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ANAGOGIE II : ROMANS GRAPHIQUES
Liste créée par wellibus2 le 08/06/2015
46 livres. Thèmes et genres : roman graphique , bande dessinée , politique et societe , politique , Guerre du Viet-Nam (1961-1975)

La bêtise, comme l'intelligence est donc universelle. Quelle triste sort que celui de l'humanité



1. Tout va bien !
Mana Neyestani
5.00★ (20)

Auteur d’Une Métamorphose Iranienne, Mana Neyestani est aussi dessinateur de presse depuis l’âge de 16 ans. D’abord en Iran, pour des journaux réformistes puis gouvernementaux – jusqu’à ce dessin qui provoquera son emprisonnement et sa fuite à l’étranger –, puis en Malaisie, entre 2006 et 2011, et enfin en France, où il vit en tant que réfugié politique. Son travail d’illustrateur pour des sites dissidents iraniens a connu un énorme retentissement à partir de 2009 et des mouvements de contestation d’une partie de la population iranienne. Certains de ses dessins, très critiques envers le régime, étaient utilisés par les manifestants et le mouvement vert. Il est depuis devenu l’un des porte-parole de la contestation du régime théocratique et tyrannique de la république islamique d’Iran. Mana continue à être très actif et réalise plusieurs dessins par semaine. Membre de l’association Cartooning for Peace, créée par Plantu, il a reçu le prix international du Dessin de Presse, le 3 mai 2012, des mains de Koffi Annan. À travers ses dessins aux fines hachures rappelant ceux de Serre et de Topor, Mana Neyestani porte un regard empreint d’humour noir sur le monde, et notamment sur la situation politique en Iran et dans d’autres pays du Moyen-Orient (Syrie, Israël, Palestine...). Ce recueil rassemble près de 200 illustrations noir et blanc et couleurs.
2. Le photographe, Intégrale
Emmanuel Guibert
4.60★ (741)

En 1986, Didier Lefèvre (1957-2007) part en mission comme photographe en Afghanistan avec Médecins Sans Frontières. Accueilli et guidé sur place par l'équipe de choc de MSF, Le photographe s'engage dans un périple de quelques mois entre les plaines du Peshawar au Pakistan et les régions montagnardes du Badakhshan au nord de l'Afghanistan. de cette expérience riche en rencontres et anecdotes, Didier Lefèvre a ramené des dizaines de planches dont beaucoup seront oubliées dans quelques boites au fond d'un placard. Le photographe est né de la volonté de communiquer au grand public ce travail inédit du reporter. Initiée par Emmanuel Guibert plus de 15 ans après la mission, cette série a pour objectif de permettre une lecture différente et différée des événements sur la base de sources originales. Pour Emmanuel Guibert qui reconnait volontiers le talent de conteur ainsi que l'oeil averti de son ami, il s'agissait de : "faire entendre la voix de Didier, combler les vides entre les photos et raconter ce qui se passe quand Didier, pour une raison ou pour une autre, n'a pas pu photographier. Tout cela dans l'idée de montrer dans le détail ce qui l'est rarement : un reportage en train de se faire, une mission humanitaire au jour le jour, le destin d'une population de montagnards prise dans la guerre." (extrait de Déclic du livre sur le site de l'ouvrage). Le photographe est l'un de ces rares ouvrages qui offre un regard nouveau sur Le photojournalisme et le travail humanitaire. Un magnifique exemple de collaboration à la croisée de 3 métiers : photojournalisme, dessin et graphisme (cf. collaboration de Frédéric Lemercier pour la mise en page et la couleur). Partir en mission humanitaire en Afghanistan pendant la guerre (1979-1989) L'Afghanistan est enlisé dans la guerre depuis 7 ans lorsque de Didier Lefèvre s'y rend en mission. L'équipe de MSF qu'il accompagne, parcourt les contrées reculées du pays pour soigner les malades et les blessés (cf. les opérations à ciel ouvert). Les zones occupées et contrôlées par les armées soviétiques sont dangereuses (se méfier surtout des patrouilles d'hélicoptères). Les routes reliant les divers points de chute des ONG sont difficiles à pratiquer : tout se fait à pied, à cheval ou à dos d'âne. le convoi de MSF profite des caravanes de ravitaillements d'armes entre le Pakistan et l'Afghanistan pour traverser les zones critiques. Dans ces régions centrales de l'Afghanistan où l'environnement est hostile et les risques de tirs omniprésents, les accidents, les disparitions et les décès ne sont pas rares. le danger est tangible mais pour avancer, l'équipe dépêchée par MSF fait preuve d'une volonté, d'une patience et d'une endurance à toute épreuve. Négocier, trouver les bonnes alliances, s'adapter, maîtriser les codes ou la langue (farsi), agir dans l'urgence, garder son sang froid, exercer en toute circonstances, sont autant de compétences et qualités nécessaires à ce type de mission. Une bonne condition physique aussi. Mais comme le révèle Le photographe, la fatigue, le stress et le découragement l'emportent parfois. Parce que partir en mission humanitaire (surtout en Afghanistan pendant la guerre) n'est pas un acte anodin, ce mémorable témoignage de Didier Lefèvre est précieux car il dévoile grâce à un traitement journalistique/artistique inédit, à la fois les coulisses du métier d'humanitaire et celui du photographe-reporter... La photographie et le dessin comme support du récit de Didier Lefèvre : un traitement original A mi-chemin entre témoignage et reconstitution, Le photographe propose un travail original de mémoire et de valorisation de sources brutes. A cette lecture, on pensera inévitablement aux oeuvres de Joe Sacco comme par exemple Gorazde qui intègre en introduction, des photos capturées par le journaliste pendant ses séjours en Bosnie. Pourtant, la démarche artistique employée pour les deux oeuvres est complètement différente. le bédéiste américain se sert de ses photos et de ses notes de voyage comme support de création artistique (dessin et récit). Dans le cas du présent ouvrage, Ce sont les illustrations qui complètent les sources et le récit. Si le travail de reconstitution est commun aux deux livres, la démarche est inversée. Pas de carnet de notes pour Le photographe (Didier Lefèvre l'a perdu). Seuls les milliers de clichés (dont seulement quelques-uns ont été exploités) et les souvenirs ont permis la reconstitution des événements. Cette valorisation de sources brutes (ici les planches du photographe) est originale car le récit se déroule sur la base des planches et dessins qui se complètent par alternance. Ce choix artistique et éditorial mérite d'être souligné car il offre divers jeux de lecture que je trouve assez intéressants : lire tout d'un coup, lire uniquement le récit illustré ou ne s'attacher qu'aux planches... Le photographe est par conséquent un objet hybride unique en son genre qui hésite entre le carnet de voyage, la bande-dessinée et Le photo-reporta
3. Tipping point : Téhéran 1979
Hamed Eshrat
3.36★ (25)

Lecturejeune , le 17 février 2012 Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - Hamed Eshart est né à Téhéran en 1979 pendant la Révolution islamique. Ce roman graphique est le témoignage de sa mère, alors enceinte de lui, et mariée à un membre de la Savak - les services secrets du Shah. L'expression « Tipping point » signifie un basculement inéluctable, une transformation radicale engendrant de nouveaux comportements. Cet album évoque les événements qui ont précédé la révolution iranienne, bouleversant la société, avec l'arrivée au pouvoir de Rouhollah Khomeini. Pour la famille de l'auteur, il est temps de se protéger et la survie dépendra des relations et de l'argent versé à bon escient. Cet album en noir et blanc n'est pas sans rappeler Persepolis (voir LJ n° 106) de Marjane Satrapi, bien que le récit en soit beaucoup moins personnel et concentré sur une courte période, de l'automne 1978 à mars 1979. Par conséquent, il est également plus difficile d'accès car il rend compte d'un contexte politique complexe. Néanmoins, le personnage du père qui voit sa vie en danger est particulièrement intéressant ; cet homme isolé voit son statut complètement remis en question et il doit envisager une nouvelle destinée. Tipping point constitue un témoignage historique très intéressant. Pour plus de clarté, on trouvera en début et en fin d'ouvrage, une chronologie retraçant l'histoire de l'Iran des années 1900 à nos jours. Un album clef qui permettra au jeune lecteur de s'interroger sur « les tourments d'une région toujours en ébullition, qui continue d'ébranler les grands équilibres mondiaux ». Anne Clerc
4. Nankin
Nicolas Meylaender
4.21★ (49)

Voilà une BD historique encartée dans une BD de reportage. En effet quelques pages au début, au milieu et à la fin nous emmène à suivre un avocat chinois qui désire voir reconnu par un tribunal japonais l'acte de diffamation qu'a constitué la publication en 1998 dans un livre révisionniste nippon d'un texte remettant en cause la véracité du témoignage d'une rare survivante de Nankin. Pour la majorité des pages il s'agit de vivre à travers les yeux de Xia Shuqin, alors âgée de huit ans, le Sac de Nankin, un épisode guerrier de décembre 1937 qui s'est déroulé dans la capitale de la Chine nationaliste. le massacre de Nankin a duré environ deux mois du 13 décembre 1937 et la fin janvier 1938 et près de 300 000 personnes y ont laissé la vie. Soldats chinois prisonniers et civils chinois des deux sexes ont été massacrés et des femmes violentées pendant plusieurs jours. Quelques Européens jouèrent le rôle de ce que les historiens nommèrent de ?juste? ; il s'agit en particulier de l'Allemand John Rabe et de la missionnaire américaine Minnie Vautrin. le récit au passé se fait sans cartouche, n'est présent que le style direct dans des bulles. Cet album est en noir, rouge et sépia, il renvoie ainsi au lecteur l'importance d'une violence passée, le graphisme tire vers la caricature ce qui n'en rend que plus menaçant les agresseurs japonais. Avec un format à l'italienne le regard capte d'abord globalement les deux pages ce qui pousse l'esprit du lecteur à penser que les massacres vont se succéder les uns après les autres. Vues certaines scènes concernant en particulier l'usage de la baïonnette, l'ouvrage ne peut être conseillé qu'à un lectorat de plus de quatorze ans. Voir l'article "Chine: 75 ans après le massacre de Nankin, Xia Shuqin vit toujours l'horreur" qui évoque le combat de cette survivante des massacres de Nankin contre le négationnisme nippon à http://www.lepoint.fr/
5. Le grand mal/Medz yeghern
Paolo Cossi
3.92★ (70)

Medz Yeghern mêle Histoire et fiction. Ainsi des personnes ayant vécues le génocide de 1915 livre leur histoire au même titre que des personnages nés de l'imagination de Paolo Cossi. La bande dessinée est d'ailleurs ponctuée d'extraits de documents historiques, et autres citations. Il contient aussi une préface intéressante signée d'Antonia Arslan et à la fin, quelques pages de rappels historiques pour les "novices". Les dessins en noir et gris sont très précis, sans fioriture, ce qui permet au lecteur de se concentrer (quasi) uniquement sur les personnages et leurs sentiments, et non sur ce qui les entoure. de tels choix dans le graphisme exacerbe la violence de certaines scènes (massacres, torture ou viol) et le cynisme dans les discours ottomans n'en est que plus cru. On voit notamment un travail assez intéressant dans les premières planches avec l'opposition des regards. D'un côté les soldats animés par une envie sadique de voir le sang versé et d'exercer leur folie meurtrière en toute impunité sur des civiles - arméniens ou turcs ayant des velléités d'aider leurs compatriotes arméniens. Ceux-là ont de petits yeux mesquins à moitié fermés dont la cruauté s'échappe. En face, on voit les civils arméniens avec des yeux ronds qui ne comprennent pas ce qu'il se passe et sont loin d'imaginer le sort qu'on leur réserve. Et petit à petit, leurs yeux ronds s'écarquillent et de l'incompréhension, c'est la terreur qui s'invite dans ces regards. Dans cette bande dessinée, Paolo Cossi alterne deux types de narration. D'abord un récit à la deuxième personne d'où surgit la tendresse et la nostalgie du temps de l'insouciance. Un ton de confidence qui tranche avec la violence des dialogues de domination raciale, d'anéantissement et de mépris. Toutefois, la vision que nous offre l'auteur dans cet BD n'a rien de manichéenne. Tout d'abord parce qu'il met en scène un épisode de résistance arménienne, ce qui empêche d'étiqueter ce peuple comme "victime". Et parce qu'il montre des Turcs qui remettent en cause les décisions du gouvernement et prennent le risque de sauver des vies arméniennes. Une fois de plus, j'ai été très émue par les événements qui sont relatés. J'ai fini cette lecture avec une boule dans la gorge. Et en ayant refermé ce livre, j'ai eu tout un questionnement, similaire à celui que j'avais eu à la fin du témoignage de Chil Rajchman ("Je suis le dernier juif"). Ici je me suis rendue compe qu'en fait, il n'y a aucune explication "rationnelle", raciale, culturelle ou religieuse à la folie (un thème tristement d'actualité...). Ce constat est quelque peu pessimiste car il suppose qu'elle est potentiellement en chaque être humain. Mais tous n'ont pas la raison suffisante pour ne pas laisser libre cours à leurs haines viscérales ou autres angoisses ou fantasmes. .... L'Europe a eu Hitler, et l'empire Ottoman les trois Pacha. La bêtise, comme l'intelligence est donc universelle. Quelle triste sort que celui de l'humanité ! ... (Critique par Under_The_Moon)
6. Persepolis
Marjane Satrapi
4.54★ (7027)

