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Citations de Jean-Yves Tadié (32)


c’est sans doute par ses liens avec l’imagination que la mémoire est la fonction la plus indispensable à notre pensée. Nous avons vu qu’il n’y avait pas de souvenir sans imagination, que tout souvenir était en partie imaginaire, mais il ne peut y avoir non plus d’imagination sans souvenir. L’imagination est le lien de la mémoire et celle-ci est le tremplin de l’imagination. Imaginer, c’est concevoir ce qui n’est pas encore, à partir de ce qui a été, de ce que nous avons perçu, de ce que nous avons vécu.
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Jean-Yves Tadié
On peut recommencer sa vie autrement, sa vie de lecteur, la même et une autre. L’éternel retour est une garantie d’immortalité.
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Jean-Yves Tadié
L'éternité, elle, est parfois juste dans les pages d'un livre.
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« Quand vous lirez ces lignes, ne doutez pas que je serai plongé dans Une Fille du Régent. » Il ajoute, quelques jours plus tard : « Je viens de passer la nuit à lire la Fille du Régent. Dans la Fille du Régent, il y a deux romans. » Proust montre alors que ces deux romans ont exactement la même structure qu’Harmenthal : « Conclusion en contradiction avec ce qu’on dit généralement mais très vraie : Dumas écrivait bien, mais manquait d’imagination. »
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Chaque siècle a besoin d’une Comédie humaine (à défaut d’une Divine Comédie). Celle du xxe siècle nous a été donnée par Marcel Proust. Sa vie a coïncidé avec la meilleure époque de la IIIe République française et avec les sources du xxe siècle, y compris la guerre et ses conséquences. Il a tout de suite compris les erreurs du traité de Versailles. Le procès d’Oscar Wilde et celui d’Eulenbourg, le massacre des Arméniens de 1895, l’affaire Dreyfus lui ont fait saisir le drame des minorités écrasées. Il a observé le remplacement d’une société de cour par une société des élites, et la permanence d’un peuple chargé d’histoire.
C’est le regard de Proust sur ce monde extérieur que nous avons voulu analyser ici. Son monde intérieur, avec sa sensibilité et ses passions, nous est bien connu. Il y a aussi dans son œuvre une sociologie, une géographie, une histoire, chacune de ces disciplines se proposant de rendre compte du monde tel qu’il a été, tel qu’il est. Le romancier aurait pu n’être qu’un essayiste, ni les lectures, ni les idées, ni les faits, ni les relations ne lui manquaient. Ses préfaces à Ruskin, ses premiers articles de journaux en témoignent.Allant beaucoup plus loin, il s’agissait pour lui de reconstituer sa vision de l’univers dans un roman. L’imaginaire rend les idées sensibles, donc difficiles à traduire, mais faciles à vivre.
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Il me semble que le monde de l'analyse où nous a plongé Proust est celui du roman depuis la parution d'"A la recherche " ;on n'échappe pas plus à son emprise qu'on n'échappe à celui des classiques .
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Quand nous choisissons des cadeaux pour la personne que nous aimons, quand nous lui faisons admirer certaines paysages ou écouter certaines œuvres musicales, c’est certes pour l’intensité de l’émotion ressentie au présent, mais aussi pour que ces faits deviennent des supports de souvenirs. Ceux-ci forgent des chaînes, unissant plus solidement un cœur à un autre cœur, une âme à une autre âme, une mémoire à une autre mémoire, que toute autre forme de lien.

De même le poète, le peintre, l’écrivain créent avant tout parce qu’ils en ressentent le besoin, mais aussi parce qu’ils souhaitent que leurs œuvres soient appréciées, admirées, reconnues et, par là, qu’ils demeurent dans les mémoires au-delà de leur époque.

Conscient de sa fragilité, de son caractère provisoire et mortel, le désir de demeurer quelque temps après sa mort, au moins dans la mémoire de ceux qu’il aime, au mieux dans la mémoire universelle, est constant chez l’être humain. Aussi, beaucoup sèment des graines dans le cœur des autres, sous forme de faits chargés d’affectivité, d’art ou d’histoire, afin que celles-ci deviennent autant de souvenirs d’eux-mêmes au-delà de la mort. Notre vraie tombe est la mémoire des vivants, nous sommes véritablement morts quand ils nous ont oubliés.

