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Critiques de Kun-woong Park (46)
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Mémoires d'un frêne

S'il est original de confier la narration de ces massacres tragiques à un arbre, j'ai trouvé que celui-ci était bien davantage au spectacle et même que celui-ci venait rompre la monotonie de sa jeune existence en le distrayant. J'aurais préféré un arbre compatissant aux souffrances de ces malheureux, à la douleur de leurs proches tentant de les identifier, mais non, il se satisfait même de la contribution en engrais organique que lui apportent les personnes assassinées.



Donc, pas d'empathie pour ce frêne qui n'aura qu'une branche cassée par un malheureux tentant de s'y accrocher, d'ailleurs il dispose de nombreux surgeons qui lui permettront de survivre et de se développer tandis que les victimes meurent.



Sur le plan graphique, c'est très noir, et pour cause, le sujet est terrible, donc peu de commentaires sur l'esthétique de cette bande dessinée, dont la forme de la présentation ne m'a pas convaincu.
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Mémoires d'un frêne

Je suis l’arbre qui parle, l’arbre qui raconte, l’arbre qui témoigne.



Petit, je n’étais qu’arbrisseau, isolé parmi les autres frênes dans cette vallée coréenne de Chungcheong, épargné de la coupe par deux jeunes frères débordant de joie de vivre.



Et un matin, j’ai vu… J’ai vu les soldats arriver ; j’ai vu les prisonniers enchaînés ; j’ai vu leurs yeux apeurés, horrifiés ; j’ai vu les visages supplier, appeler à un dernier sursaut d’humanité ; j’ai vu les fusils s’armer, et les soldats tirer ; j’ai vu les corps tomber, et tomber, et tomber encore ; et j’ai vu les autres convois s’enchaîner et les massacres recommencer…



Aujourd’hui, je suis adulte. J’ai grandi, nourri par le sang de tous ces hommes, par les pleurs de tous leurs proches, par la sève de leur souvenir. « Je suis à présent un grand frêne robuste. Mes racines ont conservé les vestiges de cette époque. Il semblerait que certains souvenirs résistent à l’épreuve du temps ».



Alors qui mieux que moi, qui ai tout vu et qui ai survécu, pouvait raconter ce massacre de la Ligue de Bodo durant la guerre de Corée en 1950 ? Qui mieux que Choi Yong-tak pouvait le transcrire en histoire ? Qui mieux que Kette Amoruso pouvait la traduire ? Et surtout, qui mieux que Park Kun-woong pouvait en magnifier l’horreur et la profondeur par des dessins d’une noirceur effroyable autant que poétique ?



Lisez Mémoires d’un frêne, une BD magnifique, un témoignage bouleversant.
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Mémoires d'un frêne

Heureusement que ce roman graphique est en noir et blanc, je crois que je n’aurais pas pu supporter de le lire en couleur, la violence, la terreur et le sang omniprésents auraient surement été trop agressifs.

Cette adaptation sous forme de bande dessinée d’une nouvelle de l’écrivain coréen Choi Yong-Tak est d’une force inouïe, tout en étant très sobre.

L’histoire nous est racontée par un jeune frêne, témoin du massacre de centaines et de centaines d’habitants d’une région située en Corée du Sud.

Les faits se sont déroulés en 1950, au cours de la guerre de Corée et entre 100 000 et 200 000 personnes, des hommes, des femmes et des enfants, tous des civils, ont été assassinés dans le plus grand secret.

Le fait que l’histoire soit racontée par un arbre permet de mettre une distance avec ces évènements dramatiques et rend la barbarie presque poétique, tant les dessins sont magnifiques, mettant l’accent sur le cycle de la nature, plus important ici que l’aspect moral du massacre.

L’arbre n’éprouvant aucun sentiment, il nous dépeint juste ce dont il a été témoin, il énumère les hommes qu’il a vus tomber, attachés les uns aux autres par des barbelés, il raconte les coups portés, les coups de feu qui émettent une lumière vive, les cris qui viennent animer le calme de la forêt, l’accumulation des corps entassés les uns sur les autres, la décomposition, le travail des insectes, les agapes des rats et des chiens sauvages et ce, jour après jour, encore et encore jusqu’à transformer la vallée paisible en une vallée de sang et de fluides de toutes sortes.

Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Rue de l’échiquier pour cet envoi, ainsi que pour le petit mot manuscrit, le marque-page et le catalogue des parutions.

J’ai beaucoup aimé cet ouvrage, d’un esthétisme délicat et sombre à la fois, et œuvrant pour que l’on garde en mémoire des faits que l’histoire a longtemps occultés.

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Mémoires d'un frêne

Mémoires d'un frêne est un roman graphique inspiré d'une nouvelle de Choi Yong-tak qui évoque un épisode méconnu - même par les coréens du sud - de l'histoire post-séparation des deux Corée.

Le narrateur, un jeune frêne de quatre ans, est témoin de l'exécution des membres de la ligue Bodo et du parti des travailleurs de Corée du Sud en juin 1950 par les forces sud-coréennes aidées par des groupements anti-communistes, plusieurs massacres d'hommes qui avaient été recrutés par les communistes sans vraiment avoir de réelles convictions politiques.



Un roman graphique historique où Kun-woong Park avec des vignettes en noir et blanc, très contrastées sauf pour les paysages grisés et brumeux, installe la dramaturgie, un dessin expressionniste pour les personnages et les portraits, un peu comme l'iconographie expressionniste allemande de Die Brücke, utilisant des traits épais comme dans la technique des gravures sur bois. le ton est froid et distancié à la limite du cynisme, le frêne survivant et se repaissant de la terre où se décompose le charnier.

Mémoires d'un frêne est un récit prenant mais quelque fois distant qui éclaire un épisode dramatique à l'instigation de la Corée du Sud.

