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Critiques de Kamel Daoud (344)
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Meursault, contre-enquête

Ce roman est une fiction dans laquelle le héros cite les personnages d'une autre fiction (à savoir l'Etranger de Camus), Meursault l'assassin et l'Arabe, sa victime.



Il se trouve que l'Arabe était le frère du narrateur.

Celui-ci, dans un long monologue, raconte à un homme rencontré un soir dans un bar, lui confie plutôt, ce passé qui l'obsède: la mort de ce frère sur une plage d'Alger, sans qu'on retrouve jamais son cadavre, sa quête sans fin avec sa mère toute-puissante pour le retrouver...

On est dans le narrateur et on suit son introspection.



Ce livre est une mise en abime, et un dialogue s'installe avec le roman de Camus, les phrases et les personnages semblent se répondre dans une sorte de choeur.



J'ai été séduite autant par le fond que par la forme de ce roman qui a entre autres été récompensé par le Prix Goncourt du Premier Roman.



De la grande littérature.













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Meursault, contre-enquête

Grosse déception et beaucoup de difficultés à finir ce livre pourtant très court.

J’avais peut être trop d’attente sur cette histoire qui nous parle de la victime de l’étranger

Je n’ai pas réussi à accrocher au discours du frère du disparu , trop de disgrétions , trop délirant pour moi .
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Meursault, contre-enquête

On connaît L’Etranger écrit par Albert Camus. Meursault, contre-enquête est un roman qui répond à l’Etranger, écrit par le journaliste et romancier algérien, Kamel Daoud. Le livre commence avec la phrase « Maman est encore vivante », exactement à l’inverse de L’Etranger.



Raymond Meursault, le personnage principal de l’Etranger a tué un « arabe » à Alger, et c’était un détail mineur vu que le personnage n’a eu jamais un nom. Même si Meursault a été condamné à mort, ce n’était pas pour avoir tué un « arabe ». Ici, l’auteur a donné un nom à ce personnage, Moussa, et c’est sa maman qui est encore vivante, et l’histoire est raconté par son frère Haroun.



L’histoire explore l’impact que l’incident a eu sur cette famille, particulièrement sur Haroun - où sa mère n’est pas prête à accepter que son enfant favori soit mort, et lui-même, il essai à gérer ce problème en buvant trop d’alcool au bars.



C’était une idée intéressante - jusqu’aujourd’hui, j’ai lu les romans qui font des allusions aux autres romans mais jamais un roman qui est en train de répondre à un roman très connu. Il y a aussi le fait que souvent, dans notre monde dominé par les cultures occidentales, quand souvent même les noms des gens d’autres cultures sont submergés ; que j’ai trouvé que c’est un acte très puissant de la part d’auteur pour donner un nom et un contexte. Derrière chaque personne tuée par un régime coloniale, il existait une famille impactée par cette atrocité et l’auteur a bien montré le phénomène. J’ai lu un peu la biographie de l’auteur et j’ai compris que il veuille que l’histoire d’Afrique et des africain.e.s sont racontées par des africain.e.s – une très bonne initiative.



Lorsque j’ai lu, j’ai peu trouver un peu d’empathie avec Haroun au début, quand il veut la validation de sa mère et également la société, et il a ni un, ni l’autre. Mais le changement de sa personnalité dans la dernière partie était le problème aussi et c’était dans ce moment que je ne pouvais plus soutenir le personnage principale. Davantage, c’était une histoire d’un seul personnage et je n’ai pas vu beaucoup des autres – je comprends qu’il est le narrateur mais par exemple, on pouvait avoir un peu des descriptions détaillées des conversations entre sa mère et lui.



Pour conclure, j’ai bien profité de cette lecture, c’était un livre qui était dans ma bibliothèque depuis longtemps et j’ai le regret que je n’ai pas lu plus tôt. J’attribue une note de quatre sur cinq.
Lien : https://lastute.blogspot.com..
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Meursault, contre-enquête

Dialogue entre le frère d’un “arabe” assassiné sur une plage d’Alger à 14:00 et une personne qui écoute et ne se manifeste pas (dans le style de La Chute). Cet arabe dont le nom n’apparaît pas dans le roman L’Etranger (A Camus), s’appelle Moussa, il a un frère (le narrateur) et une mère M’ma. Dix ans après l’assassinat, ces deux personnages vivent dans le deuil et la recherche du corps de Moussa englouti par la mer. La seconde partie du livre met en scène une vengeance, habilement inspirée du roman de Camus. Beaucoup de thèmes de Camus sont repris, allusion à un instituteur, critique de la religion, l’indépendance de l’Algerie. Je regrette de n’avoir pas relu l’Etranger avant (ça fait 40 ans!).
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Meursault, contre-enquête

