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Citations de Marguerite Audoux (84)


Il ne fit qu’une toute petite pause et sa voix recommença de se faire entendre. Il parlait comme les gens qui ont hâte d’être approuvés. Il réunissait en un seul nos deux avenirs comme pour mieux les tenir dans sa main et les diriger à sa guise. Mais tandis qu’il m’exposait ce que serait notre vie à tous deux lorsque je serais devenue sa femme, j’oubliai sa présence, et je n’entendis même plus le son de sa voix.
Les maisons et les rues s’effacèrent aussi, des bruyères et des sapins s’élevèrent à leur place. Et là, devant moi, au milieu d’un buisson de houx et de noisetiers sauvages, un homme se tenait immobile et me regardait.
Je reconnaissais ses yeux larges et doux dont la prunelle ne se séparait pas des paupières, et qui semblaient deux oiseaux peureux venant se poser sur moi avec confiance. Puis les yeux et les bruyères se changèrent en pierres précieuses et s’éparpillèrent sur les toits revenus, pendant que Clément disait en haussant le ton :
– Je vois bien que vous ne m’aimez pas. Mais qu’est-ce que cela fait ? Vous m’aimerez quand nous serons mariés.
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Pourtant, lorsque Roberte se mit à chanter, il y eut des instants de bruyante gaieté. Sa voix n’aurait pas été désagréable si elle eût chanté simplement, mais elle l’enlaidissait de tout son pouvoir en essayant de la rendre plus précieuse. De plus elle déformait les mots sans souci de leur sens véritable, et cela accouplait parfois des phrases si disparates que nos rires partaient sans retenue.
Le jour où elle chanta une romance que tout le monde connaissait :

Selon moi, vois-tu, c’est l’indifférence
Qui blesse le cœur et le fait souffrir.

Elle lança en toute tranquillité :

Seule dans ma voiture, c’est la différence
Qui blesse le cœur et le fait s’ouvrir.

Duretour alors fut prise d’un rire si fou qu’elle glissa de son tabouret sous la table. Et tandis que Bergeounette s’étranglait contre la vitre, Bouledogue renversée en arrière riait à en demander grâce.
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L’impossibilité de faire de la musique, jointe à la perte d’une société aimable, est une peine qui s’appuie à l’ancienne pour l’augmenter et faire, d’une jeune fille intelligente et tendre, une créature solitaire et ne vivant que de mauvais souvenirs.
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Ils l’aiment, cette clairière dont tous les arbres leur sont familiers. Il n’en est pas un sur lequel ils n’aient grimpé autrefois. Peut-être, dans leur léger sommeil, rêvent-ils qu’ils sont redevenus enfants et qu’ils jouent à cache-cache dans les plus hautes branches.
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Parfois, il se faisait un grand mouvement. Les pieds se retiraient de mon petit banc, les genoux se rapprochaient, la chaise remuait, et je voyais se pencher vers mon nid une guimpe blanche, un menton mince, des dents fines et pointues, et enfin deux yeux caressants qui m’apportaient la confiance.
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Il m’avait fallu moins d’une semaine, à moi, pour prendre goût au jardin du Luxembourg. J’y vivais dans une sorte d’enchantement qui me faisait oublier le patron et ses bouderies.
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C’était une chanson qui avait au moins vingt couplets. L’eau et le vin s’accusaient réciproquement de faire le malheur du genre humain, tout en s’adressant à eux-mêmes les plus grands éloges. Moi, je trouvais que c’était l’eau qui avait raison, mais le vacher disait que le vin n’avait pas tort non plus.
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Un jour, elle décida que je ferais la lecture tout haut, deux fois par jour. Ce fut une grande joie pour moi ; je trouvais que l’heure de la lecture n’arrivait jamais assez vite, et je fermais toujours le livre avec regret.
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J'imaginais que j'étais un jeune arbre, que le vent pouvait déplacer à son gré. Le même souffle frais qui balançait mes genêts passait sur ma tête et emmêlait mes cheveux ; et pour imiter le pommier, je me baissais, et trempais mes doigts dans l'eau pure de la source.
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Elle cessa de s'appuyer au châtaignier pour se rapprocher d'Eugène qui regardait le loup. Elle resta un moment à le regarder aussi, et elle dit tout haut :
- Pauvre bête, comme il devait avoir faim !
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Pendant que je cherchais à reconnaître de quel côté se trouvait la ferme, les moutons contournèrent le bois, et ils se trouvèrent bientôt sur un chemin bordé de haies. Le brouillard s'épaississait encore, et il me sembla que je marchais entre deux hautes murailles. Je suivais les moutons sans savoir où ils me menaient. Ils quittèrent brusquement le chemin pour tourner à droite, mais je les arrêtai aussitôt : je venais d'apercevoir l'entrée d'une église. Les portes en étaient grandes ouvertes, et de chaque côté on voyait deux lumières rouges qui éclairaient la voûte grise. D'énormes piliers se rangeaient en lignes droites, et tout au fond on devinait les fenêtres à petits carreaux qu'une lumière éclairait faiblement. J'avais beaucoup de mal à empêcher les moutons d'aller vers cette église, et tout en les repoussant, je m'aperçus qu'ils étaient couverts de petites perles blanches. Ils se secouaient à tout instant, et cela faisait comme un léger bruit de cliquetis.
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Le jour baissa tout à coup et la neige se mit à tomber. Elle tourbillonnait molle et légère comme du duvet fin et Mlle Herminie nous la montrait du doigt en disant selon son habitude :
– Les anges secouent leurs ailes.
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Pourtant, lorsque Roberte se mit à chanter, il y eut des instants de bruyante gaieté. Sa voix n’aurait pas été désagréable si elle eût chanté
simplement, mais elle l’enlaidissait de tout son pouvoir en essayant de la rendre plus précieuse. De plus elle déformait les mots sans souci de leur
sens véritable, et cela accouplait parfois des phrases si disparates que nos rires partaient sans retenue.
Le jour où elle chanta une romance que tout le monde connaissait :
"Selon moi, vois-tu, c’est l’indifférence
Qui blesse le cœur et le fait souffrir."
Elle lança en toute tranquillité :
"Seule dans ma voiture, c’est la différence
Qui blesse le cœur et le fait s’ouvrir."
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On arriva bientôt près du grand bois où le loup m’avait pris un agneau.