Merci aux Éditions Rue de l'échiquier BD et Babelio pour cette découverte dans le cadre de l'opération Masse critique.
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Un matin de ce printemps-là

LES HUIT FACES DE L'INNOCENCE



1975. En toute honnêteté, que pourrions-nous évoquer avec certitude, relevant de cette année-là, en France et dans le Monde ? Sans doute pas tant de choses que cela. Quelques souvenirs sans doute, à condition d'aider un peu nos mémoires. En France, c'est le temps des grandes réformes, que l'on nommerait aujourd'hui "sociétales", sous la présidence de VGE. Son symbole le plus fort : la fameuse loi accordant l'IVG est enfin votée. L'ORTF meurt sans émouvoir personne et les français sont au chevet de l'acteur comique le plus populaire du moment, Louis de Funès, qui échappe à deux infarctus consécutifs. Dans le monde, c'est la tragédie de la guerre civile en Angola. Les nord-vietnamiens se sont emparés du Sud-Vietnam sans réaction des USA, le Caudillo passe enfin l'arme à gauche, les khmers rouges se sont emparés de Phnom-penh pour quatre années d'horreur pure, tandis qu'à Albuquerque, deux étudiants répondant aux noms de Paul Allen et de Bill Gates créent une petite entreprise d'informatique répondant au nom de Micro-soft... 



Quant au Pays du matin calme... À moins d'être un spécialiste de son histoire et de sa culture, ou peut-être un amateur féru de manhwa (le nom générique pour tout ouvrage de Bande-Dessinée coréen), de films ou de séries originales un peu pointus, il ne sera fait insulte à personne en avançant que c'est le parfait trou noir tant les manuels d'histoire font l'impasse presque totale sur ce qui s'y est déroulé de la fin de la Seconde Guerre Mondiale - avec un regain d'intérêt tragique, sur fond de début de guerre froide entre les deux grands, lié à la guerre de Corée dans les années 50. Et pourtant ! Ce pays qui allait être résumé à l'un des "quatre dragons" asiatiques des années 80 avait, dans le même temps que les très rapides rappels historiques de cette introduction, une histoire aussi sombre que délicate à aborder. 



Délicate, car la Corée post-moderne semble elle-même faire l'impasse sur nombre des aspects politiques de cette période : C'est, depuis un coup d'État qu'il a dirigé en 1961 et qui mit fin à une brève année de tentative démocratique du pouvoir (la 2nde République de Corée), le dictateur Park Chung-hee qui dirige le pays d'une poigne de fer, avec l'aide ostentatoire de la police et de l'armée. Cependant, tout autocrate fut-il, Park Chung-hee devait-il se défier d'une part non négligeable de sa population, de ses étudiants pour beaucoup, dont les rêves démocratiques et progressistes demeuraient forts. Déjà, en 1964, tandis qu'il menait contre une immense majorité de sa population, une politique de rapprochement ayant de forts enjeux économiques avec l'ancien ennemi japonais, le maître de Séoul avait-il fait inventer de toute pièce ce qui allait être dénommé plus tard, "le premier incident du PRP", du nom d'un supposé Parti Révolutionnaire Populaire inventé de toute pièce et bien évidemment aux ordres du nord - la Corée de Kim Il-sung  - mais dont les improbables dirigeants étaient, quant à eux, parfaitement vivants et reconnus. Nombre d'entre eux connaîtraient les affres de l'emprisonnement politique ainsi que des jugements hâtifs bâtis de toute pièce sur des preuves fabriquées et, pire encore, sur la révélation de la mise en oeuvre de la torture sur ces accusés. Ce premier incident tournera court mais son but sera en partie atteint : il aura détourné pour partie la population de ces fameux accords nippo-coréens qui, paradoxalement, permettront largement à sortir le pays du marasme dans lequel il était alors plongé (il faut se rappeler qu'à l'époque, l'ennemie du Nord était bien plus riche et même que la Corée du sud était l'un des pays les plus pauvres d'extrême Orient!).



Huit années plus tard exactement, afin de renforcer encore un peu plus sa mainmise sur l'appareil de l'État, d'empêcher les velléités démocratiques d'un grand nombre d'étudiants et d'esprits éclairés, Park Chung hee allait imposer "La Constitution Yusin". Cependant, un vaste mouvement "anti-Yusin" allait se mettre en place. Une fois encore, le terrible dictateur (globalement soutenu, par intérêts géopolitiques autant qu'économiques, par les USA, ne l'oublions pas) allait s'en sortir par la même pirouette que dix années plus tôt, recréant un "deuxième incident du PRP", tout nébuleux et fantasmatique que le précédent. Seulement, cette fois-ci, par-delà les innombrables arrestations de meneurs supposés de ce parti inventé de toute pièce et surtout celles d'anciens ou actuels activistes progressistes, par-delà les nombreuses violations des droits de la personne humaine, en particulier par l'usage systématique de la torture, par delà la négation de l'état de droit, en refusant toute forme de justice impartiale et équilibrée, Park Chung-hee allait pousser à commettre l'irréparable en faisant condamner huit condamnés, par des magistrats aux ordres, à la peine capitale par pendaison. 



C'est là que débute exactement cette magistrale Bande-Dessinée, Un matin de ce printemps-là, du dessinateur et auteur Park Kun-woong, publié par les impeccables éditions Rue de l'Échiquier que je remercie plus que vivement pour cette lecture plus qu'intense de ces derniers jours puisqu'elle me fut envoyée à l'occasion de la Masse Critique spéciale BD organisée l'an passé (sic !) par notre chère Babelio.com. 



L'ouvrage de prêt de quatre cent pages, tout d'un noir et blanc dense et tranché, arpente ainsi cette annus horribilis de la Corée du Sud des années 70, entamant son long chemin de misère par le témoignage de l'officier-aumônier chargé, le cas échéant, de recueillir les dernières volontés des huit futurs pendus - quoi que plusieurs aient été chrétiens, aucun d'entre eux ne fera usage de ce seul dernier souhait possible (la fameuse dernière cigarette ou dernier verre leur ayant été invariablement refusé) -, lequel qui finira par en éprouver un sentiment terrible d'avoir collaboré, bien malgré lui, à un veritable assassinat d'état. 



