Jules Roy est un enfant illégitime. Comme il entend l’inaudible, les mots qu’on ne lui dit pas et les mines qu’il devine, il s’interroge, puis il se contracte et se dresse ; il n’entend plus que ce qu’il veut. Forcément, à l’école cet esprit du non se répercute. C’est dans un domaine de rigueur, le séminaire, que finalement il se rassure. Là, il a des pères autant qu’il en veut et sans que cela soit légitime ou pas. Puis, il a des amis aussi. Il en aura beaucoup et parmi des hommes de renom, des as de l’aviation dans le sillage de Guynemer, croisant l’illustre Saint-Exupéry puis des écrivains dont Camus, Malraux dont il comprendra dit-il, qu’il ait pu flancher pour des statues en terre d’Asie, puis bien d’autres encore ; un sens de l’amitié comme il n’en pleut plus aujourd’hui, la faute à l’individualisme forcené, force née de la faiblesse des temps modernes. Si, la rigueur et l’austérité un temps le guide et le protège, il ne sera pas prêtre non plus, tant l’élan du cœur le rappelle à la chaire. Si Jules Roy fait ce qu’il dit et pense ce qu’il fait, lui non plus n’a pas de certitudes. Ainsi agira-t-il en son nom et dans sa propre vérité. Il sera un personnage intègre et authentique dans la vie comme tout au long de ces Mémoires barbares. Un récit autobiographique très précieux qui nous remet en scène l’Algérie d’avant-guerre, la période de la conquête du ciel, lui-même devenu officier à bord d’un bombardier et la triste réalité de la guerre, doutant qu’il en fut de bonnes, au regard et pour en choisir une, celle d’Indochine. Qui mieux que lui pourrait nous en parler en connaissance de cause !
Comme j’ai aimé les Chevaux du Soleil, j’ai eu plaisir à le retrouver en si bonne compagnie, de tels hommes et de ces grandes amitiés, quoiqu’il advienne et pourvu qu’on s’en souvienne…
Cité en introduction par Jules Roy :
« Dans l’ordre des Mémoires, je crois que la chronologie n’est pas la vérité. Si je veux faire un récit de ma vie, ce qui est essentiel échappera absolument. » André Malraux
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Après Le gone du Chaâba, je me suis laissée emporter par les Chevaux du soleil. Il a raison Azouz Begag de dire que c’est un très beau livre. C’est la saga de l’Algérie française qui couvre une période allant de1830 à 1962. Un livre de référence pour qui veut comprendre l’histoire de l’Algérie. Jules Roy nous y raconte l’histoire d’une famille de pieds-noirs, la sienne, à travers la colonisation et les périples entre rêve et mirage, jusqu’à la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962 et la déclaration d’indépendance du 5 juillet 1962. Mais avant cela, nous rirons aussi, car c’est drôle, c’est vrai, franc et bien écrit. Nous parcourrons alors les déserts, de pierres, de sable, chevaux au vent, le sirocco, ou méharistes dans un beau pays où chaque témoignage nous révèle un secret ; son attachement à l’autre, à son étoile ou à sa terre.
Ce qui m’émeut dans ce livre, c’est de me sentir sans appartenance, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, car on touche à l’âme des uns et des autres dans ce livre puisqu'on est dans tous les camps à la fois. Tandis que Jules Roy prend le parti de l’indépendance algérienne, rien ne nous empêche de goûter à un siècle de traditions et de contradictions ou chacun est enferré dans son naturel ethnocentrisme encore que la machine à penser, à décider est plutôt politique et la cohabitation, du fait des inégalités, quasi-impossible.
J’en retiens, page 840, l’allusion de Jules Roy à la pensée 298 de Blaise Pascal, et pour la trouver si belle, de la citer en conclusion.
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"Justice, force. Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.
La justice est sujette à dispute, la force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste."
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Jules Roy ( 1907-2000) fut l'ami aîné de Camus (Alberto et Julius). Ils partageaient de nombreux points communs . Ils se fréquentèrent fidèlement jusqu'à la disparition de Camus.
Quand il quitte l'armée en 1953 avec le grade de colonel, il peut , désormais, se consacrer à sa vraie vocation, devenir écrivain. Il publiera plus de soixante-dix livres, romans, essais, théâtre… Il sera aussi grand reporter à l'Express.
