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Citations de Judith P. Butler (51)


Si l’on mettait en cause le caractère immuable du sexe, on verrait peut-être que ce que l’on appelle "sexe" est une construction culturelle au même titre que le genre ; en réalité, peut-être le sexe est-il toujours déjà du genre et, par conséquent, il n’y aurait plus vraiment de distinction entre les deux ?
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Si je cherche comment vivre une vie bonne dans une vie mauvaise, je me trouve confrontée à l'idée d'une vie organisée socialement et économiquement. Si cette organisation sociale et économique est "mauvaise", c'est précisément parce qu'elle ne fournit pas les conditions d'une vive vivable, c'est parce que ces conditions ne se trouvent pas distribuées de manière équitable. Certains pourraient souhaiter tout simplement vivre une vie bonne au milieu d'une vie mauvaise, cherchant leur propre voie du mieux qu'ils le pourraient, sans tenir compte des inégalités socio-économiques générales qui se trouvent produites par les organisations spécifiques de la vie, mais ce n'est pas si simple. Apres tout, la vie que je vis, même si elle est clairement cette vie et pas celle d'un autre, est toujours reliée à d'autres réseaux de vie plus amples, et si elle ne l'était pas, je ne pourrais tout simplement pas vivre. Ainsi, ma propre vie dépend d'une vie qui ne m'appartient pas, et il ne s'agit pas simplement de la vie de l'Autre, mais de l'organisation de la vie à un niveau supérieur, social et économique. Ainsi, ma propre vie, ma survie, dépend de ce sens plus général de la vie, un niveau qui inclut la vie organique, les milieux de vie et d'assistance, ainsi que les réseaux sociaux qui soutiennent et renforcent l'interdépendance. Ces éléments font de moi qui je suis, ce qui signifie que je dois céder une partie de ma vie humaine particulière pour vivre, pour être véritablement humain.
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Ainsi Judith Butler a-t-elle porté son attention vers les mouvements dits «des places» (en Turquie, en Grèce, en Tunisie, en Égypte, en Espagne avec les «Indignados», en France avec «Nuit debout»…) pour la novation politique qu’ils représentent, dans le sillage de la quête d’une « démocratie radicale » discutée ici: le refus même de jouer le jeu classique de la « revendication » (claim) ou de la « demande raisonnable », ce qui suppose implicitement une reconnaissance de la légitimité du pouvoir auquel on s’adresse en position de « demandeur », serait à porter au crédit de ces mouvements qui cherchent à contourner la «représentation» comme dépossession des acteurs politiques.
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L'argument justifiant la violence est parfois qu'elle n'est qu'un moyen au service d'une fin.
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Je crains que le terme de "résilience" serve à nier et à refouler la réalité du traumatisme, et à attribuer trop rapidement une puissance de résurrection là où elle n'est clairement plus possible.
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Il est des expériences qui ne sont pas seulement invivables comme la mort, mais pires que la mort et peut-être l'invivable est-il pire que la mort puisqu'il est la mort de celui qui vit sa vie tandis que sa vie peut continuer sans lui ou avec lui qui la vit comme invivable, c'est-à-dire comme sa mort dans la vie.
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Judith P. Butler
Si l’on considère que tout le monde « rebondit », ou que la « résilience » est une vertu héroïque face à l’adversité, alors on exclut la possibilité que l’on puisse parfois être détruit de façon irrémédiable. Cette hypothèse implique que les individus qui ont de la « résilience » survivront, même à la violence et à l’assujettissement les plus extrêmes, simplement en vertu de leur adaptabilité.

C’est un postulat qui me paraît aussi cynique que dangereux, car il accepte tacitement l’oppression au prétexte que les vrais « résilients » ne seront pas brisés. Il nie les dommages réels et se refuse à tenter de les décrire, à y mettre fin et à créer une autre forme de société, dans laquelle les gens ne seraient plus détruits de cette manière.