*ABANDON*

La langue française est excellemment bien maniée, mais s'il est question d'accrocher au récit en tant que tel c'est une autre paire de manches ! J'ai abandonné à la moitié de l'ouvrage, ne me sentant pas spécialement la bonne confidente de comptoir du protagoniste. Je cède ma place...
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Meursault, contre-enquête

Quelle lecture pénible ! Toute en longueur, ça se traîne, ça tourne en rond continuellement. Daoud ressasse les mêmes arguments, les mêmes thèmes…encore et toujours. On se dit qu'à un moment il faudra bien sortir un lièvre de sa manche pour donner de l'ampleur à son livre… et bien non…Il m'a même par moment sembler tomber dans une sorte de misérabilisme sans grand intérêt. Camus m'a semblé avoir autrement plus de talent pour faire vivre ses personnages et donner un souffle plus puissant à son livre...question de gouts...
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Meursault, contre-enquête

Quel livre étrange ! Je ne sais pas quoi en penser.

Ce livre fait écho à L'étranger de Camus et est raconté par le frère de Moussa, l'homme tué par Meursault dans L'étranger, dont on ne parle qu'en tant que "l'arabe".



Plusieurs choses m'ont déboussolée et ont fait que je n'ai pas compris où l'auteur voulait en venir :

(1) le livre parle à peine de Moussa mais au contraire de son frère et de sa vie avec leur mère après la mort de Moussa

(2) Dans ce livre, Meursault aurait été libéré après avoir été condamné à mort (mais pourquoi ?!) et a écrit l'étranger lui-même, et est devenu célèbre.

(3) le frère prétend que la plupart de ce qui se passe dans L'étranger est inventé par Meursault.

(4) le début est plein de phrases ultra misogynes du style "j'aime l'endroit mais parfois j'y devine les effluves d'un sexe de femme, géant et épuisé" qui n'améliorent vraiment pas la lecture.



Je suis déçue d'être passée à côté de ce livre qui a l'air d'avoir tellement plu à beaucoup.

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Zabor

Ce livre ne s'est pas offert à la première approche, j'ai dû besogner pour en atteindre la substance, acceptant de poursuivre un chemin incertain parmi les mots, comme des cailloux semés pour conduire vers le dénouement. Suis-je parvenu à l'aboutissement de ma quête ? Non, si mon rêve était de saisir un message. Oui, s'il était de faire le voyage que nous propose Kamel-Daoud dans une pensée, une philosophie du monde et de l'existence. La force de cette fable, construite au rythme d'un long poème, est peut-être simplement de nous conduire vers une part de nous-mêmes. Dans ma grande candeur, comme si ce n'était pas vrai pour chaque bon roman, j'ai eu au fil du récit comme la révélation que ce livre était important et qu'il disait des choses importantes, mais que si j'en saisissais certaines, d'autres m'échappaient sans espoir.

La trame en est pourtant simple, le narrateur a le pouvoir de garder vivants tous ceux dont il écrit la vie. Dans le village où il demeure, il est l'objet de la crainte et du mépris. Son père ne l'a pas aimé, et il va mourir, alors pourra-t-il le sauver ? Mais le personnage principal est-il le narrateur ? N'est-ce pas finalement l'écrit, élevé au rang de mythe, qui s'incarne dans ce texte, comme le bras armé de l'émancipation, de la lutte contre l'obscurantisme et pour une liberté absolue de la pensée. Ce n'est pas un hasard que Shéhérazade soit convoquée dans l'histoire, elle qui sauve, par son courage et son talent de conteuse, toutes les femmes de la cruauté du Sultan, et qui, par la force des mots le rend meilleur. Zabor est un hommage à la littérature qui nous émancipe de la pesanteur du monde, nous rend libres, fait de nous des vivants.

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Meursault, contre-enquête

Meursault contre-enquête (2013) est un roman de Kamel Daoud, suite, réécriture ou hommage de L'étranger (1942) d'Albert Camus. le narrateur se présente comme le frère de l'arabe anonyme tué dans le roman original. Il veut présenter sa version des faits. Un court roman original et intéressant.
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Meursault, contre-enquête

Kamel Daoud donne une vie et un nom à l'"arabe" anonyme tué dans l'Etranger de Camus : il s'appelle Moussa, est le Zoudj, le double, le jumeau. Car celui qui raconte, c'est le frère de Moussa. Il raconte à un "tu", à quelqu'un qui écrit une thèse, ou peut-être même à l'auteur, ou au lecteur de Camus ("ton héros", dit-il)

C'est le récit de quelqu'un qui a lu, assimilé, follement aimé et haï cette tragédie grecque et ce vide du roman de Camus. le narrateur réécrit l'Etranger, se l'approprie, s'approprie aussi un meurtre, celui d'un Français, bien sûr, mais trop tard, après la guerre d'indépendance, et cette mort donc est un crime, non plus un acte de guerre.

