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Critiques de Jean Racine (765)
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Alexandre le Grand

Thème du mois de janvier 2022 de notre club de lecture : "un livre avec un prénom ou un nom dans le titre". Anniversaire oblige, j'avais Molière en tête (Don Juan !) et puis en me baladant dans la rubrique théâtre, j'ai découvert que Racine avait écrit une tragédie ayant pour sujet et titre Alexandre le Grand, l'un de mes personnages historiques préférés. Bingo !

J'ai déjà "fait connaissance" avec Racine avec l'étude de deux de ses oeuvres : @Phèdre et @Britannicus dont la puissance de la tragédie, l'expressivité de sentiments et le déchirement de dilemmes moraux, servis par une maîtrise de la langue française quasi divine, m'avaient profondément marquée et impressionnée.

Du coup, j'ai trouvé Alexandre le Grand un peu "fade". Il y a bien un dilemme pour l'héroïne, partagée entre sa fidélité fraternelle et son amour pour l'ennemi de sa famille; un dilemme pour Taxile partagé entre sauver son royaume tout en acceptant l'ennemi amant de sa soeur ou risquer de tout perdre et se révolter pour gagner le coeur de la reine qu'il aime. Mais je dirais que ces dilemmes sont bien vite tranchés avant de s'être pleinement "développés" et ça tombe un peu "à plat". Seul le personnage d'Axiane reine manipulatrice donne un peu d'ampleur à la tragédie. Porus incarne force, fidélité et constance, s'est rebellé et en est finalement récompensé en gardant son trône et en gagnant la reine qu'il convoitait. Quant à Alexandre ? Non seulement il tarde à entrer en scène, même s'il est le "noeud" du problème, mais en plus il ne fait pas grand'chose à part vaincre et dragouiller Cléofile ... Pardon Racine, mais n'aurait-il pas mieux fallu comparer Louis XIV à Porus ?

Côté écriture, les alexandrins sont magnifiques, mais parfois trouver la rime semble avoir primé sur la compréhension immédiate du message, avec toues ces inversions compléments-verbes-sujets ...

j'ai tenté l'exercice de la lecture à haute voix : au bout de 10 vers on perd son souffle mais aussi un peu la conscience de ce qu'on raconte, pour se concentrer sur la forme : heureusement que je ne jouais pas pour l'auteur au XVII°s. Reste que la langue est très riche, avec un vocabulaire parfaitement choisi : plaisir !

Je suis quand même allée rafraîchir mes connaissances sur l'épisode de l'Hydaspe et de la guerre contre Porus.

Bref : un bilan en mi-teinte, sans regret de l'avoir lu (pas perdu mon temps) mais pas une révélation non plus.
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Alexandre le Grand

Cette pièce de Racine n'est pas très connue, et je trouve que c'est à juste raison.

Elle m'a semblé confuse et sans grand intérêt (en tout cas, tellement en dessous de certaines autres).

J'ai peut-être aussi été un peu déconcertée par le fait qu'elle se passait en Inde, ce qui est assez inhabituel dans la tragédie classique.
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Alexandre le Grand

Ce n'est pas le meilleur Racine, sa première pièce La thébaïde est bien meilleure. Quelle soit méconnue n'est guère étonnant. Mais clémence, les génies n'ont pas que des chefs-d'oeuvres dans leurs besaces.
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Alexandre le Grand

Alex, ou la Diva.

3 Actes et demi.

Il faut 3 Actes et demi avant qu'Alex daigne monter sur scène. Alors oui, c'est un effet théâtral que de construire un personnage par rapport à ce qu'en disent les autres mais un peu de mesure tout de même !

A part ça, Axiane est le personnage le plus à baffer. Elle navigue entre deux hommes et les fait courir bien comme il faut. Ces deux rois ont naturellement des caractères biens différents: Taxile, celui qui ne voit pas trop de problème de se soumettre à Alex d'autant plus que sa sœur et Alex se trouvent à leur goût et Porus, le roi qui ne veut pas comprendre qu'il se fera éclater par Alex surtout lorsque Axiane lui fait les yeux doux.

Vers favoris:

"Voulez-vous pour témoins de vos faits éclatants

Des pays inconnus même à leurs habitants ?"

