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Citations de Laurent Binet (620)


Voilà pourquoi rappeler à Dieu un peintre sodomite réformé, dont la punition dans cette vie ou dans l’autre était inévitable, ne peut être un crime. C’est au contraire une sainte action qui sera portée au crédit de son auteur à l’heure du jugement
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S’il savait que je vous écris, mon père me tuerait. Mais comment refuser une faveur si innocente à votre altesse ? Il est mon père mais n’êtes-vous pas ma tante ? Que me font à moi vos querelles, et votre Strozzi, et votre politique ? À la vérité votre lettre m’a causé une joie que vous ne pouvez concevoir. Quoi ? la reine de France me supplie de l’entretenir sur sa ville natale en échange de son amitié ?
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« C’est la perspective qui permet de voir l’infini, de la comprendre, de la sentir.
La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement l’axe du cône visuel, c’est l’infini qu’on peut toucher du doigt.
La perspective, c’est l’infini à la portée de tout ce qui a des yeux… »

149. Michel-Ange Buonarroti à Giorgio Vasari
Rome, 21 juin 1557
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Car voir, c’est penser. Le spectateur aussi doit mériter son tableau. J’étais un sot, et si je le suis encore certainement, au moins incliné-je aujourd’hui à rendre justice à qui de droit : Florence, au mitan du XVIe siècle, était un creuset dans lequel bouillonnaient les passions tout autant qu’un terreau où fleurissaient les génies – et ceci, bien entendu, explique cela La manière, voilà tout !
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Catherine de Médisis à sa nièce Maria, fille de Cosimo de Médicis, duc de Florence:
Nous, femmes, sommes les pièces qu'on déplace sur l'échiquier des empires, et si nous ne sommes pas sans valeur, assurément nous ne sommes pas libres de nos mouvements. Votre devoir de fille de duc est d'obéir à votre père, votre devoir d'épouse sera de servir votre époux selon son plaisir en lui donnant des enfants en bonne santé.
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Cela étant dit, puisque tout tourne autour de l’assassinat du Pontormo, nous suivons d’autres pistes dont je peux assurer Votre Excellence qu’elles sont dans un état d’avancement promoteur et ne manqueront pas de porter leurs fruits sous peu, à savoir la recherche de la femme qu’on a vue au logis du peintre, ou cette bizarrerie observée sur l’un des panneaux de San Lorenzo, que je suis retourné voir pour constater que les couleurs sur la partie retouchée s’étaient, en séchant au fil des jours, en quelque sorte séparées de celles du reste du tableau, s’en distinguant légèrement, si bien que la partie retouchée est désormais nettement visible, ce qui ne peut signifier qu’une seule chose : celle-ci a été peinte par un peintre très habile mais pas par Pontormo.
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(Les premières pages du livre)
1. Maria de Médicis à Catherine de Médicis, reine de France
Florence, 1er janvier 1557
S’il savait que je vous écris, mon père me tuerait. Mais comment refuser une faveur si innocente à votre altesse ? Il est mon père, mais n’êtes-vous pas ma tante ? Que me font, à moi, vos querelles, et votre Strozzi, et votre politique ? À la vérité, votre lettre m’a causé une joie que vous ne pouvez concevoir. Quoi ? La reine de France me supplie de l’entretenir sur sa ville natale, en échange de son amitié ? Quel plus beau cadeau le Ciel pouvait-il offrir à une âme esseulée comme celle de la pauvre Maria, qui n’est qu’entourée d’enfants et de servantes ? Mes petits frères sont trop occupés à jouer aux princes, mes petites sœurs jurent qu’elles n’épouseront jamais personne car nul parti ne saurait être assez digne d’elles – quand bien même il s’agirait du fils de l’empereur ! – et, dans les murs froids de ce vieux palais, je vois bien que ma mère complote avec mon père, sans rien me dire à moi, si bien que la seule certitude que je puis avoir est que l’on songe à me marier. Avec qui ? Personne n’a jugé utile jusqu’à présent de me renseigner sur ce point. Mais voilà déjà que j’abuse de votre amitié : assez parlé de moi !