Ce texte est aussi un roman familial, avec une mère implacable, castratrice et imposante, un amour impossible pour la libre Mériem (ah tiens, une zoudj de la Marie de Meursault)

Malgré des longueurs, un beau texte, à la fois moral et politique, peut-être aussi proche de la Chute par sa narration que de l'Etranger
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Mon prof, ce héros

Un hommage vibrant aux professeurs qui ont changé leur vie à jamais, le plus bel hommage qui puisse être rendu par ces écrivains reconnus. Ils sont nombreux à être passionnés et pas suffisamment remerciés et reconnus. Lire ce livre m’a donné envie d’écrire à mes 3 professeurs qui m’ont le plus marquée.
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Meursault, contre-enquête

Quel coup de force de Kamel Daoud ! ⁣

Ce texte est un hommage à Camus, à la littérature, à toutes ces histoires que l’on raconte, mais c’est aussi une dénonciation de la colonisation, de la décolonisation et de sa violence. C’est une réflexion sur l’absurde qui caractérise Camus, c’est une pensée de l’humain.

Le début du roman est clairement un contrepoint à celui de Camus, la fin est quant à elle une réécriture presque fidèle. Que s’est-il passé entre temps ? La vie d’Haroun, le frère fictif d’un « Arabe » fictif tué par un être de papier, Meursault.

Sa vie à lui, Haroun, commence à la mort de son frère alors que sa mère est anéantie et attend de son cadet qu’il venge son aîné. Pas de corps, pas de tombe, pas de nom, pas d’histoire. Et pour cause, Kamel Daoud réussit, avec brio, à construire un récit sur un être, dont il rappelle constamment qu’il n’est pas. Une existence absurde, bien plus que celle de Meursault.



L’Algérie est devenue indépendante. Les roumis, les Français, sont officiellement devenus les ennemis et Moussa pourrait, s’il avait existé, devenir un martyr. Mais voilà : Meursault a une langue, une langue sublime qui lui a permis de raconter alors que M’ma, elle, n’a pas les mots, ne sait pas lire, elle n’a que les gémissements.

Sous la plume de Kamel Daoud, les criminels, les victimes et les juges s’intervertissent. Haroun, qui se voulait le défenseur de Moussa et le détracteur de Meursault, devient un double étrange de Meursault et l’instrument d’une vengeance qui le libère, de lui-même, de son histoire, de son passé et de sa famille. Un peu comme le pays lui-même.



Un roman absolument incroyable ! Qui nécessite de connaître 𝘓’𝘌𝘵𝘳𝘢𝘯𝘨𝘦𝘳, évidemment, qui invite à l’admirer, quand même. Un bijou qui m’a laissée sans voix ! Un coup de cœur donc




Lien : https://livresque78.com/2023..
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Zabor

Zabor ou Les Psaumes

Kamel Daoud (né en 1970)

Le Zabor, ce sont les Psaumes, c’est un chant et un livre, une écriture.

Le narrateur, orphelin de mère, abandonné par son père Brahim et recueilli par sa tante, a grandi dans la compagnie des livres qui lui ont fait découvrir une nouvelle langue et donc tout un monde. Il est convaincu d’avoir un don, celui d’écrire pour repousser la mort :

« L’écriture a été inventée pour fixer la mémoire, c’est la prémisse du don : si on ne veut pas oublier c’est d’une certaine manière qu’on ne veut pas mourir ou voir mourir autour de soi. Et si l’écriture est venue au monde aussi universellement, c’est qu’elle était un moyen puissant de contrer la mort. »

Un peu plus loin :

« Un homme qui dit qu’il écrit pour sauver des vies est toujours un peu malade, mégalomane ou affolé par sa propre futilité qu’il tente de contrer par le bavardage. »

Le narrateur, alter ego de l’auteur, se confie :

« J’ai presque trente ans, je suis célibataire et encore vierge…Amoureux véritable, je m’épanouis dans l’immense expression de la compassion…Il y a dans ma mission une part de métaphysique, et surtout la loi de la Nécessité. Je crois en Dieu, mais je ne cherche pas à lui parler. Être est une tragédie plus vaste que ce tête– à - tête devenu lassant. L’essentiel est ailleurs que dans la prière ou la désobéissance… »

Et son défi va être d’exercer son don à l’égard de son père mourant malgré les relations tendues entre les deux. Son autre défi serait d’épouser Djemila la divorcée, la répudiée, la renégate aux yeux du village. Elle peuple tous ses rêves : elle a 24 ans et deux fillettes et est condamnée à vivre comme une décapitée en ne montrant que sa tête par la fenêtre.