Oui, j'aime la demi-mesure.
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Alexandre le Grand

Alexandre le Grand n'est pas vraiment la plus grande pièce de Racine. Loin des grandes tragédies ambitieuses, cette pièce est en effet une "tragédie galante", autrement dit une pièce mettant en scène de tendres amants dévoués à leurs maîtresses. Voilà un sujet qui n'est pas bien tragique. Et pourtant... Et pourtant... Là, l'histoire est d'un grand potentiel tragique : une guerre, deux partis pris différents, de l'héroïsme, des déchirements... Mais tout cela est annihilé. Les personnages pourraient pourtant être intéressants. Porus pourrait être un Mithridate. Alexandre pourrait être plus terrible... Mais non, mais non, il n'en est rien. Il y a bien quelques passages intéressants, et les vers, s'ils n'ont pas la puissance d'émotion qu'ils auront plus tard, ont cependant un quelque chose, un je ne sais quoi, qui n'est pas déplaisant.
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Alexandre le Grand

Malgré le manque de succès de sa première pièce, La Thébaïde, Racine va persister à écrire pour le théâtre. Pendant quelques années ce sera même presque la seule activité d’écriture à laquelle il va se consacrer.



Pour La Thébaïde, Racine avait choisi un sujet noble et tragique à souhait, dans la veine des sujets de Corneille. Sans doute, il a dû se rendre compte que ce n’était pas ce qui lui convenait le mieux. Par ailleurs, même si Corneille est toujours considéré comme le plus grand auteur de tragédies, le goût du moment entraîne plutôt le public vers ce qu’on a appelé la tragédie romanesque et galante, un peu héritière de la tragi-comédie, invraisemblable et peu fondée historiquement, et surtout qui accorde la première place à l’amour, qui en est quasiment le seul enjeu. La mode en avait été lancée par Thomas Corneille, le jeune frère de Pierre Corneille, avec Timocrate, un immense succès, peut-être le plus grand du siècle. D’autres ont suivi, en particulier Philippe Quinault, dont l’Astrate triomphe au moment où Racine écrit sa deuxième pièce. Il va donc aller dans le sens des attentes du public.



Par ailleurs, Racine, inscrit sur la liste des pensions royales, se doit de glorifier Louis XIV. Il va donc choisir un sujet qui lui permettra de faire coup double : essayer de séduire le public des théâtres, et remplir ses obligations, voire se faire remarquer par le souverain. D’où le choix d’Alexandre le Grand comme personnage titre de sa pièce. En effet, à cette époque, le roi de France était surnommé « le nouvel Alexandre », sa mythification passait par l’assimilation au souverain le plus prestigieux de l’antiquité. Alexandre est à la mode, puisque le célébrer revient à célébrer Louis XIV. Par exemple le peintre Le Brun se lance dans une série de plusieurs tableaux, représentant les épisodes les plus fameux de la vie du roi de Macédoine. Il faut avoir présent à l’esprit cet élément en lisant la pièce : cela permet de comprendre tous les compliments et tirades outrées à la gloire d’Alexandre, qui s’adressent en réalité à Louis XIV. Aujourd’hui cela semble presque ridicule dans l’exagération, et alourdit la pièce, qui en devient par moment indigeste, mais à l’époque, cela semblait tout à fait naturel, et était très applaudi.



Même si Racine va suivre la mode de la tragédie romanesque et galante pour assurer le succès de sa pièce, il sait que s’il se contente de cela, il n’accédera pas au statut de grand auteur, auquel il semble aspirer depuis le début. Quinault, malgré ses succès, était jugé avec condescendance par les spécialistes. Et la postérité leur a donné raison : si on s’en souvient aujourd’hui, et s’il est encore joué, c’est comme librettiste de Lully. Ses pièces sans musique, sont bien oubliées. Racine va donc s’appliquer à partir d’une base historique avérée : l’historien Quinte-Curce, qui évoque les combats d’Alexandre contre Porus, un roi indien, qui aurait été son adversaire le plus redoutable. Il y trouve même la mention d’une reine avec qui Alexandre aurait eu une histoire d’amour. Et le pardon qu’Alexandre aurait accordé à son adversaire malheureux, le remet dans les pas du Cinna (ou La clémence d’Auguste) de Corneille, pièce emblématique de par son succès publique et critique. La clémence étant considérée à l’époque comme la plus grande vertus chez les rois, cela lui permet une glorification sans mélange d’Alexandre et de Louis XIV. Racine se propose en quelque sorte de cocher toutes les cases permettant d’assurer le succès à la pièce.