Avec Persépolis, Marjane Satrapi nous donne son point de vue de témoin privilégié de l'Iran des années 70, 80 et 90. On découvre ce pays, si particulier vu de notre petit monde occidental, avec un humour et une prise de conscience toute personnelle à Marjane Satrapi qui nous fait vivre les événements de l'intérieur : c'est cela tout l'intérêt du témoignage par rapport à un récit historique, il nous fait vivre les choses du point de vue de ceux qui l'ont vécu et non de ceux qui en ont juste entendu parler ou se sont renseignés à son propos. Là, nous vivons les choses de la manière la plus quotidienne et fatidique qui soit, et c'est même assez cru parfois, ce qui n'enlève rien au talent de Marjane Satrapi. À force de se parler à elle-même ou de discuter avec son « ami », comme elle appelle Dieu, l'auteur brise même parfois le quatrième mur ce qui participe des petits effets humoristiques censés alléger les propos du récit bien chargé en émotions. Un récit tantôt triste, tantôt drôle donc, qui m'a paru trop lourd pour ce que ça raconte, notamment le long séjour en Autriche qui est pour moi totalement hors-sujet (dans la troisième des quatre grandes parties, ce sont davantage les considérations d'une adolescente comme chez nous finalement) par rapport à l'intérêt évident de voir, du point de vue d'une petite fille, se former un régime totalitariste encore palpable de nos jours ... (Critique de Par Dionysos89)
7. Fables de Bosnie
Tomaz Lavric-TBC
3.67★ (13)

Humainement vrai jusqu'à la douleur, "Fables de Bosnie de l'auteur slovène Tomaz Lavric, dit TBC, fait partie des quelques rares créations où ce conflit est traité loin des stéréotypes et des idées reçues. TBC touche au plus près la cruelle réalité de destins individuels balayés par le fracas des armes. Chaque case, chaque planche font revivre, avec une fulgurante intensité, les lignes de vies brisées des victimes de ce drame. A travers ces pages, c'est l'essence de la tragédie bosniaque qui se joue... Ce n'est pas un conflit entre nations et états, ni une guerre se jouant sur le terrain géostratégique ou politique, pas plus qu'un affrontement entre armées et populations civiles. C'est un drame absurde qui a frappé l'homme en tant qu'individu. C'est le triomphe de l'irrationnel, du primitif et du cynisme. C'est une guerre contre l'individu et son droit à rester unique. C'est l'imbécilité collective et sa violence qui s'abattent sur l'être humain. Avec ses dessins épurés jusqu'à la perfection, parfois brutalement simplifiés. TBC a dévoilé davantage de vérités sur la guerre en Bosnie que des dizaines d'ouvrages consacrés à ce thème. Entre le spectacle guerrier et la violence exercée sur l'homme (au plein sens du terme). TBC a choisi les gens et leurs histoires. Tous ceux qui sont venus en Bosnie ces dernières années avec l'intention de relater les "évènements" à travers livres et reportages n'ont pas réussi à plonger au coeur des ténèbres, car ils n'ont pas pu saisir les faits cruciaux... "Fables de Bosnie" propulse la Bande Dessinée sur un terrain beaucoup plus important, complexe et riche en idées, que la compréhension souvent superficielle que nous pouvons avoir de ce mode d'expression dans l'espace européen. TBC possède l'art de retranscrire l'arrière nuance de la vie... Zlato Dizdarevic (Ancien Directeur de la rédaction du journal "Oslobodjenje")
8. Reportages
Joe Sacco
4.07★ (219)

Pour la première fois, un ouvrage regroupe les différents reportages réalisés par Joe Sacco pour la presse internationale. De la Palestine à l'Irak, de l'Inde au Caucase, son témoignage nous aide à mieux comprendre la première décennie du XXIe siècle. "J'ai choisi moi-même les histoires que je voulais raconter, et cette sélection devrait faire apparaître assez clairement mes sympathies. Je me soucie surtout de ceux qui ont rarement l'occasion d'être entendus, et ne crois pas qu'il m'incombe de contrebalancer leurs voix avec les excuses bien ourdies des puissants. Ces derniers sont souvent excellement servis par les médias traditionnels et les organes de propagande. Les puissants doivent être cités, mais afin de mesurer leurs assertions contre la vérité, et non pour obscurcir celle-ci. Si je suis convaincu que le pouvoir a tendance à faire ressortir le pire des individus, j'ai observé que ceux qui sont moins bien lotis ne se conduisent pas forcément de façon irréprochable, et je me suis efforcé d'en témoigner." "Joe Sacco a inventé un genre graphique à la croisée du journalisme, du documentaire et de la bande dessinée." Les Inrockuptibles.
9. La fantaisie des Dieux : Rwanda 1994
Hippolyte
3.91★ (197)

Attention une BD qui fait mal pour notre plus grand bien ... Je savais avant même d'ouvrir ce livre qu'il allait me toucher car évoquant le génocide des Tutsis, car sachant que nous avions une part de responsabilité mais j'ignorais laquelle. Ce génocide, j'en avais entendu parlé mais il me semblait si loin de moi. Peut être parce qu'il était en Afrique, peut être parce qu'il s'était déroulé dans un pays dont j'ignorais tout. La seule chose de sûre pour moi est que j'étais passé à côté et qu'il allait falloir que j'ouvre les yeux ! Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par vous parler des auteurs. Patrick de Saint-Exupéry est reporter, il est également le cofondateur et rédacteur de la revue XXI. Ayant reçu le prix Albert Londres, il faut savoir qu'il a été le témoin du génocide des tutsis. Hippolyte avait 17 ans lors du génocide. Il est l'auteur de plusieurs BD reportage Comme : L'Afrique du papa (Des bulles dans l'océan) ou Les Ombres (Phébus). Il s'est rendu pour la première fois au Rwanda en 2013. Le génocide des Tutsis est l'un des trois génocides du XX siècle reconnu par l'ONU avec le génocide arménien et le génocide des juifs. du 6 avril au 4 juillet 1994, 800 000 Tutsis ont été tués. Autant dire qu'il y a eu par jour plus de meurtres que dans les camps nazis dédiés à l'extermination ... Un génocide qui est donc organisé et dont le pouvoir français avait connaissance. Mais comme l'a si bien dit François Mittérand : "Dans ces pays là, un génocide ce n'est pas très important". La responsabilité de l'état français n'est pas simplement d'avoir fermé les yeux mais d'avoir envoyé des soldats qui ont formé les bourreaux, d'avoir envoyé des soldats qui étaient salués comme des amis et des alliés par ces même bourreaux qui dans le même temps massacraient "ces cafards" surnom donné au peuple Tutsi, qui se vantaient auprès des même soldats des meurtres d'enfants, de femmes sans que ces soldats ne puissent réagir ... et dans le même temps pour le cinquantenaire de la défaite nazie, François Mittérand dans un discours officiel déclarait : "Nous ne voulons pas que cela recommence" alors que nous étions en plein génocide, qu'il savait. Comment ne pas être révolté ? Comment ne pas être ému par le sort de ce peuple qui a été régulièrement déporté et massacré jusqu'à cette solution finale ? Hippolyte et Patrick de Saint-Exupéry sont revenus au Rwanda afin d'y rencontrer des témoins et livrer ce récit. Parfois, des photos sont insérées au milieu des illustrations nous rendant plus proche la réalité de ce qui s'y est passé. A la fin de ce génocide, le choléra est arrivé et les caméras se sont braqués sur cette terrible épidémie. Une catastrophe tellement naturelle, un drame si africain, les corps succombaient les caméras tournaient et les français avaient leur lot d'émotions pures. le génocide était enterré. "Du silence. Il n'y avait que du silence et des tués. Les tués ne parlent pas. Il n'y avait plus de mots. Juste ce silence. Epais, lourd. Comment raconter ? La marque du génocide, ce n'est pas de la furie. C'est le silence. le témoignage rendu impossible parce que tous ou presque ont été tués. Ont été tus. Et on ne veut pas, on ne peut pas, croire aux récits des rares rescapés" Une BD faite avec intelligence où l'on n'étale pas les images sanglantes pour nous émouvoir. le message passe avec pertinence en nous laissant le temps d'un silence, prendre du recul pour réaliser. Une BD comme je les aime. ... (Critique par Cristie)
10. Chroniques de Jérusalem
Guy Delisle
4.25★ (4100)

En connaisseur parfois lointain de certains genres de la bande dessinée, j'ai toujours vu ces Chroniques de Jérusalem comme un roman graphique intelligent puisant ses inspirations dans la forte actualité du conflit israélo-palestinien. Alors j'ai été ravi de l'offrir à quelqu'un, fan des récits contemporains qui semblait se remettre aux bandes dessinées et tout autant de lui emprunter quelques mois plus tard (merci à lui donc au passage !). Difficile d'ajouter grand-chose de neuf aux nombreuses critiques élogieuses sur ces Chroniques de Guy Delisle. Que retenir vraiment de ce journal en fait ? Il est évident qu'ici est largement mis en valeur la montée sécuritaire en Israël (ce domaine est un des lobbyings dominants, c'est pour dire?), mais également la présence d'une opposition critique dans ce même État. Ce recul est intéressant, tout comme il l'est dans la volonté de faire ouvrir les yeux des gens sur le rôle bien souvent malsain des journalistes internationaux et des médias en général. C'est donc le témoignage qui est central ici, un témoignage d'un quasi anonyme (un père au foyer, auteur de bande dessinée, perdu dans une foule de considérations qu'il ne comprend pas ou peu) au sein d'un monde finalement hypermédiatisé, même si paradoxalement la pauvreté guette à chaque coin de rue. Car l'humanitaire, première raison pour l'auteur d'aller à Jérusalem pour suivre sa femme, reste là aussi primordial dans l'accès à des informations sur cet espace israélo-palestinien bien tourmenté. On cultive donc les paradoxes dans ce roman graphique à l'apparence tout simple, mais qui soulève un nombre immense de considérations humanistes. Guy Delisle use encore de ses dessins improvisés et de son humour décalé pour nous rendre vivant et concret une situation tout de même aberrante pour une ville comme Jérusalem ! Ça donne en tout cas bien envie de découvrir l'avis de cet auteur, engagé à sa manière, sur Pyongyang, shenzhen ou même la Birmanie. ... (Critique Par Dionysos89)
11. Gaza 1956 : En marge de l'Histoire
Joe Sacco
4.35★ (487)