J’ai eu un peu mal à entrer dans ce long monologue et à en suivre le déroulement, le style étant, quoique parfait, parfois hermétique. L’amour de l’auteur pour les mots et l’écriture en général transparaît à chaque page de ce beau livre mais l’ennui guette le lecteur distrait quoique ce soit très bien écrit.

« À côté de la petite, assis et silencieux pendant que le parfum dessinait sa mère (Djemila) et l’étymologie de son prénom, je m’absorbais dans ce rêve prodigieux supposant le double martyre du souffrant et de l’écrivant liés dans la même œuvre… J’aimais la calligraphie, qui se pliait autour des objets pour les envelopper d’ascendance, les entourait comme un serpent sage et vieux puis s’écoulait comme une robe, des cheveux de femme, des lierres ou des sentiers. J’adorais écrire en arabe, mais mes mots avaient parfois le poids de l’hérésie… La texture de mon univers n’était pas encore l’encre de mon écriture, elle n’y correspondait pas, et restait rétive, lointaine, comme posée sur l’autre bord d’une rivière que je ne pouvais traverser, ne sachant pas nager. ..Mais mon lien avec le verbe est charnel, et mon déchiffrement vise l’assouvissement, le dénudement d’un corps… Le rite est l’antécédent de la langue, une cadence contre l’angoisse… Je n’avais pas vraiment de conscience religieuse, à vrai dire, et le rite des prières autant que les invocations diverses sur la générosité de Dieu, sa magnanimité et ses colères m’irritaient comme des flagorneries, mais j’appréciais cet univers de rituels et de routines, les prières de l’aube, le pendule des rites…Je n’étais pas devenu incroyant, mais je regardais ma religion comme un manuel épuisé.»

Kamel Daoud écrit en français et il en explique largement les raisons dans son livre que l’on peut considérer comme partiellement autobiographique :

« Cette langue guérit mes crises, m’initia au sexe et au dévoilement féminin, elle m’offrit le moyen de contourner le village et son étroitesse…Elle acquit la force d’une souveraineté car elle était royale…Dernière vertu, elle était mienne dans le secret, intime, dérobée à la loi de mon père, à celle de l’école, au droit de regard de ma tante et à l’univers…Une langue folle, riche, heureuse… Cette langue témoignait d’un prestige, elle était la preuve qu’on avait fait un grand voyage même si on n’avait jamais quitté Aboukir…Par un raisonnement simple, imprévu et qui tombait sous le sens : faute de livres, j’allais écrire, et cette langue ne serait pas seulement l’instrument de ma rêverie mais aussi celui de ma purification, de ma rédemption… »

Daoud considère que la langue arabe est piégée par le sacré et les idéologies dominantes. Né en Algérie il a rejoint un mouvement islamiste qu’il a quitté à l’âge de 18 ans, ne se considérant plus, en connaissance de cause, comme musulman pratiquant et se sentant plus proche du bouddhisme. Journaliste et écrivain, il est frappé en 2014 d’une fatwa par un imam salafiste. Son roman « Meursault contre-enquête » lui a valu le prix Goncourt du premier roman en 2015. J’avais beaucoup aimé ce livre.

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Meursault, contre-enquête

Meursault, contre-enquête/Kamel Daoud

Le sujet d’abord.

L’auteur, Kemal Daoud, dans ce livre veut rendre un hommage en forme de contrepoint à « L’Étranger » d’Albert Camus et ce, soixante-dix ans après sa publication. Il est donc nécessaire d’avoir lu le roman de Camus avant de lire ce récit. Roman dont Haroun dit en forme d’éloge : « …ce livre étrange où il raconte un meurtre avec le génie d’un mathématicien penché sur une feuille morte… »

Les faits : « Un Français tue un Arabe allongé sur une plage déserte. Il est quatorze heures, c’est l’été 1942. Cinq coups de feu suivis d’un procès. L’assassin est condamné à mort pour avoir mal enterré sa mère et avoir parlé avec elle avec une trop grande indifférence. Techniquement, le meurtre est dû au soleil ou à de l’oisiveté pure. »

Kamel Daoud met en scène Haroun, le narrateur, qui se souvient soixante-dix ans après avec une certaine frustration des faits. Lui le frère de l’Arabe tué en 1942 par Meursault, s’adresse au lecteur. C’est ce que je suppose bien qu’il soit dans un bar et semble parler tout seul.