Dans cette autobiographie, on découvre un personnage attachant , exalté, un peu mégalomane, au verbe haut et franc. Mais on perçoit sa souffrance, ses déchirements. et cela est émouvant. Un récit intéressant au niveau ethnologique mais surtout un témoignage fort sur l'amitié partagée avec Camus, des détails quelques fois inédits qui enrichissent la biographie camusienne.
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Une fois n'est pas coutume.
Je poste là le commentaire d'une lecture que je n'ai pas faite et que je ne ferai pas.
C'est mon épouse qui a lu cet ouvrage, qui a été vraiment décontenancée et qui ne veux pas créer de compte sur Babelio.
Alors, comme les trois commentaires précédents sont plutôt élogieux, je me sens le "devoir" de poster celui-ci :
Epopée de la France en Algérie, de la conquête en 1830 au départ des pieds-noirs en 1962. Fresque grandiose de l'aventure coloniale de la France en Afrique du Nord. La série romanesque des Chevaux du soleil est, à l'origine, composée de six volumes publiés de 1968 à 1975 :
I - Les Chevaux du soleil - 1968
II - Une femme au nom d'étoile - 1968
III - Les Cerises d'Icherridène - 1969
IV - le Maître de la Mitidja - 1970
V - Les Ames interdites - 1972
VI - le Tonnerre et les Anges - 1975.
En 1978, dix ans après, Jules Roy a entrepris un travail considérable de remaniement et de resserrement de l'ensemble de ces six tomes pour parvenir à un fort volume de 924 pages qui constitue l'édition définitive des Chevaux du soleil .
Mon avis : un pavé difficile à suivre par moments, l'auteur a dû faire des coupes qui perturbent le lecteur. L'écrivain saute d'une époque à l'autre sans transition, fait parler un personnage sans le nommer, il faut jouer aux devinettes et c'est pénible. le ressenti des personnages est bien rendu, il est intéressant, mais passe par-dessus le fil de l'Histoire et si celle-ci est mal connue par le lecteur…il se perd.
Dans l'ensemble, je suis assez déçue car ce sont les faits historiques, leur chronologie et leurs intrications qui m'intéressaient au départ et qui m'ont poussée à lire ce gros livre. Si vous voulez connaître l'histoire de la colonisation de l'Algérie, faîtes un autre choix.
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Un poète disparaît… En 1980…
Un poète né dans mon Cotentin natal ; à Saint Vaast la Hougue plus précisément .
Max-Pol Fouchet disparaît le 22 Août 1980. Son éloge funèbre sera prononcé par Jules Roy avec qui les points communs ne manquent pas : de l’Algérie où ils vécurent, à Vézelay qui les vit tous deux s’éteindre en passant par Camus dont ils furent proches.
« Un poète ne meurt pas. La poésie non plus »…
Un bien beau morceau de littérature que cet éloge de Pierre Roy… Un éloge qui fait suite dans ce petit opuscule à l’oraison prononcée le même jour par le Père Pascal Seynhaeve, franciscain, pour accueillir le défunt en la basilique de Vézelay.
Deux textes magnifiques pour accompagner un homme qui toute sa vie durant se refusa à toute adhésion à quelque religion que ce soit.
Deux textes magnifiques en cette magnifique basilique de Vézelay…
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L’histoire se passe lors de la deuxième guerre mondiale ou des équipages de bombardiers français partent d’une base d’Angleterre pour aller bombarder des cibles allemandes de la Rhur.
Au retour, près de la base, l’avion du navigateur Ripault entre en collision avec un autre avion qui contraint l’équipage à sauter en parachute lorsque le pilote en donne l’ordre. Le navigateur est le premier à sauter. Il sera le seul rescapé.
Il rencontre une jeune anglaise qui le recueille. Ce sera seulement quelque ligne du roman où il sera question de femme. Le roman, fiction qui évoque l’armée de l’air lors de la deuxième guerre mondiale, ne parle pas de femme pilote.