La suite est, pour bonne part, indicible. Park Kun-woog nous fait cependant toucher du doigt, l'un après l'autre, chapitre après chapitre, les points de rupture terrifiant de ces huit destinées d'hommes, puis de familles entières, non seulement atteints dans leur chair (jusqu'aux enterrements à la va vite des huit victimes, largement complexifiés par des forces de polices violentes et indignes), mais aussi rapidement ostracisées, mises au ban de la société coréenne de l'époque, bien prompte, il faut le préciser, à assumer sa vindicte populaire, du moment que les autorités assurait que ces gens-là étaient des proches d'espions communistes du nord... On voit ainsi ses femmes, toutes mères de famille (la société coréenne d'alors est encore plus traditionnelle que chez nous à la même époque. Une "bonne" épouse ne travaille donc pas), devenues veuves, éloignées tant du reste de leur famille que de leurs amis et proches, obligées de pratiquer les métiers les plus dégradants, de survivre comme des indigents, de déménager sans cesse afin d'avoir un semblant de tranquillité, ne fut-ce qu'un temps, jusqu'à ce qu'un flic finisse par retrouver leurs nouvelles adresses, jusqu'à la fois suivant, et la suivante, et la suivante. Que dire aussi de ces enfances brisées, par la mort d'un père, tout d'abord, puis par celle de la déchéance sociale et économique. Par les regard suspicieux des autres, qu'il vienne des adultes ou, pire, celui de leurs pairs, enfants. Ainsi, sous l'encre de Park Kun-woog, tous ces malheureux sont-ils sans visage, comme si cela pouvait être chacun de nous, comme si leur souvenir avait déjà effacé l'essentiel de leurs traits, à force d'oubli, comme si nous pouvions tous, demain, nous rendre coupables ou, au contraire, être les innocents de décisions iniques, injustes, monstrueuses. 



Que les potentiels lecteurs de, n'hésitons aucunement à l'affirmer, ce chef d'oeuvre documentaire et historique ne s'abstiennent pas de le découvrir : l'ouvrage, magnifiquement conçu (il nous semble indispensable de le préciser), objet véritablement beau s'il en est, malgré le terrible de son sujet, est aussi très complet et présente un dossier particulièrement bien conçu, en fin d'ouvrage, afin de mieux saisir les enjeux et répercussions, jusqu'à aujourd'hui, de ce moment absolument honteux de la Corée moderne. Quant à moi, j'ose le dire sans peine : j'ai déjà mis en commande chez mon petit libraire local préféré l'autre manhwa de Park Kun-woong intitulé Mémoires d'un frêne, consacré à un autre moment douloureux de la Corée en guerre des années 50 tant cette œuvre m'a convaincu que ce jeune dessinateur sud-coréen avait sa place parmi les plus grands du genre... Une découverte inouïe dont je ne suis pas près de me remettre !



PS : Pour une raison que j'ignore, cette critique n'a pas été enregistrée lors de son envoi par mes soins hier soir, à échéance du mois convenu. Toutes mes excuses auprès de l'éditeur et de Babelio.





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Mémoires d'un frêne

1950. L’armée et la police de Corée du Sud exécutent sommairement des centaines de civils, soupçonnés de sympathies communistes, sous le regard d’un jeune frêne.



Ce manhwa traite d’un épisode sanglant et particulièrement ignoble de la Guerre de Corée: le massacre de la Ligue Bodo. Ce n’est pas à mettre entre toutes les mains, car le sujet est traité sans concessions et aucun détail morbide ne nous est épargné.



L’originalité est que, comme l’indique le titre, les faits nous sont racontés du point de vue d’un arbre, ce qui était très intéressant et aide à prendre un peu de recul par rapport au propos. Cet aspect permet également de remettre l’inanité des actions humaines, si horribles soient-elles, dans le contexte plus vaste de la nature, à travers ses créatures, jusqu’aux plus petites, et aux végétaux, à plus grande longévité que la nôtre.



Le dessin est très particulier et ne fera pas l’unanimité, mais j’ai trouvé que ça convenait bien au sujet. Les cases sont toutes en noir et blanc, avec des traits épais et des visages assez grossiers, mais qui retranscrivent parfaitement les émotions, en particulier la peur et l’horreur. La représentation de la nature, en particulier les insectes, est très soignée et représentée avec une distance et une objectivité qui peuvent faire froid dans le dos compte tenu des circonstances.



Une lecture à faire, mais soyez prévenu-e-s qu’il faut avoir le coeur bien accroché.



Du même auteur, j’avais lu Le Livre de Jessie, que j’avais trouvé très intéressant également. Je compte me pencher sur le reste de sa bibliographie, qui semble mettre un point d’honneur à dénoncer des faits que l’Histoire officielle a tendance à balayer sous le tapis.
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Le livre de Jessie

Le livre de Jessie, c'est d'abord un cahier : celui que sa maman, jeune coréenne de la fin des années 30, commence à remplir lorsque sa fille naît afin de lui raconter leur histoire, son histoire. Ce cahier sera confiée par la petite fille de Jessie à un dessinateur qui en fera ce très beau roman graphique.

