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Eric Fassin (Préfacier, etc.)Cynthia Kraus (Traducteur)
EAN : 9782707150189
281 pages
La Découverte (17/10/2006)
3.83/5   81 notes
Résumé :
Dans cet ouvrage majeur publié en 1990 aux Etats-Unis, la philosophe Judith Butler invite à penser le trouble qui perturbe le genre pour définir une politique féministe sans le fondement d'une identité stable. Ce livre désormais classique pour les recherches sur le genre, aussi bien que les études gaies et lesbiennes, est au principe de la théorie et de la politique queer : non pas solidifier la communauté d'une contre-culture, mais bousculer l'hétérosexualité oblig... >Voir plus
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Je dois avouer que ce livre m'était "imposé" et que je ne l'aurais sans doute jamais lu sans cela. Je suis plus rarement essai que récit de fiction... et encore moins essai philosophique. Malgré tout, le fait de savoir qu'il était à l'origine de la théorie du genre qui a tant fait parler en France il y a quelques années m'a tout de même donné un petit intérêt à l'entame de cette lecture.

Tout d'abord, dire que la lecture est ardue, et plus particulièrement la première moitié qui jongle avec les concepts psychanalytiques... pour moi qui ait du mal à m'en sortir avec juste deux balles ! C'est sans doute le propre de la philosophie que de jouer avec les concepts et même d'en inventer, mais la lecture en est donc rendue très difficile, d'autant qu'il ne s'agit pas de mots que l'on ne comprend pas mais bien d'articulations de phrases assez originales. L'auteur le reconnait bien volontiers dans une préface publiée 10 ans après l'ouvrage et tenant compte des différentes remarques des lecteurs. Elle fuit la clarté et la transparence, estimant que leur recherche, dans un but d'accessibilité, est pour elle également gage de perte de sens ou tout au moins de sens trop guidé par l'utilité. le fait de le savoir rassure sur sa propre capacité de compréhension... mais n'aide malgré tout pas à tout bien saisir.

Dire ensuite que, quel que soit l'opinion que l'on peut avoir sur le sujet, il est toujours salutaire de se questionner sur les évidences, même si elle sont autant fondatrices que celles des genres et des sexes (et d'autant plus parce qu'elles sont fondatrices). Ce trouble dans le genre que cherche à provoquer l'auteur est bien là, et le fait de le ressentir n'est pas forcément désagréable puisque le propre de la philosophie est bien le questionnement et la remise en cause des certitudes. La présentation partielle des positions d'auteurs majeurs comme Kristeva, Foucault, Lacan ou Levi Strauss et la découverte d'auteurs moins connus en tout cas pour moi comme Wittig ou Rivière sont également un des aspects positifs de l'ouvrage.

Dire aussi que l'oeuvre n'est pas exempte des critiques qu'elle propose des différents auteurs. Elle aussi parle en partant d'elle-même et son regard est donc forcément biaisé. Elle le reconnait d'ailleurs dans son introduction de 1999, il y a une personne derrière l'auteur. Ses expériences personnelles la poussent à rechercher un mode de pensée qui permette à chacun de bien vivre son genre, et plus particulièrement ceux pour qui cette question ne vas pas de soi, ceux qui s'interrogent sur les assignations que la société pose comme naturelles. le principe de l'hétérosexualité obligatoire apparait très régulièrement et on sent qu'il heurte particulièrement l'auteure. Aucune théorie philosophique ne peut se prétendre purement objective... mais ça va mieux en le disant.

Dire enfin que l'oeuvre n'est là que pour venir questionner ce qui existe mais clairement pas pour apporter des solutions aux problèmes qu'elle soulève. L'auteure là encore vient nous dire que ce n'est pas son rôle et qu'elle serait bien incohérente de chercher à imposer à tous une vision idéale qui viendrait tout solutionner... alors qu'elle vient justement de contester cette idée d'un idéal qui s'imposerait à tous et ne tiendrait pas compte de la spécificité de chacun.