C'est à l'occasion d'une mission dans la Bande de Gaza pour les besoins d'un reportage avec Chris Hedge (en 2001) que Joe Sacco s'intéresse aux tragédies de novembre 1956. de fil en aiguille, le dessinateur découvre que le 12 novembre, des palestiniens des villes de Khan Younis et Rafah auraient été exécutés par des soldats israéliens débusquant des résistants ou des soldats égyptiens. Dans la panique générale, les israéliens auraient ouvert le feu et tué des dizaines de civils palestiniens dans ces deux villes. Gaza 1956 décrit les investigations menées par Joe Sacco entre novembre 2002 et mai 2003 sur ce pan méconnu et peu documenté de l'histoire. Mais voilà, cinquante ans ont passé depuis les événements. Joe Sacco veut rappeler l'existence de ces massacres car "les tragédies contiennent souvent les graines du chagrin et de la colère qui façonnent les événements du présent." Pourtant, reconstituer l'histoire à partir des souvenirs des témoins de l'époque est une entreprise compliquée : Qui interroger ? Comment trouver les "bons témoins" ? Quels crédits apporter aux récits des enquêtés ? Quels poids donner aux déclarations contradictoires des différents témoins ? Quels témoignages croire ou ne pas croire ? Quelle méthode retenir pour les croisement des infos ? Comment faire comprendre aux palestiniens interrogés qu'on s'intéresse à des événements révolus alors qu'ils sont quotidiennement victimes d'attaques israéliennes, que les attentats suicides sont légion, que leurs maisons font l'objet de destructions massives et qu'une Guerre en Irak est sur le point d'éclater ? Joe Sacco est parfaitement conscient du caractère peut-être incongru de sa démarche mais ainsi qu'il nous le confie : "Les palestiniens semblent n'avoir jamais le luxe de digérer une tragédie avant que la suivante ne leur tombe dessus. Quand j'étais à Gaza, des jeunes gens regardaient souvent mes recherches sur 1956 avec perplexité. A quoi bon s'occuper de l'Histoire, alors qu'ils étaient attaqués et que leur maisons étaient démolies au présent ? Mais il n'est pas si facile de démêler le passé du présent ; tous deux font partie d'un continuum implacable, de la masse confuse de l'Histoire. Cela vaut peut-être la peine de figer un instant ce mouvement de brassage qui va toujours vers l'avant pour examiner un ou deux événements. Ces derniers, outre le fait qu'ils ont constitué une catastrophe pour les gens qui les ont vécus, peuvent être instructifs pour ceux qui veulent comprendre pourquoi et comment - ainsi que l'a dit El-Ransiti - la haine a été plantée dans les coeurs." Et, j'espère que cette noble intention aura une résonance sur les lecteurs... Parce qu'il était impossible à Joe Sacco de revenir sur ces événements sans se pencher sur l'histoire générale de la bande de Gaza, Gaza 1956 telle une leçon d'histoire magistrale, revient sur les principaux conflits et événements survenus dans la Bande de Gaza entre 1948 et 2003 : Indépendance d'Israël (1948), apparition des premiers Fedayins (1955), Crise du canal de Suez (1956), Guerre des six jours (1967), 1ere Intifada (1987), Accords d'Oslo signés entre Israël et l'OLP (1993), 2e Intifada (sept. 2000)... La bande-dessinée permet ainsi de revenir sur les événements passés en gardant une certaine distance. Et ce, même si Joe Sacco reconnait volontiers que son travail de graphisme "s'accompagne inévitablement d'une dose de réfraction". On notera d'ailleurs que la lecture de Gaza 1956 s'impose en quelque sorte comme un voyage initiatique dans l'univers de la BD-reportage. Mais encore : au delà de tout aspect purement factuel, Gaza 1956 interroge sur notre façon personnelle de se représenter l'histoire. Comment se construisent les récits des témoins. Comment traduire leur intention. Comment interpréter les silences, les demandes d'anonymat. Comment ne pas prendre parti.. Bref, toutes questions que le lecteur doit s'approprier par la réflexion et l'objectivité... Bien sûr, le propos de Joe Sacco est forcément engagé mais j'ai justement trouvé qu'il avait réussi à garder une certaine impartialité qui est nous l'avouerons, très appréciable... Pour toutes ces raisons mais aussi pour le coup de crayon incisif (noir et blanc) de Joe Sacco, je ne saurais que recommander cette passionnante lecture. le gigantesque travail de documentation, de retranscription et d'interprétation mérite amplement que l'on s'y intéresse. Bref, voici du contenu de qualité enrobé dans un superbe objet. N'hésitez donc pas et découvrez sans tarder Gaza 1956 ! Par Alcapone
12. Chroniques birmanes
Guy Delisle
4.13★ (2613)

Guy Delisle nous offre avec ces « Chroniques birmanes » une immersion intéressante et légère dans un pays écrasé par la dictature. En suivant son épouse, administratrice MSF, il nous offre son regard d'étranger dans un pays ou on rigole pas tout les jours. Car outre l'oppression du pouvoir, notre candide bédéiste découvre les nombreux inconvénients journaliers, pénurie de produits dans les magasins, chaleur accablante qui vous réduit à faire le strict minimum, coupure récurrente d'électricité (et donc de climatisation) etc? On s'amuse aussi de voir G.D. un poil hypocondriaque et parfois carrément malade devant les risques de paludisme, de grippe H5N1 ou de problèmes intestinaux. Mais au-delà des ces questions personnelles, il nous montre comment survit un pays à qui on a confisqué la parole. A l'image de l'emblématique Aung San Suu Kyi, voisine de la petite famille Delisle, Guy rêvant de l'apercevoir en chair et en os, malgré le bouclage de la résidence par les soldats. Il ne juge pas, il témoigne de ce qu'il voit, ressent, apprend. C'est-ce qui fait la force de ces chroniques. Un voyage plaisant, instructif sans les inconvénients décrits par l'auteur .... (Critique par carre)
13. Valse avec Bachir
Ari Folman
3.89★ (234)

"Comment vivre avec la mémoire de l'insoutenable?" s'interroge Ari Folman, qui jeune soldat israélien envoyé en 1982 à Beyrouth a assisté aux massacres perpétrés dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila par des phalangistes. Parfois on occulte et la mémoire crée des trous ou de faux souvenirs (ces réactions m'ont évoqué Sauve toi la vie t'appelle de Boris Cyrulnik sur le thème des mémoires ) pour protéger le psychisme des trop grands chocs. Ari Folman, pour retrouver les traumatismes réels vécus, est allé recueillir (de par le monde) les témoignages d'amis qui l'avaient côtoyé. Il en a tiré un film Valse avec Bachir (César et Golden globe du meilleur film étranger 2009) puis cette poignante BD adultes (réalisée à partir des images graphiques du film) dont le directeur artistique est David Polonsky. Les décors hyper-réalistes sur fonds noirs,gris,ocres rendent fort bien l'horreur des attaques. Des cauchemars d'une meute de chiens en furie de son ami Boaz, des confidences de Cormi "l'intello" qui voulait prouver qu'il était "un vrai héros", aux aveux de Ronnie qui croyait "partir en voyage", à Frenkel complètement inconscient qui valsait "parmi les balles" sous l'affiche de Bachir Genayel (le leader des phalangistes assassiné), aux confidences de Dror Harazi qui était avec son tank en bordure des camps, à Ron Ben-Yishai qui a assisté au jour maudit, Ari Folman revit les horreurs perpétrées sur des innocents. Il désire montrer, ici, que les évènements ont dépassé les simples soldats israéliens qu'ils étaient, que certains chefs de l'armée israélienne sont restés inactifs et que la folie humaine mène parfois à l'indicible. Valse avec Bachir semble crier :Plus jamais ça! La BD est excellente et remue. On pense bien sûr à La reine Margot d'Alexandre Dumas (sur le massacre de la Saint Barthélémy), à le massacre des Italiens de Gérard Noirel et à Le massacre des innocents de Bernard Clavel. Innocents, c'est surtout ce que je retiendrai de tous ces massacres perpétrés (ici par des phalangistes chrétiens, ailleurs ce sont d'autres étiquettes extrémistes) par des bourreaux au nom de convictions ou de vengeance sur d'innocentes victimes dont le seul crime était d'être là au mauvais moment. J'espère que 2013 apportera la paix sur le monde, mettant ainsi les massacres aux oubliettes! ... (Critique par brigittelascombe)
14. L'art de voler
Antonio Altarriba
4.16★ (575)

Antonio Altarriba évoque avec beaucoup de sensibilité l'histoire de son père; anarchiste, combattant antifasciste, épris de liberté mais qui fut enfermé plus souvent qu'à son tour. du gamin né dans la campagne espagnole qui levait le poing lors des meetings de la CNT au vieillard infantilisé dans un home, L'art de voler raconte toute une existence parsemée d'échecs tant personnels que collectifs. Une vie triste comme souvent. Malgré un propos marqué par la désillusion, Altarriba ne sombre jamais dans le pessimisme. Tout au plus le propos se fait-il doux amer lorsqu'il relate les fait les plus dramatiques. On sent qu'il a écrit ce livre comme une thérapie et un hommage à la fois. Il décrit avec tendresse les moments de bonheur, les rencontres, les amitiés et les trahisons, le désespoir et les renoncements. Il n'y a aucun pathos dans ses descriptions. Véritable roman graphique, L'art de voler s'arrête sur tous les personnages qui acquièrent au fil des pages une véritable épaisseur psychologique. On s'attache à Basilio qui voulait être mécanicien, à Concha qui offre son corps pour punir un mari violent ou à Restituto le papy bricoleur. Le texte est admirablement servi par les illustration du dessinateur catalan Kim, influencé par l'underground américain et dont le style graphique assez sombre et chargé convient tout à fait au propos. Un livre qui nous rappelle à chaque page que ce qui fait l'humanité c'est la soif de liberté. ... Par paulotlet
15. Une si jolie petite Guerre
Marcelino Truong
4.07★ (195)

C'est vraiment par hasard ? et, je peux le dire maintenant, par chance ? que je suis tombée sur cette BD autobiographique de Marcelino Truong. Elle m'a mis en lumière un point de vue que je n'avais jamais beaucoup eu (probablement par paresse d'avoir cherché comme il le faudrait), celui des ressortissants du sud Viêt-Nam à l'époque du président Ngô ?ình Di?m. L'auteur ne cherche pas à nous faire prendre parti, il nous présente son enfance, celle d'un fils de traducteur auprès des autorités de l'époque et du président en particulier. Il jouit également de la double nationalité et de la double culture à la fois vietnamienne et française puisque sa mère est originaire de Saint-Malo. Il nous invite donc à vivre la période de l'éphémère " république " du Viêt-Nam du sud, c'est-à-dire dans le Saïgon des années 1961-63 jusqu'à l'assassinat de Ngô ?ình Di?m. Cet assassinat politique précéda de peu celui de John Fitzgerald Kennedy et marqua le début de l'engagement à visage découvert des État-Unis dans la guerre du Viêt-Nam avec les conséquences que l'on sait. J'ai vraiment beaucoup aimé ce mélange de gentille nostalgie de l'enfance combinée à la réalité historique et politique, assez bien détaillée, auquel l'enfant qu'il était ne comprenait rien mais dont il pouvait, avec ses frères et s?urs mesurer la température au thermomètre des humeurs de sa mère qui ne rêvait que de prendre ses valises pour retourner en France. C'est également un beau travail de reconstitution à partir des archives familiales auquel il nous convie. Et, comme à chaque fois, beaucoup de morts innocents ; des morts pour des enjeux qui les dépassent ; des morts que les populations croyaient justifiées par l'idéal qu'elles soutenaient et qui finalement ont conduit d'un régime honni à un autre régime honni. Seule la marque du vélo change mais il faut continuer de pédaler dans la montée car la pente reste toujours aussi raide... Bref, toujours bien avoir à l'?il et garder à l'esprit l'identité de celui qui écrit l'histoire officielle dans les livres d'histoire dans lesquels nous lisons... En première approximation, on a toujours l'impression qu'il y a le camp " du bien " et, fatalement, celui " du mal "... Après examen, on s'aperçoit qu'il y a seulement le camp qui a gagné et celui qui a perdu mais qu'en termes de barbarie et d'illégitimité, c'est du kif-kif bourricot... C'était vrai au Viêt-Nam, c'était vrai en Algérie, c'était vrai en 1945 (vous vous souvenez le coup des méchants nazis et des gentils Américains qui lâchaient des bombes atomiques) et c'est vrai depuis que l'homme est homme et donc pour toutes les guerres passées et à venir. Une guerre, par définition, n'est jamais juste, ni bonne, ni préventive, ni chirurgicale, ni aucun de ces qualificatifs qu'on leur attribue parfois pour leur donner l'air honnête. Pas même la guerre défensive ou de légitime défense, sans quoi il n'y aurait aucune raison d'abolir la peine de mort, car, auquel cas et d'un certain point de vue, mettre à mort quelqu'un parce qu'il a fait du mal serait une légitimation suffisante. Sortons-nous ça de la tête. Aucune guerre n'est juste, aucun camp n'est bon et tuer des meurtriers nous abaisse nous-mêmes au rang de meurtriers. Qui peut être fier de ça ? « Ouais mais, eh, oh, Nastasia. Une bonne guerre, quand même, une jolie p'tite guerre, ça f'rait du bien parfois, non ? » Non. Je n'en démordrai pas, mon avis tient dans ces trois lettres et où qu'elle soit, en Irak, en Afghanistan, au Mali, en Libye, en Israël ou au Liban, ce sera toujours ces trois lettres, quoi qu'essaient de nous faire avaler les média. Mais ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, vraiment pas grand-chose. ... Par Nastasia-B
16. Massacre au pont de No Gun Ri
Kun-woong Park
4.54★ (25)