Au premier acte, la situation est exposée. Alexandre s’approche menaçant les rois indiens. Cléofile, la sœur de l’un d’entre eux, Taxile, a éveillé l’amour d’Alexandre, et il vient en grande partie pour la retrouver. Cléofile, qui partage les sentiments du roi grec, tente donc de convaincre son frère de ne pas le combattre. Mais Taxile est amoureux de d’Axiane, qui pour sa part pousse au combat, et il a un rival, Porus, qui ne demande qu’à se battre. Cléofile, pour détourner son frère des batailles, instille le doute dans son esprit : Axiane lui préfère Porus, et se battre contre Alexandre revient à donner Axiane à Porus. Dans le deuxième acte, Ephestion, envoyé d’Alexandre, parle à Cléofile d’amour de la part de son maître, puis s’entretient avec les rois. Porus rejette toute conciliation, Taxile quad à lui ne souhaite pas s’engager dans le combat. Compte tenu de son attitude, Axiane en vient presque à avouer son amour à Porus, qu’elle encourage à aller jusqu’au bout. Dans le troisième acte, Taxile retient Axiane prisonnière. Malgré cela, et la mort annoncée de Porus dans la bataille, elle le rejette. Cléofile quand à elle, est trop heureuse de recevoir l’amour d’Alexandre, mais elle le presse de défendre les intérêts de son frère. Au quatrième acte, l’intersession d’Alexandre n’y change rien, Axiane ne veut toujours pas de Taxile qui se désespère. Mais, coup de théâtre, Porus n’est pas mort. Taxile se précipite au combat pour l’achever. Au cinquième acte, Alexandre qui a fait capturer Porus veut bien le laisser vivre si Axiane consent à épouser Taxile. Mais nouveau coup de théâtre, Porus a tué Taxile dans un dernier sursaut. Malgré tout, Alexandre lui pardonne, lui rend son royaume et Axiane. Cléofile se résigne, puisqu’elle a l’amour d’Alexandre…



La pièce est créée le 4 décembre 1665 par la troupe de Molière. Dès le début, c’est un immense succès. Elle est jouée devant le roi le 14 décembre. Mais par une autre troupe, la plus prestigieuse d’entre toutes, celle de l’Hôtel de Bourgogne. Qui va la reprendre dans la foulée dans sa salle. Ce qui à l’époque était inconcevable : la troupe qui a créée une pièce, en avait l’exclusivité, tout au moins jusqu’à la publication. Cela va provoquer une brouille définitive entre Racine et Molière, qui est placé dans une situation matérielle difficile, le public délaissant son théâtre. Cet épisode illustre (sans rentrer dans trop de détails) le débat qu’il y avait à l’époque sur la déclamation, la façon de jouer les tragédies. Les « stars » de l’hôtel de Bourgogne pratiquaient une déclamation très ostentatoire, véhémente, qui à la limite faisait fi du sens du texte, pour se concentrer sur la forme, la plus spectaculaire possible. Molière (et pas que lui) a tenté de promouvoir une déclamation « plus naturelle » et accordant plus d’importance au sens du texte. Il a d’ailleurs raillé la déclamation des acteurs de l’hôtel de Bourgogne dans L’impromptu de Versailles. Mais le public préfère ces derniers, ils sont jugés supérieurs dans la tragédie.



En tous les cas, Alexandre le Grand sera un immense succès, et sera régulièrement reprise. Ce sera une des pièces les plus fameuses de Racine pendant le XVIIe siècle. Même si un certain nombre de spécialistes lui trouvent beaucoup de défauts. Mais Racine se défendra (ce qui n’était pas d’usage à l’époque) avec brio, agressivité (voire méchanceté) et une certaine mauvaise foi. Son argument le plus fort, celui auquel ses adversaires ne peuvent répliquer étant le fait que Louis XIV apprécie la pièce. La meilleure preuve en est que Racine a été autorisé à la lui dédier, ce qui est une grande marque de faveur.



Mais ses détracteurs avaient incontestablement raison, et la pièce est tombée maintenant dans l’oubli. Et cela même si Racine trouve incontestablement dans les vers amoureux une source d’inspiration qui lui permet de réussir de beaux passages. Mais la construction de la pièce est vraiment trop bancale. Il a voulu rassembler des éléments trop disparates, sans réelle cohérence. Alexandre ne fait rien d’autre que de tenir des propos galants à sa belle, ce qui pour le plus grand conquérant de l’histoire est un peu court. On a reproché d’ailleurs à Racine d’avoir fait Porus plus grand qu’Alexandre dans sa pièce. Il n’y a aucun élément de suspens dans la bataille, Alexandre ne semble même pas y participer, les seuls récits qui en parviennent concernent le grand courage et la résistance héroïque de Porus. La clémence d’Alexandre à la fin de la pièce arrive sans avoir été préparée, sans aucune justification, de façon automatique. Il n’y a aucun suspens dans l’amour d’Alexandre et Cléofile, aucun enjeu. L’intrigue amoureuse Axiane/ Porus / Taxile s’insère très mal dans l’ensemble. Sans oublier les passages nombreux et pas très subtiles de glorification d’Alexandre / Louis XIV qui semblent bien longs au lecteur d’aujourd’hui.



