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EAN : 9782070322923
228 pages
Gallimard (22/03/1985)
4.02/5   44 notes
Résumé :
La place de la poésie dans l'œuvre de Borges est considérable par sa valeur et sa signification. À partir du moment où il est pratiquement devenu aveugle, Borges n'a plus guère composé qu'en vers. Le lecteur trouvera dans cette poésie tous les thèmes de la prose de Borges, mais profondément transfigurés : à la fois humanisés, stylisés et plus dépouillés. Et d'après le poète lui-même, la transposition française d'Ibarra donne à ces textes « une nouvelle vie lucide et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Je demande à mes dieux ou à la somme du temps
Que mes jours méritent l'oubli,
Que mon nom soit Personne comme celui d'Ulysse,
Mais que se perpétuent quelques-uns de mes vers
Dans la nuit propice à la mémoire
Ou dans les matins des hommes » "A un poète saxon"
Hommage au poète inconnu de la Chronique anglo-saxonne, mais peut-être aussi l'envie de Borges que ses vers ne soient pas oubliés…

Borges, je découvre et je ne peux pas dire que ça soit gai.
« Pour le sommeil et la mort,
Ces deux trésors cachés » "Autre poème des dons"
Mais au final, j'ai bien aimé ce recueil, il parle de lui, de la poésie, de la nuit, il fait revivre des batailles, des héros des anciens temps, d'autres continents, évoque des villes et des voyages et ses peurs, ainsi que la cécité.

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Comme un jeu de miroirs, les images de ce recueil reflètent la mélancolie de Borges, le long des rues crépusculaires et labyrinthiques de la ville sud-américaine, où décline lentement sa vision.

Parmi les collines qui s'effacent au loin, le poète voit (ou entend ?) « les pentes de la musique, la plus docile des formes du temps ».

Les mots de Borges empruntent la pente et la page. Dans cette temporalité alternative, seul le passé succède au présent. Ainsi, le poème "La nuit cyclique" commence et s'achève avec Pythagore. Les quatrains de ce poème établissent un cheminement harmonieux du temps vers son double. C'est une danse où la mesure se fait par paire, comme les deux parties du sablier, comme l'homme et son reflet. Sous l'impulsion de cette lente musique, les miroirs semblent se tourner les uns vers les autres. Ils démultiplient leurs reflets à l'infini. Les images dans les images semblent plus lointaines, et orientent la nostalgie vers un temps que Borges n'a pas connu.

Un temps plus violent : celui des combattants et des brigands sud-américains, lancés dans leur danse de vie et de mort :

« Le tango pourvoyeur de souvenirs, nous forge
Un passé presque vrai. Dans ce faubourg perdu
C'est moi qu'on a trouvé sur le sol étendu,
Un couteau dans la main, un couteau dans la gorge. »

Le retour en arrière laisse aussi transparaître l'héritage des conquistadores, et même, pendant quelques vers, un animal originel : le poète recherche les sensations du tigre. Mais Borges contemple sa créature avec insatisfaction, sans parvenir à façonner le mot qui pourrait incarner la chose. Il se met dans le même situation que le rabbin du poème « Le Golem » : ce dernier n'arrive pas à retrouver le Verbe du commencement avec exactitude. Et le reflet de la Création se déforme par cette mise en abîme dans le monde des hommes. le poème ne dit pas si le Golem cherche à ensuite à créer son propre Golem : ce serait la suite logique.

Vers la fin du recueil, la remontée dans le temps s'effectue aussi à travers l'espace, car elle entraîne à l'époque des guerriers saxons, obsessions des poèmes tardifs, empreints d'un intérêt philologique pour cette civilisation. Mais même dans la fièvre de ces études transparaît la hantise du bibliothécaire (dont les deux derniers mots font écho à un poème intitulé « E.A.P. ») :

« Parmi les livres de ma bibliothèque (…)
Il doit y en avoir un que je n'ouvrirai jamais plus. »
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Pour JLB, le poème n'est pas fiction.
Il parcourt la ville, trace les rues, défriche la pampa.
Il raconte les ancêtres, les héros, les êtres admirés ou chéris.

Il y a un décor, un jardin, une ville, les rues des bas-fonds et l'autre côté du monde que l'on feint d'ignorer.

Le poète parle, il n'invente pas, il ne coince pas le lecteur dans un piège littéraire. Il ouvre la porte au lecteur, l'invite dans ses souvenirs, ses pensées intimes, ses confidences.