Meursault, un être en proie à l’oisiveté et l’absurde, et qui a commis un crime sans véritable raison, dans une nonchalance majestueuse selon Haroun.

Et cet Arabe qui est resté anonyme dans le roman de Camus et dont on n’a jamais retrouvé le corps a un nom : Moussa. Un prénom qu’il faut lui restituer.

« Mon frère s’appelait Moussa. Il avait un nom. Mais il restera l’Arabe, et pour toujours. »

Nous sommes alors en 1962, soit vingt ans plus tard et l’indépendance de l’Algérie est là. Haroun parle de l’époque coloniale :

« Nous, nous étions les fantômes de ce pays quand les colons en abusaient et y promenaient cloches, cyprès et cigognes. »

« Maintenant, les colons s’enfuient, ils nous laissent souvent trois choses : des os, des routes et des mots ou des morts… »

Et le récit va basculer :

« C’étaient les premiers jours de l’Indépendance. Durant cette période étrange, on pouvait tuer sans inquiétude… »

Haroun comme Meursault va tuer. Une manière de vengeance.

La forme ensuite.

Le style est beau et coloré avec une nuance poétique. Il peut devenir critique et acerbe si besoin est. Avec un fond d’amertume et de rancœur. Et même de révolte et de polémique.

« Quand j’écoute réciter le Coran, j’ai le sentiment qu’il ne s’agit pas d’un livre mais d’une dispute entre le ciel et une créature ! La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J’aime aller vers ce Dieu, à pied s’il le faut, mais pas en voyage organisé…C’est l’heure de la prière que je déteste le plus. ..Crier que je ne prie pas, que je ne fais pas mes ablutions, que je ne jeûne pas, que je n’irai jamais en pèlerinage et que je bois du vin et tant qu’à faire, l’air qui le rend meilleur. Hurler que je suis libre et que Dieu est une question, pas une réponse… »

Magnifique passage.

« Regarde un peu le groupe qui passe, là-bas, et la gamine avec son voile sur la tête alors qu’elle ne sait même pas encore ce qu’est un corps, ce qu’est le désir. Que veux-tu faire avec des gens pareils ? »

Haroun va faire la rencontre de Meriem, elle aussi interpelée par l’histoire de Meursault. Meriem une belle femme qu’Haroun va aimer passionnément :

« Elle appartient à un genre de femmes qui, aujourd’hui, a disparu dans ce pays : libre, conquérante, insoumise et vivant son corps comme un don, non comme un péché ou une honte. »

Un passage à méditer…

L’analyse enfin.

Kamel Daoud reconnaît la qualité de chef d’œuvre du roman de Camus. Son personnage relève les points du récit qui lui font mal ou qui lui paraissent inexacts, comme la femme objet de la discorde entre Raymond, l’ami de Meursault (ami qui peut-être n’a jamais existé selon Haroun), et l’Arabe, une femme qui en fait ne serait pas sa sœur mais son amie. Et là, Haroun a des mots terribles concernant l’époque qui voyait Moussa défendre l’honneur d’une femme :

« Défendre les femmes et leurs cuisses ! Je me dis qu’après avoir perdu leur terre, leurs puits et leur bétail, il ne restait plus que leurs femmes. »

Kamel Daoud tente dans ce livre d’opposer le monde et l’acte absurdes de Meursault à l’absurdité de son pays aujourd’hui et son attaque pertinente et réaliste en règle contre l’Islam ne va pas lui valoir que des amis. Il y réussit avec brio mais comme l’ont dit certains lecteurs, il veut trop en dire et cela devient parfois un peu long et décousu.

Mais le pari tenté par Kamel Daoud de mener une contre-enquête sur le meurtre de Meursault et ses à-côtés est un bon moment de littérature française : en effet, Kamel Daoud use de notre langue avec talent et c’est un plaisir de lire ses belles lignes.

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Meursault, contre-enquête

J’ai acheté ce livre car j’apprécie beaucoup la justesse des écrits journalistiques de Kamel Daoud, et que son prétexte m’a parut fort bien vu.

J’ai été touché de trouver un style original en plus des themes déjà connus abordés par l’auteur.

