Citations de Lionel Ray (229)
Visage affamé de l’intérieur…
Visage affamé de l’intérieur,
visage de nuit avec
ces ombres qui palpitent dans leur prison
d’os froids, en lui tu existes
tu te défais.
Ainsi le temps
à pas retenus s’avance
dans l’invisible ardeur.
Y a-t-il au monde quelque chose de plus grave que la blancheur …
Y a-t-il au monde quelque chose de plus grave
que la blancheur ? quelque chose
de plus immobile, de plus achevé
Que la blancheur ? y a-t-il au monde
chose plus proche et plus
Inatteignable dans l’enivrement
toujours de la première fois
et la continuité des choses d’au-delà ?
Ni vent perdu ni ruisseau effondré…
Ni vent perdu ni ruisseau effondré
ne prétendent à l’amour.
Mais toi dans l’unique voisinage
De cette mort dont tu rêves,
pareille aux passions cachées,
Mort secrète et qui s’ouvre comme
une trappe,
tu as le corps empli de voix,
sa musique est sans mémoire
et ne s’achève pas.
Comme ils étaient extravagants…
Comme ils étaient extravagants,
ces arbres d’encre, ces bouffées de fête
tu regardais de loin vivre les gens.
L’heure qui passe ne passe pas
et les pas sont tout en moi-même.
Tout s’éloigne les amis les saisons
La lampe de l’œil, qu’a-t-elle donc éclairé ?
Même l’hypothèse d’un nuage
était impossible à dire.
Tu conjugues la veille...
Tu conjugues la veille
à l’éternelle absence,
conjonction des figures et des pauses,
ce qui tombe et se relève avec le soir.
Des oiseaux bleus quelquefois
traversent ton regard. Tu retournes
à la table peinte, à tes plumes,
tes ciseaux, tes phrases, tes silences.
Tant de choses inexplicables passent
par le détail des mois et des années.
Tu reviens de partout
Si pâle du sommeil refusé,
cherchant le lieu et la limite
ou la coïncidence.
Moisson d’attentes, Nuit tu rêvas…
Moisson d’attentes, Nuit
tu rêvas
de rives incroyables,
remerciant.
Tu aurais voulu graver
son nom sur la porte
interdite, dessiner
le feu de sa bouche,
La syllabe de ses jambes,
la lettre de ses doigts.
Tu as connu de sensibles oiseaux :
Les voici désormais qui se taisent,
la nuit ancienne tourne
autour des yeux plus froids.
Ils vont au désert…
Ils vont au désert, hommes et dieux,
peuple d’avant, peuple de nuit,
le langage en eux mûrit comme
une rivière, leurs yeux sont inconnaissables.
D’autres auront vécu séparés,
confiants dans le sommeil, ils s’étonnent
d’une ombre de mouette au grand large
de mer, et du pouvoir du sang.
Chacun tourne la roue du monde,
évoquant des issues nouvelles,
l’impossible si proche, multiplié,
Tandis que de minuscules abeilles noires,
mi-vivantes, mi-mortes, tombent du livre
dans l’oblique lumière.
Peu à peu les noms s’effacent…
Peu à peu les noms
s’effacent
après avoir tant fulguré.
Dans la nuit
étoiles et chimères tombent.
Ils sont apparus, ils ont disparu.
Reste une vibration, un vol
d’oiseaux pathétiques dans le ciel constant.
Chaque chose est irréfutable…
Chaque chose est irréfutable
et s’abîme dans la réalité de son nom :
cette colline bleue, la table où tu écris.
L’heure elle-même est devenue transparence,
éternité d’un instant.
Tu vis dans la dissipation
d’une présence sans ombre
avec un regard éclairé.
Tu es sur le chemin…
Tu es sur le chemin dont nul n’est revenu,
c’est ton tour, c’est le vieillissement,
l’illisible dieu interroge sous le masque.
L’hiver s’avance d’un pas égal, dénude
les arbres, rentre en lui-même, souverain.
C’est l’accession sans égarement, tu regardes
le seuil, les maisons sont plus âpres, les portes
fermées, comme un château défait
la vie retombe.