Au bout, tout au bout, il y a la pensée. Tout en parcourant la ville, la vie, il l'approche cette pensée non sans avoir vécu.
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Je suis un amateur inconditionnel de Jorge Luis Borges, que je crois insurpassable dans le domaine particulier de la nouvelle. Pourtant, ce prosateur érudit, cosmopolite et hyper-doué a été aussi un très grand poète. Ce recueil présente sa production entre 1925 et 1965. Comme souvent, il m'est difficile de commenter de la poésie. Borges écrit d'une manière à la fois simple et compliquée, parfois précieuse. Certes, dans ce recueil les poésies ne me plaisent pas toutes, mais j'en ai apprécié plus d'une. Pour donner une idée de mes goûts, je mets en citation un exemple de ce que j'ai aimé: un poème intitulé "A un poète mineur de l'anthologie"; il me semble caractéristique de la sobre subtilité de Borges.
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Irremplaçable, une miraculeuse traduction libre qui s'envole au-dessus des mots.
Borgès est aussi un admirable auteur de récits courts (cf. le recueil ''Fictions'', par exemple). Celle intitulée ''Le congrès'', contenue dans dans ''Le livre de sable'', et qui est tout-à-fait fascinante, connait une très étrange renaissance dans un recueil récent de Michel Levy, "Chaque jour au matin''. La nouvelle de Levy s'intitule "Partout ou ils sont réunis", et semble mystérieusement prolonger et illuminer d'un jour nouveau la fiction de l'Argentin (Editions Infimes). Magie de la littérature.
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Citations et extraits (88) Voir plus Ajouter une citation
Le rêve


La nuit nous impose sa tâche magique.
Détisser l’univers, les ramifications
infinies d’effets et de cause, qui se perdent
dans ce vertige sans fin, le temps.
La nuit veut que cette nuit tu oublies ton nom,
tes ancêtres et leur sang,
tous les mots humains et les larmes,
ce qu’a pu t’enseigner la veille,
le point illusoire du géomètre,
la sphère, la ligne, le plan, le cube,
le cylindre, la sphère, la pyramide,
la mer, les vagues, ta joue sur l’oreiller,
la fraîcheur du drap changé, les jardins, les empires,
les César et Shakespeare et ce qui est plus difficile,
ce que tu aimes. Curieusement, une pilule
peut gommer le cosmos et ériger le Chaos.

*

El sueño

La noche nos impone su tarea
mágica. Destejer el universo,
las ramificaciones infinitas
de efectos y de causas, que se pierden
en ese vértigo sin fondo, el tiempo.
La noche quiere que esta noche olvides
tu nombre, tus mayores y tu sangre,
cada palabra humana y cada lágrima,
lo que pudo enseñarte la vigilia,
el ilusorio punto de los geómetras,
la línea, el plano, el cubo, la pirámide,
el cilindro, la esfera, el mar, las olas,
tu mejilla en la almohada, la frescura
de la sábana nueva, los jardines,
los imperios, los Césares y Shakespeare
y lo que es más difícil, lo que amas.
Curiosamente, una pastilla puede
borrar el cosmos y erigir el caos.
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Nuages

Pas une chose au monde qui ne soit
Nuage. Nuages, les cathédrales,
pierre imposante et bibliques verrières,
qu’aplanira le temps. Nuage l’Odyssée,
mouvante, comme la mer, neuve
toujours quand nous l’ouvrons. Le reflet
de ta face est un autre, déjà, dans le miroir
et le jour, un labyrinthe impalpable.
Nous sommes ceux qui partent. Le nuage
nombreux qui s’efface au couchant
est notre nuage. Telle rose
en devient une autre, indéfiniment.
Tu es nuage, tu es mer, tu es oubli.
Tu es aussi ce que tu as perdu.

*

Nubes

No habrá una sola cosa que no sea
una nube. Lo son las catedrales
de vasta piedra y bíblicos cristales
que el tiempo allanará. Lo es la Odisea,
que cambia como el mar. Algo hay distinto
cada vez que la abrimos. El reflejo
de tu cara ya es otro en el espejo
y el día es un dudoso laberinto.
Somos los que se van. La numerosa
nube que se deshace en el poniente
es nuestra imagen. Incesantemente
la rosa se convierte en otra rosa.
Eres nube, eres mar, eres olvido.
Eres también aquello que has perdido.
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Art poétique

Voir que le fleuve est fait de temps et d'eau,
Penser du temps qu'il est un autre fleuve
Savoir que nous nous perdons comme un fleuve,
Que les destins s'effacent comme l'eau.