Source : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/21/judith-butler-certains-pensent-etre-plus-dignes-d-etre-pleures-que-d-autres_6080966_3232.html
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Mais quel est le sens de la « réalité de genre » qui fonde notre perception de cette façon ? Peut-être pensons-nous savoir quelle est l’anatomie de la personne (…) Ou alors nous tirons savoir des vêtements portés par la personne, ou bien de la manière qu’elle a de les porter. Il s’agit d’un savoir naturalisé, même s’il est fondé sur une série d’inférences culturelles dont certaines sont tout à fait erronées. En effet, si nous prenons un autre exemple que le drag, disons la transsexualité, nous voyons bien que, dans ce cas, il est impossible de se faire la moindre idée sur l’anatomie stable à partir des vêtements qui couvrent et assemblent le corps. Ce corps peut être préopératoire, transitoire ou postopératoire ; même le fait de voir le corps pourrait ne pas régler la question : car quelles sont les catégories qui nous permettent de voir ? Au moment où nos perceptions culturelles ancrées au quotidien échouent, lorsqu’on n’arrive pas à lire avec certitude le corps que l’on voit, c’est précisément le moment où l’on n’est plus sûr.e de savoir si le corps perçu est celui d’un homme ou d’une femme. L’expérience que nous faisons dudit corps consiste précisément à hésiter entre ces catégories. Lorsque de telles catégories sont mises en question, la réalité du genre entre aussi en crise : on ne sait plus comment distinguer le réel de l’irréel. Et c’est à cette occasion que l’on comprend que ce que nous tenons pour « réel », ce que nous invoquons comme du savoir naturalisé sur le genre est, en fait, une réalité qui peut être changée et transformée. (p. 46)
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S’il est une tâche normative – au sens positif du terme – que se donne Trouble dans le genre, c’est s’efforcer d’étendre cette légitimité à des corps qu’on a jusque-là considérés comme faux, irréels et inintelligibles. L’exemple du drag sert à montrer que la « réalité » n’est pas aussi fixe que nous le pensons habituellement. Son but est de dévoiler les fils ténus qui tissent la « réalité » de genre afin de contrer la violence qu’exercent les normes de genre. (p. 47)
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L’identité du sujet féministe ne devrait pas être au fondement de la politique féministe, quand la formation du sujet relève d’un champ de pouvoir qu’on occulte au nom de ce fondement. Peut-être la « représentation » finira-t-elle paradoxalement par n’avoir de sens pour le féminisme qu’au moment où l’on aura renoncé en tout point au postulat de base : le sujet « femme ». (p. 67)
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Même si la morphologie et la constitution des corps paraissent confirmer l'existence de deux et seulement deux sexes (ce qu'on viendra à questionner plus tard), rien ne nous autorise à penser que les genres devraient aussi s'en tenir au nombre de deux...
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C'est bien parce que certaines "identités de genre" n'arrivent pas à se conformer à ces normes d'intelligibilité culturelle qu'elles ne peuvent, dans ce cadre normatif, qu'apparaître comme des anomalies du développement ou des impossibilités logiques. La persistance et la prolifération de telles identités sont une occasion critique d'exposer les limites et les visées régulatrices, dans les termes mêmes de cette matrice d'intelligibilité, des matrices concurrentes et subversives qui viennent troubler l'ordre du genre.
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Définir une identité en des termes culturellement disponibles revient à poser une définition qui exclut à l'avance la possibilité que de nouveaux concepts de l'identité émergent dans l'action politique.
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Définir une identité dans les termes culturellement disponibles revient à poser une définition qui exclut à l’avance la possibilité que de nouveaux concepts de l’identité émergent dans l’action politique. C’est pourquoi la tactique fondationnaliste ne peut se donner pour but normatif de transformer ni d’étendre la portée actuelle des concepts de l’identité. De plus, lorsqu’on cesse de prendre des identités ou des structures dialogiques, qui faisaient consensus et par quoi l’on faisait passer des identités déjà bien établies pour thème ou sujet politiques, des identités peuvent alors apparaître ou disparaître selon les pratiques concrètes qui les font ou défont. Certaines pratiques politiques instaurent des identité sur une base contingente pour pouvoir réaliser n’importe quel objectif. La politique de coalition ne requiert pas d’élargir l’acception d’une catégorie « femme » ni d’un soi qui déploierait tout de suite sa complexité et son hétérogénéité multiple inter.
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Tenter d’identifier l’ennemi comme s’il se présentait sous une forme unique n’aboutit qu’à inverser l’argument et à imiter, sans aucun esprit critique, la stratégie de l’oppresseur au lieu de proposer autre chose. Si la tactique fonctionne dans des communautés aussi bien féministes qu’antiféministes, c’est que le geste colonisateur n’est ni essentiellement ni irrémédiablement masculiniste. Pareille tactique peut fonctionner pour installer d’autres rapports de subordination selon la race, la classe et l’hétérosexisme, pour n’en citer que quelques-uns.
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Lorsqu'on théorise le genre comme une construction qui n'a rien à voir avec le sexe, le genre devient lui-même un artefact affranchi du biologique, ce qui implique que homme et masculin pourraient tout aussi bien désigner un corps féminin qu'un corps masculin et femme et féminin un corps masculin ou féminin.
Ce clivage radical au cœur du sujet genré soulève encore toute une série de questions. Pouvons-nous faire référence à un sexe "donné" ou à un genre "donné" sans d'abord nous demander comment, par quels moyens le sexe et/ou le genre est donné?
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La construction de la catégorie "femme" comme un sujet cohérent et stable n'est-elle pas, à son insu, une régulation et une réification des rapports de genre? Or une telle réification n'est-elle pas précisément contraire aux dessins féministes? Dans quelle mesure la catégorie "femmes" ne parvient-elle à la stabilité et à la cohérence que dans le cadre de la matrice hétérosexuelle? Si une notion stable du genre n'est plus de fait la prémisse fondatrice de la politique féministe, il est peut-être souhaitable que cette politique renouvelle sa forme pour contester les réifications mêmes du genre et de l'identité, une forme qui ferait de la variabilité dans la construction de l'identité une exigence tant méthodologique que normative, pour ne pas dire un but politique.
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Je suggères que l'universalité et l'unité imputées au sujet du féminisme se trouve de fait minées par les contraintes inhérentes au discours de la représentation dans lequel le sujet fonctionne. Vu l'insistance précipitée avec laquelle on table sur un sujet stable du féminisme où les "femmes" sont prises pour une catégorie cohérente et homogène, on ne s'étonnera pas que l'adhésion à la catégorie suscite de nombreuses résistances.
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On pourrait voir dans le fameux postulat qui affirme l'intégrité ontologique du sujet avant la loi la trace contemporaine de l'hypothèse de l'état de nature, ce mythe fondateur inhérent aux structures juridiques du libéralisme classique. À force d'invoquer performativement un "avant" anhistorique, on réussit à en faire la prémisse fondatrice garante d'une ontologie présociale, celle de personnes consentant librement à être gouvernées et qui, de cette façon, scellent la légitimité du contrat social.
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Les domaines de la "représentation" politique et linguistique prédéfinissent le critère à partir duquel les sujets sont eux-même formés, ce qui implique que la représentation ne figure que ce qui peut être admis comme sujet. Autrement dit, les conditions nécessaires pour être un sujet doivent d'abord être remplies pour que la représentation devienne possible.
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