L'histoire d'Eun-yong débute durant l'été 1950. Alors étudiant en Droit dans la ville de Séoul, il coule des jours heureux avec sa femme et ses deux enfants. Jusqu'à ce 25 juin 1950 où un communiqué à la radio leur annonce que les troupes nord-coréennes ont rompu les accords de paix. La guerre est déclenchée, les populations débutent leur exode. Quelques jours plus tard, Eun-youn et sa famille prendront la route à leur tour, avec la volonté de rallier Daejeon où il retrouve son frère puis JOO GOK RI, son village natal situé dans le Sud de la Corée. Ils y trouveront un havre de paix de courte durée puisqu'ils assistent impuissants à la débâcle des troupes américaines sous-équipées et incapables d'assurer leur protection face aux troupes nord-coréennes. Chassés de leur village, ils vont ? dans un premier temps ? trouver refuge dans la montagne la plus proche. Pourtant, la sécurité d'Eun-youn, ancien policier, reste incertaine. Des rumeurs courent au sujet du sort que les « Rouges » réservent aux anciens fonctionnaires d'état sud-coréens. Il prend donc la fuite et laisse sa famille sur place. Il trouve refuge chez un lointain cousin, apprend l'hospitalisation de sa femme et décide de remonter vers le Nord. Lorsqu'il la retrouve enfin, elle lui apprend le décès de leurs enfants et de toute leur famille. Son épouse est la seule survivante d'un massacre perpétré par les Américains au Pont de No Gun Ri. le couple doit désormais apprendre à vivre avec les plaies béantes laissées par ce drame. - Ce manhwa est une adaptation du roman éponyme d'Eun-youn Chung qui a voulu témoigner de cet épisode sanglant de l'histoire de la guerre de Corée. En un peu plus de 600 pages, Kun-woong Park transpose donc ce témoignage de manière à lui donner une portée remarquable. le récit est très aéré, on fait des pauses sur des cases qui en disent bien plus long que les mots. L'ouvrage se découpe en 7 chapitres avec une particularité pour le sixième. Ce dernier se développe sur près de 350 pages et se consacre uniquement aux quatre jours du massacre du Pont de No Gu Ri (perpétré entre le 26 et le 29 juillet 1950). le ton de la narration change, l'auteur se fait alors le passeur du témoignage de sa femme auquel s'ajoutent des témoignages mêlés d'autres survivants de cet épisode sanglant. Alors que jusque-là on suivait Eun-youn dans sa fuite, rongé par la culpabilité d'avoir abandonné sa famille, Kun-woon Park opte pour un style plus dépouillé, ce qui a pour effet immédiat de faire ressentir au lecteur toute la tension de cet épisode. le graphisme perd de sa superbe, les magnifiques lavis réalisés à l'encre de Chine (les détails de la flore sont superbes) laissent place à un trait plus malhabile, mordant, presque brut tant l'émotion est encore à fleur de peau après tant d'années. On prend de plein fouet le trouble et l'incompréhension de la population. Les expressions des personnages nous font ressentir toute l'horreur de ce moment (ils ont été parqué pendant 4 jours dans sous un pont de chemin de fer et tenus en joue d'un côté comme de l'autre par les soldats américains qui tiraient au moindre mouvement). Hommes, femmes, enfants et vieillards ont vécus ainsi, entassés les uns sur les autres, côtoyant les cadavres de leurs proches, de leurs voisins. le désir de survie est devenu de plus en plus prégnant, ils ont fini par accepter l'inacceptable et se sont servi des corps pour ériger des remparts espérant que cela les protégerait des balles américaines. Je disais qu'on ressentait toute l'horreur de la situation, mais on est aussi témoin de toute l'incompréhension de ces gens qui vouaient une confiance quasi aveugle envers les soldats américains devenus leurs bourreaux pour des raisons qui leur échappe. Comble de l'ironie : les 25 survivants ont été sauvés par les soldats nord-coréens, ceux-là même qu'ils fuyaient quelques jours plus tôt. Un album imposant, un témoignage qu'il n'est pas facile d'entendre mais pourtant, je pense que ce type d'album est la preuve que la bande dessinée est un médium incontournable et nécessaire. Pour la première fois, j'adhère pleinement à un manhwa. ... Par alouett
17. Afghanistan
Attilio Micheluzzi
4.30★ (11)

- On m'a dit qu'en 1300 un italien a écrit un grand livre sur l'Enfer... Mais qu'en savait-il, s'il n'avait jamais vu un camp de réfugiés écrasé sous la chaleur de l'été pakistanais ? ...Par milado Afghanistan 1987. La tragédie tisse ses rets au-dessus de Vassili le spetsnaz et Saïd le moudjahid. Au-delà de la chronique dune guerre atroce, c'est Abel et Caïn qui sous nos yeux s'affrontent. Et nous revient en mémoire le célinien "toutes ces viandes saignaient énormément ensemble "... Si Micheluzzi expose magistralement les enjeux du conflit, si son trait élégant cerne l'action avec réalisme, son discours soudain s'inverse : qui suis-je, nous demande-t-il, le chroniqueur du destin ? En mettant en scène sa propre mort dans un vertigineux autoportrait, pressentait-il qu'il dessinait là son image ultime
18. La guerre d'Alan : Intégrale
Emmanuel Guibert
4.16★ (496)

............ J'en reviens donc à ce qui vous intéresse ici, à savoir ce que j'ai pensé de cet ouvrage "La Guerre d'Alan". Eh bien, autant vous le dire, tout de suite, gros coup de coeur. Il est vrai que j'ai d'abord lu le livre qui a suivi, à savoir "L'enfance d'Alan" avec lequel je n'avais pas particulièrement accroché (surtout au point de vue des couleurs particulièrement criardes qui m'avaient dérangée) mais là..., dans cette Intégrale - il réunit en effet les trois tomes de "La Guerre d'Alan"-, entièrement dessinée en noir et blanc, avec des dessins parfois à la limite du croquis (je vous rassure, c'est fait pour) et cette histoire d'Alan Ingram Cope (histoire vraie qui plus est), le lecteur ne peut pas pas en sortir indemne. Cette histoires est vraiment poignante puisqu'elle raconte elle aussi des événements dramatiques qui se sont réellement déroulés (ceux de la Seconde Guerre mondiale). Oui, il s'agit bien ici de La Guerre d'Alan et non pas de celle que des milliers d'américains ont faite puisque chacun l'a vécue à sa manière et celle d'Alan est particulièrement émouvante. Certes, il nous raconte, à travers l'écriture et les dessins d'Emmanuel Guibert, comment il l'a, lui, Alan, vécue. Il y avait bien entendu les séances d'entraînement (communes à tous) mais il s'attarde aussi sur des petits détails que l'on ne trouva pas dans les livres d'Histoire et c'est ce qui fait toute la différence car qu'ils fusent allemands, français, Japonais, russes, français ou américains, ils étaient avant tout des hommes ! Des adolescents pour certains qui n'avaient d'ailleurs, pour la majorité d'entre eux, jamais connu l'amour et bien d'autres choses encore ! Durant sa période de guerre, Alan sympathisa avec de nombreux camarades mais aussi avec celui qui allait devenir le compositeur de renom Gerhart Muench et celle qui fut son épouse Vera ou encore avec la famille Rossbauer (eh oui, ces personnes-là étaient des allemands mais qui dit allemand durant la Seconde Guerre mondiale ne dit pas forcément convaincu des idées nazies). Bref, une histoire très émouvante, avec des personnages extrêmement attachants...avec de nombreuses photographies en fin d'ouvrage de ces derniers et là, je peux vous assurer que le lecteur tombe de haut car soudain, il réalise "Mince, mais tout ce que je viens de lire, ce n'était pas de la fiction mais ça s'est vraiment passé !". Et là, j'ai eu une pensée pour mon grand-père qui, comme Alan, avait réussi les tests pour être opérateur radio ! Mais là n'est qu'un court passage de la vie d'Alan (vous ne croyez tout de même pas que je vais vous faire sa biographie en entier, je vous en dis que très peu au contraire, pour vous à venir découvrir le reste par vous-mêmes (inutile de chercher sut Internet, il n'y aura jamais toutes les informations que vous pourrez trouver dans ce précieux ouvrage) ... Par cicou45
19. Palestine, tome 1 : Une nation occupée
Joe Sacco
4.15★ (76)

En décembre 1991, Joe Sacco s'est rendu deux mois en Palestine pour réaliser un reportage. Il s'agit de sa première immersion dans la quotidienneté du peuple palestinien. Palestine ? Une nation occupée est le premier volet d'un diptyque qui se clôt avec Palestine ? Dans la bande de Gaza (publié en 1998 chez Vertige Graphic). Cette ?uvre étonnante fait de lui l'inventeur du journalisme d'immersion en bandes dessinées. Sa rigueur professionnelle lui vaudra la reconnaissance et l'admiration des journalistes plus encore que celle des bédéphiles. Pour Palestine, il reçoit notamment le prestigieux American Book Award en 1996. En 1995, Sacco part pour l'ex-Yougoslavie, notamment en Bosnie-Herzégovine à Sarajevo. de cette expérience il tirera Soba, The Fixer et Gorazde (2 tomes). L'?uvre de Joe Sacco n'a pas d'équivalent dans le monde de la bande dessinée et évoque plutôt le parcours des journalistes-aventuriers du début du XXe siècle. Toujours soucieux de montrer l'humain derrière les grands évènements, Joe Sacco permet à ses lecteurs de décrypter l'actualité. Son dessin, d'abord ingrat, est soucieux de détails évocateurs et sert parfaitement son propos (source : BDGest). Plus récemment, l'auteur est revenu sur le conflit israélo-palestinien avec Gaza 1956, en Marge de l'Histoire (publié en 2010 par Futuropolis, cet album a été récompensé à Angoulême par le Prix Regard du Monde en janvier dernier). Le contenu de cet album est plus accessible, plus acerbe aussi, que Gaza 1956. Beaucoup de sarcasmes, de la colère, on sent l'auteur estomaqué par les conditions de vie des Palestiniens (quotidienneté dans les camps de réfugiés, violences psychologiques et physiques dont ils sont victimes..). « D'accord, mais j'approche de mes limites? une goutte de plus et? » Joe Sacco ne cache ni ses émotions, ni sa peur, ni son indignation. le message de cet album est limpide : du contexte historique à la situation politique actuelle, des emprisonnements réguliers des hommes palestiniens à la condition des femmes (port du hijab, place de la femme dans la société?), tout y est abordé sans détours ; nul besoin de connaître ce conflit sur le bout des doigts pour se saisir de l'ouvrage. La narration n'a pas de réel fil conducteur. On passe d'anecdote en anecdote ce qui peut prendre de court mais ne m'a pas réellement gênée dans la lecture. 140 pages durant, on découvre le quotidien d'un peuple en même temps que l'auteur. de fait, ses bulles de pensées nous guident énormément dans la compréhension de certains éléments. Celui d'entre eux qui m'a le plus marquée : la place particulière qu'on les prisons israéliennes dans le c?ur des Palestiniens. Les hommes nourrissent une forme de nostalgie à l'égard de leur incarcérations. Dans l'un des visuels présents dans le diaporama en fin d'article, Joe Sacco relate la rencontre qu'il a faite avec une fillette. Elle se prénomme Ansar? c'est aussi le nom de la prison où son père a été détenu. Côté graphique, les visuels d'album sont chargés. Passées les 10 premières pages de l'album et ce grief est déjà oublié. Une fois lancé dans la lecture, ce que l'on remarquera le plus (et ce qui pourrait en gêner certains) c'est le décalage entre le ton du récit et le dessin presque trop simpliste pour ce genre de témoignage. Les questions soulevées par ce reportage (réalisé durant l'hiver 1991-1992) restent entières. le fait qu'elles soient toujours d'actualité car la situation a peu évoluée. Ce constat a de quoi nous glacer le sang. En 20 ans, pas d'améliorations !! le témoignage de Sacco se conclut sur la question des droits des femmes avec des questions comme l'acceptation des violences conjugales, le port du hijab (imposé par les hommes ou non ??)? le respect de la femme en général. Édifiant. ... Par alouett
20. Palestine
Joe Sacco
4.34★ (233)

Palestine est le récit du voyage entrepris par Joe Sacco pendant l’hiver 1991-92 dans les Territoires palestiniens occupés par Israël, durant la première Intifada (1987-1993). L’auteur s’est plusieurs fois exprimé sur les motivations de ce voyage : ses doutes sur la politique des Etats-Unis vis-à-vis d’Israël après la guerre et l’invasion du Liban en 1980 et les massacres dans les champs de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila ; l’irritation qu’il éprouvait face à la couverture du conflit par les médias américains ; la certitude d’être mal informé, au sens où il manquait de tout élément pour comprendre « qui étaient les Palestiniens et quel était le sens de leur combat ». Né de la réaction à cet état de fait, du besoin de « faire quelque chose », Palestine n’est donc pas un livre « objectif », au sens où il laisse exprimer chaque camp, et il a été pour cela souvent critiqué. Sacco a pourtant toujours revendiqué son approche du sujet (« Mon idée n’était pas de faire un livre objectif mais un livre honnête »). La démarche de Sacco est rigoureusement journalistique : travail de terrain, collecte et redécoupage des sources, mise en perspective. Palestine plonge le lecteur dans le quotidien du peuple palestinien, son existence sans espoir marquée par les tracasseries imposées par un « pouvoir illégitime ». S’il faut constater que si la situation dans les Territoires occupés a changé depuis, beaucoup de ce qui est reporté par Sacco reste malheureusement d’actualité. La lecture de Palestine reste aujourd’hui essentielle pour mieux comprendre les causes et des enjeux de ce conflit et, surtout, la condition d’un peuple renfermé dans la plus grande prison existante sur Terre. Cette nouvelle édition recueille les deux volumes (Palestine : une nation occupée et Palestine : dans la bande de Gaza) auparavant disponibles en français dans une nouvelle présentation et une nouvelle traduction. Le récit est précédé par une préface de Edward Said et par un long texte, richement illustré, où Sacco décrit sa méthode de travail et raconte la genèse de l’œuvre.
21. Les cahiers ukrainiens : Mémoires du temps de l'URSS
Igort
3.99★ (176)