Mais la pièce a permis à Racine d’être reconnu, attendu. La prochaine étape sera Andromaque, qui lui permettra de trouver sa propre voie dans la tragédie, d’associer la passion amoureuse avec un enjeu dramatique d’une façon parfaitement réussie.
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Alexandre le Grand

Je vais faire très court.



Je n'avais jamais lu Racine. Le podcast écouté en amont de la lecture m'a refroidi dès lors qu'on a évoqué la galanterie dans la tragédie mais il ne faut jamais rester sur un à priori.



Il semble que la pièce Andromaque soit plus qualitative toutefois, j'ai bien du mal à me projeter car je n'ai pas détesté ma lecture... non c'est juste que la rencontre ne s'est pas faite. Peut être aussi que le timing n'était pas le bon.



J'ai trouvé de la mollesse dans le texte même si j'ai aimé plusieurs formules (dirons nous).



Un auteur classique à retenter pour moi.
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Alexandre le Grand

Après la trilogie Alexandre de Valerio Manfredi, quoi de plus naturel que d’enchaîner avec la pièce de Racine ?



Évidemment, avec les conditions de temps et de lieu imposées au théâtre classique, impossible pour Jean Racine de passer en revue l’ensemble de la carrière du conquérant. L’auteur se concentre sur l’affrontement d’Alexandre et des princes Indiens au bord du fleuve Hydaspe. Il s’inspire des antiques, surtout Quinte-Curce, mais ne suit pas leur Histoire à la lettre et se permet quelques inventions afin de renforcer la romance.

Alexandre débarque donc au bord de l’Hydaspe et, comme d’habitude, veut imposer sa domination. Le raja Taxile est hésitant. Il est prêt à accepter la suprématie d’Alexandre pour préserver la paix. Le raja Porus ne fait aucune concession ; c’est son honneur et sa gloire de s’opposer au Macédonien, de vaincre ou de mourir, peu importe à la limite.



C’est là que la romance s’impose. Axiane – personnage inventé – est la reine d’un autre royaume d’Inde que les deux rajas convoitent. Et il est clair que la belle tend plus du côté de Porus d’un point de vue politique (et amoureux, mais chut). Elle cherche à faire basculer Taxile dans son camp. Cependant elle ne l’admire pas ; porter la guerre impressionne plus que rechercher la paix dans le cœur de cette femme.

Là où ça se complique, c’est que Taxile est lui-même déchiré entre Axiane qu’il adore et sa propre sœur Cléofile qui ressent une attirance partagée pour Alexandre (elle aurait effectivement été sa maitresse) et cherche à le faire basculer dans l’autre camp.



Bref, amour et politique sont profondément intriqués. La pièce donne la part la plus importante à Porus, au point que l’on pourrait se demander pourquoi Racine l’a appelée Alexandre le Grand. Deux raisons possibles à cela : les conflits entre troupes de théâtre parisiennes – les « autres » opposant un Porus à cet Alexandre – et le fait qu’il s’agit avant tout d’amadouer Louis XIV qui se reconnaîtra plus dans le conquérant que dans le vaincu.



Porus m’a fait penser au Cinna de Corneille. La même opposition au tyran, et la même clémence dudit tyran envers un adversaire valeureux. Mais les amours dominent et guident la politique chez Racine. Un peu trop à mon goût – je suis plus Cornélien. La biographie d’Alexandre fourmille de situations qui auraient pu faire de grandes tragédies. Si l’on reste au bord de l’Hysdaspe, imaginer un Taxile qui aurait pris les armes contre Alexandre, déchirant ainsi Cléofile entre son amour et son frère, aurait pu tailler des croupières à Horace de Corneille. Développer l’opposition entre Alexandre et les Macédoniens fatigués refusant de le suivre plus avant avait aussi un énorme potentiel tragique.

Ce n’est pas cela qu’on lit. C’est bien fait ceci dit. Racine est très fort dans son genre de prédilection. Mais je n’ai été que moyennement satisfait.



Jugement très subjectif, j’en conviens.

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Alexandre le Grand

Racine – "Alexandre le Grand" – FB éditions, 2015 (ISBN 978-1515020660)



Une pièce bancale, plutôt mal construite, à l’intrigue bien faible, à tel point qu’elle n’est quasiment jamais éditée séparément, et n’est lisible que dans les éditions regroupant soit le «théâtre complet» soit les «œuvres complètes» de Racine… Est-elle encore jouée ?

Pas grand-chose à tirer du contenu politique de la pièce.



