leur laissera, et, qu'ils aient reçu ou donné plus ou moins de saluts, s'en vont tous, sans y penser, du même pas, à ce même petit cimetière, là-bas, au bout du faubourg, si tranquille entre ses ifs et ses cyprès.
On ne saurait dire si c'était son goût de ce qui était rare qui lui avait donné celui de la justice, ou bien l'inverse.
Il Ya au fond de tous les hommes un impérialisme affreux qui ne cède que quand il est vaincu .
Chacun n'est que ce que ce que tous les autres lui permettent d'être.
La maladie des intellectuels, des artistes et des savants est d'être trop enclins à croire que les questions sont résolues quand elles sont posées, et les révolutions accomplies quand ils les ont définies.
Faire carrière, c'est vieillir en compagnie des hommes de sa génération et s'accorder avec les vieillards qu'ils deviennent, comme on s'est accordé avec les jeunes gens qu'ils ont été.
Le monde n'était pas plus grand que nos pensées, et pas plus que le fils de Clinias nous ne savions ce qu'est la mort.
Chacun sécrète la soie de sa misère.
on est libre ou esclave à la mesure de son âme.
Il y a des centaines d'hommes de lettres, mais cela ne fait pas nécessairement beaucoup d'écrivains.
Qui parle à besoin du regard des autres pour être sûr qu'on l'entend.
Pour écrire, il faut d'abord être.
J'ai vu des riches jouer au pauvre, et cela ne m'a jamais paru qu'une sadique dérision. Il ne suffit pas d'aller coucher huit jours dans une chambre de bonne en prenant soin d'emporter des couvertures pour savoir ce qu'est la servitude.
L’amour est cette merveilleuse chance qu’un autre vous aime encore quand vous ne pouvez plus vous aimer vous-même.
Péguy, quand il fut tué en 1914, était à la veille d'être mis à l'index. Tout ce qui "pense bien" en parle aujourd'hui comme d'une sorte de saint. L'église est merveilleusement habile à tirer parti de la gloire temporaire de ses fils. Elle a condamné Pascal, mais, Pascal ayant décidément réussi dans le monde, il faut que ce succès tourne à la plus grande gloire de Dieu. Nul désormais ne parle plus tendrement de Pascal qu'un Jésuite. On canonise morts les hommes qu'on a persécuté vivants.
“Un livre est un outil de liberté.”
Peu d'hommes sont capables du naturel. On écrit, on parle le plus souvent plus haut qu'on ne pense.
On se donne comme on peut une existence, une durée, une sorte de gloire, une garantie contre la mort.
On pense d'autant moins aux autres qu'on est dans une plus grande sécurité.
Tout commence avec la sécurité que donne quelque argent, quelque surplus. Un peu plus d'argent encore et l'on est "à son aise". C'est un grand bonheur dans l'instant qui passe et qui détruit tout souvenir. On oublie avec délices, ou, si l'on se souvient, ce n'est que pour mesurer assez fièrement les merveilleux progrès qu'on a faits et comme s'est éloignée la misère. On ne manque pas de s'en attribuer tout le mérite. "Parvenu". Vient le contentement et la vanité. On est prêt à penser qu'il faut être un peu fainéant pour demeurer pauvre.