Croyez-moi, cet ouvrage est une véritable bombe ! J'emploie ce terme dans le sens de perçant, troublant et dont on ne peut absolument pas sortir indemne, à moins d'avoir un coeur de glace et de n'éprouver aucune pitié pour autrui ! Ici, l'on découvre la grande famine qui frappa l'Ukraine au cours des années 1932-33, ce qu'était obligé de faire les habitants s'ils voulaient nourrir leur famille et tout simplement survivre. Je dis bien survivre car comment vivre dans de telles conditions ? C'est inimaginable, irracontable mais pourtant, ils l'ont fait et c'est probablement que tout un chacun ferait par simple instinct de survie. L'auteur fait resurgir des voix du passé, aujourd'hui éteintes à jamais ; celles de Serafina Andrejevna, de Nikolaï Vassimillevitch, de Maria Ivanovna ou encore celle de Nokolaï Ivanovitch et qui toutes un point en commun : celle de nous montre l'horreur, la faim et la peur ! Mais toutes ces voix qui se font entendre ici ne sont qu'un fragment de voix parmi tant d'autres et que l'on n'entendra probablement jamais plus ! Cependant, Il faut savoir, ne pas oublier ! Je vous recommande vivement la lecture-découverte de cette ouvrage mais attendez-vous ) prendre une grande claque ! Des dessins extrêmement bien travaillés à vous glacer le sang tout autant que les paroles, les témoignages qui les accompagnent ! A découvrir ! ... Par cicou45
22. Lendemains de cendres
Séra
3.71★ (42)

Après le terrible album L'eau et la terre ( le Cambodge sous la domination des Khmers Rouges de 1975 à 1979 ), celui-ci poursuit le chemin du martyr du peuple cambodgien aux heures troubles de la chute du régime Khmer, le pays en guerre contre le Vietnam - " les Vietnamiens... venus en libérateurs, ils allaient vite devenir des occupants. " Après l'exode vers les campagnes, c'est l'exil des survivants vers les frontières de la Thaïlande. Séra accompagne les jeunes Nhek et Chantrea dans cette agonie. Récit en témoignage : l'album présente des documents ( slogans, carte, extraits d'articles de presse, textes explicatifs ) permettant de comprendre la complexité des enjeux de pouvoirs internationaux pour la domination de cette Indochine, creusant encore la misère extrême d'une population en perte totale de repères, de valeurs, éprouvée et coupée du monde par une dictature sanglante. Des pages sombres dans tous les sens du terme, un crayon tourmenté inspiré par les photographies des reporters de guerre, comme des esquisses, des flous parfois, des portraits, sur le vif, dans le vif; des images cruelles, puissantes. Des pages enfin éclairées, en fin d'ouvrage, par le carnet d'aquarelle et les croquis de Séra de retour au Cambodge en 1993, dix-huit ans après l'avoir quitté, en avoir été chassé, enfant. Ses mots et ses couleurs qui reviennent à la rencontre de Phnom Penh, des paysages et des visages de son enfance. .. .Par emmyne
23. Une jeunesse soviétique
Nikolaï Maslov
3.61★ (81)

Dans ce premier roman graphique, Nikolaï Maslov raconte une partie de sa vie passée en URSS puis en Russie entre 1971 et 2000. Une vie commencée dans un village de Sibérie occidentale. Un village où va naître l'envie de dessiner. Mais avant de pouvoir le concrétiser , il y a le service militaire. Un service passé en Mongolie pour protéger la République s?ur des appétits du voisin chinois...Occasion de se frotter à l'ineptie militaire, à l'ivrognerie et son cortège de violences et d'absurdités...occasion aussi de croiser un cavalier mongol en haut d'une colline, seule image véritablement humaine de ces années. Puis le retour à la vie civile, des petits boulots...et enfin la révélation au détour d'un courrier...étudier l'art, le dessin. Novossibirsk. L'amour. Retour aux petits boulots jusqu'à ce qu'un drame vous plonge au fond de la bouteille de vodka et vous conduise à l'hôpital psychiatrique. Vient alors le temps de la rédemption, de la prise de conscience et de la résignation. Enfin, résignation pas tout à fait ... car sinon cet ouvrage n'existerait pas. Plus que du noir et du blanc cette bande dessinée c'est avant tout du gris. le gris du crayon. du gris, du gris, beaucoup de gris et un peu de blanc. La grisaille d'une vie monotone dans un pays en décomposition. Peu de texte. Pourquoi faire? Pour dire quoi? Il n'y a rien à dire. Rien à dire de plus que ce qui est dit en peu de mots. Ici c'est le gris qui prend la parole, qui la monopolise. Un livre taiseux qui suggère plus qu'il ne dit. Un livre pudique où une histoire singulière se fond dans celle d'un pays. Pour beaucoup ce livre sera sûrement ennuyeux, monotone, triste, gris. Mais derrière cet épais rideau grisâtre de brume se cache une analyse de soi et de la Russie où la lucidité ne cède rien à la sensibilité. Alors oui c'est gris, très gris...mais c'est aussi cela la vie .. Par seblac
24. La bête est morte ! : Quand la bête est déchaînée ; Quand la bête est terrassée
Calvo
4.25★ (215)

UN VERITABLE BIJOU .. A lire et relire absolument. Que l'on soit féru d'histoire ou de bd, ou simplement intéressé par l'un des deux, on ne peut rester indifférent à cet ouvrage ... Par giati
25. Les incrustacés
Rita Mercédès
4.35★ (38)

J'ai adoré cet BD à l'univers baroque fantastiquement décalé.. Une illustration méticuleusement soignée, accentuée par le choix d'une couleur hors du temps, des textes travaillés rehaussent l'onirisme intemporelle de cet ?uvre graphique. Une originalité loufoque empreinte de poésie dans la lignée des surréalistes. ... Par Wellibus2
26. La Voie ferrée au-dessus des nuages
Li Kunwu
3.98★ (43)

L'auteur de cette bande dessinée assez conséquente (210 pages) nous raconte la construction d'une voie ferrée en Chine, dans la province du Yunnan, une région très montagneuse et donc difficile d'accès. Cette construction pharaonique est due aux Français et a nécessité des milliers d'hommes, des centaines de chevaux et des tonnes de matériel, importé d'Europe pour la plupart. C'est à partir de la découverte tout à fait par hasard d'un "cimetière d'étrangers", que l'auteur s'est intéressé à cette fameuse voie ferrée. Il a rencontré le petit-fils d'un des français ayant participé à ce projet, il a pu examiner des centaines de photos d'époque (début des années 1900), il s'est fait traduire le journal d'un français qui a emmené toute sa famille en Chine pour pouvoir collaborer à cette construction, qui a été un véritable défi scientifique, technique et humain sur bien des points. Les dessins sont en noir et blanc, simples et sans fioritures par moment, beaucoup plus travaillés à d'autres, mais ils nous font vraiment ressentir l'ampleur de cette construction et de sa démesure. Les photos anciennes (dont certaines figurent à la fin de l'ouvrage) nous révèlent des méthodes de travail, mais aussi des habitudes culturelles et des modes de vie très différents de ceux des européens à cette époque. Cette bande dessinée a une valeur documentaire et historique indéniable et elle se lit un peu comme une enquête, on part de la découverte d'un petit cimetière oublié de tous et on pénètre dans un univers incroyablement riche, détaillé et passionnant. ... Par LePamplemousse
27. 73304-23-4153-6-96-8
Thomas Ott
4.43★ (81)

Toujours en utilisant la carte à gratter, Thomas Ott part cette fois du postulat que les chiffres peuvent avoir une incidence sur la vie d'un individu, encore faut-il y prêter attention. La trame narrative de cet album muet nous incite donc à étudier la question et, pour se faire, l'auteur s'appuie sur un personnage en apparence rationnel et méthodique, quoique ce soit le genre d'individu pour qui on ne ressent pas naturellement de la sympathie du fait de sa fonction sociale (il est bourreau). Cependant, le changement s'opère rapidement : qu'est-ce qui pousse cet homme à mettre ce petit bout de papier dans sa poche plutôt que de le jeter à la poubelle ? Dès lors où le lecteur commence à se poser des questions et à supputer des réponses, je crois que c'est bien la preuve qu'il est pris dans les filets de l'auteur et que quoiqu'il fasse pour se sortir de ce pétrin, ses tentatives seront vaines. En 8 chapitres, Thomas Ott malaxe tellement l'image que l'on s'était faite de son bourreau qu'il devient difficile d'anticiper ses réactions. Les expressions des personnages sont si figées qu'elles forcent le lecteur à s'arrêter sur chaque case pour les décoder. Je me suis sentie très voyeuriste une fois encore car la situation est si déstabilisante pour le personnage principal que sa souffrance psychique devient palpable ; cela m'a plu de l'analyser, de l'observer et de tenter de la ressentir. On s'enfonce progressivement dans l'absurde pourtant, ce qui se dégage de cette tranche de vie continue à s'ancrer dans quelque chose de concret. Inconsciemment, il me semble que le lecteur se retranche derrière le même raisonnement qui s'opère chez cet homme fictif qui perd pied progressivement et se bat pour se raccrocher à des faits plus rationnels ... (Critique de alouett) .
28. Cinéma Panopticum
Thomas Ott
4.07★ (64)

En saisissant l'album, j'ai de suite été intriguée par l'expression du visage de la fillette de la couverture. En feuilletant, je me suis laissée submerger par la dominante de noir qui ressort et j'ai entraperçu des visages crispés, attristés ou angoissés? J'ai mis plusieurs mois entre chacune de ces étapes avant de finalement passer à la lecture, non sans appréhension. J'ai apprivoisé cette fillette solitaire, l'ai vue reluquer la Fête foraine par-dessus la palissade, fureter à la recherche d'une attraction accessible pour cinq pièces de monnaie. Aucune ne l'est, sauf le Cinema Panocticum qui projette ses courts métrages. Personne à l'accueil et ce grand rideau légèrement entre-ouvert. Cinq machines à 1Ø pièce. Cinq chapitres : The Girl. The Hotel. The Champion. The Experiment. The Prophet. Ce mélange de fascination et de révulsion ne m'a pas quittée de toute ma lecture. Entre chaque chapitre, une courte transition de 3-4 planches mettant en scène l'enfant qui se déplace d'une machine à l'autre, insère une nouvelle pièce et observe les personnages enfermés dans ces prisons métalliques? Le panoptique : l'auteur revisite ce concept en faisant circuler la fillette au milieu de cinq boites mécaniques qui vont offrir au personnage un regard sur un court épisode de la vie d'un homme ou d'une femme. Chose particulière : les individus enfermés dans ces machines sont des personnes que l'enfant a croisé dans l'enceinte de la Fête foraine. Une fois la pièce insérée, la fillette assiste médusée au spectacle qui se déroule sous ses yeux. Ses expressions m'ont fascinée. le trait de Thomas Ott est atypique, il crée une ambiance angoissante. Sur les visages ronds des adultes et des enfants, on lit l'horreur, la crispation et l'inquiétude. Étrange mélange contenu dans cet album blanc sur noir réalisé en carte à gratter. Les jeux de hachures créent de nombreuses déclinaisons de gris, donnant parfois l'impression que les personnages sortent des cases, comme lorsqu'on est face à un support en 3D. du moins, c'est le sentiment que j'ai eu tant j'ai été happée par cet album muet. La violence est suggérée, l'angoisse y couve à bas bruit. Je crois qu'à la découverte de chacun des cinq dénouements de nouvelle, mon visage devait être semblable à celui de la fillette. ... '(Critique de alouett)
29. Ibicus - Intégrale
Pascal Rabaté
4.05★ (241)