Dans de belles planches noir et blanc au graphisme travaillé, l'auteur nous raconte donc l'histoire des parents de Jessie : son père milite pour l'indépendance de la Corée, alors sous occupation japonaise (nous sommes juste avant le début de la seconde guerre mondiale) et a dû s'exiler en Chine et sa mère quittera son pays et sa famille pour rejoindre ce beau jeune homme dont elle est tombée amoureuse. C'est dans un contexte particulièrement troublé que va naître la petite Jessie : la Japon est en train d'envahir la Chine et le gouvernement coréen en exil est contraint de fuir de ville en ville pour échapper aux combats et aux raids aériens. Le roman regorge de petits détails qui nous font partager l'amour de ses parents pour la petite Jessie et leur admiration pour ce bébé qui grandit envers et contre tout dans une atmosphère de guerre et de désolation et devient une petite fille adorable. Nous vivons aussi de l'intérieur la situation des exilés politiques, tentant de rester unis, de continuer leur combat et de sauver leur vie dans un pays d'accueil, la Chine, lui aussi confronté à la guerre et à l'occupation. L'auteur nous fait ressentir la peur absolue que peut constituer pour des parents un raid aérien qui frappe au hasard et les oblige régulièrement à fuir à la recherche d'un abri, leur bébé dans les bras. Le graphisme est magnifique, tantôt noir et effrayant pour décrire les combats et la destruction qui s'en suit, tantôt plein de charme et de poésie pour les petits bonheurs du quotidien, le printemps qui revient malgré tout, un enfant qui sourit, le soutien des amis.

Seul petit bémol : j'ai trouvé quelques longueurs au milieu du roman, sans doute car je connais trop peu cette période de l'histoire de la Corée et de la Chine et que j'avais du mal à m'y retrouver entre évolution de la ligne de front, exils successifs et portraits des indépendantistes. Mais ce petit détail mis à part, je recommande vivement cette BD, à la fois témoignage personnel et histoire d'une famille mais aussi documentaire remarquable sur la seconde guerre mondiale vue d'Asie. A ne pas manquer !
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Le livre de Jessie

Exilé en Chine à cause de l’occupation japonaise de la Corée, un couple de patriotes raconte les péripéties de son quotidien face aux aléas de la guerre.



Le récit fait le parallèle entre l’enfance de Jessie et la guerre sino-japonaise du point de vue de réfugiés proches du gouvernement coréen en exil. Au vu du titre, je pensais qu’on serait en Corée, mais en fait on est en Chine. Donc on n’est pas témoin des exactions des Japonais en Corée, mais de l’invasion de la Chine.



C’est à la fois très instructif et très émouvant, du fait qu’on apprend plein de choses sur la période tout en suivant le quotidien d’une famille d’expatriés au milieu du chaos.



Les dessins peuvent être un peu déstabilisants au début, mais on s’habitue rapidement au trait et ils sont vraiment en adéquation avec le récit. Le trait est épais, au premier abord, ça peut sembler grossier, mais en fait il y a beaucoup de détails et beaucoup de choses sont représentées sous forme de symboles ou d’ombres chinoises.



Je recommande vivement cette BD, elle vaut vraiment la peine d’être lue, que ce soit pour l’aspect historique ou le côté humain. Un beau coup de coeur 🙂
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Mémoires d'un frêne

Frênes humains.



Au commencement, il y a un frêne. Un jeune frêne, encore un peu frêle. Il parle de lui, ce sont ses mémoires après tout. Il ne se passe rien de très notable autour. On pourrait croire qu'il s'ennuie, un peu. Jusqu'à ce que des cris, des plaintes montent jusqu'à lui. Des hommes surveillés, enchaînés, frappés, bientôt massacrés sont devant lui. Les visages déformés par la douleur, la peur. Une balle, une autre, un coup de crosse, bientôt ils seront tous au fond de la vallée. Morts. Et puis il y en aura d'autres. Et d'autres encore.



Le frêne ne sait pas pourquoi ils sont morts. Il s'en moque un peu. Il a vu du monde, la nature se nourrit de tout ça, des fluides, de l'organique. Parce que l'arbre est fait d'un autre bois que le nôtre, il ne s'émeut pas de ce charnier.

Le frêne ne sait pas pourquoi ils sont morts, tout comme eux ne savaient pas pourquoi ils allaient mourir. On les a amené là. Ni dissidents, ni résistants, ils ont eu le malheur d'être désignés. C'est la Corée en 1950, ça pourrait être n'importe quel pogrom, le Rwanda en 1994, une prison syrienne. N'importe quel moment de l'histoire où les frères humains ne le sont plus, où un homme ne reconnaît plus l'humanité dans le regard de celui qui se tient en face de lui. Alors on tue à la chaîne.



Le frêne est distant, c'est une grande violence pour le lecteur qui lit ses mémoires. Comment peut-il voir de la beauté dans cette flaque de sang sous les étoiles ? Le frêne est impuissant. Il ne peut rien arrêter. Rien décider. Et à cet égard, il n'est pas si éloigné de nous. Ce massacre à ciel ouvert, personne ne le voit, ne l'arrête. Comment blâmer l'immobilité de l'arbre quand on sait que bien des hommes auraient agi de la même façon en détournant les yeux ?

Il faudra l'abnégation de deux femmes fouillant le charnier en Antigone, donnant sépulture, pour que l'humanité refleurisse.



Cette bande-dessinée est un choc. Les dessins sont d'une violence rare, ils m'ont fait penser à ceux réalisés dans les camps de concentration ou au retour des camps (Zoran Music toujours, nous ne serons pas les derniers). Le texte presque naïf, bucolique, renforçant encore l'horreur.