Sur le plan formel en revanche, on y voit poindre quelques subtilités, quelques rythmes affermis, quelques délicatesses qui trouveront par la suite toute leur place dans les pièces de Racine.



Remarquons par exemple que le drame passionnel est exposé dans la scène 1 de l’acte 1 : le couple consentant - Alexandre et Cléofile -, contraste avec un autre - Porus et Axiane – dans lequel vient s’immiscer le pauvre Taxile, amant malheureux, ces sentiments ne se heurtant pas vraiment avec les devoirs des uns et des autres envers l’Etat. Cela ne fonctionne pas vraiment, mais il est probable qu’il y a là déjà une esquisse de la mécanique racinienne ultérieure.



Dans la rythmique, cette pièce développe des procédés métriques qui deviendront l’une des forces de la tragédie racinienne.

La cassure irrégulière du vers par exemple : [Vers 203-210 – tirade de Porus parlant d’Alexandre] (alternance : quartolet / octolet suivi de sextolet/sextolet)

"Combien de rois / brisés à ce funeste écueil,

"Ne règnent plus qu'autant / qu'il plaît à son orgueil ?

"Nos couronnes / d'abord devenant ses conquêtes,

"Tant que nous régnerions / flotteraient sur nos têtes,

"Et nos sceptres / en proie à ses moindres dédains,

"Dès qu'il aurait parlé / tomberaient de nos mains.

"Ne dites point / qu'il court de province en province,

"Jamais de ses liens / il ne dégage un prince

=> Rythme repris aux vers 235, 260 toujours par Porus



Apparaît aussi l’art de la sentence bien balancée en deux sextolets [vers 335-336 – Axiane à Porus] :

"Contre un fier ennemi / précipitez vos pas,

"Mais de vos alliés / ne vous séparez pas.



Deux vers pour jouer sur deux mots [vers 671-672 – Porus s’adresse à Axianne] : estime ou amour ? :

"Ce cœur qui me promet tant d'estime en ce jour

"Me pourrait bien encor promettre un peu d'amour.



Quatre vers pour une interrogation subtilement formulée [vers 879-882 – Cléofile à Alexandre]

"On attend peu d'amour d'un héros tel que vous.

"La gloire fit toujours vos transports les plus doux.

"Et peut-être, au moment que ce grand cœur soupire,

"La gloire de me vaincre est tout ce qu'il désire.



De la subtilité (regardant vers le futur) opposée à la certitude (bornée au présent) [vers 913-924 – Cléofile à Alexandre] … qui annonce d’ailleurs un autre vers fameux de «Bérénice» :

"Oui, vous y traînerez la victoire captive,

"Mais je doute, Seigneur, que l'amour vous y suive ;

"Tant d'États, tant de mers qui vont nous désunir,

"M'effaceront bientôt de votre souvenir.

"Quand l'Océan troublé vous verra sur son onde,

"Achever quelque jour la conquête du monde ;

"Quand vous verrez les rois tomber à vos genoux,

"Et la terre en tremblant se taire devant vous,

"Songerez-vous, Seigneur, qu'une jeune princesse,

"Au fond de ses États vous regrette sans cesse,

"Et rappelle en son cœur les moments bienheureux

"Où ce grand conquérant l'assurait de ses feux ?



Une lecture qui éclaire la suite... qui sera éclatante puisque Racine enchaînera avec "Andromaque".
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Alexandre le Grand

Je n’avais jamais entendu parler de cette pièce avant de découvrir son existence dans ce 1er tome des oeuvres complètes de Racine. Après l’avoir lue, je comprends qu’elle soit moins connue que d’autres pièces de l’auteur.



Le propos m’a semblé un peu confus par moments et la fin en contradiction avec ce qui nous est raconté tout au long de la pièce. L’action est partagée entre les histoires de coeur des personnages et la menace omniprésente de la guerre, mais je n’ai pas trouvé de ligne directrice claire à laquelle me raccrocher. Mon intérêt a faibli assez rapidement, je dois l’avouer.



D’autre part, la plume ne m’a pas transportée. On est ici dans un texte en alexandrins rimés. Dans la précédente pièce de Racine que j’ai lue, ça n’enlevait rien à la fluidité des répliques, ni à la musicalité des mots. Ici c’était juste lourd. J’ai trouvé les vers peu inspirés, à l’exception de quelques rimes intéressantes.