Une lecture âpre donc, mais enrichissante si on accepte le principe de l'effort.
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Ce bouquin paru en 1990, mais traduit en français seulement en 2005, est devenu une sorte de « livre culte », autant acclamé que décrié par ses opposants. Pourtant, je fais le pari que peu de gens dans un camp comme dans l'autre l'ont vraiment lu – parce qu'il faut franchement s'accrocher.

Au contraire de l'université française où les disciplines sont assez cloisonnées (sociologie, psychologie, etc.), l'université canadienne est plutôt organisée en thématiques. Aussi, on peut trouver des départements de « gender studies » où on va étudier les questions de genre à la fois d'un point de vue historique, littéraire, etc. Ce livre, du point de vue d'un lecteur français, est d'abord déroutant pour ça : il mêle philosophie, anthropologie, psychanalyse, théorie politique… Ajoutons que l'auteure n'a pas le truc pour s'expliquer facilement et que ses phrases sont souvent complexes. Il en ressort un livre pas facile à lire du tout.

De quoi ça parle ? Butler propose de repenser le féminisme en questionnant à la fois le sujet « femmes » et le concept de genre. Butler conteste le fait qu'il y ait une identité féminine qui ait été empêchée par les hommes ou le patriarcat. Pour elle, « les femmes » ou « la Femme » forme une fiction politique. Il y a eu, pour les corps dit féminins, d'innombrables façon d'être à travers les époques, les lieux, les classes sociales, les orientations sexuelles, etc qui rend impossible d'idée d'une identité, ou même d'un réel partagé commun. (Ce constat marche avec la catégorie « les hommes » également.) Elle a cette expression comme quoi, quand on essaye de correspondre à ce que doit être un homme ou une femme, nous sommes tous « des copies sans originaux », reproduisant un modèle fictif qui n'existe que parce que chacun essaye de correspondre à un idéal qui n'a jamais existé "en vrai", qui n'a pas d'existence en dehors de nos imaginaires. le sexe, le genre, les orientations sexuelles sont donc des « performances », des répétitions inlassables.

Même si je viens d'essayer de le faire dans le paragraphe précédent, je concède qu'il est compliqué de résumé la pensée de Butler, d'autant que ce livre est très théorique, aussi je vous invite à aller lire la page wikipédia de ce bouquin qui est plutôt bien faite.

Une dernière remarque : aujourd'hui, Butler est (sans doute malgré elle) souvent associé au mouvement « queer », et rapproché des évolutions actuelles des mouvements LGBT+. Je trouve ceci particulièrement ironique dans la mesure où ces mouvements sont devenus très identitaires, y compris chez les trans, alors même que le propos de Butler est au contraire de dire que toute identité est une construction fictive qui ne se base pas sur un réel. C'est peut être un symbole du fait qu'une bonne par des LGBT+ et de ceux qui les critiquent (à droite, principalement) partagent un point commun : ils ne connaissent pas les livres important de leur propre histoire et les citent sans les avoir lu.

Toutefois, on peut sans doute parler quand même de filiation dans la mesure où Butler insiste sur la nécessité d'inventer d'autres jeux avec le genre, d'autres identités sexuelles, en dehors des catégories figées comme l'hétérosexualité, pour apporter du "trouble dans le genre" et venir contester le système. le développement récent du mot genre comme identité sexuelle qu'on pourrait librement choisir indépendamment de son sexe de naissance peut certainement trouver une partie de ses racines lointaines dans ce livre.
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Je n'entends pas critiquer ce livre, que je n'ai pas lu et ne lirai pas.
lJe signale cet article paru ce jour sur le site Internet du JDD qui pourra sans doute intéresser certains lecteurs de la « philosophe féministe."
L'attentat du Hamas contre Israël, seulement « un acte de résistance armée » ? C'est comme cela que Judith Butler, la théoricienne du genre, qualifie les événements survenus le 7 octobre dernier. L'américaine diplômée de l'université de Berkeley d'une chaire de rhétorique et de littérature comparée, était l'invitée d'une table ronde à Pantin dimanche 3 mars, révèle Le Figaro. L'intellectuelle d'extrême-gauche assure que les actes du mouvement palestinien ne sont ni «une attaque terroriste», ni « une attaque antisémite », mais « un acte de résistance armée » et un «soulèvement ».

