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Citations de Jorge Luis Borges (1107)


Jorge Luis Borges
Le fait est que chaque écrivain crée ses précurseurs. Son apport modifie notre conception du passé aussi bien que du futur.

(Les Précurseurs de Kafka)
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Jorge Luis Borges
C’est alors que je la regardai. Un vers de William Blake parle de jeunes filles de doux argent ou d’or fougueux, mais Ulrica était à la fois l’or et la douceur. Elle était mince et élancée, avec des traits fins et des yeux gris. Son air de paisible mystère m’impressionna moins que les traits de son visage. Elle avait le sourire facile et ce sourire semblait la rendre plus lointaine

(Le livre de sable)
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Ein Traum (1976)


Les trois le savaient.
Elle c’était la compagne de Kafka.
Kafka l’avait rêvée.
Les trois le savaient.
Lui était l’ami de Kafka.
Kafka l’avait rêvé.
Les trois le savaient.
La femme dit à l’ami:
Je veux que cette nuit tu m’aimes.
Les trois le savaient.
L’homme lui répondit: Si nous péchons,
Kafka cessera de nous rêver.
Un le sut.
Il n’y avait personne d’autre sur la terre.
Kafka se dit:
Maintenant qu’ils sont partis tous les deux, je suis resté seul.
Je cesserai de me rêver.
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Je suis


Je suis le seul homme sur la Terre et peut-être n’y a t’il ni Terre ni homme.
Peut-être qu’un dieu me trompe.
Peut-être qu’un dieu m’a condamné au temps, cette longue illusion.
Je rêve la lune et je rêve mes yeux qui la perçoivent.
J’ai rêvé le soir et le matin du premier jour.
J’ai rêvé Carthage et les légions qui dévastèrent Carthage.
J’ai rêvé Lucain.
J’ai rêvé la colline du Golgotha et les croix de Rome.
J’ai rêvé la géometrie.
J’ai rêvé le point, la ligne, le plan et le volume.
J’ai rêvé le jaune, le rouge et le bleu.
J’ai rêvé les mappemondes et les royaumes et le deuil à l’aube.
J’ai rêvé la douleur inconcevable.
J’ai rêvé le doute et la certitude.
J’ai rêvé la journée d’hier.
Mais peut-être n’ai-je pas eû d’hier, peut-être ne suis-je pas né.
Je rêve, qui sait, d’avoir rêvé.
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Ma vie entière

(Mi vida entera, 1925)


Me voici encore, les lèvres mémorables,
unique et semblable à vous,
J’ai persévéré dans l’à-peu-près du bonheur
et dans l’intimité de la peine.
J’ai traversé la mer.
J’ai connu bien des pays ;
j’ai vu une femme et deux ou trois hommes.
J’ai aimé une enfant altière et blanche et
d’une hispanique quiétude.
J’ai vu d’infinies banlieues où s’accomplit
sans s’assouvir une immortalité de couchants.
J’ai goûté à de nombreux mots.
Je crois profondément que c’est tout et que
je ne verrai ni ne ferai de nouvelles choses.
Je crois que mes journées et mes nuits égalent
en pauvreté comme en richesse celle de
Dieu et celles de tous les hommes.

***
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Je ne serai plus heureux (Ya no seré feliz)


Je ne serai plus heureux. C’est peut-être sans importance.
Il y a tant d’autres choses dans le monde;
un instant quelconque est plus profond
Et divers que la mer.
La vie est courte,
Et même si les heures sont longues, une obscure merveille nous guette,
La mort, cette autre mer, cette autre flèche
Qui nous délivre du soleil et de la lune et de l’amour.
Le bonheur que tu m’ as donné
Et que tu m’as retiré doit disparaître;
Ce qui était tout ne sera plus rien.
Il ne reste que le plaisir d’être triste,
Cette vaine habitude qui me fait pencher
Vers le sud, vers une certaine porte, vers un certain coin de rue.

***
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Le Bonheur (La dicha, 1981)


Celui qui embrasse une femme est Adam. La femme est Eve.
Tout se passe pour la première fois.
J’ai vu une chose blanche dans le ciel. On me dit que c’est la lune, mais
que puis-je faire avec un mot et une mythologie ?
Les arbres me font peur. Ils sont si beaux.
Les animaux tranquilles s’approchent pour que je dise leur nom.
Les livres de la bibliothèque n’ont pas de lettres. Quand je les ouvre, elles surgissent.
Parcourant l’atlas je projette la forme de Sumatra.
Celui qui brûle une allumette dans le noir est en train d’inventer le feu.
Dans le miroir, il y a un autre qui guette.
Celui qui regarde la mer voit l’Angleterre.
Celui qui profère un vers de Liliencron est entré dans la bataille.
J’ai rêvé Carthage et les légions qui désolèrent Carthage.
J’ai rêvé l’épée et la balance.
Loué soit l’amour où il n’y a ni possesseur ni possédé mais où tous deux se donnent.
Loué soit le cauchemar, qui nous dévoile que nous pouvons créer l’enfer.
Celui qui descend un fleuve descend le Gange.
Celui qui regarde une horloge de sable voit la dissolution d’un empire.
Celui qui joue avec un couteau présage la mort de César.
Celui qui dort est tous les hommes.
Dans le désert, je vis le jeune Sphinx qu’on vient de façonner.
Rien n’est ancien sous le soleil.
Tout se passe pour la première fois, mais éternellement.
Celui qui lit mes mots est en train de les inventer.