La narration est un peu lente au départ, les entretiens avec le vieil homme se succèdent sans apporter beaucoup plus d éléments au fil des jours; il y un côté oriental dans ces répétitions, ces redites, qui installent l’atmosphère du roman.

Et puis, une fois cette atmosphère posée, arrive la relation d événements qui vont susciter la curiosité,et permettront d illustrer la pensée de Daoud, sa vision de l Algérie, de la religion, tout à fait contemporaines.

Un livre original et riche, qu’il ait reçu le concours des étudiants est rassurant ; la guerre d Algérie et ses séquelles que l’on n’en finit pas de ressasser peuvent paraître lointains, il convient de dépasser tous les préjugés, cet ouvrage apporte sa pierre pour essayer de construire une relation plus juste et tran





, moderne et transparente entre nos deux pays.
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Meursault, contre-enquête

"Le premier savait raconter, au point qu'il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu'il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n'a même pas eu le temps d'avoir un prénom."

C'est fascinant, ce que fait Daoud dans ce roman : ré-inventer toute une histoire pour cet Arabe anonyme tué par "L'Étranger" de Camus.

Il s'appelait Moussa Ould-el-Assasse. Il avait une mère, M'ma, un petit frère, Haroun. C'est le petit frère qui raconte, 70 ans après, devenu un vieil alcoolique qui radote dans un café d'Oran… Ce roman est d'abord la biographie intime d'un enfant qui a grandi dans la solitude, sous l'emprise d'une mère endeuillée.

C'est aussi un roman historique, qui raconte une enfance pauvre dans l'Alger des colonies : "Nous, petite collection de poux, perdus sur le dos d'un immense animal géologique qui était la ville et ses mille ruelles."

Et un roman historique qui nous plonge dans le flot de la guerre d'Algérie et de l'Indépendance :

"Peut-être la bonne question, après tout, est-elle la suivante : que faisait TON héros sur cette plage ? Pas uniquement ce jour-là, mais depuis si longtemps ! Depuis un siècle pour être franc."

Haroun a aussi été un meurtrier, et comme Meursault il a été suspect, non du crime, mais d'une faute morale : pour l'un, de n'avoir pas pleuré sa mère ; pour l'autre, de n'avoir pas rejoint le maquis.

Fascinants tous ces parallèles que dresse Daoud, à commencer par l'invention de ce livre :

"Le titre en était L'Autre, le nom de l'assassin était écrit en lettres noires et strictes, en haut à droite : Meursault." Et d'évoquer la prononciation de Meursault en arabe, "El-Merssoul, l'envoyé ou le messager."

Il y a beaucoup de choses à tirer, donc, de cette double lecture : celle de "L'Étranger" et celle de cette contre-enquête, dans laquelle Daoud relit le roman de Camus "en le faisant pencher de côté pour en faire tomber les détails invisibles."

J'ai apprécié la belle écriture, très littéraire je dirais, mais qui n'échappe pas à quelques longueurs – telle la conversation d'un vieil alcoolique rencontré dans un café d'Oran...
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Meursault, contre-enquête

Je suis un imposteur.

Je ne suis pas critique littéraire.

Un simple lecteur. A peine averti.



Et je n'arrive donc pas à savoir ce que j'ai véritablement, profondément pensé de cet ouvrage de Kamel Daoud, "Meursault, contre-enquête".



Je crois que j'ai aimé.

La langue, d'abord. Parce que Daoud écrit remarquablement bien, nous emmène dans les méandres de l'esprit de son narrateur. Qu'il saisit les ambiances, les silences, les non-dits. Il donne à voir l'Algérie, son histoire, ses paysages, ses habitants.

Le principe même du livre, ensuite. Une enquête à l'envers. Le narrateur est le frère de l'Arabe. Celui que Meursault a descendu. Et dont on ne sait rien. Dont on a oublié jusqu'au nom. Et dont on ne saura finalement rien, ou si peu. Parce que c'est le frère qui va se définir, qui va peu à peu se découvrir une identité propre.

Les interrogations qu'il suscite, enfin. Quand un ouvrage me fait m'interroger, que j'hésite sur mon ressenti, que j'ai envie d'y retourner parce que je ne suis pas certain d'en avoir saisi tous les aspects ... c'est plutôt bon signe.



J'ai aimé ce livre de Kamel Daoud. Et j'ai envie d'en connaître davantage sur l'auteur, de découvrir son univers.

Et puis, oserais-je le dire ? Je crois que j'ai préféré ce "Meursault, contre-enquête" à l'ouvrage qui lui a donné naissance, à "L'étranger" de Camus.