Cet événement a été organisé à l'initiative du NPA, du média Paroles d'Honneur, et de deux associations juives propalestiniennes et décoloniales, le collectif Tsedek ! et l'UJFP. Plusieurs députés de la France insoumise étaient venus écouter Judith Butler dont Thomas Portes, Danièle Obono et Younous Omarjee. Pour rappel, cette rencontre devait déjà avoir lieu en décembre dernier au Cirque électrique de la Porte des Lilas à Paris, mais la mairie avait fait pression pour la faire annuler. "

Acte de résistance viols compris donc?

https://www.lejdd.fr/societe/guerre-israel-hamas-la-philosophe-americaine-judith-butler-estime-que-lattaque-du-7-octobre-est-un-acte-de-resistance-armee-142786
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[Lecture interrompue]
Une critique très difficile à faire pour moi car Judith Butler est considérée comme une grande figure, un incontournable féministe.
Mais il a bien fallu que j'accepte la réalité: je traîne ce livre depuis des mois comme un boulet, je renacle à l'idée de l'ouvrir, peinant à le lire, ne le comprenant que partiellement et n'en voyant pas vraiment l'intérêt.

L'approche de l'autrice est une approche de philosophe, pas de psychologue, pas de sociologue, pas de scientifique et son langage m'est non seulement inconnu mais incompréhensible pour l'essentiel. J'avais mis une demie heure à comprendre un passage que j'ai ensuite mis dans les citations, quelques jours plus tard à l'occasion d'un commentaire je le relis et me rend compte que je ne le comprends à nouveau plus. Je ne suis pourtant pas bête, mais rien à faire, je ne comprends pas Butler, ni ce qu'elle veut dire, ni où elle veut en venir.

Après plusieurs mois, je me retire cette épine du pied, je laisse tomber, je reconnais que je n'aime pas, ne comprends pas, ne voit pas l'intérêt de cette lecture. Et à l'idée de cet abandon je ressens une pointe de culpabilité, une bonne dose de vexation et une grande portion de soulagement.

PS: oui, il y a quand même des choses intéressantes
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Cet essai philosophique des années 90 est fondateur, parmi les études concernant le genre : il se veut féministe tout en critiquant le féminisme, fondé sur une politique identitaire qu'elle remet en cause. J'ai du m'accrocher pour le lire en entier, il a été difficile à aborder... La philosophe américaine formule une critique pointue de Freud et Lacan (de la psychanalyse en général), Lévi-Strauss, Foucault, De Beauvoir, Kristeva, Wittig... elle passe d'une référence à une autre, et nous perd parfois dans son argumentaire. C'est la fin du livre qui est enfin passionnante, car elle clarifie sa pensée.

Ce que j'en retiens :

- remise en question du sexe vu comme biologique et du genre vu comme culturel => sexe et genre sont des constructions. Aucun n'est binaire.

- la distinction sexe/genre et leur cadre binaire sont des fictions régulatrices qui naturalisent les régimes de pouvoir liés à la domination masculine et à l'hétérosexisme

- dénaturalisation de l'hétérosexualité

- un focus sur la figure du drag : en imitant le genre, il/elle "révèle implicitement la structure imitative du genre lui-même ainsi que sa contingence". La théorie autour du drag n'occupe que quelques pages mais je l'ai trouvée très éclairante. Elle permet de conclure que le genre est une imitation... sans original.

- ainsi, seules les pratiques imitatives construisent l'illusion d'un soi genré originel et intérieur. Les attributs du genre sont performatifs. le sujet a un ancrage culturel mais il peut "négocier ses constructions", s'éloigner des injonctions normatives.