J'utilise généralement le terme de "roman graphique", en béotien de la bande dessinée, pour parler un langage distingué. Roman graphique, parce qu'une partie de la bande dessinée ayant acquis ses titres de noblesse, il est devenu nécessaire de la différencier du reste de la production bd. Roman graphique parce qu'on ne donne pas dans les cours des petits joueurs, du plébéien mangas au comic fruste. Pourtant ici, et tout ignorant qu'on soit des codes du roman graphique, je crois que le terme est parfaitement adapté. D'abord parce que Rabaté y réalise l'adaptation d'un roman d'Alexis Tolstoi, (à ne pas confondre avec Léon) dans la grande tradition du roman russe. Pas que je connaisse particulièrement bien le roman russe, mais la trame historique de ce compte auto-déclaré parti faire fortune, la construction psychologique complexe des personnages tous plus fourbes les uns que les autres, les apparitions oniriques, la rudesse de la vie compensée par l'alcool, la drogue et le jeu, tout ça donc rappelle tout aussi bien Boulgakov, Tolstoi (Léon cette fois ci) que Dostoievski. Ensuite, car les qualités graphiques sont époustouflantes sans chercher à briller. Lavis en noir et blanc, des dessins sans fioriture qui pourraient rappeler les peintures de Goya. Et enfin car le bon Rabaté a un incroyable sens du mouvement, à la fois dans l'enchaînement des cases (je vous invite à jeter un oeil aux extraits en ligne pour vous en convaincre) et dans la construction narrative d'ensemble. Voilà comment on mérite son prix Jacques Lob et merci à ceux qui me l'ont offert ! ... ( Critique Par petitours)
30. Paracuellos, Intégrale
Carlos Gimenez
4.46★ (134)

Carlos Giménez nous raconte le quotidien de son enfance passée dans différents centres de l'assistance publique espagnole sous le règne de Franco. Il témoigne avec beaucoup de pudeur des brimades, privations, humiliations et sévices que subissaient les enfants livrés à des religieuses aussi bigotes que sadiques, tout en parvenant de manière impressionnante à transformer l'horreur en humour, avec infiniment de tendresse pour ces enfants perdus.L'auteur n'emploie judicieusement que le noir et le blanc pour nous dessiner un monde violent, dénué de tout, sans couleur ni amour, et fait de cet ouvrage un album d'une grande humanité, malgré tout. D'autant plus poignant qu'il est d'inspiration autobiographique, ce récit est donc à la fois violent et plein de retenue, très pudique et surtout extrêmement émouvant. Un album à lire absolument donc, magnifique de sobriété et de justesse, mais aussi un témoignage aussi choquant que précieux sur une période trouble de l'histoire espagnole. "J'ai bien connu ces foyers parce que, tout au long de huit très longues années, j'en ai fréquenté cinq. Je suis donc à même de témoigner. Je voulais témoigner. Je devais témoigner". Carlos Giménez. ... (Critique Par Chrisalaude)
31. Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie
Gustave Doré
4.08★ (47)

Récit anecdotique et humoristique de 125 pages, ouvrage illustré de 500 dessins et préfacé par Jean-François Revel, « L'Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie d'après les chroniqueurs et historiens Nestor, Nikan, Sylvestre, Karamsin, Ségur, etc. » est un livre de Gustave Doré, recomposé et réédité en 1996 par Hermann, Éditeurs des Sciences et des Arts. De quoi s'agit-il ? D'une histoire très particulière de la Sainte Russie, qui interpellera le lecteur à plus d'un titre. D'abord, parce que l'auteur est un graveur talentueux qui utilise ici, avec la gravure sur bois, une des plus anciennes techniques de gravure de reproduction, ce qui n'est pas banal. Ensuite, parce que l'auteur en est, en 1854, à son quatrième ouvrage quand il croque ainsi ces scènes de la Sainte Russie, inscrivant son ouvrage dans une production qui dépasse le simple péché de jeunesse ou la création occasionnelle. Puis, parce le texte de l'auteur s'impose d'emblée par une violence continue et incompréhensible (les protagonistes n'ayant de cesse de trucider leurs semblables à qui mieux-mieux) mais aussi par son côté satirique, matérialiste, patriote en diable, radical, exubérant, caricatural de la société russe (depuis la supposée naissance du premier russe, issue de la rencontre fortuite d'un ours polaire et d'une marsouine, jusqu'à la guerre de Crimée -contemporaine de la composition de l'ouvrage- qui opposa les forces russes à une coalition turco-franco-anglaise). Enfin, par la relation toute spécifique des faits historiques, l'auteur ne se privant pas de prendre quelque liberté avec l'histoire en marche, mêlant aux évènements des légendes tantôt vraies ou tantôt imaginaires, insistant ici ou là sur des détails souvent sortis tout droit de son esprit débridé, et ajoutant à l'envi de pseudo-citations en latin, souvent de cuisine, imitant en cela Rabelais et sa production littéraire. Et pour terminer, parce que le traitement des dessins fait penser, bien avant l'heure, à une bande dessinée : le lecteur y voit des dessins noir et blanc de toutes dimensions, un savant dosage des dégradés de gris, une illusion de mouvements, une grande variété dans les expressions des protagonistes, l'usage de formes soit très précises, soit estompées, parfois des rectangles complètement noirs ou entièrement blancs, des légendes parfois décalées par rapport aux dessins, tantôt ultra-courtes, tantôt tenant sur plus d'une page, le tout plus ou moins structuré et témoignant de l'inventivité de ce surdoué du crayon (Gustave Doré commença sa carrière de caricaturiste à l'âge de quinze ans). Cette histoire, délibérément populaire, de la Sainte Russie plaira probablement à la majorité des lecteurs. Certains pourraient toutefois être gênés par l'anticléricalisme primaire de l'auteur (l'orthodoxie en prend pour son grade), par le déchainement tout à fait gratuit d'actes de violence et de barbarie, par l'usage immodéré de ce pseudo-latin, par des procédés comiques relevant de la « grosse ficelle », par de nombreuses répétitions (dessins, thèmes, situations) confinant à la saturation, et par une fin assez surprenante qui met en scène un soldat nommé Champavert. Pour cet ouvrage singulier, corrosif, débridé voire outrancier mais assez peu lu, je mets quatre étoiles et recommande tout à la fois aux spécialistes de la gravure sur bois, aux historiens, aux admirateurs de Gustave Doré comme de Rabelais, aux latinistes, aux civils comme aux militaires, aux étudiants en médecine (avec spécialité coliques néphrétiques) ainsi qu'aux caricaturistes et pamphlétaires en herbe ou confirmés Par Zebra
32. Lorenzaccio (BD)
Régis Penet
3.38★ (56)

Alors que Florence vit sous la tyrannie du duc Alexandre, bâtard des Médicis, la famille des Strozzi rêve de rétablir la République, mais sans véritablement oser donner corps au vent de révolte qui souffle dans la ville. Dans l'ombre du despote, Lorenzo de Médicis se plie aux moindres exigences de son cousin sanguinaire et imprévisible. Mais dans cet univers de vengeance et de pouvoir, Lorenzaccio partage également ce rêve de liberté? Si l'histoire est connue de (presque) tous, c'est avec brio que Régis Penet (« Marie des loups », « les nuits écorchées ») s'attaque à l'?uvre éponyme d'Alfred de Musset. Tout en conservant l'esprit sombre et romantique de cette célèbre pièce de théâtre inspirée par George Sand, l'auteur lui donne un aspect plus moderne et plus accessible. Il y a tout d'abord l'action, qui se déroulait originellement au XVIe siècle, et qui semble maintenant se situer dans un décor plus contemporain, voire intemporel. Malgré un côté toujours très littéraire, les textes semblent également dépoussiérés et l'idée d'y entremêler le poème « La nuit de décembre » s'avère également lumineuse car les deux textes du célèbre poète dramaturge se font ainsi brillamment écho. Au centre de ce one-shot qui mélange poésie, tragédie, théâtralité et héroïsme, le lecteur découvre un héros ambigu, dont l'apparence livide contraste fortement avec l'ambiance carnavalesque et colorée de Florence. Au fil des pages, l'auteur dévoile les maux de cette cité et fait lentement tomber tous les masques. Derrière cette réputation de libertin, dévoué aux caprices du roi, le lecteur découvre un personnage solitaire et torturé, qui doit faire face à ses démons intérieurs. Dès la couverture, ce one-shot installe d'ailleurs un ton sombre et romantique, qui accompagnera les désillusions du héros tout au long du récit. Alliant puissance et délicatesse, le graphisme de Régis Penet accompagne avec brio la longue chute du personnage principal et redonne vie à ce grand classique de la littérature romantique avec maestria. Quand le neuvième art parvient à sublimer le sixième, il y a de quoi se réjouir. Par yvantilleuil
33. Long John Silver, Tome 1 : Lady Vivian Hastings
Xavier Dorison
3.95★ (1044)

Amateurs de chasses au trésor, d'exotisme et de piraterie, les aventures de ce vieux loup de mer coriace et roublard sont faites pour vous! Xavier Dorison et Mathieu Lauffray nous offrent avec ce premier tome un vibrant hommage à Robert Louis Stevenson dont ils se sont librement inspirés pour donner naissance à cette série consacrée à l'un des personnages de « L'île au trésor » : Long John Silver. Nous voilà donc dix ans après les événements relatés dans le roman initial et notre marin s'est tourné vers la piraterie, acquérant une réputation d'efficacité redoutable dans le milieu. Guère surprenant dans ces circonstances que, lorsque l'aristocrate en disgrâce Lady Vivian Hastings décident de monter une expédition secrète afin de contrecarrer les plans de son époux, se soit tout naturellement à lui qu'on lui conseille de s'adresser. Nous voilà donc partis pour une nouvelle aventure en quête d'un autre trésor perdu, celui de Guyanacapac, qui reposerait depuis des siècles bien à l'abri au c?ur de la jungle amazonienne. C'est sans guère de difficultés que l'on se plonge dans les aventures de ce groupe de personnages aux motivations et personnalités très différentes qui vont devoir apprendre tant bien que mal à travailler ensemble s'ils veulent récupérer leur part du butin. Chaque protagoniste bénéficie d'une psychologie fouillée et soignée qui nous les rendent vite attachants, qu'il s'agisse de Vivian Hastings, séductrice et manipulatrice rongée par la solitude, docteur Liveset, scientifique intègre possédant malgré tout une part d'ombre, et bien sur Long John Silver, pirate usé par la maladie mais néanmoins charismatique et téméraire. Ce premier album n'est toutefois pas exempt de défauts, à commencer par les graphismes qui, en ce qui me concerne, me perturbent plus qu'ils ne me charment (notamment au niveau du traitement des personnages). Difficile également d'oublier qu'il s'agit avant tout d'un tome purement introductif qui nous laisse un peu trop sur notre faim et souffre de quelques problèmes de rythme. Malgré ces petites imperfections, ce premier album relatant le départ de l'expédition de Long John Silver et ses compagnons se révèle d'une indéniable qualité. Piraterie, aventure, trésor..., rien de tel pour captiver le lecteur et lui faire retrouver, le temps de la lecture, son âme d'enfant. J'attends avec impatience de découvrir les trois autres volumes de cette collection! ... Par boudicca
34. Des souris et des hommes
Pierre-Alain Bertola
4.16★ (92)

Non seulement l'histoire est respectée mais elle est magnifiée par les dessins à l'aquarelle, en noir et blanc, qui apportent infiniment de poésie à l'atmosphère misérable des fermes où s'emploient Georges et Lennie, les deux vagabonds qui ne rêvent que d'avoir leur terre à eux où élever les lapins qu'affectionne Lennie, le colosse à l'âme d'enfant. Comme Steinbeck, Bertola n'en fait pas trop dans la tragédie, juste l'essentiel. Grâce aux dialogues, brefs, simples et rudes, tout est dit ou plutôt suggéré. le lecteur comprend à demi-mots ce qui se passe sans que rien ne soit souligné de particulièrement révoltant ou atroce. C'est comme ça, c'est tout. La vie est dure et sans complaisance pour les pauvres gens de ces régions des États-Unis de la Grande Dépression. L'amitié qui lie les deux hommes si différents adoucit peut-être le drame mais ne peut en rien empêcher la fatalité qui veut que Lennie ne contrôle ni sa force ni son penchant pour caresser les choses soyeuses comme la fourrure des lapins, le velours si doux et les cheveux si soyeux de la femme de Curley, le fils du patron. C'est un album de toute beauté que j'ai énormément aimé ... Par liratouva2.
35. Lutte majeure
Céka
3.94★ (29)