Et pourtant…
Et pourtant de façon imperceptible
quelque chose bouge dans l’ombre simple,
les monstres se raréfient, l’imprononçable
Abîme s’estompe, on dirait que te voilà
dans l’œil du Temps, regardant le monde
Alentour qui nidifie dans la parole,
s’érige en elle en figure de l’inachevé,
l’eau descend, le ciel monte jusqu’à lui
Rose, tu es prête…
Rose, tu es prête,
il ne tient qu’à toi
de t’arrêter en chemin
Où le cœur bat.
Le silence est à ton côté,
il échange avec toi, rose,
couleur et désir,
dans le même matin.
Si un jour
le chant se brise,
tu seras là
Dans cette bouchée de lumière,
rose de nulle part ,
au large du temps.
Tu cherches un temps sans ombre…
Tu cherches un temps sans ombre.
Tu marches, haut comme la mort,
contre le ciel.
Tu inventes
un autre espace
parmi les nombres errants.
il y a une porte ouverte.,
un couloir interminable,
ce feu sourd près de la fenêtre,
le temps qui bat.
Dans l’averse oubliée,
l’image d’un matin naïf
qui s’éloigne sous
la bienveillance d’une étoile.
Les yeux se souviennent…
Les yeux se souviennent,
ils creusent dans la parole
de muettes galeries :
venez regards, jusqu’au centre :
Écoutez cette voix
qui traverse un temps étranger,
signe sourd d’une trace
et lumineuse écume.
On dirait
dans le lit du gel
un visage ancien qui vous parle
De la nuit millénaire,
voix écrite,
gorgée de silence.
Voix de l’intérieur du bleu…
Voix de l’intérieur du bleu.
nous y habitons
comme en un refuge respirable.
Et nous buvons à la table des heures
un vin lumineux, un vin
qui ne s’épuise pas.
Nous te comprenons, silence.
comme l’eau des sources
qui compte et recompte, bouche ouverte,
les nuits et les jours.
Et nous t’interrogeons, désir
qui es au cœur du monde, sous
les paupières, et dans le souffle retenu
du dieu absent.
Tu es sur le chemin…
Tu es sur le chemin, le cherchant,
d’un mot à l’autre tu vois
se dissiper des mondes,
pierres et cendres, planètes, gouffres.
Tu regardes le soir circulaire.
Livres et crayons reposent.
Des villes étranges tombent
dans le trou de l’histoire.
Ton chemin continue : chaque nuit
est une île, tantôt
poème, tantôt sable.
Le cercle des arbres pacifiques
ruisselle
d’imperceptibles oiseaux.
Tu vois dans l’eau lointaine des jours…
Tu vois dans l’eau lointaine
des jours
un sourire simple comme une île
entourée de temps.
Et cette soif de présence
qui se dérobe
quand le monde
est derrière toi.
Tu as connu d’autres chemins, d’autres
visages se sont penchés sur toi comme
des touffes d’éphémères.
Tu es entré seul dans la demeure du regard,
tu avais cru déchiffrer la musique du cœur,
l’écriture du monde.
N’es-tu pas déjà passé…
N’es-tu pas déjà passé
par ce corridor,
ce parcours dans des cercles
sans mémoire ?
C’est toujours ton nom qui interroge
et toujours le même cheminement,
les meubles futiles, les roues, les saisons.
Tu es pauvre parmi les mots
plus pâles, reste à jeter le ciel
sur l’autre pente.
Ici rien ne manque parce que
rien est tout : les biens convoités
sont un désert et toute face fermée
te ressemble.
Illisible visage
Illisible visage, rien
qui change :
l’impatience est obscure
et désirable.
Le monde s’efface
avant l’aube
dans l’effroi des lointains violents.
Te voici séparé si profondément
cherchant en toi-même asile :
où est la voix ?
où est la rive ?
Dans les sillons : jour maigre
échappé à l’abîme,
l’irrécusable lumière.
Tu lis, voyageur…
Tu lis, voyageur, et tu passes d’un monde
à l’autre. Tu es le chemin
entre la masse noire des arbres
et la quiétude d’un jardin de fleurs.
Tu lis perdant que le jour se perd, mais toi
réunifiant ton être dispersé,
tu t’accrois de silencieuses paroles
et la monnaie des sources sonne sous tes pas.
Et lorsque le ciel descend dans les poitrines
tu es le lieu du souffle, aussi loin que possible
toi-même et devant toi.
Si quelquefois tu te heurtes
à l’éclair, c’est que tu croyais avoir perdu
pied dans la blancheur et l’inconnu.