Globalement, je me suis plutôt ennuyée, bien que la pièce soit relativement brève. Est-ce un problème de timing? Je n’ai pas l’impression, mais si vous avez lu ce texte, dites-moi ce que vous en avez pensé, peut-être que quelque chose m’a échappé.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Alexandre le Grand

Voilà une "petite" tragédie de Racine dont on peut s'étonner qu'elle précède juste Andromaque tant le saut qualitatif entre les deux est important, surtout au niveau de l'intrigue, des personnages et de la dramaturgie.

En ce qui concerne la versification, l'art de Racine est déjà bien en place mais, si la technique est présente, l'émotion manque. Les personnages masculins sont particulièrement pâlichons et Cléofile hésite entre un rôle de femme dominante et un rôle d'amoureuse classique, sans que ce soit un jeu de nuances de la part de l'auteur. Axiane s'en tire un peu mieux avec une vraie grandeur mais un manque de tragique à la fin de la pièce.

L'intrigue, qui tourne autour des amours d'Alexandre et Cléofile d'une part, et d'Axiane et Porus (avec Taxile comme prétendant) d'autre part est plate et convenue. J'ai ressenti beaucoup d'anachronisme et d'anatopisme, peut-être voulus pour aider Louis XIV à s'identifier avec Alexandre ...

Ma critique est facile mais les vers sont tout de même de Jean Racine !
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Alexandre le Grand

Dans sa deuxième pièce, Racine n'est pas encore parvenu au sommet de son talent. La construction est bancale, certains personnages sont peu approfondis - Taxile est un lâche prêt à toutes les humiliations. Et surtout, c'est une pièce dédiée au Roi, jouant sur le parallèle louangeur Alexandre/Louis XIV, ce qui donne lieu à des tirades de vers louangeurs et hyperboliques assez lourds pour un lecteur d'aujourd'hui. Dans la préface, Racine tente de se justifier face aux critiques. Mais il ne répond pas vraiment à un des principaux reproches : Porus est bien plus intéressant qu'Alexandre, qui n'est là que pour plaire à sa maîtresse et geindre auprès d'elle. Au contraire, Porus est noble, honorable et courageux. Auxiane est un grand rôle, tenant tête à Alexandre, une reine qui est une femme qui garde ses serments.
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Alexandre le Grand

Alexandre le Grand, tragédie en cinq actes, fut représentée à Paris à partir du 4 décembre 1665 par la troupe de Molière au Palais-Royal, puis concurremment au bout de deux semaines par le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, plus réputé pour le tragique (trahison que Molière ne pardonna jamais à Racine). Après le demi-échec de La Thébaïde, tragédie de la fatalité, Racine s’est tourné vers le genre de la tragédie romanesque et galante qui triomphait alors : monde sans épaisseur, caractères sans profondeur, avec un Alexandre parfait amant, un Porus à la fois amoureux et héros au langage fleuri de préciosité. La tragédie plut : l’amour y était traité avec grâce ; et Racine était lancé.







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Alexandre le Grand

L'amour promis par Axiane a quelque chose d'un marché perdu d'avance. Si les rois se battent, ils vont à une mort certaine. Ils pourront obtenir l'amour d'Axiane mais seulement dans la mort. S'ils refusent de combattre, ils vivent mais perdent toute chance avec elle. Néanmoins, Porus peut gagner l'honneur et l'amour dans la mort tandis que Taxile peut gagner la vie de ses hommes et l'intégrité de son royaume. Racine favorise cependant celui qui choisit l'honneur et l'amour et par un retournement de situation, sauve celui qui était perdu et condamne celui qui s'est montré lâche. C'est l'amour qui est le plus méritant. On est loin d'une certaine intelligence politique ou raison d’État qui aurait pu l'emporter sur le reste, peut-être comme aurait pu le faire Corneille. Mais ce renversement pose problème car Taxile n'est pas un personnage qui suscite l'empathie. On aurait pu le rendre plus riche en développant les raisons de son choix (son amour pour son peuple…).

D'autre part, les personnages ne cessent de reprocher à Alexandre ses ambitions démesurées et sa soif de conquête et de gloire. Même si l'on est plus fort, quel besoin y a-t-il de conquérir les pays voisins ? Ce reproche pourrait s'adresser à la politique conquérante d'un pays comme la France. Sa soif de conquête, de gloire, de destruction, est freinée par la belle résistance de Poros et Axiane.

Il y a quelque chose d'assez naïf que ce soit dans l'amour qui guide ces personnages – aussi fou soit-il – ainsi que dans l'esprit politique de ces rois qui ne sont en fait que des adolescents animés uniquement d'amour, d'envie de gloire et de peur. Les dialogues amoureux de Cléofile et Alexandre sont d'ailleurs sans intérêt alors qu'on aurait pu également rehausser l'intérêt du personnage de Cléofile.