Figurez-vous, ma chère tante, qu’il s’est produit dans Florence un drame épouvantable. Vous aurez peut-être gardé le souvenir du peintre Pontormo, car au milieu de tous les artistes dont notre patrie est si féconde, il passait, à ce qu’on raconte, pour l’un des plus réputés à l’époque où vous n’aviez pas encore quitté l’Italie pour la France, en route vers votre royale destinée. Imaginez qu’on l’a retrouvé mort dans la chapelle majeure de San Lorenzo, sur le chantier même auquel il travaillait depuis un temps immémorial : onze ans ! On raconte qu’il s’est donné la mort parce qu’il n’était pas satisfait du résultat. Je l’avais croisé quelquefois, chez son ami Bronzino : il avait l’air de ces vieux fous qui marmonnent dans leur barbe. N’importe, c’est bien triste.
Heureusement, toutes les nouvelles ne sont pas aussi tragiques, mais les autres n’auront, je le crois, rien pour vous surprendre : vous savez que chaque année, les préparatifs du carnaval commencent de plus en plus tôt, si bien que nos places sont déjà envahies par les ouvriers qui s’emploient à dresser des estrades, tandis que dans les maisons les couturières s’affairent à leurs ouvrages. Vous me trouverez futile, sans doute, si je vous dis que j’aime quand Florence se pare de ses habits de fête, mais qu’y puis-je ? Cette effervescence me réjouit, moi qui n’ai pour ainsi dire pas de distraction, à part aller poser pour l’un des innombrables portraits que mon père fait faire par Bronzino de tous les membres de sa famille, vivants ou morts. Rester assise pendant des heures : c’est vous dire si je m’amuse.
Le fils du duc de Ferrare, Alfonso d’Este, que vous avez peut-être connu en France car on m’a dit qu’il a combattu dans les Flandres au côté de votre époux le roi Henri, est arrivé cette semaine pour présenter ses hommages à mon père, qui tient absolument à me le faire rencontrer. On dit qu’il est sinistre, quelle corvée ! D’ailleurs, voilà maman qui m’appelle. Je vous baise les mains avec la ferveur d’une nouvelle amie. J’ai brûlé votre lettre selon votre désir, et je suivrai vos indications pour vous faire parvenir la mienne en toute discrétion. Quel dommage que vous soyez fâchés, avec mon père ! Mais je suis sûre que cette brouille ne durera pas et que vous viendrez sous peu visiter votre famille, et reverrez enfin votre belle Florence. Qui sait si le Bronzino ne fera pas votre portrait, à vous aussi ?

2. Giorgio Vasari à Michel-Ange Buonarroti
Florence, 2 janvier 1557
Cette fois, mon cher Maître, je ne vous écris pas à la demande du Duc pour vous supplier de revenir à Florence. Hélas, c’est un tout autre sujet qui m’amène à troubler vos journées romaines, dont je sais combien elles sont occupées par vos admirables travaux et les nombreuses contrariétés auxquelles votre art se confronte quotidiennement, surtout depuis l’élection de notre nouveau souverain pontife, qui semble si peu enclin à apprécier les beautés antiques ou modernes, au contraire de ses prédécesseurs.
Vous souvenez-vous lorsque, il y a quinze ans, je vous consultais en tout ? Vous aviez alors la bonté de me dispenser vos conseils, et c’est ainsi que je m’étais livré de nouveau, et avec plus de méthode et de fruit, à l’étude de l’architecture, ce que je n’aurais probablement jamais fait sans vous. C’est encore de méthode que j’ai besoin aujourd’hui, mais dans un domaine tout différent. Le Duc, en effet, a bien voulu m’honorer de sa confiance en me chargeant d’une mission aussi délicate qu’inhabituelle.
Jacopo da Pontormo, dont vous vantiez déjà le grand talent lorsqu’il n’était qu’un enfant plein de promesses, n’est plus. Il a été retrouvé mort dans la chapelle San Lorenzo, au pied de ses fameuses fresques qu’il avait jusque-là soustraites aux regards derrière des palissades de bois. Cette nouvelle en elle-même m’aurait décidé à vous écrire, car il fallait bien que quelqu’un vous apprenne ce terrible malheur. Mais ce sont les circonstances de sa mort qui justifient pleinement que je me tourne vers vous, une fois de plus.
