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Citations de Jean-Marie Chevrier (43)


J’ai vécu dans la nullité avec le sentiment d’une réelle richesse intérieure.
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Finalement on s'y fait. Je dirais même que c'est bon. C'est d'être avec quelqu'un qui rend les choses meilleures. (p.95)
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Louise vécut l’absence de Baptiste comme un second veuvage … un sentiment de vide éternel tomba sur la maison.
(…) Elle passa les premiers jours de solitude à regarder les champs qui s’étendaient derrière le potager. Pour la première fois elle découvrait un paysage où ses yeux n’avaient vu jusqu’alors qu’une suite de prairies ou de terres qui appartenaient à un tel ou tel. Où il fallait se rendre pour effectuer un travail. Elle voyait des figures géométriques, des triangles, des carrés, des losanges, que cerclaient des murets de pierre sèches et, dans l’herbe qu’elle coupait pour ses lapins, des plantes incroyablement différentes auxquelles elle n’avait jamais prêté attention. Elle s’attarda sur les détails qui les composaient : la forme des feuilles et des corolles, leurs couleurs, leurs odeurs, leur infinie variété, leur grande délicatesse. Elle eut presque pour ce paysage un regard de peintre ou de botaniste. Elle éprouva pour lui un intérêt sentimental. Elle se l’interdit. Cette vision était une faiblesse, une fragilité causée par le choc de l’accident et par la solitude qui régnait maintenant sur la propriété.
« Propriété » était le maître mot. Tout autre n’était que verbiage dont il fallait se défier…
(…) Aussi, chassant d’un revers de main l’éblouissement qu’elle venait d’éprouver devant la profusion de cette nature qui échappait à son pouvoir, Louise rentra-t-elle dans sa cuisine et ferma la porte à clé. Elle devait réfléchir. Qu’allaient-ils devenir ? p 22-23
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Je dois à l'honnêteté de dire que Dieu, je ne suis pas sûre qu'Il existe. Peut-être oui. Peut-être non. Beaucoup sont morts pour cette idée ou l'idée qu'ils avaient de Lui. Moi, de Dieu, je peux me passer. En revanche, ce dont je ne peux me passer, c'est de tout ce qu'on a créé autour de Lui pour Lui faire part de notre existence : ces monuments, ces églises, ces textes si savants, ces costumes, ces musiques, ces chants, ces tableaux. Tout ce qui chaque jour nous occupe pour penser un peu moins à nous-mêmes. [...] Pour finir, mon garçon, je n’ai pas besoin de Dieu, j’ai besoin de religion. (p. 132)
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Tout de suite elle n'a d'yeux que pour ses chaussures orange et noir. Le sport a besoin de couleurs vives pour faire croire à l'enthousiasme qu'il suscite.
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Quand Guillaume plaque son corps à la paroi, la pierre est glacée. Il reste un moment sans bouger pour que les deux natures qui les composent, la minérale et l'animale, s'éprouvent l'une l'autre. Puis il se colle à elle, l'épouse comme s'il était une pâte à modeler, une limace.
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Là, entre noms communs et noms propres, la sagesse du monde attendait qu'on la consulte. François le faisait avec obstination. Le -Petit Larousse- à plat sur la table, à côté de son chapeau, il se penchait sur les pages, les mains jointes sous le menton. Il consultait l'oracle. Il laissait courir l'oeil dans la colonne de gauche comme dans un paquet de bonbons on choisit le plus à son goût et se posait sur la langue une locution latine. (p.75-76)
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-Tu n'es plus un enfant ! Je te fais peur ?
- Non, mais j'ai du mal à parler. J'ai perdu l'habitude à force d'être seul. Moi aussi je travaille la pierre.
-La pierre rend solitaire, camarade, même en compagnie. Voilà pourquoi je chante. (p.49)
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Il marche lentement sur le chemin qui conduit chez lui, attendant que la route familière dont il connaît chaque arbre, chaque buisson, chaque pierre, le réintègre dans son être. Que ce soir est calme. Pas un souffle d'air. Il déteste le vent, le plus faible suffit à le troubler. Le ciel est tranquille. Le soleil a disparu ne laissant qu'une lueur qui s'attarde où se découpent les silhouettes sombres des grands chênes qui bordent les champs. Sa frayeur s'éloigne. Le pelage des vaches blanches est encore visible sur le noir des près. Elles sont immobiles, figées par l'ombre. La solitude est de bonne compagnie, il ralentit son pas, retarde le plus possible le moment où il va devoir pousser la porte de la cuisine familiale, affronter la lumière violente de l'ampoule qui éclaire la table, voir l'assiette qui l'attend, sa fourchette et son verre et ses parents qui le regardent en attendant de se servir la soupe qui fume dans la casserole en inox posée au centre de la toile cirée. Il voudrait ne jamais arriver.
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Quand la fumée des Gauloises ne suffit pas à soulager le dégoût qu’elle a d’elle-même, à renouer avec sa grandeur méconnaissable sous ses oripeaux, elle s’accorde un peu de vin. Assez peu. Son organisme le tolère mal et l’entraîne vite dans un trouble mélancolique, sans qu’elle puisse le prévoir, et qu’elle doit corriger à l’aide d’autres verres jusqu’à tomber dans un sommeil pâteux.
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- Nous serions plus tranquilles ici, dit-il. Alexandrine a beau être sourde, sa présence m’aurait gêné.