A la fin de notre vie, prisonnier d’un corps qui ne correspond plus à la jeunesse de notre âme, nous nous réfugions dans l’espace de liberté que nous offrent nos souvenirs. Cette mémoire qui nous a été indispensable pour vivre ne nous sert plus à rien à notre ultime minute de vie, au contraire elle peut être dérangeante, encombrante, source de regrets. Chacun, de temps en temps, dans sa vie, s’est dit : ce moment, j’aimerais le revivre encore une fois avant de mourir, ce paysage je souhaiterais le revoir, cette œuvre d’art la réadmirer, réentendre cette musique. Un peu comme ces enfants émerveillés qui disent : « Encore, encore une fois. » Nous espérons revivre encore une fois avant de mourir certaines sensations de notre existence, retourner une dernière fois sur les lieux où nous les avons ressenties et ainsi en éteindre un à un les souvenirs, comme les musiciens qui exécutent la symphonie Les Adieux soufflent une à une les chandelles avant de quitter la scène. Mourir libre, n’est-ce pas mourir comme Jacques Brel chantant à la fin de « À mon dernier repas » :

Dans ma pipe, je brûlerai mes souvenirs d’enfance,
Mes rêves inachevés, mes restes d’espérance
Et je ne garderai pour habiller mon âme
Que l’idée d’un rosier et qu’un prénom de femme.
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Il y a, tôt ou tard (de moins en moins tard) un consensus sur le caractère littéraire d'une œuvre – de même qu'un musée, un jour ou toujours, élimine les croûtes. Ne pas aimer Conrad, c'est encore le reconnaître comme écrivain ; ne pas aimer Gérard de Villiers, ou Guy des Cars, c'est, dans le domaine du divertissement, leur refuser le nom d'amuseur. Avec toutes les exceptions, les cas limites, les positions polémiques que l'on voudra, il y a, dans une langue donnée, une expérience de la littérature. Les meilleures réussites de la musique rock n'appartiennent pas au même monde que 'Pelléas et Mélisandre' : elles ont accompli une mission, qui n'était pas esthétique. Stevenson, au contraire, veut d'abord être écrivain. Le style, pour lui, se caractérise par la densité, la clarté, l'intelligence et la puissance de synthèse : un tissu, une toile qui entrecroise des fils différents, à la fois voluptueux et logique, élégant et plein.
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Ce livre n’est pas une histoire du roman d’aventures. Il prend le genre au moment où il se sépare du roman : comme T.S. Eliot l’a rappelé, dans son article sur Collins et Dickens, pendant des siècles on n’a pas isolé le mélodrame du roman : le besoin de mélodrame est éternel et, en Angleterre au moins, jusqu’à Dickens, les meilleurs romans étaient « palpitants ». Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, et même à partir de 1840, époque où s’établit le règne du feuilleton, une frontière est tracée entre le roman noble, réaliste ou psychologique, et le roman d’aventures, même littéraire. Ce qui nous importe, c’est l’esthétique du genre ; non pas la répétition de formules, de stéréotypes, dont une syntaxe du récit ferait finalement l’inventaire, à la suite de Propp, de Todorov, de Genette ; mais la description des thèmes et des moyens, des symboles et des formes, telle qu’elle s’incarne dans l’œuvre de quatre grands artistes : Dumas, Verne, Stevenson, Conrad ; l’aventure classique, l’aventure moderne, l’aventure poétique et l’aventure métaphysique. Nous espérons que peu à peu, de la confrontation de ces œuvres (en principe, trois romans principaux), de ces portraits individuels, un portrait général du genre s’esquissera. Sans méconnaître l’intérêt d’une description technique, qu’elles supposent ou permettent, ces pages voudraient enfermer et libérer, comme les bouteilles de plongeur, l’oxygène de l’aventure et de son roman.
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Ce genre a donc, selon les moyens littéraires de son temps, trouvé son sujet pour toujours. À celui-ci, Jankélévitch (dans L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Aubier, 1963) a consacré les plus belles pages qu’un philosophe lui ait dédiées. Il a souligné comment l’aventure était liée au futur : « Je sais que, et je ne sais pas quoi« , qu’elle suscitait attirance et répulsion : « L’homme brûle de faire ce qu’il redoute le plus » ; qu’enfin la mort en est l’enjeu implicite et indéterminé, puisqu’on ne sait où, ni quand elle se produira. Et si beaucoup de romans d’aventures passent de « l’aventure mortelle » à « l’aventure esthétique », s’ils sont racontés par le héros vainqueur (L’Île au trésor, La Maison à vapeur, des récits de Marlow chez Conrad), c’est que l’aventure n’acquiert un caractère de beauté, ou même simplement une signification, que lorsqu’elle est contemplée de l’extérieur, et (ou) après coup.
Le lecteur (la lectrice) trouve ici sa récompense et sa frustration. À vivre l’aventure, on en connaît surtout la peur, parfois l’angoisse ; le plaisir disparaît vite, ne reparaît qu’à la fin, et chez les professionnels, les « aventuriers », elle n’est qu’un métier comme un autre : l’aventurier produit de l’aventure comme le charcutier de la charcuterie. À lire l’aventure, on en connaît surtout le plaisir, et la peur n’est qu’un jeu. On subit le choc angoissant de l’événement, en sachant qu’il ne nous est pas arrivé. Mais nous arrivera-t-il ? Dans les romans d’aventures les plus sérieux et les plus beaux, dans Sous les yeux d’Occident ou Nostromo, le doute est possible, et l’identification, non plus seulement ludique, mais réelle ; ils posent des questions, et ce n’est plus pour jouer, et elles s’adressent à nous, comme au sens de la vie.