En revanche, les descriptions de combat racontées, les bravades de Axiane et Porus, la magnanimité d'Alexandre qui d'une décision transforme deux ennemis acharnés en amis, a quelque chose de celle du Cinna cornélien. Mais cela colle mal au personnage d'Alexandre, mal défini, incohérent, décrit comme orgueilleux, capable autant d'être touché de la détresse d'Axiane que de lui proposer des marchés horribles à Axiane (sauver Porus en acceptant de se marier avec Taxile). Selon la logique, il devrait perdre l'amour de Cléofile pour avoir laisser mourir son frère mais il ne semble même pas en être question.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Andromaque

Une histoire intéressante et enrichissante mais qui ne m'a pas conquise pour autant.



L'histoire se résumé en une phrase : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime son défunt époux !

Voilà, un vrai emmêlement de pinceaux mais fort heureusement on s'y retrouve assez vite.

J'ai beaucoup aimé le dénouement final qui a une bonne moral.



En bref, c'est un bon classique mais loin d'être le meilleur pour ma part.
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Andromaque

C'est un plaisir que de relire des pièces de théâtre, encore mieux des tragédies grecques. Je crois que je n'en avais pas lues depuis bien 15 ans :S Merci donc aux baby challenge qui m'ont rappelé que je les aime beaucoup.

La pièce de Racine est un délice. L'écriture est rythmée par les alexandrins : on lit, on écoute, on aime !

Les personnages sont très humains : indécis, faibles ou pris de remords ...
Lien : http://lefso.blogspot.com/20..
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Andromaque

Participant d’un club de lecture aux choix très éclectiques, il m’a fallu rentrer dans cette tragédie grecque très éloignée de mes tendances littéraires.



L’action se situe juste après la guerre de Troie, qui avait été déclarée par les Grecs aux Troyens qui avaient enlevé Hélène, une reine grecque.

Achille, le héros des grecs a tué Hector le mari de Andromaque, et Pyrrhus le fils d’Hector l’a faite prisonnière avec son fils (Astyanax).

Il se trouve que Pyrrhus tombe amoureux de sa captive alors qu’il devait se marier avec Hermione la fille d’Hélène, qui pendant le même temps était convoitée par son cousin Oreste.

Racine va nous entrainer dans un récit en alexandrins, où les passions tristes des uns et des autres, jalousie, colère , haine, orgueil, imprègnent le texte de façon magnifique, les métaphores sont dignes d’un Shakespeare aux tournures françaises.

Andromaque, personnage secondaire mais héroïne de la tragédie tient les rênes de l’intrigue, c’est par sa seule décision d’épouser ou non Pyrrhus que se jouent les destins de Oreste et de Hermione qui sont de fait les acteurs principaux de la tragédie.

Oreste est fou d’amour pour Hermione, il a tout fait pour l’oublier y compris la haine .

« Je sentis que ma haine allait finir son cours,

Ou plutôt je sentis que je l’aimais toujours . »



Hermione est envoutée par Pyrrhus

« Et sans armer mes yeux d’un moment de rigueur,

Je n’ai pour lui parler consulté que mon cœur. »



Dans un premier temps Pyrrhus impuissant à obtenir l’amour d’Andromaque, accepte d’épouser Hermione sans aucune passion.



« Faisons ce que j’ai promis »



Oreste s’imagine qu’il est à l’origine de cette décision



« Non, non, je le connais, mon désespoir le flatte ;

Sans moi, sans mon amour, il dédaignait l’ingrate. »

Puis d’adressant à Hermione

« Eh bien ? mes soins vous ont rendu votre conquête.

J’ai vu Pyrrhus, Madame, et votre hymen s’apprête. »



Puis Pyrrhus change d’avis et va épouser Andromaque qui cède en apparence.

« Combien je vais sur moi faire éclater de haines .

Je renvoie Hermione, et je mets sur son front,

Au lieu de ma couronne, un éternel affront.

Je vous conduis au temple où son hymen s’apprête.

Je vous ceins du bandeau préparé pour sa tête. »



Hermione jalouse, bafouée et humiliée demande à Oreste qu’il tue Pyrrhus, mais qu’il meurt de sa vengeance et non par raison d’état. Sa confidente, Cléone est le réceptacle de ses sentiments .

« Va le trouver : dis-lui qu’il apprenne à l’ingrat

Qu’on l’immole à ma haine, et non à l’état. »



Hermione se retrouve devant Pyrrhus qui justifie son revirement.