Le navigateur est appelé à se joindre un autre équipage dont le pilote est le capitaine Raumer, qui ne voulait plus de son navigateur. Or ce capitaine Raumer avait la réputation de ne pas tenir compte des avertissements des mitrailleurs sur la localisation des avions dangereux. De la sorte, il mettait l’équipage en péril. Ripault se disait donc, qu’accompagner cet homme était mettre sa vie en danger. Il refusa l’ordre de mission se disant malade. En fait, il aurait dû d’abord faire certifié sa dépression nerveuse post traumatique pour médicalement présenter son inaptitude pour la mission. Il était donc en tort. Le commandant le sanctionne modérément.
Je dois avouer que le navigateur Ripault répond au commandant de façon impertinente. Le commandant lui demandera de signer un document. Il refusera.
Qu’adviendra-t-il du navigateur ?
Certes ces équipages de bombardiers en temps de guerre sont exposés à des dangers extrêmes lors de chaque mission.
C’est un livre que j’avais lu, il y a bien trois dizaines d’années. J’en avais gardé un bon souvenir ce qui me porta à le relire lorsque je l’ai trouvé dans ma PAL.
Un livre plait plus ou moins en relecture. Cela peut dépendre du contexte du moment.
Il est utile de signaler que Jules Roy dans la France libre du général de Gaulle depuis Londres, part combattre avec la RAF comme commandant de bord dans le groupe de bombardement. Il était donc inspiré pour écrire le roman : « La navigateur ».
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"Beau Sang" est une pièce de théâtre en trois actes.
Écrite par Jules Roy, elle a été représentée, pour la première fois, en 1952, sur la scène du Théâtre de l'Humour* par la compagnie de Raymond Hermantier.
En octobre 1307, l'affaire des templiers vient d'éclater.
Les terribles défenseurs de la chrétienté, pris en étau entre la vindicte d'un roi et l'indifférence d'un pape, sont, au royaume de France, pourchassés, emprisonnés, torturés et exécutés.
On en a tué un, qu'on a surpris aux alentours du château de la Ferté.
On en cherche un autre qui s'est enfui ...
C'est un certain Pierre d'Aumont, un personnage considérable, un des commandeurs de l'ordre.
Il a trouvé refuge au château de Robert de Bréville ...
Cette pièce de théâtre est un magnifique texte.
Jules Roy Fait une peinture dense et épaisse de ses personnages.
Il installe entre eux des relations tendues qui font de la pièce un morceau nerveux.
Le désir d'humanité transpire douloureusement au tournant de chacune des phrases de ce dialogue taillé comme la plus belle des sculptures.
Le terrible guerrier, l'âme désemparée, n'est plus qu'un fuyard.
Le seigneur du lieu n'est que lâcheté.
Et sa mère n'est que haine pour sa bru ...
L'écriture de Jules Roy est élégante, puissante et efficace.
La pièce dégage de la brutalité et de la sensualité.
Loin de faire perdre au morceau de son intérêt, la lecture de la pièce réserve beaucoup de plaisir et un long moment de réflexion.
Jules Roy a ajouté, en postface, une note d'une trentaine de pages sur l'ordre puissant au dessus duquel flottait le "Gonfanon Baussant" qui était son étendard.
Il y précise que :
"j'ai intitulé ma pièce "Beau sang", et non "Baussant", c'est que découragé de voir l'orthographe de son titre dénaturé sans cesse, j'ai préféré élever un symbole qui s'applique bien au Temple".
Cette appendice est un ajout précieux ...
* qui deviendra, en 1955, la Comédie de Paris
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Comme Albert CAMUS, Jules ROY ( 1907-2000) est né en Algérie, lui à Rovigo (Bougara) dans la Mitidja. En 1945, à Paris, il le rencontre, il s'en suit une amitié indéfectible. (Ensemble, sur invitation d'Henri Bosco, ils découvriront Lourmarin, dans les années 40 ; en janvier 1960, il est l'un des fidèles compagnons à assister à ses obsèques. En parlant de lui il disait :« Il m'a tout donné, tout appris »).