- Je ne la vois plus. Elle dort du matin au soir dans son fauteuil. Elle a du mal à monter dans sa chambre. Je vais être obligée de mettre un lit près de la cuisinière. Elle va mourir où elle a passé sa vie.
- Je me souviens des petits plats qu’elle confectionnait uniquement pour nous : ses œufs au lait, ses sablés.
Cette évocation les laisse rêveurs.
- Tu pourrais la mettre dans une maison de retraite, reprend-il.
Madame se révolte :
- Tu n’y penses pas ! L’arracher au château… elle n’a rien connu d’autre, ni mari, ni enfant, à part nous qui étions les siens plus que ceux de nos parents. Je préfèrerais la tuer.
Il sait que ce ne sont pas des mots en l’air, qu’elle pourrait lui envoyer une décharge de chevrotine dans le cœur plutôt que de la confier à des aides-soignantes indifférentes dans un hospice de vieillards.
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« La nuit est profonde. Cette semaine la lune n'apparaît pas mais il connaît le chemin et il voit luire, là-bas, entre les ramures des taillis, la faible lumière d'une pièce éclairée. C'est une heure où le petit animal humain qu'il est découvre la liberté ; c'est la jeunesse qui arrive, qui ouvre sa conscience, qui lui permet d'aller à l'encontre de ce que l'on veut lui imposer, qui fait naître en lui le courage de dire non. La route est noire et invisible au début mais s'éclaire peu à peu au progrès de ses yeux. Il est un chat, un renard, un hibou, une bête nocturne capable de voir dans l'obscurité et les branches qui lui griffent le visage quand il s'écarte du chemin sont là pour le guider, le remettre sur la voie.
La petite lumière grandit. Il est maintenant dans la cour. Il avance à pas rapide. À pas d'homme. Mais devant la porte-fenêtre de la cuisine, celle où brillait la clarté d'une faible ampoule, il hésite un instant et, avant de frapper au carreau, il met ses mains en oeillères autour de ses yeux pour voir à l'intérieur de la pièce. Madame est là. Elle fait sa toilette. »
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Epigraphe
Oui, on a beau dire, il est difficile de tout quitter. Les yeux usés d'offenses s'attardent vils sur tout ce qu'ils ont si longuement prié, dans la dernière, la vraie prière enfin, celle qui ne sollicite rien.
Samuel Beckett, Malone meurt
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Dès sa jeunesse François s'était senti attiré par la pierre et parce que là chacun savait faire le maçon, il avait appris de son père, qui le tenait du sien, la manière de l'extraire, de la tailler, d'en construire des murs. Il maîtrisa très jeune la technique de la taille et lui vint naturellement le goût du superflu , de l'exploit, de la provocation qui trouva sur son rêve de Paradis matière où se fixer. (p.17-18)
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Il fallait pourtant que le désespoir s’exprime alors qu'on venait de les priver des efforts qui les avaient tenus en vie en s'échinant sur ses terres maigres qu'ils avaient cru leur appartenir mais qui n'avaient jamais été à personne.
(...)
Ils avaient cru se les approprier alors qu'elles étaient passées de main en main avec une belle indifférence. Qu'elles avaient vu avec la même indifférence disparaître les bêtes qui leur broutaient le dos depuis le rhinocéros laineux jusqu'à la charolaise.
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Madame n’a qu’une robe. Plutôt un seul modèle de robe car, avec le peu de soin qu’elle en prend, un seul vêtement tomberait vite en lambeaux. Elle les fait faire sur mesure chez une couturière à façon qui habite à quelques kilomètres et dont elle est l’unique cliente. La robe est longue, elle tombe jusqu’aux pieds, elle est toujours noire et porte, sur chaque cuisse, deux poches plaquées assez vastes pour y loger des fruits, des légumes, du petit bois pour allumer le feu, qu’elle glane au passage. Le haut est ajusté sur sa poitrine plate avec deux autres poches au niveau des seins qui achèvent de dissimuler leur faible renflement. Dans l’une elle met son paquet de Gauloises et un briquet, toujours bleu et jetable. Dans l’autre, un petit carnet de moleskine avec un œilleton où se glisse un crayon noir. Elle a aussi un couteau. Un laguiole à manche d’ivoire qui se ferme dans un claquement sec, qu’elle glisse dans une gaine cousue au niveau de la taille, comme le pommeau d’une épée. Une concession à une vague coquetterie serait peut-être le col Claudine qui enserre autour de son cou les membranes de deux fanons tremblants.
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François, le col ouvert, souriait obstinément. Il se sentait léger, il avait gagné et avança d'un ton badin:
-C'est du latin...La langue du bon Dieu. Personne ne sait ce que ça veut dire mais ça me fait réfléchir et moi ça m'aide à être moins fâché avec le monde. (p.89)
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On ne se méfie pas assez des écrivains. Ils font croire à ceux qui ne le peuvent pas qu’ils pourraient être les personnages d’exception qu’ils mettent en scène.
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Cette évocation, dans la candeur passéiste de l'école de Brive, flattait l'imaginaire en faisant fi de l'inconfort, des duretés sournoises et du terrible écho de soi-même pour celui qui vit seul. Cette vie demandait probablement un esprit frustre, sans souci de culture, et s'adressait à un personnage que la guerre avait si malmené dans sa chair que cette rudesse lui paraissait douce parce qu'elle était le fruit d'un ordre naturel du monde.
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Quand aux bottes, bien que basses, elles avaient sur ses longues jambes un potentiel de cuissardes.
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