« Donnez-moi tous les noms destinés aux parjures :

Je crains votre silence, et non pas vos injures. »

Hermione

« Et même en ce moment, où ta bouche cruelle

Vient tranquillement m’annoncer le trépas,

Ingrat, je doute encore si je ne t’aime pas. »



Dans le dernier acte, Hermione vacille, elle sait que Pyrrhus va mourir,

« Je tremble au seul penser du coup qui le menace ?

Et prête à me venger, je lui fais déjà grâce ? »

Oreste revient voir Hermione lui raconter la mort de Pyrrhus assassiné par les grecs. Mais elle le tourne en bourrique ;

« Ah ! fallait-il croire en une amante insensée ?

Ne devais-tu pas lire au fond de mes pensées ?

Et ne voyais-tu pas dans mes emportements

Que mon cœur démentait ma bouche à tous moments ? »



Oreste désemparé se parle à lui-même,

« Pour qui coule le sang que je viens de répandre ?



Hermione se suicide sur le corps de Pyrrhus.

Oreste devient fou et prononce cette allitération célèbre ;

« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? »



La grande gagnante est Andromaque qui devient reine, garde son fils et reste fidèle à la mémoire d’Hector.

Cette pièce est un régal à lire et à relire pour ne pas passer à côté d’un alexandrin lumineux par sa forme et par le fond qu’il propose.





















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Andromaque



Andromaque, veuve d’Hector, héros de la guerre de Troie, est échue en butin avec son fils Astyanax à Pyrrhus, fils d’Achille et roi d’Épire. Celui-ci en tombe amoureux, tandis qu’Andromaque ne pense qu’à son époux et à sa mort ignominieuse, son cadavre ayant été trainé autour des murs de Troie.

C’est déjà un drame. Mais en outre Pyrrhus a accepté il y a longtemps le mariage projeté par leurs pères respectifs entre Hermione, fille de Ménelas et d’Hélène, et lui. Hermione est arrivée à sa cour et voit d’un œil irrité son intérêt pour Andromaque qu’elle juge être une coquette.

Comme si cela ne suffisait pas, Oreste, fils d’Agamennon, vient en ambassade pour réclamer au nom de tous les Grecs la vie d’Astyanax, qui pourrait vouloir plus tard venger son père. Oreste est amoureux de longue date d’Hermione.

Pyrrhus balance entre les soupirs et la colère envers Andromaque, choisit de laisser tuer son fils et d’épouser Hermione pour revenir à Andromaque qu’il veut couronner.

Hermione se sert d’Oreste qui projette de l’enlever avec l’aide de son ami Pylade, puis cède aux instances de la jeune femme qui lui enjoint de tuer Pyrrhus devant l’autel du mariage, avant de le lui reprocher.

Beaucoup de revirements dans cette pièce de Racine qui en son temps a soulevé bien des critiques tant pour le non-respect de quelques règles de la tragédie, comme les entrées des protagonistes, que pour leurs caractères jugés pas toujours conformes à leur ethos (la manière dont ils doivent se conduire selon leur rang, leur sexe, leur âge). Je laisse les spécialistes juger mais pour ma part, au risque de passer pour béotienne, j’avoue ne pas avoir été enthousiasmée par cette tragédie. Ce qui ne m’empêchera pas d’en lire d’autres, Phèdre attend déjà son tour.

L’édition de Garnier Flammarion contient un important dossier qui entre autre rend compte des divers jugements portés au cours du temps sur cette œuvre.

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Andromaque

Quel chef-d'oeuvre du classicisme! Avec Racine, la tragédie est à son meilleur. Dans Andromaque, il dépeint les émotions humaines de façon envoûtante. Les personnages, enchaînés à un destin tragique duquel ils ne peuvent réchapper, sont d'une présence troublante. Par sa grande maîtrise du genre dramatique, Racine a su me faire voyager dans un palais de la Grèce antique: voilà pourquoi Andromaque vaut la peine d'être lu.
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Andromaque

Cette tragédie écrite dans le respect des règles classiques les plus puristes se résume par une suite d'histoires d'amour qui ne peut aboutir au sein d'une tragédie nouvellement représentée. Pendant la guerre de troie , Hector , le mari d'Andromaque est tué par Achille. Elle l'oubli difficilement même si Pyrrhus lui déclare son amour. Ce même homme que Hermione aime alors que Oreste désespère pour elle . Une farandole amoureuse ou le sentiment amoureux n'est jamais tragiquement réciproque . une manière nouvelle de décrire les personnages et les actions d'une tragédie avec les sentiments humains qui sont les principales actions de la pièce. Une relation amoureuse qui lie les hommes et les femmes par un fil invisible et qui les pousse à révéler leur véritable nature et surtout leur existence toujours en balance avec la raison du pouvoir ou de la moralité.
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