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Citations de Jorge Luis Borges (1191)


La population était hindoue. Je l'avais prévu, et cela ne me plut guère. Je me suis toujours mieux entendu avec les musulmans, bien que l'Islam, je le sais, soit la plus pauvre des croyances procédant du judaïsme.
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Il reprit, comme s'il ne m'avait pas entendu :

- J'erre par les chemins de l'exil mais je suis encore le roi parce que j'ai le disque. Tu veux le voir ?
Il ouvrit la paume de sa main osseuse. Il n'avait rien dans sa main. Elle était vide. Ce fut alors seulement que je remarquai qu'il l'avait toujours tenue fermée.
Il dit en me fixant de son regard :
- Tu peux le toucher.
Non sans quelque hésitation, je touchai sa paume du bout des doigts. Je sentis quelque chose de froid et je vis comme une lueur. La main se referma brusquement. Je ne dis rien. L'autre reprit patiemment comme s'il parlait à un enfant :
- C'est le disque d'Odin. Il n'a qu'une face. Sur terre il n'existe rien d'autre qui n'ai qu'une face. Tant qu'il sera dans ma main je serai le roi.
- Il est en or ? demandai-je.
- Je ne sais pas. C'est le disque d'Odin et il n'a qu'une face.
L'envie me prit alors de posséder ce disque.
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Après un quart d'heure de marche, nous prîmes à gauche. J'aperçus au loin une sorte de tour, surmontée d'une coupole.
- C'est le crématoire, dit quelqu'un. A l'intérieur se trouve la chambre de mort. On dit qu'elle a été inventée par un philanthrope qui s'appelait, je crois, Adolf Hitler.
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L'imprimerie, maintenant abolie, a été l'un des pires fléaux de l'Humanité, car elle a tendu à multiplier jusqu'au vertige des textes inutiles.
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- Je me souviens d'avoir lu sans ennui, me répondit-il, deux contes fantastiques. Les Voyages du capitaine Lemuel Gulliver, que beaucoup de gens tiennent pour véridiques, et la Somme théologique.
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Je t'ai donné un miroir et un masque d'or ; voici mon troisième présent qui sera le dernier.
Il lui mit une dague dans la main droite.
Pour ce qui est du poète nous savons qu'il se donna la mort au sortir du palais ; du Roi nous savons qu'il est aujourd'hui un mendiant parcourant les routes de cette Irlande qui fut son royaume, et qu'il n'a jamais redit le poème.
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Le poète récita l'ode. Elle consistait en un seul mot.
Sans se risquer à le déclamer à haute voix, le poète et son Roi le murmurèrent comme s'il se fût agi d'une prière secrète ou d'un blasphème. Le Roi n'était pas moins émerveillé ni moins frappé que le poète. Tout deux se regardèrent, très pâles.
- Du temps de ma jeunesse, dit le Roi, j'ai navigué vers le Ponant. Dans une île, j'ai vu des lévriers d'argent qui mettaient à mort des sanglier d'or. Dans une autre, nous nous sommes nourris du seul parfum des pommes enchantées. Dans une autre, j'ai vu des murailles de feu. Dans la plus lointaine de toutes un fleuve passant sous des voûtes traversait le ciel et ses eaux étaient sillonnées de poissons et de bateaux. Ce sont là des choses merveilleuses, mais on ne peut les comparer à ton poème, qui en quelque sorte les contient toutes. Quel sortilège te l'inspira ?
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Ivre d'insomnie et de dialectique vertigineuse, Nils Runeberg erra dans les rues de Malmö, en suppliant à grands cris que lui soit accordée la grâce de partager l'Enfer avec le Seigneur.
Il mourut de la rupture d'un anévrisme, le premier mars 1912. les hérésiologues s'en souviennent peut-être ; il avait ajouté à l'idée du Fils, qui semblait épuisée, les complexités du mal et de l'infortune.
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ART POETIQUE

Voir que le fleuve est fait de temps et d’eau,
Penser du temps qu’il est un autre fleuve,
Savoir que nous nous perdons comme un fleuve,
Que les destins s’effacent comme l’eau.

Voir que la veille est un autre sommeil
Qui se croit veille, et savoir que la mort,
Que notre chair redoute, est cette mort
De chaque nuit, que nous nommons sommeil.

Voir dans le jour, dans l’année, un symbole
De l’homme, avec ses jours et ses années ;
Et convertir l’outrage des années
En harmonie, en rumeur, en symbole.

Faire de mort sommeil, du crépuscule
Un or plaintif, voilà la poésie
Pauvre et sans fin. Tu reviens, poésie,
Comme chaque aube et chaque crépuscule.