En effet, dans la mesure où son corps a été retrouvé avec un ciseau fiché dans le cœur, juste en dessous du sternum, la thèse de l’accident nous a semblé d’emblée difficile à soutenir. C’est pourquoi le Duc m’a confié la charge d’éclaircir cette malheureuse histoire, d’autant plus que les zones d’ombre ne manquent pas, comme je vous laisse le soin d’en juger par vous-même : le corps de Jacopo, outre le ciseau qui l’a tué, portait les traces d’un coup violent à la tête, assené par un marteau qu’on a retrouvé sur le sol de la chapelle, au milieu de ses autres outils. Le pauvre Jacopo était étendu sur le dos, devant sa fresque sur le Déluge, dont il semble, aux traces de peinture fraîche, qu’il avait repeint une partie avant de mourir, au risque de laisser un raccord apparent. Vous savez comme moi que Jacopo était aussi lent qu’exigeant dans son travail et qu’il se corrigeait sans arrêt, mais cette retouche sur une petite partie du mur, qui devait inévitablement laisser voir le raccord à un endroit qui coupait une figure en deux, n’a pas manqué de m’étonner. Le connaissant, j’aurais pensé qu’il recommence le pan de mur entier, s’il n’était pas satisfait de la moindre parcelle de l’ensemble.
Cependant, les bizarreries de cette affaire ne s’arrêtent pas là. Lorsque le corps fut découvert, l’on se rendit à la maison où vivait Jacopo, via Laura, qui est une espèce de grenier auquel on accède par une échelle. Or, parmi une foule de dessins, de cartons et de maquettes remisés dans son atelier, se trouvait un tableau que vous ne connaissez que trop bien, puisque vous en avez jadis dessiné le modèle : vous vous souviendrez sans doute de ce Vénus et Cupidon dont le succès fut tel qu’il a inspiré des copies dans l’Europe entière – vous savez peut-être que j’eus moi-même le privilège d’en réaliser quelques-unes, qui n’égalent en aucune façon celles du Pontormo, mais qui toutefois eurent l’heur de plaire, car tout ce qui s’inspire de vos dessins ne peut que porter la trace de votre divin génie. C’était ce temps d’avant le retour de l’Inquisition, qui nous paraît déjà si loin, quand le cardinal Carafa n’était pas encore devenu Paul IV, où les nus n’étaient pas tombés en disgrâce mais étaient au contraire particulièrement recherchés. Bien entendu, personne n’aurait l’idée aujourd’hui de peindre un tel tableau, mais vous connaissez l’excentricité dont pouvait être coutumier notre brave Jacopo. Ce n’est pas, cependant, ce qui a retenu notre attention, car, si l’on met de côté les quatre années où le moine Jérôme Savonarole avait ravi les cœurs des gens simples, nous savons encore, nous autres Florentins, reconnaître les beautés du corps humain sans les considérer comme des obscénités diaboliques. D’ailleurs, le morceau d’étoffe que le Pontormo avait autrefois rajouté pour couvrir les cuisses ouvertes de la déesse avait été retiré sur la copie qui s’offrait à nos yeux. Mais ce qui nous étonna bien davantage – je ne sais comment formuler cela, ayant le désir de n’offenser personne, et surtout pas la famille de Son Excellence – était qu’en lieu et place du visage de Vénus, Jacopo avait substitué celui de la fille aînée du Duc, mademoiselle Maria de Médicis.
Vous voyez tout ce que cette histoire peut avoir de déplaisant, et pourquoi le Duc a tenu à en confier la résolution à un homme de confiance, faisant, dans le même temps, circuler la rumeur que le pauvre Jacopo avait mis fin à ses jours en raison de l’extrême mécontentement de lui-même dans lequel il était tombé. Il n’en demeure pas moins que tout ceci me laisse dans un épais brouillard, pour quoi je me permets, afin de démêler les fils embrouillés de cette ténébreuse affaire, de solliciter votre grande sagesse dont je sais qu’elle égale presque votre talent et concourt pleinement à votre génie.

3. Michel-Ange Buonarroti à Giorgio Vasari
Rome, 5 janvier 1557
Messire Giorgio, mon cher ami, je ne saurais vous dire combien je suis abattu, au point que je n’ai pas quitté le lit depuis ce qui me semble une éternité. Au vrai, j’étais déjà écrasé par tous les soucis que me donne le chantier de Saint-Pierre, mais la mort de Jacopo m’a pour ainsi dire achevé, et j’ai pleuré en lisant votre lettre. Jacopo était un peintre de grand talent, et selon moi l’un des meilleurs, non seulement de sa génération (celle qui est née entre la mienne et la vôtre, car je suis aux portes de la mort et vous encore dans la force de l’âge) mais tout simplement de son temps. En me demandant de vous aider à retrouver le coupable de ce crime inconcevable aux yeux de Dieu et du monde, je ne sais si vous frappez à la bonne porte, et je crains que vous ne surestimiez quelque peu l’étendue de ma sagesse, car voici déj
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En politique comme en toute chose, la première règle est toujours: ne pas se faire prendre.