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Un roman d’aventures n’est pas seulement un roman où il y a des aventures, c’est un récit dont l’objectif premier est de raconter des aventures, et qui ne peut exister sans elles. L’aventure est l’irruption du hasard, ou du destin, dans la vie quotidienne, où elle introduit un bouleversement qui rend la mort possible, probable, présente, jusqu’au dénouement qui en triomphe – lorsqu’elle ne triomphe pas. Quelque chose arrive à quelqu’un : telle est la nature de l’événement ; raconté, il devient roman, mais de sorte que « quelqu’un » dépende de « quelque chose », et non l’inverse, qui mène au roman psychologique. La structure du roman d’aventures reprend celle du roman de son temps. Au Moyen Âge, celle de la chronique ; les événements s’enchaînent, s’additionnent librement les uns aux autres sans relation toujours nécessaire. Le roman picaresque espagnol, puis anglais, garde cette liberté qui fait attendre d’un cœur léger l’heureux dénouement. C’est au XIXe siècle que le roman d’aventures se consacre à une grande aventure. Dans L’Île au trésor, Jim Hawkins fait un voyage, et un seul ; le capitaine Mac Whirr a connu une terrible tempête, et c’est celle-là que l’on nous raconte ; une injustice, une vengeance, c’est Le Comte de Monte-Cristo et Mathias Sandorf. Cette aventure unique organise le roman d’aventures au XIXe siècle avec une rigueur inconnue jusqu’alors. Elle peut se monnayer en grands épisodes (comme dans Les Trois mousquetaires), en événements divers, en incidents, un ordre pourtant s’est imposé peu à peu, à partir de Walter Scott, au plus fantaisiste des genres.
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L'écriture du suspens, le style angoissant doivent, pour n'être pas un artifice de feuilletoniste, se rattacher à la structure de l'oeuvre.
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Avant l'intelligence, écrit Proust à Jacques Rivière, je pose l'inconscient. Mon attention, explorant mon inconscient, dit le Narrateur du "Temps retrouvé', allait chercher le livre intérieur de signes inconnus, lecture qui est un acte de création. Elle « allait chercher, heurtait, contournait, comme un plongeur qui sonde ». Ainsi le héros de la Recherche comme les héroïnes des Plaisirs et les Jours, comme Jean Santeuil, exacts contemporains des lettres à Fliess [avec qui Freud a entretenu une abondante correspondance, de 1887 à 1904], tourne-t-il son regard vers lui-même et pratique-t-il, comme leur auteur, l'auto-analyse ; « Ce que nous n'avons pas eu à déchiffrer, à éclaircir par notre effort personnel, écrit Proust, ce qui était avant nous, n'est pas à nous. Ne vient de nous-mêmes que ce que nous tirons de l’obscurité qui est en nous et que ne connaissent pas les autres. » Cette obscurité se trouve, ajoute-t-il un peu plus loin, « aux profondeurs où ce qui a existé réellement gît inconnu de nous. »
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Le récit tout entier est poétique, parce que rythme. Alors que la langue romanesque traditionnelle est progressive, non répétitive (de même que la prose évite la rime, voire l'assonance), la langue romanesque proustienne est à la fois progressive par le dévoilement lent de sa signification, et répétitive dans son rythme : elle nie la langue romanesque classique en développant en elle-même l'antinomie du langage poétique, linéarité et retour.
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Je crois vraiment que c’est ma passion des cartes et des grands explorateurs du monde entier qui m’a amené à rédiger le premier d’une longue série de romans géographiques.
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Je suis atteint d’une étrange maladie, qui remonte à une enfance où je crains d’avoir fait une considérable provision de tristesse : je coïncide avec l’histoire que je lis au point de m’y transporter, d’éprouver les sentiments des personnages, d’être gai ou triste avec eux. C’est pourquoi je souhaite que leur histoire finisse bien. Comme les producteurs américains d’autrefois, j’exige un happy end. Quand on vieillit, ce n’est pas raisonnable
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Je sais bien qu'il ne faudrait pas écrire au galop. Mais j'ai tant à dire. Ça se presse comme des flots.

(Lettre de Marcel Proust)
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Mon cher grand-père, Pardonne-moi de mon péché car j'ai moin mangé qu'a l'ordinaire j'ai pleuré pendant un cardeur apré cela j'était en sanglot. Je te demande Pardon.

(Lettre de Marcel Proust à son grand-père)
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C'est quand Ruskin est bien loin de nous que nous traduisons ses livres et tâchons de fixer dans une image ressemblante les traits de sa pensée. Aussi ne connaîtrez-vous pas les accents de notre foi ou de notre amour, et c'est notre piété seule que vous apercevrez çà et là, froide et furtive, occupée, comme la Vierge Thébaine, à restaurer un tombeau.
in préface pour La Bible d'Amiens de John Ruskin
(Témoignages et documents, page 102)
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L'étude de l'esthétique et la pratique de la traduction seront pour Marcel une école salutaire. Comme il sait à peine l'anglais en commençant, sa mère lui prépare une première version, qu'il récrit.
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