Synopsis éditeur : « 1941. L'armée allemande lance l'Opération Nordlicht (« Aurore Boréale ») : la prise par les nazis de la ville de Leningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg). L'entreprise s'avérant vite impossible, l'attaque se transforme en siège, le plus long sans doute de toute l'Histoire : du 8 septembre 1941 au 18 janvier 1944, soit 900 jours ! Il fera 1 800 000 morts ? mais jamais la ville ne tombera? C'est une partie de l'histoire de ce siège ? et surtout de la résistance héroïque qu'opposèrent les Russes à leurs envahisseurs ? que raconte Lutte Majeure, à travers un épisode presque dérisoire mais néanmoins hautement symbolique survenu en 1942 : l'ordre formel donné par Staline de reformer l'orchestre symphonique de la ville et de lui faire interpréter publiquement la 7e symphonie de Chostakovitch dans la ville assiégée, afin de galvaniser le patriotisme de la population. On savourera le titre choisi pour l'album par Céka et Boris Joly à la lumière du titre complet de cette ?uvre musicale : 7e symphonie « en ut majeur »? L'entreprise, à la limite de l'absurde, atteindra néanmoins ses objectifs : créer un petit moment d'éternité qui réussit, le temps de quelques mesures, à faire oublier toutes les privations aux assiégés. Et proclamer à la face du monde d'alors que l'URSS ne baisserait jamais les bras face à l'agression nazie ». - Céka et Borris ont fait le choix d'une fiction animalière pour nous faire revivre cet événement historique. Une parenthèse musicale qui semble assez dérisoire compte-tenu du contexte global. En ouvrant l'album, un léger mouvement de recul. L'ambiance graphique est sombre et j'ai eu du mal à accepter ces personnages anthropomorphes aux faciès de cochons. Depuis, j'ai appris que Borris avait pris l'habitude depuis longtemps de dessiner ses personnages ainsi. Il n'y a donc pas, dans cet album, de symboliques particulières comme c'était le cas dans Maus d'Art Spiegelman (les Juifs en souris, les Allemands en chat, etc). Rapidement, j'ai apprécié ces personnages expressifs et certains dessins aériens où l'on voit les personnages transcandés par la musique. A travers ses choix graphiques, Borris nous fait ressentir également tout le poids du quotidien d'une guerre côté civil, tout le poids de leurs souffrances et de la mort omniprésente. Durant les nombreux passages muets, j'ai ressenti leur abattement à vivre cette tragédie. Le scénario de Céka ?uvre en sourdine et, de manière imperceptible. Il monte en intensité et se révèle dans les dernières pages de l'album. L'intrigue est préservée et mise en valeur pour que la Petite Histoire dépasse bientôt la Grande. Les personnages gagnent en présence durant la lecture, leur fragilité nous touche. Ils sont humains, la musique les aide à survivre dans cette vie où cannibalisme, recherches de rations alimentaires, vols et délation rythment leur vie. Cet album m'a fait penser au film Les virtuoses (autre contexte social, même émotion). Un album étonnant que j'ai trouvé assez terne pendant une bonne partie de la lecture. Son dénouement met en lumière tout ce qu'on percevait jusque-là et donne une portée incroyable à ce récit. ... Par alouett
36. Le plus mauvais groupe du monde : Episodes 1 et 2 : Le kiosque de l'utopie ; Le musée national de l'accessoire et de l'insignifiant
José Carlos Fernandes
3.31★ (21)

Lecturejeune , le 17 février 2012 Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - Le plus mauvais groupe du monde est composé de S. Zorn, denteleur de timbres, I. Kagel, contrôleur municipal de briquets, I. Alzheimer, vérificateur météorologique, et A. Kopek, cryptographe de seconde classe. Ils répètent depuis vingt-neuf ans dans la cave d'un tailleur, sans jamais avoir été programmés. Peut-être parce qu'ils ne jouent pas tous la même chanson : « le plus mauvais groupe du monde est le résultat d'un mélange inouï d'ineptie et d'absence de sens musical ». On recroisera ces personnages, comme tant d'autres, dans divers lieux de cette ville singulière. Ici, vous pourriez aussi déposer vos suggestions dans le « kiosque de l'utopie », même si « d'aucuns disent que le kiosque est une farce et que l'État n'a que faire des rêves et des aspirations des citoyens. [...] D'autres assurent que les gouvernants ont décidé de retarder la concrétisation de l'utopie tant que les concitoyens ne seront pas parvenus à un consensus ». Vous pourriez également visiter le musée national de l'accessoire et de l'insignifiant, dont le directeur vous présentera des pièces rares : une collection de moustaches postiches (don de madame Klezmer), un inventaire de tous les livres et articles publiés sur la calvitie entre 1879 et 1924... Soixante histoires, sur deux pages, mettent en scène des personnages aux réflexions absurdes, fantaisistes et inquiétantes. De cette société neurasthénique pas si éloignée de la nôtre émanent une ironie mordante et une poésie tendre. Sur des pages jaunâtres aux fonds bruns se détachent les décors d'une ville figée et les longues mines en noir et blanc des protagonistes en quête de sens : « Comment se fait-il que les jours passent si lentement et les années si vite ? » Sur tout cela planent les ombres bienfaisantes de Borges ou de Perec et, si l'on tend l'oreille, Duke Ellington ou John Coltrane devraient se faire entendre... Une lecture totalement réjouissante à conseiller à de jeunes curieux, un rien déjantés ! Hélène Sagnet
37. Tokyo Sanpo : Promenades à Tokyo
Florent Chavouet
4.28★ (584)

Attention livre très dangereux ! Un livre qui regorge de détail, de ces petits riens qui font tout le charme de Tokyo. J'avais un sourire banane en le lisant de la première à la dernière page. Seul remède : Prévoir un voyage au Japon pour vous soigner . Facteur de risque : Avoir déjà été à Tokyo augmente de 200% le risque de rechute ! Une citation du livre très représentative du contenu : "Le dépaysement, à Tokyo et au Japon en général, tient plutôt dans cet état d'éveil un peu con qui nous fait admirer un panneau de route tout simplement parce qu'il n'est pas comme chez nous..." C'est très joliment dessiné : de jolies cartes de quartiers, beaucoup de planches de Tokyoïtes, des détails d'architectures, des petites maisons cachéees, des affiches. La plupart des dessins ont une histoire qui est évoquée (évoquée, car non envahissante). Plein d'anecdotes de vie. Chaque quartier commence par un dessin d'un Koban (petit poste de police local). C'est plein d'humour. C'est plein de détails, d'anecdotes. Ça rend vivante une ville si grande si multiple. Je crois que j'avais un grand sourire sur le visage de la première à la dernière page ! Attention Ce n'est pas un guide de voyage à Tokyo. Il est en effet un peu gros et très partiel (tant mieux). C'est une douce promenade dessinée dans Tokyo. Je le recommande absolument ! ... Par ChtiSuisse
38. Manabé Shima
Florent Chavouet
4.50★ (514)

Énorme coup de c?ur pour ce formidable carnet de voyage ! Après bien des mésaventures, ce livre a fini par arriver jusqu'à moi. Me voilà donc embarqué pour un fabuleux voyage sur une île du Japon. Pas une grande île touristique, non, « une île petite par la taille, et le nombre de ses habitants, et isolée mais encore accessible ». Direction une île qui m'est inconnue, direction Manabéshima, dépaysement et choc des cultures garantis ! J'ai donc suivi Florent Chavouet dans son périple pour le meilleur et pour le rire. Bien entendu, on loge chez l'habitant, c'est plus pittoresque. Connaissez-vous quelque chose de plus surprenant qu'une chambre surmontée d'un télescope ? Et niveau pittoresque, je suis servi. Les rencontres avec les locaux, des insulaires de surcroît, tous plus étonnants les uns que les autres sont chaque fois savoureuses avec un délicieux goût d'inattendu. Le mode de vie, les traditions, l'intérieur des maisons, la nourriture, la pêche, la nature, les insectes, les chats, Florent Chavouet croque tout ça de la pointe vive de ses crayons trempée dans l'humour. Il est toujours bienveillant sans être complaisant. Malgré la barrière de la langue, on ressent l'attachement et les liens qui se sont créés entre eux durant les deux mois de son, finalement, trop court séjour. Son carnet de voyage fourmille d'une multitude d'illustrations, de petits dessins, de croquis, qui sont toujours abondamment annotés et parfois dans tous les sens créant des sens de lectures totalement aléatoires. On prend plaisir à tourner le livre dans tous les sens pour n'en surtout rien rater. Les angles de vue sont souvent déroutants, notamment pour les intérieurs qui nous sont montrés par au-dessus. On regarde la pièce, on observe, on traque le moindre petit détail, le petit plus qui change tout, la touche de réalisme et le trait d'humour si caractéristique de l'auteur. Ça tient parfois à peu de chose et c'est ça qui est fort. Je me suis surpris plus d'une fois à sourire et même carrément à rire. Voilà donc une lecture dont je me souviendrais longtemps. Je me suis retrouvé à cesser toute activité, un jour de repos c'est plus facile, et je n'ai pas pu reposer ce livre avant de l'avoir terminé. Il m'a même suivi dans la baignoire, c'est dire ! Une fois ma lecture terminée, je me suis surpris à plonger dans l'étude de la carte, grand format, de l'île, histoire de localiser les habitions des différents protagonistes dont je venais de faire la connaissance. On y découvre l'île vue d'avion, les plages, les maisons, les jardins, la forêt, on s'y croirait. Un vrai plaisir je vous dis ! Après Manabéshima, je pense repartir très vite en compagnie de Florent Chavouet, direction Tokyo cette fois-ci ! .. Par manU17
39. Dr Jekyll et Mister Hyde (BD)
Lorenzo Mattotti
3.94★ (61)

Les ressorts du duel entre le lisse Dr. Jekyll et le démoniaque Mr. Hyde sont connus de tous, mais bien peu ont lu l'?uvre de Stevenson. Je fais partie de ceux qui connaissent ce classique sans l'avoir jamais ouvert. Mais je ne suis laissée dire que cette adaptation de Lorenzo Mattotti et Jerry Kramsky est extrêmement fidèle au roman de Stevenson. Cette bande dessinée n'est certainement pas à lire pour « passer un bon moment ». En rendant visible les turpitudes de Mr. Hyde, qui vont bien plus loin que je ne pensais, jusqu'au sadisme sexuel le plus cru. Les dessins de Mattotti qui semblent prendre le style et les décors des années folles, aux couleurs crues et aux traits simples et pas tout à fait harmonieux, ne fait qu'amplifier le malaise créé par l'histoire de Stevenson, empêchant le lecteur de se cacher derrière les mots. Je ne reviendrai pas sur le fond de l'histoire et sa morale, une note de lecture sur une adaptation en bande dessinée d'un roman ne me paraissant pas la tribune adéquate pour cela. Je dirais juste que le personnage de Mr. Hyde m'a paru encore plus noir que ce que j'avais imaginé, et que j'aurais peut-être été intéressée par explorer plus les inconvénients de la dissociation de personnalité pour le côté « gentil » (qui n'existe pas directement ici, puisque le Dr. Jekyll semble demeurer celui qu'il était avant, lisse et policé, ce qui n'est pas synonyme de gentillesse ou de bonté?). Mais dans ce roman court, c'est avant tout la bataille du moi, du surmoi et du ça avant l'heure et, j'ai beau ne pas être convaincue par les rudiments de théories freudiennes que je connais, cette exploration de ce dont tout chacun serait capable sans l'épais carcan d'éducation et de contrôle personnel ou social fait froid dans le dos. Pour revenir à cette adaptation, je ne dirais pas que la lecture en fut agréable, mais je ne pense pas que ce soit le but. Ce fut un choc par contre, et une étrange sensation de vouloir détourner les yeux de cette noirceur étalée en couleurs vives et de rester rivée aux pages qui se tournent les unes après les autres, fascinée de voir que l'on peut toujours descendre plus bas dans les tréfonds de l'âme humaine. le trait de Mattotti s'adapte à l'histoire qui nous est comptée, ne fait qu'un avec le propos pour en renforcer le message dans toute sa force et toute sa crudité. Une bande dessinée pour ceux qui ont le c?ur bien accroché, pour ceux qui n'ont pas froid aux yeux et qui sont prêts à regarder dans les yeux le Mr Hyde qu'ils portent en eux ... . Par raton-liseur
40. The Red Monkey dans John Wesley Harding
Joe Daly
3.90★ (36)

Impression de déjà vu? Tirage en quadrichromie et aplats de couleurs, trait inspiré des meilleures écoles de la ligne claire, bulles géométriquement soignées et généreusement emplies de lettrages ordonnés, et un héros sympathique, dans la fleur de l'âge, frappé d'une singularité physique pour le moins distinctive, qui nous embringue dans des périples ébouriffants et audacieux, explorations de décors cartes postales ou de lieux beaucoup plus étranges. Un classicisme établi, dans la forme et dans le fond, qui laisse transpirer les plus convaincantes influences hergéennes. Il ne manque plus qu'un cabot doué de parole et on s'y croirait. Mais comme le proférait une certaine publicité, si ça en a la couleur et presque le gout, ce n'en est pas tout à fait. Joe Daly opère un dépoussiérage astucieux, optant pour une métamorphose radicale dans le ton. le reporter à houppette bien-pensant (Tintin, pour les plus lents) et son inséparable Haddock font place à deux protagonistes beaucoup plus cools et traîne-semelles. Dave, gentil rouquin aux pieds de singe (the red monkey) et Paul, son comparse halluciné, troquent pantalons de golf, pull marin et pipe contre shorts, sandales et pétards à foison. Traversant miraculeusement un scénario farfelu, cocktail de chasse au hamster, d'invasion extra terrestre, de rencontres baroques (inénarrable détective privé aux métaphores exhibitionnistes), d'obscur complot immobilier et d'enquête policière en faux semblant, ils amènent une dérision mesurée et offrent une très grande modernité à cette histoire impossible, au demeurant remarquablement construite, captivante, voire engagée. Une distance, qui, loin d'un foutage de gueule, prend les allures d'un hommage revendiqué (cherchez bien les multiples clins d'?il parsemés le long du récit) Ceux qui passeront leur lecture au tamis du premier degré demeureront peut-être interrogateurs, risquant même l'emmerdement clinique. Les plus vigilants (les chanceux !) sauront se délecter des dialogues subtilement décalés ou parfois plus chaotiques et « enfumés » et de situations énormes. Baignant dans des atmosphères uniques (j'ai adoré les scènes de nuits), ils se laisseront porter par une hilarante aventure initiatique en flottant dans une légèreté, une agravité fleurant bon la ganja. Le néoclassicisme de la Bd ? ... Par Sejy
41. Chère Patagonie
Jorge Gonzàlez
3.32★ (83)