Albert Camus a écrit une nouvelle «LA FEMME ADULTÈRE » en 1954, publiée dans « L'Exil et le Royaume » en 1957 : Janine, lors d'un voyage dans les Hauts Plateaux algériens, va, au cours d'une nuit étoilée, prendre conscience de la médiocrité de son existence, de l'exil solitaire dans lequel elle est plongée depuis son mariage, elle va découvrir la beauté de la nature, retrouver sa liberté grâce à une union nocturne sensuelle, une étreinte, on ne peut plus charnelle avec le ciel et la terre : « Devant elle, les étoiles tombaient, une à une, puis s'éteignaient parmi les pierres du désert, et à chaque fois Janine s'ouvrait un peu plus à la nuit. (…) La sève montait à nouveau dans son corps (…) Alors, avec une douceur insupportable, l'eau de la nuit commença d'emplir Janine (…) monta peu à peu du centre obscur de son être et déborda en flots ininterrompus jusqu'à sa bouche pleine de gémissements. L'instant d'après, le ciel entier s'étendait au-dessus d'elle, renversée sur la terre froide (…) ».
Jules Roy écrit ce court roman « LA FEMME INFIDÈLE », en 1955.
Un décor identique, celui de l'Algérie, un parallélisme : deux femmes pécheresses , l' une infidèle, l'autre adultère , mots synonymes pour parler des liens de l'hymen dénoués, du viol du serment du mariage, mais avec des portées totalement différentes !
Pendant la seconde Guerre mondiale, Jules Roy servit dans la Royal Air Force, il pilota notamment le Potez 39, un monoplan biplace d'observation et de bombardement. Mais ici c'est un Douglas qui est mis en scène, (le modèle n'est pas précisé peut être un DC2 ou DC3), un avion défaillant, usé par le temps et les trop nombreuses missions qui va causer la mort de son pilote le lieutenant François Ferrer, la trentaine.
Le capitaine Rousseau, chef de l'escadrille et son adjoint le capitaine Dumard, basés sur le littoral algérien, près de Bône, sont chargés d'annoncer la triste nouvelle à la veuve, une femme troublante à la réputation sulfureuse.
Madame Ferrer a déserté la villa . Les deux compagnons d'armes vont partir à sa recherche.
L'un et l'autre sont amoureux, attirés par cette femme sensuelle, voluptueuse qui excite leur convoitise, leur désir. Cette avidité à posséder ce corps complaisant se traduit pas des qualificatifs peu indulgents à son égard « Elle est une femme peu farouche, indécente, provocante, , une garce facile… » N'est pas homme , celui qui n'est pas subjuguer par l'envie, qui ne peut résister à une concupiscence fiévreuse devant une telle femme. Cette créature, Hélène , qui est-elle vraiment ? Une épouse délaissée par un conjoint animé par une seule et vraie passion, celle de voler, une femme qui s'ennuie, une femme incomprise sûrement.
C'est un récit à la tonalité sobre et masculine. Roy alimente le récit de ses expériences dans l'armée.
L'analyse psychologique des personnages est intéressante, un peu sommaire, toutefois, un peu réductrice.
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«La Vallée heureuse» (1946), Prix Renaudot, est le premier livre de Jules Roy (1907-2000), écrivain et pilote français né en Algérie et engagé dans la Royal Air Force pendant la dernière guerre. Le livre est un récit autobiographique, un témoignage, qui raconte le quotidien des membres d’une escadrille chargée, après le débarquement de Normandie, de bombarder les centres névralgiques allemands pour permettre aux alliés d’avancer et de hâter la victoire contre l’Allemagne nazie. «La vallée heureuse» était le nom désignant la Ruhr en jargon, l’une des cibles principales des missions. Ce livre n’est cependant ni un ouvrage politique ni un hymne dithyrambique à l’héroïsme national comme on en trouve dans la littérature et le cinéma de guerre soviétique. C’est une sorte de témoignage humain sur les angoisses, les dangers, les défaillances de l’avion, les camarades qui le soir manque à l’appel, la vie quotidienne à la base, les lettres des familles, l’étonnement parfois d’être encore en vie.. On y retrouve un peu l’atmosphère de Saint-Exupéry se battant contre les éléments dans «Vol de nuit». À la dernière page du livre, c’est Morin, le meilleur ami de l’auteur qui sera manquant.