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Mémoires d'un frêne

•OXYMORE TRAGIQUE•

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🦊 Il fallait que mes mots pleurent sur cet oxymore tragique. Mémoires d'un frêne c'est avant tout, la vision d'un arbre sur le monde. Comme si l'être humain n'était pas capable d'avoir la même hauteur d'esprit. Traduit du coréen par Kette Amoruso, il s'agit d'un ouvrage qui ne peut laisser personne indifférent. Certains seront choqués, d'autres meurtris mais n'est-ce pas là le propre de la littérature ? J'entends certains puristes affirmer que l'art graphique n'est pas de la littérature. Ne sous-estimez jamais le pouvoir d'une image, d'un dessin, d'un croquis. Celui qui image votre esprit. Si je ne m'attendais pas à pareille violence, elle s'avère être nécessaire en son écorce. Une branche se casse, elle repoussera. Les feuilles chantent au gré des saisons mais tout prend racine. Sans nos racines, continuons-nous d'exister ?•••

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🦊 Tout au long de l'album, sans couleur autres que le noir et le blanc, en pleine guerre de Corée en 1950, nous suffoquons. le massacre de la ligue Bodo, épisode méconnu des années post seconde guerre mondiale éclate à nos visages pour se planter dans nos coeurs fissurés. Les visages grossiers, aux yeux exorbités, au langage corporel éreinté, à l'absence de révolte forment un tronc qui se délite peu à peu. Dans cette forêt où ce frêne existe sans exister, impassible, sans bouger, sans moyen d'agir, la lumière intervient par petites touches pour ne pas sombrer. Les corps s'entassent, les visages se superposent, les membres se disloquent, le buisson de l'espoir ne répond plus. Déraciné. Abattu. Parfois, le vocabulaire s'avère trompeur. Si souvent ce sont les arbres qui tombent. Ici ce sont les hommes. Les innocents. Par crainte d'une contamination communiste. Adapté d'une nouvelle coréenne, Park Kun-Woong excelle dans l'horreur. Vous serez choqués ou révulsés par certaines scènes, combattre le mal par le mal est adopté en poncif. Si la luminosité de ce frêne éclate, on sent le vice de ce dernier à observer ce spectacle de loin pour tromper l'ennui. Il faudra attendre 2005 pour que la commission « Vérité et réconciliation » puisse faire toute la lumière sur ces évènements. Pour ne jamais oublier, pour témoigner de l'échec humain, cet album nous ramène à la triste réalité que l'Homme est loin d'être la meilleure chose sur Terre•••

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🦊 Avec des dessins arrondis, des seconds plans précis pour attirer l'oeil et une force graphique, l'auteur propose des cases à géométrie variable où celles en pleine page vous encercleront avec leur liane. Oxymore tragique. Les éléments prennent ainsi le pouvoir dans cette longue chaine humaine aux vagues successives. L'horreur humaine à travers la vision d'un frêne si petit soit-il, si fragile soit-il. Des hommes déshumanisés devant l'horreur, en proie à la folie font face au vice des capitaines. Au plaisir de faire mal, d'engendrer des souffrances et une mort indigne. Devant les cris, l'indifférence. Devant les pleurs, la fuite. L'auteur utilise ainsi des gros plans sur certaines parties du corps humain pour accentuer le trait alors que certains tortionnaires apparaissent parfois sans visage. L'oppression et la barbarie font face au désarroi et l'impuissance. Et puis ces bruits, ces bruits sourds ou creux qui résonnent dans le silence forestier, qui traduisent d'une angoisse profonde où le sol continue de vivre malgré les morts. Tels des animaux. Tel du bétail, la notion d'humanité disparait. Ce qui ne disparaitra pas, est de toute évidence la cruauté somptueuse de cet album. Sa barbarie poétique et sa violence lumineuse. Tout n'est qu'oxymore. Tout n'est que tragique. Oxymore tragique, voici venu le temps de la reconstruction•••


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Mémoires d'un frêne

BARBARIE EN NOIR ET BLANC

Voilà une lecture dont on a besoin d'évacuer la charge émotionnelle tant elle est forte et perturbante.

Il me fallait en parler sans attendre...

Dans ce roman graphique les mots sont rares et le dessin puissant.

Les mots sont ceux d'un jeune frêne, témoin malgré lui d'un pan honteux de l'histoire coréenne trop longtemps enfoui car d'une violence inouïe.

La voix de cet arbre est celle du gardien de la mémoire de la vallée Ssarigol qui voit pendant trois jours défiler des centaines de civils reliés les uns aux autres par du fil barbelé, précipités au fond de la vallée par l'armée et froidement exécutés...formant peu à peu un gigantesque charnier nourrissant de chair, d'os et de sang humain la vallée où s'épanouit une nature paisible.



Par les silences, les mots rares, les contrastes et nuances du dessin noir et blanc, la juxtaposition subtile et narrative des vignettes, les regards et les sons saisissants, le graphisme capable de poésie comme d'horreur, Park Kun-woong raconte l'indicible.

Et dans une narration guidée par les sens il met à jour ce massacre massif explosant sous les traits noirs de ses dessins engagés dans la vérité, plongeant le lecteur dans la torpeur, conscient de la nécessité de raconter l'horreur pour cultiver l'indispensable devoir de mémoire.



Une lecture souvent douloureuse mais littéralement nécessaire. A vous procurer sans hésiter pour ne pas oublier.

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Un matin de ce printemps-là

Ce n’est pas une bd qu’on lit en une petite après-midi de farniente… Déjà parce qu’elle fait plus de 300 pages (je crois que je n’ai jamais lu de bd aussi longue que ça), ensuite parce qu’il faut s’accrocher. Il m’a fallu la poser de temps en temps, surtout au début, tellement elle est chargée émotionnellement.