J'ai aimé.
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Meursault, contre-enquête

Excellente idée que ce “mixteˮ de la réalité et du roman. Autre belle idée, se placer de l’autre côté de la ˮbarricadeˮ. Et aussi, avec plus d’un demi-siècle de recul, une vision réaliste des lendemains qui n’ont pas chanté, au contraire, plongée dans l’obscurantisme, la corruption, le néant comme aurait l’autre bouffon.
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Meursault, contre-enquête

Avec son livre Meursault, contre-enquête, Kamel Daoud propose de réécrire L’Etranger de Camus de droite à gauche. Cette écriture en miroir a pour objectif de redonner vie à l’Arabe qui n’apparaît dans l’œuvre de Camus que pour disparaître aussitôt. Faire un pastiche de L’Étranger était-il le meilleur moyen de donner une identité à l’Arabe ?

Dans L’Etranger de Camus, un homme nommé Meursault tue un Arabe et est condamné à la peine capitale. Néanmoins, le tribunal reproche bien davantage à Meursault de n’avoir pas pleuré à l’enterrement de sa mère que d’avoir tué « l’Arabe ». La victime disparaît du livre, volatilisée, et n’intéresse personne. « Il y a de quoi de se permettre un peu de colère, non ? » (p. 74) répond Kamel Daoud qui donne à cette victime un nom, un corps, et nous enseigne comment il aurait fallu lire L’Etranger.

Camus avait-il conscience que le seul Arabe présent dans sa littérature disparaît, assassiné, sans que personne ne prête attention à son corps, au deuil de ses proches, ni même à son nom ? ou a-t-il sciemment créé le malaise pour dénoncer leur condition ?

La seule question qui vaille d’être posée est balayée d’un revers de manche par Kamel Daoud qui confond le narrateur et l’auteur. Le narrateur de Kamel Daoud n’est autre que son alter ego, certes, mais Albert Camus ne s’est pas interdit d’avoir un peu plus d’imagination. Non, Camus n’a jamais tué un Arabe sans lui attribuer de nom, il n’a pas enterré sa mère sans verser une larme et n’a pas été condamné à mort. Tant s’en faut. Mais son incompréhension du livre d’Albert Camus est beaucoup trop flagrante pour n’être pas délibérée ; et feinte. Les incriminations de « ton auteur », « ton héros », « ton peuple » à longueur de pages, font de Haroun, le narrateur de Meursault, contre- enquête et frère de la victime, un donneur de leçons adressées au lecteur occidental qui devrait, selon lui, réapprendre à lire Albert Camus.

À travers diverses déformations de l’histoire, Kamel Daoud pousse le misérabilisme jusqu’au bout. Le corps de l’Arabe n’a jamais été retrouvé, ni même recherché. La famille de l’Arabe est pauvre parmi les pauvres, si bien que, pour être le premier à arriver chez le colon et proposer ses services, Haroun doit crever les pneus du vélo d’un arabe moins indigent. Kamel Daoud ne s’est pas contenté de gloser sur ce qu’aurait pu être l’histoire de la victime oubliée, il la réinvente. « Reste la prostituée ! Je n’en parle pas parce qu’il s’agit d’une véritable insulte. Une histoire fabriquée par ton héros. Avait-il besoin d’inventer une histoire aussi improbable que celle d’une pute maquée que son frère voulait venger ? [...] Une pute dont le frère arabe se devait de venger l’honneur. » Vraiment ? Camus est très laconique sur la femme à l’origine de cette affaire de mœurs. Son narrateur dit simplement « c’était une Mauresque » et son ami, qui loue une chambre pour elle, « il y avait tromperie ». Mais libre à Kamel Daoud d’estimer qu’une Arabe entretenue par un Français est « une pute » et son amant « un proxénète ». L’histoire est transformée dans Meursault, contre-enquête : pour ne pas humilier davantage la famille de la victime, cette « putain » n’est pas sa sœur mais simplement une femme de sa communauté.

Dès les premières pages, Haroun commence son discours par « Je ne veux pas jouer la victime, mais » (p. 40). Mais alors, la joue-t-il ou ne la joue-t-il pas ? Haroun a tué un colon prétendument sans raison comme son frère a été tué par Meursault, car, dit-il, « L’absurde, c’est mon frère et moi qui la portons sur le dos ou dans le ventre de nos terres, pas l’autre. ». Il faut bien reconnaître la fascination pour cet « autre », qu’il soit le colon ou l’écrivain de génie que Kamel Daoud souhaite remplacer en faisant ce roman assumé comme un crime : « Ah, tu sais, moi qui pourtant ne me suis