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...ce ne sont pas tant les hommes qui changent leurs goûts que la politique qui change les hommes.
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En effet, qu'y a-t-il de plus horrible que de peindre à fresque ? On passe la journée le cou tordu, la tête à l'envers, dix ou quinze pieds au-dessus du sol, à manier le pinceau comme on peut avant que l'enduit ait séché, sans quoi il faut tout recommencer. (page 29)
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Il s'arrête au rayon "Surrealism" et s'extasie devant ce mur de merveilles : "Connaissance de la mort", de Roger Vitrac... "Sombre printemps", d'Unica Zurn... "La Papesse du diable", attribué à Desnos... des raretés de Crevel en français et en anglais... des inédits d'Annie Le Brun et Radovan Ivsic...
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Le soleil ne se couche jamais sur la bibliothèque de Cornell, ouverte 24 heures sur 24.
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Le mythe d'Adam et Eve, en un sens, est le performatif originel : à partir du moment où on décrète que la femme vient après l'homme, qu'elle est créée à partir d'un bout d'homme et que c'est elle qui fait les bêtises en croquant la pomme, que c'est elle, la salope, et qu'elle a bien mérité d'enfanter dans la douleur, évidemment, c'est foutu pour elle. Manquerait plus qu'elle refuse de s'occuper des gosses.
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[...] Laissons le rideau s’ouvrir sur la scène, qui est à Florence, en 1557.
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[le retour de l’Inquisition romaine] ... [pour qui toute représentation du corps humain est une offense faite à Dieu]
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Le temps ne rendra justice à personne. Les hommes de demain ne vaudront pas mieux que ceux d'aujourd'hui. Tout sera détruit. Pour finir, il ne restera rien de nous que cendres et ruines.
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28.Michel-Ange Buonarroti à Giorgio Vasari

Rome, 23 janvier 1557

Très cher ami Messire Giorgio, plus j’y songe et plus je pense que la clef du mystère est dans ce tableau de Venus et Cupidon. Pourquoi avoir remplacé la tête par celle de la fille du Duc ? En dépit de ce que j’en ai moi-même jadis dessiné le modèle sans autre intention que de montrer la beauté de l’Amour mais aussi ses dangers et ses pièges, je ne peux ignorer que cette substitution trahit une intention provocante et hostile à l’égard de la famille ducale, car je me doute que la jeune Maria, qui ne doit pas avoir plus de dix-sept printemps et que son père songe sans doute à marier, n’a que peu à voir, au physique comme au moral, avec ma Vénus lascive et épanouie. D’autre part, je vois mal le brave Pontorno se découvrir un goût vicieux pour les jeunes vierges à soixante ans passés. Je pense que ce n’est pas la fille mais le père qui est visé dans cette peinture.
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"J'ai 44 ans, Ça signifie que j'ai survécu à Alexandre, mort à 32 ans, à Mozart, mort à 35 ans, à Jarry, 34, à Lautréamont, 24, à Lord Byron, 36, à Rimbaud, 37, et tout au long de la vie qui me reste, je dépasserai tous les grands hommes morts, tous les géants qui ont fait leur époque, ainsi, si Dieu me prête vie, je verrai passer Napoléon, César, Georges Bataille, Raymond Roussel..."
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Qui n'a jamais pris en flagrant délit un ami, un parent, un collègue de bureau ou un beau-père en train de répéter quasiment mot pour mot l'argumentaire qu'il aura lu dans un journal ou entendu à la télé, comme si c'était lui qui parlait en son nom propre, comme s'il s'était approprié ce discours, comme s'il en était la source et n'était pas traversé par lui, reprenait les mêmes formules, la même rhétorique, les mêmes présupposés, les mêmes inflexions indignées, le même air entendu, comme s'il n'était pas le simple médium par lequel la voix différée d'un journal répétant lui-même les propos d'un homme politique qui lui-même avait lu dans un livre dont l'auteur, et ainsi de suite, la voix, disais-je, nomade et sans origine d'un locuteur fantôme s'exprimait, communiquait, au sens où deux lieux communiquent l'un avec l'autre par un passage.
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"Pauvres petits penseurs français enfermés dans votre vision d'un monde qui se réduit à la sphère de l'intime la plus mesquine, la plus convenue, la plus platement égocentrée. Sans énigme, sans mystère, la mère, mère de toutes les réponses. Le XXe siècle nous a débarrassés de Dieu et nous a mis la mère à la place. Super affaire."
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