J’avais gardé de ce bois une frayeur mystérieuse, et quand on quitta le sentier de la rivière pour prendre un chemin qui traversait les bois, je fus prise d’une véritable épouvante.

Cependant le chemin était large ; il devait même y passer souvent des voitures, car les ornières y étaient profondes.

Au-dessus de nos têtes, les aiguilles des sapins crissaient continuellement en se frôlant. Cela faisait un bruit doux et léger qui ne ressemblait en rien au chuchotement sec et coupé de silences que le bois avait fait entendre quand il était chargé de neige. Malgré cela, je ne pouvais m’empêcher de regarder derrière moi.
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Je cherchai vivement à voir ce qui avait pu les effrayer ainsi, et à deux pas de moi, au beau milieu du troupeau, je vis un chien jaune qui emportait un mouton dans sa gueule. Je pensai tout d’abord que Castille était devenue enragée, mais, dans le même instant, Castille se jeta dans mes jupes en poussant des hurlements plaintifs. Aussitôt je devinai que c’était un loup. Il emportait le mouton à pleine gueule, par le milieu du corps. Il grimpa sans effort sur le talus et quand il sauta le large fossé qui le séparait du bois, ses pattes de derrière me firent penser à des ailes. À ce moment je n’aurais pas trouvé extraordinaire qu’il se fût envolé par-dessus les arbres.
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Mais ce qu’elle aime surtout c’est son jardin secret. Un jardin où elle peut entrer de jour comme de nuit, ainsi que fêtes et dimanches, sans risquer, jamais, d’y rencontrer personne. Un jardin de souffrances dans lequel elle se plaît à cultiver des larmes chaudes, des regrets amers, des appels éperdus et des désespoirs sans limite. Elle y cultive encore une pensée active qui s’égare jusqu’à l’angoisse, un cœur tout broyé qui ne veut pas cesser de battre, et une âme désolée qui rôde et crie miséricorde.
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Aussitôt que mon mal d’yeux fut guéri, un alphabet s’ajouta aux friandises. C’était un petit livre où il y avait des images à côté des mots. Je regardais souvent une grosse fraise que j’imaginais au moins aussi grosse qu’une brioche.
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Le lendemain, on entra en grand silence au réfectoire. Les
bonnes nous ordonnèrent de rester debout; plusieurs grandes
se tenaient très droites avec un air fier ; Bonne Justine restait
humble et triste au bout de la table, tandis que Bonne Néron,
qui avait l’air d’un gendarme, faisait les cent pas au milieu du
réfectoire.
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Il y avait des jours où je me sentais si abandonnée que je croyais que la terre s'était écroulée autour de moi, et quand un corbeau passait en criant dans le ciel gris, sa voix forte et enrouée semblait m'annoncer les malheurs du monde.
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"Marc Lumière, mort à vingt-deux ans."
"Églantine, sa femme, morte à dix-neuf ans."

Le cadre bien essuyé et remis en place, elle regardait encore son père et sa mère. Elle ne savait quelle ombre les enveloppait et les séparait d’elle, comme s’ils avaient voulu vivre et mourir pour eux deux seulement.
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