Voir que la veille est un autre sommeil
Qui se croit veille, et savoir que la mort
Que notre chair redoute est cette mort
De chaque nuit, que nous nommons sommeil.

Voir dans le jour, dans l'année, un symbole
De l'homme, avec sesjours et ses années ;
Et convertir l'outrage des années
En harmonie, en rumeur, en symbole.

Faire de mort sommeil,, du crépuscule
Un or plaintif, voilà la poésie
Pauvre et sans fin. Tu reviens, poésie,
Comme chaque aube et chaque crépuscule.

La nuit, parfois, j'aperçois un visage
Qui me regarde au fond de son miroir ;
L'art a pour but d'imiter ce miroir
Qui nous apprend notre propre visage.

On dit qu'Ulysse, assouvi de prodiges,
Pleura d'amour en voyant son Ithaque
Verte et modeste ; et l'art est cette Ithaque
De verte éternité, non de prodiges.

Il est aussi le fleuve interminable
Qui passe et reste, et reflète le même
Contradictoire Héraclite, le même
Mais autre, tel lle fleuve interminable.
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L’autre tigre

C'est le soir, et je rêve un tigre. La pénombre
Exalte la bibliothèque studieuse :
Ses rayons semblent reculer. En ce moment,
Fort, innocent, ensanglanté, nouveau, le tigre
Traverse sa forêt et son vaste matin.
Ses pas laissent leur trace aux berges limoneuses
D'un fleuve qui pour lui n'a pas de nom - son monde
Est sans paroles, sans passé, sans avenir ;
Il est la certitude et l'instant. Le voici
Qui s'apprête à franchir des distances barbares ;
Il détresse le vent, labyrinthe d'effluves,
Distingue dans l'odeur de l'aurore l'odeur
Délectable du cerf. Ses rayures s'ajoutent
A celles du bambou ; je pressens l'ossature
A travers la splendeur vibrante de la peau.
C’est en vain qu’entre nous les océans convexes
Et les déserts de la planète s’interposent.
Du fond de ma maison, dans ce port reculé
D’Amérique du Sud, je te suis et te rêve,
Tigre des bords du Gange.

Et le soir a gagné
Mon âme, et j’interroge un tigre vocatif
Qui n’est plus dans mes vers que symbole et pénombre,
Qu’une succession de tropes littéraires,
Qu’une image puisée aux encyclopédie ;
Non le tigre fatal, non l’omineux joyau
Qui va, sous le soleil ou la diverse lune,
Poursuivant aux forêts de l’Inde ou du Bengale
Sa routine d’amour, de loisir et de mort.
J’oppose au tigre symbolique le vrai tigre
Dont le sang brûle, qui décime les troupeaux
De buffles, qui ce jour, 3 août 59,
Allonge sur le pré la lenteur de son ombre.
Mais le nommer déjà suffit à l’écarter ;
La conjecture des circonstances le fausse.
Il n’est que fiction de l’art ; il n’est plus vie,
Il n’est plus créature au chemin de la terre.

Chercherons-nous un autre tigre, le troisième ?
Mais il sera toujours une forme du rêve,
Un système de mots humains, non pas le tigre
Vertébré qui, plus vieux que les mythologies,
Foule la terre. Je le sais – mais quelque chose
Me commande cette aventure indéfinie,
Ancienne, insensée ; et je m’obstine encore
À chercher à travers le temps vaste du soir
L’autre tigre, celui qui n’est pas dans le vers.
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ABSENCE

Je devrai donc la soulever, la vaste vie
qui reste aujourd'hui même ton miroir :
chaque matin, je devrai donc la rebâtir.
Tu m'as quitté ; depuis,
combien de lieux devenus inutiles
et privés de sens, comme
des lampes à midi.
Soirs, nids de ton image,
musiques où toujours tu m'attendais,
paroles de ce temps passé,
je devrai vous briser de mes mains.
Dans quel fossé réfugier mon âme
pour ne plus la voir, cette absence
qui brille comme un terrible soleil
définitif, sans couchant, sans pitié ?
Je suis cerclé par ton absence
comme la gorge par la corde,
comme qui coule par la mer.

in Ferveur de Buenos Aires
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Vidéo de Jorge Luis Borges
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
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