*

La dicha

El que abraza a una mujer es Adán. La mujer es Eva.
Todo sucede por primera vez.
He visto una cosa blanca en el cielo. Me dicen que es la luna, pero
qué puedo hacer con una palabra y con una mitología.
Los árboles me dan un poco de miedo. Son tan hermosos.
Los tranquilos animales se acercan para que yo les diga su nombre.
Los libros de la biblioteca no tienen letras. Cuando los abro surgen.
Al hojear el atlas proyecto la forma de Sumatra.
El que prende un fósforo en el oscuro está inventando el fuego.
En el espejo hay otro que acecha.
El que mira el mar ve a Inglaterra.
El que profiere un verso de Liliencron ha entrado en la batalla.
He soñado a Cartago y a las legiones que desolaron a Cartago.
He soñado la espada y la balanza.
Loado sea el amor en el que no hay poseedor ni poseída, pero los dos se entregan.
Loada sea la pesadilla, que nos revela que podemos crear el infierno.
El que desciende a un río desciende al Ganges.
El que mira un reloj de arena ve la disolución de un imperio.
El que juega con un puñal presagia la muerte de César.
El que duerme es todos los hombres.
En el desierto vi la joven Esfinge, que acaban de labrar.
Nada hay tan antiguo bajo el sol.
Todo sucede por primera vez, pero de un modo eterno.
El que lee mis palabras está inventándolas.
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Límites

Hay una línea de Verlaine que no volveré a recordar,
hay una calle próxima que está vedada a mis pasos,
hay un espejo que me ha visto por última vez,
hay una puerta que he cerrado hasta el fin del mundo.
Entre los libros de mi biblioteca (estoy viéndolos)
hay alguno que ya nunca abriré.
Este verano cumpliré cincuenta años;
la muerte me desgasta, incesante.
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Limites


Il y a une ligne de Verlaine dont je ne dois plus me ressouvenir,
Il y a une rue toute proche qui est défendue à mes pas,
Il y a un miroir qui m’a vu pour la dernière fois,
Il y a une porte que j’ai fermée jusqu’à la fin du monde.
Parmi les livres de ma bibliothèque (je les ai devant mes yeux),
Il doit y en avoir un que je n’ouvrirai jamais plus.
Cet été, j’aurai cinquante ans ;
La mort me rogne, incessante.
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Jorge Luis Borges
L’art de la poésie (Arte poética, 1960)

Contempler le fleuve fait de temps et d’eau
Et se souvenir que le temps est un fleuve aussi,
Savoir que nous nous perdons comme fait le fleuve
Et que les visages passent comme l’eau.

Sentir que la veille est elle aussi un sommeil
Qui rêve de ne point dormir, et que la mort
Que craint notre chair est cette même mort
Qui vient chaque nuit, qu’on appelle sommeil.

Voir dans le jour, dans l’année un symbole
Des jours de l’homme et de ses ans ;
Convertir l’outrage des ans
En une musique, un bruit, un symbole.

Voir le sommeil dans la mort, dans le couchant
Un or triste, telle est la poésie
Qui est immortelle et pauvre. La poésie
Revient comme l’aurore et le couchant.

Parfois, le soir, un visage
Nous regarde du fond d’un miroir :
L’art doit être comme ce miroir
Nous dévoilant notre propre visage.

On raconte qu’Ulysse, rassasié de prodiges,
Pleura d’amour en retrouvant son Ithaque
Verte et humble. L’art est cette Ithaque
Riche d’une verte éternité, non de prodiges.

Il est aussi comme le fleuve sans fin
Qui passe et qui reste, toujours le cristal d’un seul
Inconstant Héraclite, qui est toujours le même
Et autre pourtant, comme un fleuve sans fin.

*

Arte poética

Mirar el río hecho de tiempo y agua
y recordar que el tiempo es otro río,
saber que nos perdemos como el río
y que los rostros pasan como el agua.

Sentir que la vigilia es otro sueño
que sueña no soñar y que la muerte
que teme nuestra carne es esa muerte
de cada noche, que se llama sueño.

Ver en el día o en el año un símbolo
de los días del hombre y de sus años,
convertir el ultraje de los años
en una música, un rumor y un símbolo,

ver en la muerte el sueño, en el ocaso
un triste oro, tal es la poesía
que es inmortal y pobre. La poesía
vuelve como la aurora y el ocaso.