Ce manhwa (une bande dessinée produite en Corée, tout simplement, un manga mais de l’autre côté de la mer) relate un fait historique, l’arrestation, la torture, le jugement et l’exécution de 8 personnes en avril 1975, suite à des manifestations contre le changement de la constitution. 8 personnes innocentes, accusées d’être des espions de la Corée du Nord et d’avoir fomenté un coup d’Etat : deux accusations sans fondement, mais qui ont permis à l’Etat de détourner l’attention du grand public quand il en avait besoin. En 8 chapitres, l’auteur retrace le parcours de ces huit hommes, à la fois différents (des professeurs, des chefs d’usine) et semblables (tous sauf un sont maris et pères, la plupart vivent à Daegu, etc.), certains très impliqués politiquement, d’autres beaucoup moins. En fait, ce n’est pas vraiment leur parcours qui est retracé, mais plus le vide qu’ils ont laissé derrière eux et comment leur famille, femme et enfants, ont vécu avec cette absence pendant l’arrestation puis après l’exécution. Certaines femmes relatent les agissements politiques de leurs maris, d’autres n’en parlent pas, soit qu’il n’était pas impliqué politiquement soit qu’elles ne le savaient pas. Mais toutes décrivent une vie sous surveillance perpétuelle, le fardeau qu’est l’impossibilité de suivre les rites et les traditions, notamment au moment de l’enterrement, une vie en marge de la société et la nécessité d’exercer des petits boulots précaires pour survivre tant bien que mal sans cesser de se battre pour la réhabilitation de leur mari. Les enfants décrivent les vexations à l’école ou avec les camarades, la difficulté, parfois l’impossibilité, de se construire avec l’absence d’un père. Les 8 chapitres deviennent parfois un peu répétitifs, pourtant chaque histoire a quelque chose d’unique qui ressort sous les traits de Park Kun-woong.

Car ce livre est un livre graphique, il ne faut pas l’oublier. Lorsque je l’ai reçu et feuilleté, la noirceur des planches m’a rebutée, puis je me suis aperçue que les personnages n’avaient pas de visage (pas d’yeux, pas de bouche ou de nez), à quelques exceptions près. Je me suis demandée dans quoi je m’embarquais, et pourtant, cela fonctionne. Je ne saurais dire exactement pourquoi, mais cette absence de visage trouve sa place dans ce manhwa. Le jeu sur le noir intense et le blanc immaculé, sans jouer sur les nuances, donne l’impression de dessins simples, bien qu’ils soient en réalité très travaillés. L’absence de visage, l’absence de nuances obligent le dessinateur, et par ricochet le lecteur, à s’intéresser à d’autres aspects du dessin. Par exemple, les sentiments ne sont pas sur les visages, mais ils transparaissent dans les attitudes, dans la façon dont le corps est penché par exemple. La technique de dessin et le cadrage soulignent la douleur des propos, la renforcent et finissent par étreindre la gorge.



C’est donc un récit intimiste, mais c’est aussi un récit très ancré dans son environnement. Bien sûr parce qu’il relate un fait historique, mais aussi parce qu’il décrit la société sud-coréenne dans ses multiples aspects. Des petits faits, comme cela, au passage, comme la soupe de sang de bœuf, des répliques qui montrent à quel point la société est structurée et rigide (« Yeo Jeong-nam est mon aîné, comment je lui donnerias des ordres ?, page 285) ou à quel point les femmes sont dans une position de dépendance. Mais ce manhwa m’a aussi permis de réaliser à quel point la Corée du Sud avait été un régime dictatorial. Un peu naïvement, j’ai toujours vu la Corée du Sud comme les gentils, le rempart contre les méchants de la Corée du Nord. Et puis aujourd’hui, on regarde la Corée du Nord comme une incroyable anomalie sur l’échiquier mondial (ce qu’elle est, bien sûr), mais ce livre montre à quel point tout était moins noir et blanc (à la différence de l technique graphique…) que l’on voulait l’imaginer. Ce n’est pas le seul cas, les dictatures légitimée parce qu’elles étaient soi-disant l’unique rempart possible contre le communisme, on en a connu en Amérique Latine aussi. Mais je dois avouer que le cas de la Corée m’était moins connu et que ce manhwa a remis quelques pendules à l’heure. Le climat de suspicion et de contrôle est d’ailleurs très bien rendu, notamment dans les scènes de procès ou d’interrogatoire, mais aussi avec les affiches placardées un peu partout et traduites sous les images (ma « préférée », qui revient plusieurs fois est certainement : « Quelqu’un est bizarre ? Dénoncez-le ! », ça veut tout dire…).



Je conclus ici ma longue note de lecture, pour une longue bande dessinée coréenne, un long mahwa, qui allie l’histoire intime et l’histoire nationale, et dont le style très particulier, alliant avec une grande dextérité le blanc et le noir, participe pleinement à l’intérêt de ce livre. Il peut être difficile d’abord, les noms se ressemblant beaucoup on s’y perd parfois, ou bien les 8 histoires étant traitées en parallèle pouvant paraître introduire de la redondance. Mais ces difficultés passagères à entrer dans l’œuvre ne sont rien par rapport à sa richesse et à son intérêt.

C’est un livre prenant. Oui, il m’a demandé plusieurs jours de lecture, ce qui est rare pour un livre graphique, mais je suis contente de lui avoir consacré ce temps. Et l’objet est beau, c’est rare qu’une bande dessinée ait ornée d’une couverture de tissu. Et les 8 fleurs qui sont dessus, même si leur signification n’est explicitée que dans la dernière phrase des annexes (oui, il faut aller jusqu’au bout du bout !), prennent très vite sens, et disent toute la poésie et l’espoir qui sourdent dans ce livre malgré le sujet grave et lourd et la détresse des personnages. Un livre à lire parce qu’il sort de l’ordinaire et pour ses qualités propres. Un grand merci aux éditions Rue de l’échiquier qui ont entrepris sa traduction et sa publication.



Merci aux éditions Rue de l’Echiquier de m’avoir permis de lire ce livre, dans le cadre de l’opération masse critique de Babelio.
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Le livre de Jessie

Park Kun-Woong a choisi, avec ce roman graphique, de mettre en images le journal qu’un couple coréen tenait régulièrement durant le conflit sino-japonais qui a touché l’Asie de 1937 à 1945.



Des cahiers écrits à quatre mains dans lequel cette famille raconte la naissance de leur fille Jessie, ses premiers pas dans la vie mais également leur exil en Chine ainsi que les événements dramatiques qu’ils ont traversés durant ces années de guerre.



On découvre leur quotidien difficile, les multiples fuites de ville en ville, la peur, les bombardements aériens incessants et les massacres.