jamais soucié d’écrire un livre, je rêve d’en commettre un. » (p. 108). C’est en commettant à son tour l’innommable que l’Arabe acquiert un nom – et sa victime garde son nom elle aussi, elle ne saurait être effacée aussi simplement que l’a été l’Arabe. Mais cette quête identitaire, toujours réalisée par opposition au colon, est inachevée. En témoigne le fait que Kamel Daoud dit avoir réécrit L’Etranger de droite à gauche... mais il l’écrit en français ! Les contradictions font en quelque sorte partie de l’identité retrouvée. « Si tu m’avais rencontré il y a des décennies, je t’aurais servi la version de la prostituée/ terre algérienne et du colon qui en abuse par viols et violences répétés. » Volontiers. Pourquoi Haroun s’interrompt-il ? Pourquoi chaque dénonciation de la colonisation est-elle ainsi avortée ? Ce livre est une hésitation sans fin entre une posture de victime et une autre, plus énergique, de revanche.

Très vite, le roman de Kamel Daoud trouve un mobile au meurtre : la vengeance, mot qui fait surface comme une évidence dans la seconde partie du roman, et qui met en échec toute reconstitution de l’absurde. Le meurtre de l’Arabe en 1942 était absurde parce que l’indigène ne suscitait que des sentiments d’indifférence chez Meursault ; mais celui du colon ne l’est pas, même après la guerre d’Indépendance, car tuer par vengeance n’est pas absurde.

Lorsqu’à la fin du livre, une femme fait irruption dans la vie de Haroun, le lecteur respire une bonne bouffée d’oxygène. Cependant la femme se retire et Haroun, qui aurait enfin pu devenir un homme marié et fonder une famille, reste prisonnier cette identité, celle du criminel endeuillé. Jamais Haroun ne nous est montré dans ses vices plutôt que dans son crime, avec des habitudes plutôt qu’une obsession, comme un homme avant tout. L’absurde se prête mal à la description de sentiments. Or ce sont eux qui donnent chair à un personnage et font dépasser les préjugés racistes.

Le dernier outrage à l’œuvre de Camus apparaît à la fin du livre lorsque Haroun attend de mourir de vieillesse. L’hommage en forme de pastiche à l’œuvre d’Albert Camus est déplacé car l’attente paisible du vieillard est assimilée au couloir de la mort. Ce faisant, les efforts d’Albert Camus pour nous faire sentir l’horreur de la peine de mort sont anéantis. Les tourments de Meursault et de Haroun ne sont pas comparables. L’un est exécuté pour avoir tué l’Arabe et l’autre est à peine inquiété. Car, faut-il le rappeler, il y a des vainqueurs dans cette Histoire et c’est justement pour cela qu’il n’était pas possible de réécrire L’Etranger en forme de miroir. L’estocade finale de Kamel Daoud, d’un bras maladroit et inexpérimenté, achoppe sur une impasse.

Meursault, contre-enquête n’est pas un livre de l’absurde mais du désespoir. Aucun dépassement dialectique n’est proposé à ce jeu du tortionnaire et de la victime où chacun devient son propre bourreau à force de rumination. Si l’œuvre de Kamel Daoud a le mérite d’avoir repris une à une les pierres de la demeure coloniale pour bâtir son propre logis, la maison qu’il occupe est hantée.

Que ce livre ait obtenu le prix Goncourt du premier au roman est assez inquiétant. Ce prix démontre que Français et Algériens ne peuvent se donner la main autrement qu’en commettant ou laissant commettre un crime et en confondant, dans leur précipitation, narrateur et auteur, outrage et hommage. Le ressentiment des uns appelle les bons sentiments des autres, ou l’inverse, ce qui est encore pire. Kamel Daoud surfe sur la vague de la bien-pensance. Ballotté par la répulsion à l’égard des colons et l’admiration pour un géant de la littérature, il se noie dans l’incapacité à adopter une identité propre, indépendante. Avec ce prix, c’est la condescendance qui point, non la reconnaissance éclairée envers une œuvre. Ne se pourrait-il pas qu’un jour, le jury aborde l’œuvre d’un Algérien non pas avec des sentiments d’avidité, de rejet, d’amour, de rancœur, de complaisance, mais enfin d’indifférence ?

Dans Meursault, contre-enquête, l’indigène cesse d’être un étranger pour devenir un ennemi. Les Arabes sont tour à tour des victimes et des bourreaux non identifiés, mais jamais des hommes, tout simplement. En offrant un nom à l’Arabe, Kamel Daoud n’a sorti de l’anonymat que lui-même.

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Meursault, contre-enquête

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