Aujourd’hui, trois quart de siècle après l’effondrement final de la Wehrmacht, la guerre est devenu un concept abstrait pour ceux qui ne l’ont (heureusement) pas vécu, et qui se passe encore, mais loin de nos frontières avec des armes sophistiquées guidées par satellite. À l’époque, les bombardiers quadrimoteurs dépassaient à peine 300 Km/h, avec très peu d’instruments de navigation, et opéraient la nuit, tous feux éteints sur l’Allemagne pour ne pas être pris pour cible. Dans la nuit, le danger venait aussi d’autre chose: dans le premier chapitre, deux avions de la base se touchent en plein ciel dans le noir. L’un des deux arrive à regagner la base, mais l’autre s’écrase dans une colonne de fumée. Le rôle du navigateur était alors essentiel, calculant pour le pilote la trajectoire et le minutage, en fonction notamment de la dérive des vents et lui indiquant les changements de caps à suivre et les changements d’altitude à chaque stade de la sortie. L’équipage comprenait aussi le radio, le mitrailleur inférieur, le mitrailleur arrière et le mitrailleur supérieur, tous baignant dans l’odeur d’huiles chaudes. Ces opérations étaient minutieusement préparées. Ainsi, lors d’une mission, pas moins de 1.200 avions décollent d’une série de bases différentes, à des heures calculées à la minute près, pour se regrouper de nuit et atteindre les cibles par vague successives dans une visibilité médiocre (obscurité, nuages,...) où les avions risquent sans cesse de se toucher. Il faut voler haut pour ne pas être repéré par les projecteurs et les canons anti-aériens. Quelques citations :
«Il songeait... à ceux qui meurent maintenant pour des tyrans, simplement parce qu’ils sont les fils de leur pays et que leur pays les précipite dans l’abyme».
«Chevrier s’assura que chacun, dans l’équipage, avait vidé ses poches dans les sacoches blanches et rouges (les rouges seraient brûlées si l’équipage était manquant et le contenu des blanches envoyé aux familles)».
«Les avions entraient dans les nuages et, malgré les routes rigoureuses qu’ils devaient tenir avant de repasser à la minute prévue sur la base pour prendre leur véritable départ, il avait fallu éviter les avions de partout».
«Ce soir d’octobre, il décollerait pour lâcher cinq tonnes et demie de bombes sur Bochum à vingt heures huit. La nuit tomberait vers dix-huit heures. Il ferait nuit noire une demi-heure plus tard, sans lune, et c’était la treizième sortie de l’équipage».
«Il s’agissait pour eux, cette fois encore, de ne pas être parmi les trente équipages qui seraient abattus sur l’objectif, ou celui des vingt-cinq de la station qui ne rentreraient pas... Il est rare qu’un équipage atteigne la vingtième mission».
Jules Roy a fini avec le grade de colonel. Comme pilote, il a défendu son pays attaqué par l’Allemagne nazie, mais démissionna car il ne pouvait pas accepter la guerre d’Indochine: "J'ai vu qu'on brûlait les villages, alors je les ai traité de tout et les ai quitté avec mépris".
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Regard de l'intérieur sans concessions d'un homme qui joua son rôle dans ces outils maniés avec tant de parcimonie par les politiques de tous temps.
A lire avec réflexions et respects pour l'honnêteté et la franchise de son texte.
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En revenant de Chine, Jules Roy décide d'appeler son chien du nom de l'empereur. Ainsi, comme il le dit, celui-ci règnera sur lui. Ce petit chien est un teckel noir : il passe sa vie à gambader dans la campagne, il est très proche de son maître contre lequel il se blottit la nuit, s'enfouissant dans les draps comme dans un terrier, quitte à étouffer de chaleur dans l'odeur de celui qu'il aime.
La mort de Mao raconte l'amour qui naît entre un homme et un chien, quel que soit le temps passé ensemble : un seul regard, comme il le dit aussi, suffit parfois à l’attachement. La mort de l'animal, sorte d'enfant auquel on sait qu'on va survivre (Houellebecq), est une souffrance que tente de dire Jules Roy, en ne s'étendant pas sur le jour du drame, mais en essayant de faire revivre tous les moments partagés avec lui.