Un récit qui met également en avant le courage et l’engagement des résistants coréens face à l’expansionnisme japonais.



Mais c’est avant tout l’histoire de leur fille Jessie, les petits bonheurs partagés ensemble, la difficulté d’élever une enfant alors que le chaos règne autour d’eux.



J’ai découvert Park Kun-Woong avec le percutant et superbe Mémoires d’un frêne et j’ai pu apprécié, une fois de plus, la sobriété et la force de son travail graphique. Cependant, un petit éclairage supplémentaire sur le contexte de ce conflit aurait été le bienvenu en amont de cette lecture.



Un roman graphique touchant à mi-chemin entre récit de vie et documentaire avec pour vocation principale, la transmission. Une plongée dans le passé enrichissante qui permet de mettre en lumière un conflit méconnu, qu’il est nécessaire et important de garder en mémoire.
Lien : https://mesechappeeslivresqu..
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Le livre de Jessie

1937/1945, c'est la guerre sino-japonaise. Le Japon qui occupe déjà la Corée se sent des envies d'expansion. Les membres du gouvernement provisoire coréen, en lutte contre l'occupant sont alors réfugiés en Chine. C'est le cas des parents de Jessie qui naît en 1938, à Shanghai. L'histoire de Jessie est racontée par sa mère à sa petite fille, la fille de Jessie donc. Cette histoire fut un livre, elle est désormais un roman graphique.



Tout d'abord, ce qui surprend dans ce roman graphique, c'est le noir et blanc et les quelques très rares touches ocre et vertes pour la très courte partie contemporaine. Ensuite, c'est le graphisme : les dessins sont assez naïfs, les visages pas toujours finis, sauf pour les personnages principaux. Les cases sont parfois réduites au minimum et d'autres fois pleines voire débordantes, notamment pour ce qui concerne les bombardements, les explosions. Park Kun-Woong utilise les pages à sa guise : des petites cases, des plus grandes horizontales ou verticales, des pages entières, des doubles pages, ... Les paysages chinois sont décrits et le dessin succinct les évoque plus qu'il ne les montre. C'est un style particulier qui peut frustrer les amateurs de couleurs et de belles planches léchées, de beaux paysages de montagnes, d'eaux et d'arbres. Mais ce style est là pour montrer la violence et la cruauté de l'exil, de la guerre, des bombardements incessants, les départs précipités, les nombreux déménagements de Jessie et ses parents alors qu'elle est encore bébé et durant toute sa tendre enfance.



J'aime beaucoup, parce que c'est très loin de mes lectures habituelles, j'ai lu quelques romans coréens mais pas de bande dessinée. Et aussi parce que j'ignorais à peu près tout de la Guerre sino-japonaise qui se conclura par la capitulation du Japon après Hiroshima et Nagasaki. Autant dire que j'ai beaucoup appris, et j'ai poussé mes recherches plus loin, me renseignant ici ou là sur ce conflit.



Un gros volume d'à peine 400 pages qui se lit avec beaucoup d'intérêt (même si parfois, des pages se répètent et peuvent rendre le récit un peu long), qui permet de découvrir une autre culture du dessin et une histoire terrible, finalement assez proche de ce qu'ont pu vivre les Français et d'autres pendant la guerre, sous les bombardements, avec la question de l'exil en plus. C'est aussi un livre qui parle d'humanité, d'entraide, de la famille, des traditions et de la transmission. Une très belle découverte.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Mémoires d'un frêne

"De mémoire de frêne, on n'avait jamais vu une telle foule dans la vallée."

Le narrateur, un frêne, témoin curieux assiste à une tragédie se déroulant au fond d'une vallée qui se verra peupler de nombreux anonymes. Il y a dans son monologue un côté poétique qui tranche avec la gravité des événements, se déroulant sur plusieurs jours. La nature tiens une certaine place - indifférente devant "l'opiniâtreté" humaine - des bourreaux et des civils qui s'agitent vainement.

Un dessin en noir et blanc, très réussit, une ambiance noire et qui s'adapte très bien "une beauté sombre". Appuyé par des planches en pleine ou double page et voir des cases, des textes assez forts. La foule est représentée comme des animaux qu'on envoie à l'abattoir. Les visages, leurs expressions marquées par la peur. Ils sont terrifiés par leur fin brutale, terrible et absurde !

À la fin, quelques pages de l'auteur et de l'écrivain (adapté d'une nouvelle de Choi Yong-Tak dont le grand-père est une des victimes), éclairent et dénoncent ces atrocités commise par la Corée du Sud en 1950, lors de l'invasion de la Corée du Nord. Des sympathisants communistes, des civils ont purement et simplement été assassinés. Un chapitre de l'histoire longtemps méconnu.

Merci à Babelio et les éditions Rue de l'échiquier pour cette découverte !
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Mémoires d'un frêne

Dans les années 50, des dizaines de milliers de Coréens du Sud ont été massacrés par le régime, composé de petits chefs qui obéissaient au parti

Un frêne assiste aux scènes de massacre posant un regard distancié et magnifique sur la bêtise humaine et toute son horreur

Le frêne lui ne peut rien faire pour empêcher ces exécutions

On préférerait parfois être un frêne
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Mémoires d'un frêne

Cet album bouleversant nous raconte le massacre (parmi de nombreux autres) d'une partie de la population sud-coréenne par la police sud-coréenne elle-même sous le prétexte que les victimes étaient des "cocos" (communistes)...A la sortie de la libération du pays des japonais et pendant la guerre de Corée, de nombreux massacres similaires seront perpétrés (voir aussi Jiseul, Sarbacane, 2015).



Park Kun-woong fait ici la magnifique adaptation de la nouvelle du même nom de Choi Yong-tak.

Nous avons le point de vue neutre d'un frêne qui assiste au meurtre atroce de centaines de personnes.

Le trait, le texte, tout transpire de la violence de cet acte horrible et impardonnable et nous atteint en plein cœur.