Bref, puisque la philosophie sert à remettre les choses en question, ce livre est éminemment philosophique. Il part des marges plutôt que de la norme pour proposer une vision non-binaire du genre et du sexe, une possible fluidité de l'identité, et pour s'éloigner de l'hétéronormativité ; en fait, il peut aider à se sentir mieux dans ses baskets, ou à élargir son champ de vision.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Nous ne pouvons pas faire comme si la colonisation n'avait pas eu lieu et comme s'il n'existait pas des représentations raciales. De même, à propos du genre, nous ne pouvons pas ignorer la sédimentation des normes sexuelles. Nous avons besoin de normes pour que le monde fonctionne, mais nous pouvons chercher des normes qui nous conviennent mieux.
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"Les individus transsexuels revendiquent souvent une discontinuité radicale entre les plaisirs sexuels et les parties du corps.Très souvent, la recherche du plaisir requiert d'investir par l'imagination les parties du corps-appendices ou orifices- qu'il n'est pas nécessaire de posséder en propre; il se peut également que le plaisir requière d'imaginer toutes sortes de parties exagérément grandes ou petites. Bien sûr, le statut imaginaire du désir ne se limite pas l'identité transsexuelle; la nature fantasmatique du désir révèle que le corps n'en est ni le fondement ni la cause, mais qu'il en est l'occasion et l'objet. La stratégie du du désir consiste en partie à transfigurer le corps désirant lui-même. En réalité, pour pouvoir désirer tout simplement, il est peut-être nécessaire de croire en un moi corporel transformé qui, selon les règles genrées de l'imaginaire, pourrait remplir les exigences d'un corps capable de désirer. Cette condition imaginaire du désir excède toujours le corps physique à travers ou sur lequel il travaille."p166
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Tenter d’identifier l’ennemi comme s’il se présentait sous une forme unique n’aboutit qu’à inverser l’argument et à imiter, sans aucun esprit critique, la stratégie de l’oppresseur au lieu de proposer autre chose. Si la tactique fonctionne dans des communautés aussi bien féministes qu’antiféministes, c’est que le geste colonisateur n’est ni essentiellement ni irrémédiablement masculiniste. Pareille tactique peut fonctionner pour installer d’autres rapports de subordination selon la race, la classe et l’hétérosexisme, pour n’en citer que quelques-uns.
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Mais quel est le sens de la « réalité de genre » qui fonde notre perception de cette façon ? Peut-être pensons-nous savoir quelle est l’anatomie de la personne (…) Ou alors nous tirons savoir des vêtements portés par la personne, ou bien de la manière qu’elle a de les porter. Il s’agit d’un savoir naturalisé, même s’il est fondé sur une série d’inférences culturelles dont certaines sont tout à fait erronées. En effet, si nous prenons un autre exemple que le drag, disons la transsexualité, nous voyons bien que, dans ce cas, il est impossible de se faire la moindre idée sur l’anatomie stable à partir des vêtements qui couvrent et assemblent le corps. Ce corps peut être préopératoire, transitoire ou postopératoire ; même le fait de voir le corps pourrait ne pas régler la question : car quelles sont les catégories qui nous permettent de voir ? Au moment où nos perceptions culturelles ancrées au quotidien échouent, lorsqu’on n’arrive pas à lire avec certitude le corps que l’on voit, c’est précisément le moment où l’on n’est plus sûr.e de savoir si le corps perçu est celui d’un homme ou d’une femme. L’expérience que nous faisons dudit corps consiste précisément à hésiter entre ces catégories. Lorsque de telles catégories sont mises en question, la réalité du genre entre aussi en crise : on ne sait plus comment distinguer le réel de l’irréel. Et c’est à cette occasion que l’on comprend que ce que nous tenons pour « réel », ce que nous invoquons comme du savoir naturalisé sur le genre est, en fait, une réalité qui peut être changée et transformée. (p. 46)
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C'est bien parce que certaines "identités de genre" n'arrivent pas à se conformer à ces normes d'intelligibilité culturelle qu'elles ne peuvent, dans ce cadre normatif, qu'apparaître comme des anomalies du développement ou des impossibilités logiques. La persistance et la prolifération de telles identités sont une occasion critique d'exposer les limites et les visées régulatrices, dans les termes mêmes de cette matrice d'intelligibilité, des matrices concurrentes et subversives qui viennent troubler l'ordre du genre.
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Videos de Judith P. Butler (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Judith P. Butler
Judith Butler, philosophe et professeure, nous parle de son ouvrage « La force de la non-violence » publié aux @Éditions FAYARD
L'ouvrage était parmi les cinq finalistes du Prix 2022 des Rencontres Philosophiques de Monaco.
#philomonaco
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