La quatrième de couverture est une lettre de son ami François Nourissier, l'auteur de Lettre à mon chien, dans laquelle il lui dit sa reconnaissance d'avoir écrit ce texte. Il faut dépasser le ridicule dont nous taxent les personnes qui ne savent pas ce qu'est le sentiment qui existe entre un être humain et son animal. Ces textes font honneur à ceux qui savent l'éprouver.
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au-delà du fait historique des bombardements sur la Ruhr , la découverte qu'il y a en dehors des monstres de feu et d'acier des êtres humains pour qui cette violence n'est pas évidente ; ces équipages menés à l'abattoir crient parfois leur angoisse et se rebellent contre l'absurde de la situation ; tout le monde est pris dans l'engrenage et ne peut que suivre son destin auquel il n'a plus prise ; là est la difficulté ,ne plus être maître de quoi que ce soit !
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Un livre de + de 600 pages (annexes comprises) très dense et très intéressant. Au début, il m'a clairement manqué des connaissances sur le contexte général de notre présence en Indochine. Comme beaucoup j'ai entendu parler de cette guerre mais sans vraiment l'avoir étudié à l'école. Grâce à ce livre, j'ai appris énormément de choses sur cette fameuse bataille dont l'échec résonne encore aujourd'hui, malgré le courage de soldats exemplaires pour la plupart. J'avais beau connaître l'issue de la bataille, l'auteur m'a tellement emportée dans son récit que j'espérais malgré tout une fin qui aurait méritée d'être différente et comme l'a dit le Général BLANC avant que le choc ne se produise : "C'est Verdun" ! Dans toute son horreur et sa boucherie. Je suis passée par toutes les émotions avec cette lecture : colère, tristesse, accablement, désolation et joie à chaque petite victoire vite reperdue, écœurement face à la bêtise et à la lâcheté des hommes politiques de l'époque qui une fois de plus n'ont pas été à la hauteur pour arrêter un conflit qui a coûté tant de vies humaines.
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Jules Roy, né à Rovigo et scolarisé à Sidi Moussa aux côtés d'Albert Camus, prends la main, à la mort de celui-ci, sur le combat contre la guerre l'Algérie. Il s'y rend, prêt à faire au lecteur une description journalistique de l'état du pays, qui n'est pas, selon lui, correctement rendu en métropole. Au fil des pages, le langage et la prise de position deviennent de plus en plus violent à mesure que l'auteur découvre l'étendu du désastre. On débute en mettant un peu d'eau dans son vin, mais on fini l'ouvrage révolté par la situation, et avec un profond dégoût pour cette guerre. Le travail de Jules Roy y est donc remarquable, tout en restant factuel: rien ne peut être remis en question de ce qu'il avance, et les faits parlent d'eux-mêmes pour illustrer l'horreur de cette période.
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uno de los mejores relatos que he leido acerka de esta batalla,critico,obiectivo,con una mirada fria, a vezes muy critica hacia los generales que la orquestraron.
Elogio a grandes oficiales como Pierre Langlais,Marcel Bigeard,Andree Botella,Touret,Le Page y muchos mas...
Omenage a todos los que participaron,vieron,fallecieron.....
A recomendar sin duda.
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je viens de terminer le beau livre de Jules Roy.Il nous fait partager sa douleur de sa terre natale perdue à jamais. Les liens forts qui le lient encore à ce pays après tant d'années de séparation, l'amènent à revoir les lieux de son enfance, la tombe de sa chère maman, qui avait peur des Arabes et que lui comprenait. J Roy décrit avec une sensilité poignante, les lieux, les souvenirs, les gens, qu'il a connus enfant, maintenant disparus, entre autres Meftah, le vieil Arabe qui le protègeait, des bétises de la petite enfance. Les bruits, les sons, les parfums, le soleil, les paysages si beaux, la plaine, les vignes, les fermes,, le chant du muezzin à la prière du soir, le cris des chacals, dès la nuit tombée, le ciel du couchant flamboyant, J Roy fait revivre ses souvenirs compare, à la vision actuelle , l'état malheureusement dégradé dans un climat de guerre fratricide. Il faut dire adieu à ce passé, à l'amour pour ce pays qu'il n'oubliera jamais; Adieu ma mère, adieu mon coeur.
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