Quand on pense que ce massacre a été tout simplement occulté de l'histoire officielle jusque dans la fin des années 90 ! Comme le dit l'artiste lui-même, il fait un travail de mémoire. Nous ne pouvons pas oublier que ça a eut lieu et ainsi espérer que cela ne se reproduira pas.
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Massacre au pont de No Gun Ri

Massacre au pont de No Gun Ri est un manwha qui témoigne de la tragédie qui s’est déroulée durant la guerre de Corée.



Cette brique démarre pourtant sur un ton paisible et si la guerre est très vite annoncée, l’horreur met cependant du temps à nous atteindre. Il y a d’abord les autorités qui se veulent rassurantes et puis cet exode massif vers le Sud qui se met tout doucement en route. Et alors que les conséquences de l’invasion des troupes nord-coréennes et de l’arrivée des troupes américaines se font progressivement ressentir, Park Kun-Woong vient frapper le lecteur de plein fouet en détaillant mort par mort, ce massacre perpétré sur des civils coréens réfugiés sous l’arche d’un pont. Les témoignages rapportés par les quelques survivants de cette tuerie qui dura plusieurs jours deviennent vite insupportables et le sort de ces familles meurtries dans l’obscurité et confrontés à des choix et des événements indescriptibles est plus qu’inhumain.



Si je ne suis pas trop fan du dessin, en multipliant les tons sombres, celui-ci parvient néanmoins à conserver un peu de pudeur en dissimulant quelque peu l’horreur des scènes derrière des traits aussi sombres que cette page de l’Histoire.



Édifiant !
Lien : http://brusselsboy.wordpress..
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Mémoires d'un frêne

Récit sobre mais glaçant du "massacre de la ligue Bodo" par la police et l'armée sud coréenne en 1950, pendant la guerre fratricide en Corée, qui a fait des millions de morts sur l'autel de la guerre froide.

Le narrateur est un frêne, qui a été intelligemment incarné par l'écrivain Choi Yong-tak dans une de ses nouvelles. Le dessinateur Park Kun-woong en a fait sa BD. Les auteurs se sont manifestement imprégnés du caractère de cet arbre robuste.

L'étonnement de cet arbre spectateur de ce massacre au bord d'une sombre vallée où des corps s'entassent, donne à ce récit une couleur à la fois sombre, ironique et vivante.

Ce point de vue permet de s'interroger sur la sagesse et la vanité de l'être humain.
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Mémoires d'un frêne

Je n'ai pas pour habitude de lire des romans graphiques, mais il était une fois sur bookstagram, l'éloge d'un dessin en noir et blanc qui fleurit sur les comptes des personnes que je suis assidument. Céline (@point.a.laligne), Karine (@c_est_ma_kam), Thael (@thaelh) (et encore tant d'autres) sont les messagers de ce roman graphique, qui parvient jusqu'à mes oreilles (enfin plutôt jusqu'à mon fil instagram, mais c'était moins poétique). Je le boude, rechigne : je déteste la lecture "populaire" alors j'attends. Quelle erreur cette fois que de passer à côté d'une pépite pareil (je n'ai que quelques mois de retard), si touchante et si brute à la fois.

Nous nous trouvons du point de vue d'un petit frêne, gracieusement épargné de la coupe estivale par deux frères espiègles. Toujours présent dans le coin gauche d'une case, il nous conte aisément sa vie monotone d'arbre à la grande longévité. Il assiste à l'évolution de sa vallée, et au coucher du soleil, un jour, cogne le pas douloureux de milliers de prisonniers enchaînés. 100 000 à 200 000 morts (on ne sait pas le chiffre exact, il y en a sûrement plus) qui gisent, abattus par les soldats, au pied du frêne spectateur de ce massacre. Et les familles, qui pleurent leurs enfants, maris, frères ; et l'humanité, réduite en une bouillie de membres cassés, l'insecte qui se mêle à l'intestin qui gît sciemment en dehors d'un abdomen. Oui, à travers son feuillage, le frêne nous raconte "le massacre de la Ligue Bodo", ayant eu lieu au début de la guerre de Corée en 1950. L'auteur de la nouvelle nous explique dans la post-face que, dans cette région de Chungcheong, son grand-père faisait partie des victimes ; et, "c'est un sujet si douloureux que j'ai choisi de le traiter du point de vue d'un arbre. Il m'a paru essentiel d'adopter le regard distancié d'un témoin neutre pour évoquer l'horreur"- Choi Yong-Tak. le rendu est tout simplement bluffant.

J'ai lu sur Babelio un avis qui disait "heureusement que ce roman graphique est en noir et blanc, je crois que je n'aurais pas pu supporter de le lire en couleur" (@LePamplemousse), et je suis assez d'accord avec elle. La bichromie de ce roman, le noir et le blanc qui s'atténuent et se confondent ensemble, les coups de pinceaux, de brosses, les jets d'encre suffisent à construire et comprendre ce massacre. On devine aisément les fluides, qui s'écoulent comme une rivière sanglante ; les expressions sont ahuries, les yeux globuleux, la terreur dépeinte par les traits horrifiés et cassants. Les scènes d'horreur et de dégoût côtoient la délicatesse d'une nuit étoilée, dans une ambivalence poétique qui m'a fait fondre en larmes.

Les dessins sont superbes, le ton est original, le message est fort, et je vous avoue ne pas en être ressortie indemne. Je revois ces scènes qui défilent, la brise qui souffle sur un branchage cassé, et je hume à travers les pages l'odeur ferrugineuse d'une mare coagulée. Ce roman graphique est percutant (un de mes mots préférés vous avez l'habitude), et il est préférable de ne pas passer à côté. Un grand moment de lecture que je pense réitérer encore et encore ; et les autres lecteurs ne vous en diront pas le contraire.
Lien : http://thereadingsession.fr/..
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