A veces en las tardes una cara
nos mira desde el fondo de un espejo;
el arte debe ser como ese espejo
que nos revela nuestra propia cara.

Cuentan que Ulises, harto de prodigios,
lloró de amor al divisar su Itaca
verde y humilde. El arte es esa Itaca
de verde eternidad, no de prodigios.

También es como el río interminable
que pasa y queda y es cristal de un mismo
Heráclito inconstante, que es el mismo
y es otro, como el río interminable.

***
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Le rêve


La nuit nous impose sa tâche magique.
Détisser l’univers, les ramifications
infinies d’effets et de cause, qui se perdent
dans ce vertige sans fin, le temps.
La nuit veut que cette nuit tu oublies ton nom,
tes ancêtres et leur sang,
tous les mots humains et les larmes,
ce qu’a pu t’enseigner la veille,
le point illusoire du géomètre,
la sphère, la ligne, le plan, le cube,
le cylindre, la sphère, la pyramide,
la mer, les vagues, ta joue sur l’oreiller,
la fraîcheur du drap changé, les jardins, les empires,
les César et Shakespeare et ce qui est plus difficile,
ce que tu aimes. Curieusement, une pilule
peut gommer le cosmos et ériger le Chaos.

*

El sueño

La noche nos impone su tarea
mágica. Destejer el universo,
las ramificaciones infinitas
de efectos y de causas, que se pierden
en ese vértigo sin fondo, el tiempo.
La noche quiere que esta noche olvides
tu nombre, tus mayores y tu sangre,
cada palabra humana y cada lágrima,
lo que pudo enseñarte la vigilia,
el ilusorio punto de los geómetras,
la línea, el plano, el cubo, la pirámide,
el cilindro, la esfera, el mar, las olas,
tu mejilla en la almohada, la frescura
de la sábana nueva, los jardines,
los imperios, los Césares y Shakespeare
y lo que es más difícil, lo que amas.
Curiosamente, una pastilla puede
borrar el cosmos y erigir el caos.
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Nuages

Pas une chose au monde qui ne soit
Nuage. Nuages, les cathédrales,
pierre imposante et bibliques verrières,
qu’aplanira le temps. Nuage l’Odyssée,
mouvante, comme la mer, neuve
toujours quand nous l’ouvrons. Le reflet
de ta face est un autre, déjà, dans le miroir
et le jour, un labyrinthe impalpable.
Nous sommes ceux qui partent. Le nuage
nombreux qui s’efface au couchant
est notre nuage. Telle rose
en devient une autre, indéfiniment.
Tu es nuage, tu es mer, tu es oubli.
Tu es aussi ce que tu as perdu.

*

Nubes

No habrá una sola cosa que no sea
una nube. Lo son las catedrales
de vasta piedra y bíblicos cristales
que el tiempo allanará. Lo es la Odisea,
que cambia como el mar. Algo hay distinto
cada vez que la abrimos. El reflejo
de tu cara ya es otro en el espejo
y el día es un dudoso laberinto.
Somos los que se van. La numerosa
nube que se deshace en el poniente
es nuestra imagen. Incesantemente
la rosa se convierte en otra rosa.
Eres nube, eres mar, eres olvido.
Eres también aquello que has perdido.
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Je ne vous parlerai pas de mes aventures féminines. Si vous voulez vous distraire un moment, demandez à Mickey Montenegro quel lion je suis. Et c'est ainsi pour tout. Dans mes études, par exemple, je n'ouvre même pas mes livres, et, quand arrive le jour de l'examen, je prends du bromure, et je repars avec les félicitations du jury.
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Penser, c'est oublier des différences, c'est généraliser, abstraire.

(Funes ou la Mémoire)
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Me senti, por un tiempo indeterminado, percibidor abstracto del mundo.

(El jardin de senderos que se bifurcan)
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Les métaphysiciens de Tlön ne cherchent pas la vérité ni même la vraisemblance : ils cherchent l'étonnement. Ils jugent que la métaphysique est une branche de la littérature fantastique.
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Là se trouvait rassemblé, je le sentis, tout ce qui est essentiel depuis toujours : l'odeur de la viande à la broche, les arbres, les chiens, les branches sèches, le feu qui rapproche les hommes.
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Jorge Luis Borges
Le poème est plus beau si nous devinons qu'il est l'expression d'un désir et non pas le récit d'un fait.
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Si cette matinée et cette rencontre sont des rêves, chacun de nous deux doit penser que le rêveur c'est lui. Peut-être cesserons-nous de rêver, peut-être non. Entre-temps nous sommes bien obligés d'accepter le rêve, comme nous avons accepté l'univers, comme nous acceptons le fait d'avoir été engendrés, de regarder avec les yeux, de respirer.
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Le ciel qui avait la couleur rose de la gencive des léopards.
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