C'est un objet très étonnant que voilà, déroutant du moins. C'est un livre d'images, de sensations. Sur l'histoire, ou plutôt les histoires, qui se rejoignent entre elles au gré de l'Histoire avec un grand H, justement, je dirai seulement que la toute dernière page, intitulée "précisions historiques" m'a permis de comprendre beaucoup de choses, m'a même invitée après ces éclaircissements très bienvenus, à relire le livre. Cependant c'est le dessin qui rend ce pavé véritablement impressionnant à mes yeux : quasiment de bout en bout en noir et blanc, en sépia plutôt, avec tous les tons de l'ocre au marron, du gris au noir, quelques fois du bleu : ou les grands traits de crayon donnent l'impression que le vent qui souffle sur les planches nous ébouriffe les cheveux... Et le ciel ! Sur des doubles pages, des prairies immenses, le ciel changeant à perte de vue. Puis, devinés, à peine, des barrières, des toits, un village au milieu de nulle part, comme si l'on s'en approchait. A l'inverse, quelques pages ou les cases se multiplient, donnant à voir -ou non- des multitudes de détails. Des crayonnés, au crayon de papier, au bic bleu, de la peinture, du pastel. Il me vient à l'esprit en écrivant que ces pages sombres sont aussi celles des sombres passages de l'histoire de ce pays. Et d'ailleurs, les dernières planches de l'album, plus récentes chronologiquement, sont plus claires, on y voit même de la couleur. Bref, un livre qui emporte, auquel on repense et auquel on revient avec plaisir. ... Par silmaril
42. La chambre de Lautréamont
Edith
3.59★ (89)

BDSphere , le 15 mai 2012 Paris 1871. Dans le milieu des écrivains maudits, Auguste Bretagne appartient au cercle des poètes zutistes rassemblés autour de Rimbaud, Verlaine et des frères Cros en lutte contre l?académisme de l?art bourgeois et des peintres pompiers. Un an après la mort de Isidore Ducasse, alias le Comte de Lautréamont, Auguste Bretagne occupe sa chambre. Cet écrivain sans ambition écrit des romans feuilletons pour la Gazette de Paris et se passionne en secret pour l?ancien locataire, le célèbre et ténébreux auteur des Chants de Maldoror. Un beau jour, au petit matin, après avoir pris du peyotl avec Rimbaud le piano se met à parler et derrière les murs apparaissent les vers d?un chant inédit. Une hallucination jubilatoire dans ce récit pastiche fantaisiste et délirant. Le papier vieilli et les indications historiques renforcent le canular d?un récit présenté comme ?le premier roman graphique publié en 1874, enfin dans son édition intégrale?, qui prétend avoir inventé une nouvelle forme de planches dessinées, appelée, ?de la Figuration poético-narrative?. Un livre délicieux.
43. Le Cri du Peuple (BD) - Intégrale 2011
Jacques Tardi
4.19★ (79)

Mai 1871, les troupes "versaillaises" du gouvernement Thiers commencent à entrer dans la ville de Paris défendue par les révolutionnaires de la Commune. Au milieu des combats et de la répression sanglante des armées "bleu-blanc-rouge" sur celles du drapeau rouge, un homme est à la recherche d'un autre. Bassicoussé, devenu Horace Grondin, sous-chef de la Sureté, n'a toujours qu'une idée : celle de venger la mort de sa fille Jeanne qu'il croit assassinée par Tarpagnan. Du bruit, du sang et des larmes. Pour ce quatrième et dernier chapitre de l'adaptation du roman de Vautrin, Tardi ne nous épargne rien : ni les massacres répressifs de l'armée française sur le peuple, ni les inutiles exécutions d'otages par les communards, derniers sursauts vengeurs d'hommes et de femmes qui se savent perdus. La tâche n'est pas facile de faire vivre des extraits de vie dans la grande Histoire, surtout quand celle-ci est mal connue. Curieusement, la période de la Commune de Paris est peu (voir pas du tout) traitée dans la multitude de récits historiques qu'on nous présente un peu partout. Dans ce "Cri du peuple", les auteurs nous relatent les évènements tels qu'ils se sont déroulés, mais aussi tels qu'ils ont été vécus. C'est de la rue que nous découvrons les espoirs et les déceptions de celles et ceux qui ont combattu jusqu'au bout, n'ayant à perdre que la misère dans laquelle ils étaient cloisonnés. Qu'importe si le lecteur ne retient que brièvement les noms des acteurs historiques, dont on nous indique à chaque fois en quelques mots leur rôle. La véritable importance du récit n'est pas dans ceux que le dictionnaire retiendra, mais dans les évènements et les formidables espoirs, révolutionnaires d'un côté, réactionnaires de l'autre, qui se sont affrontés. L'inconnu prend le pas sur l'homme célèbre, et à mesure que le chaos s'intensifie, on comprend que la plupart des combattants n'ont pas la moindre idée des raisons pour lesquelles ils font couler le sang. Le bourreau agit par peur ou par obéissance. Jean Vautrin et Jacques Tardi nous offrent dans cette série une véritable leçon sociale où se mèlent le rappel historique et les portraits de personnages à la fois cocasses et attachants au langage imagé. Plus qu'un roman graphique, c'est un hommage à l'humanité.
44. l'invention de Morel (BD)
Jean-Pierre Mourey
4.00★ (14)

Le magnifique et étrange roman d'Adolfo Bioy Casares adapté par Jean Pierre Mourey en BD, une oeuvre en soi, la ligne claire de Mourey fait vivre sous nos yeux les héros de ce livre culte. Mourey n'en est pas à son coup d'essais, après le cavalier suédois et son essai sur Borges il a fait oeuvre de vulgarisation en dessinant L'Invention de Morel. Faustine et les autres, Morel, le fugitif prennent un contour humain et palpable qu'ils n'avaient pas dans le roman éponyme de la BD. A lire et à regarder pour les amoureux de BD et les inconditionnels de ABC ... Par SZRAMOWO
45. Vieilles canailles, Intégrale
Carlos Trillo
3.94★ (19)

Les cinq frères et soeurs Centobucchi se sont toujours détestés cordialement, pour cause d'incompatibilité d'humeur… L'un était un mafieux cruel, l'autre un curé torturé, le troisième un flic inflexible, une des sœurs fut une actrice en vogue, tandis que la seconde était mère de famille tueuse à gages...Croyez-vous qu'une fois vieillards, ils se seraient calmés ? Qu'à la fin de leur vie ils se réconcilieraient enfin dans un pardon fraternel et rédempteur ? Vous n'êtes pas au bout de vos surprises… Il y a encore des squelettes et des amants dans les placards des Centobucchi ! Au menu, grosses magouilles et petits meurtres ordinaires, le tout nappé d'une truculence omniprésente et servi par un dessin en noir et blanc d'une classe impeccable. Entre drame et comédie pure, un joyau de polar ciselé par Trillo et Mandrafina.
46. The Grocery, tome 1
Guillaume Singelin
3.99★ (141)

Acte 1 : Elliott est un ado qui vient de s'installer dans le quartier avec son père. Ce dernier est le gérant de la « Grocery », un des rares commerces du coin. L'album s'ouvre sur une scène de vie banale où le père d'Elliott tente de convaincre son fils qu'il a tout intérêt à sortir plutôt que de passer ses journées devant la télé. En musique de fond, le générique d'Arnold et Willy accompagne leur discussion. « Y a des jeunes qui font du vélo et de la planche à roulettes dans la rue d'à côté, ils seront ravis d'avoir un nouvel ami !! » finit par déclarer ce père qui joint le geste à la parole et chasse son fils à coups de balai dans le derrière. Ces jeunes, ce sont ceux du Corner 16, une bande de petites frappes et de jeunes dealers parmi lesquels on peut trouver Sixteen, Bug & Tiny, Ice, Slim? Acte 2 : Samuel Washington dit « Wash », ancien Marine qui rentre de la guerre d'Irak. A son retour au pays, la situation est raide. Il découvre rapidement qu'il a été exproprié de sa maison et que sa grand-mère, qui vivait là, a été placée en Maison de retraite. Il verse l'intégralité de sa solde à la Banque mais malgré tout, la somme est insuffisante pour couvrir les frais de remboursement. Wash s'installe alors dans une communauté de sans-abris? des gens qui, comme lui, ont été touchés de plein fouet par la crise des subprimes. Acte 3 : Ellis One, un caïd local, est amnistié après son passage dans le couloir de la mort. Malgré plusieurs décharges, la chaise électrique n'a pas eu raison de ce violent énergumène. Libéré, il compte bien reprendre la main sur son territoire et faire comprendre aux autres gangs ? comme aux services de police ? qu'il est de nouveau dans la place. - Le terrain de jeu des auteurs est la ville de Baltimore du moins ses quartiers malfamés où les gangs imposent leur diktat. L'univers de cette série est survitaminé, dopé aux effluves des drogues de synthèse que l'on côtoie tout au long de l'intrigue et au goût acidulé des bonbecs que ces graines de malfrats aiment tant bouloter. En optant pour un scénario presque dépourvu de temps-mort, Aurélien Ducoudray nous propulse sans ménagement au c?ur d'un quartier où les gangs et les lobbies immobiliers font la pluie et le beau temps. Au passage, le scénariste (Championzé, Clichés de Bosnie, La faute aux chinois, Gueule d'amour?) aborde la violence (sous toutes ses formes : guerre des gangs, violence policière?), la drogue (deal, filière?), la crise des subprimes, les partis extrémistes et les ?uvres caritatives. Certes, on se contentera d'aborder les grandes lignes de ces sujets d'actualité mais imaginez tout de même la richesse du scénario qui dépeint parfaitement le tableau d'une société américaine en pleine crise. Cerise sur le gâteau : Aurélien Ducoudray n'a pas oublié de saupoudrer son intrigue d'une généreuse pincée d'humour noir et cynique? on en redemande ! Et finalement, si nos jeunes loubards du Corner 16 imposent leur loi à l'échelle des junkies, ils se battent en permanence pour ne pas se faire broyer par des poissons bien plus gros qu'eux? des pointures qui s'imposent à coup de M16 voire de tanks, effrayant la population et la réduisant au silence. Une violence qui monte crescendo au fil des pages et qui donne lieu à des scènes assez trash. Pourtant, les premières pages ne laissaient pas présager un récit aussi sombre qui brosse le portrait sans concession de banlieues américaines rongées par le capitalisme et la haine. La recherche du profit est le maître mot et le troupeau des banlieusards n'a qu'à bien se tenir ! La fuite est le meilleur recourt mais elle est rarement choisie par ces gens modestes. Les deux seules portes de sortie : l'expulsion (et son lot de maux : chômage, misère?) ou la mort. Mais comme je le disais plus haut, lorsqu'on déboule dans cette lecture, on est d'abord accueilli par un ado en mal de vivre et un marine un brin pathétique? Pourtant, le lecteur va vite se raviser et ajuster le tir : il va falloir que lui aussi se mette en marche car cette lecture est loin de se vivre passivement. Tout d'abord, on est assailli par des contrastes permanents, le plus marquants fut, pour moi, la présentation de ces corner boys (si vous avez vu la série The Wire, vous voyez à quoi je fais référence) qui négocient leur ration de bubble gum tout en donnant le change à des hommes de mains de la pègre. Ces derniers ne se cachent pas non plus pour afficher leur côté geek à l'égard de certaines productions hollywoodiennes (Ghostbuster en tête). Il y a aussi de jolies trouvailles narratives comme cette battle à coup de théories économiques à laquelle se livre Elliott? ou des clins d'?il non dissimulé à d'autres références BD (Kick-Ass). Côté dessins, le travail de Guillaume Singelin (DoggyBags, Pills?) est tout aussi atypique. On côtoie des tronches que l'on croirait directement sorties du Muppet show et cette ambiance graphique faussement enfantine désamorce réellement le côté trash du scénario. Ces individus, aux faciès humoristique
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