La nuit, parfois, j’aperçois un visage
Qui me regarde au fond de son miroir ;
L’art a pour but d’imiter ce miroir
Qui nous apprend notre propre visage.
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Je vis le visage de la voix qui avait parlé toute la nuit. Irénée avait dix-neuf ans, il était né en 1868 ; il me parut monumental comme le bronze, plus ancien que l'Égypte, antérieur aux prophéties et aux pyramides. Je pensai que chacun de mes mots (que chacune de mes attitudes) demeurerait dans son implacable mémoire ; je fus engourdi par la crainte de multiplier des gestes inutiles.
Irénée Funes mourut en 1889, d'une congestion pulmonaire.
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Le sol était lézardé et fendillé, sablonneux. Dans une des crevasses, qui certes n'était pas profonde, mais se ramifiait en plusieurs autres, je reconnus une couleur. C'était incroyable : il s'agissait du bleu félidé de mes rêves. Juste ciel, il aurait mieux valu que je ne la voie jamais. Je l'observai attentivement. La crevasse était pleine de cailloux, tous égaux, circulaires et de faible diamètre. Leur régularité leur conférait quelque chose d'artificiel, on aurait dit des jetons.
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Pour les idéalistes, les salles hexagonales sont une forme nécessaire de l'espace absolu, ou du moins de notre intuition de l'espace ; ils estiment qu'une salle triangulaire ou pentagonale serait inconcevable. Quant aux mystiques, ils prétendent que l'extase leur révèle une chambre circulaire avec un grand livre également circulaire à dos continu, qui fait le tour complet des murs ; mais leur témoignage est suspect, leurs paroles obscures : ce livre cyclique, c'est Dieu ... Qu'il me suffise, pour le moment, de redire la sentence classique : la Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible.
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A cette célèbre page de Blake, faisant du tigre un feu qui resplendit et un archétype éternel du Mal, je préfère la sentence de Chesterton, le définissant comme un symbole de terrible élégance. Cela dit, aucun mot n'est capable de fixer en formules lapidaires l'essence même du tigre, cette forme qui depuis des siècles hante l'imagination humaine. Le tigre m'a toujours attiré.
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Car ce qui était arrivé il y a bien des siècles se répéta. Les ruines du sanctuaire du dieu du feu furent détruites par le feu. Dans un aube sans oiseaux le magicien vit fondre sur les murs l'incendie concentrique. Un instant, il pensa se réfugier dans les eaux, mais il comprit aussitôt que la mort venait couronner sa vieillesse et l'absoudre de ses travaux. Il marcha sur les lambeaux de feu. Ceux-ci ne mordirent pas sa chair, ils le caressèrent et l'inondèrent sans chaleur et sans combustion. Avec soulagement, avec humiliation, avec terreur, il comprit que lui aussi était une apparence, qu'un autre était en train de le rêver.
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Dans le rêve de l'homme qui rêvait, le rêvé s'éveilla.
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Dans les cosmogonies gnostiques, les démiurges pétrissent un rouge Adam qui ne parvient pas à se mettre debout ; aussi inhabile et rude et élémentaire que et Adam de poussière était l'Adam de rêve que les nuits du magicien avaient fabriqué. Un après-midi l'homme détruisit presque toute son œuvre, mais il se repentit. (Il aurait mieux valu pour lui qu'il la détruisît).
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Le nom de l'hérésiarque n'y figurait pas, mais on y trouvait bien sa doctrine, formulée en des termes presque identiques à ceux qu'ils m'avaient répétés, quoique -peut-être- littéralement inférieurs. Il s'était souvenu de : Copulation and mirrors are abominable. Le texte de l'Encyclopédie disait : Pour un de ces gnostiques, l'univers visible était une illusion ou (plus précisément) un sophisme. Les miroirs et la paternité sont abominables (mirrors and fatherhood are abominable) parce qu'ils le multiplient et le divulguent. Je lui dis, dans manquer à la vérité, que j'aimerais voir cet article. Il me l'apporta quelques jours plus tard.
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Dans Tlön les choses se dédoublent ; elles ont aussi une propension à s'effacer et à perdre leurs détails quand les gens les oublient. Classique est l'exemple d'un seuil qui subsista tant qu'un mendiant s'y rendit et que l'on perdit de vue à la mort de celui-ci. Parfois des oiseaux, un cheval, ont sauvé les ruines d'un amphithéâtre.
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Bioy Casares se rappela alors qu'un des hérésiarques de Uqbar avait déclaré que les miroirs et la copulation étaient abominables, parce qu'ils multipliaient le nombre des hommes.
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Quatrain

D'autres moururent, mais cela arriva dans le passé,
Qui est la saison (personne ne l'ignore) la plus propice à la mort.
Est-il possible que moi, sujet de Yacoub al-Mansour,
Je meure comme durent mourir les roses et Aristote ?
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