Citations de Mathieu Gaborit (128)
J'avais cru, en découvrant la voix mesurée d'Eyhidiaze, à une timidité, une pudeur de jeune femme. Mais elle détestait simplement la parole. Elle m'expliqua que son empathie avec les Danseurs était telle qu'elle avait perdu l'habitude de la parole. Elle la trouvait d'une extrême pauvreté, d'une rigueur incontournable.
(p. 74)
Au seuil de cette autre vie, je ne crains plus le jugement de Dieu mais celui des hommes.
- Attaque au gaz ?
- Je ne pense pas, capitaine.
- Ce n’est pas une réponse. Oui ou non ?
- Non, bien sûr… mais le caporal a raison, il faut avancer.
- Grog, fais passer le mot : masque à gaz pour tout le monde. Mousquet à l’épaule et sabre à la main.
- J’y vais.
Les rives d’Antipolie, p. 13
La justice est devenue une putain au service de leur dieu.
Faute de talent, il s'était inspiré de ceux des autres, empruntant et plagiant les artistes sans jamais les comprendre. Dénué de vision, il répliquait avec minutie des formules consacrées, excellant dans son domaine pour peu que l'improvisation ne fut jamais de mise. Il était devenu un maître d'œuvre consciencieux, appliqué en toute chose et considéré par ses pairs comme un homme fidèle et d'une fiabilité exceptionnelle.
Le primat se pinça les lèvres :
«C'est une femme mon ami. Paresseuse par nature, sujette à ses passions, et, par essence, peu susceptible de raison et de justice. Les femmes ont une mollesse de caractère qui les rend incapables d'une vertu mâle nécessaire à commander. [...]»
- Je t'arrête tout de suite. Scende est irréprochable.
- Irréprochable ? s'étonna le capitaine avec un sourire complice. Et à quel titre, mon petit ?
- J'ai toute confiance en elle, c'est tout.
- En elle ou ses seins ? s'esclaffa Falken.
(page 359-360 Bragelonne 2021)
- Epargne-moi ta morale ! Nous ,'appartenons pas au même monde, Januel. Dans le tien, la vie est peut-être sacrée mais, dans le mien, elle ne vaut que la distance qui la sépare de son prédateur... Celui qui voit l’œil rouge doit mourir. Le Krehen ne se perpétue qu'en vertu de cette loi.
(page 100 - Bragelonne 2021)
Une véritable merveille ! Il avait l’air d’un véritable majordome, mais sans les ennuis que peuvent vous apporter les majordomes. Il ne mangeait pas, il ne demandait pas d’argent…
-Ce navire que tu guides au cœur de la tempête, ce navire dont les Ondes gonflent les voiles... Ne le laisse pas se perdre, ne le laisse pas s'échouer en cédant au chant d'une sirène.
La dernière phrase d'Ezrah, la devise qu'il évoquait, chacun des phéniciers réunis aurait pu la prononcer en même temps que lui, car eux savaient qui en était l'auteur, ils l'avaient même entendue de sa propre bouche.
"Aucune braise ne mérite de s'éteindre."
La gueule du Féal se dressa vers le ciel. Lui seul percevait l'imminence du drame qui se jouait au large. Petit à petit, les vagues noires prirent de l'ampleur et certaines culminèrent à près de cinquante coudées de hauteur. Elles s'approchèrent dans un grondement comparable à celui du tonnerre et s'abattirent avec une terrible violence au cœur de la cité.
Je porte encore mes mains à mon visage, et je souris, car tout ceci n’est pas moi, je comprends ce qui se passe pourtant, je ressens ces émotions, c’est comme si nous étions deux dans ce corps, moi, la petite comédienne, et cet autre qui souffre, tous deux prisonniers, tous deux avançant sans trêve, poussés en avant par cette chose inconnue qui ressemble à la peur.
La vie organique est conçue pour se répliquer C'est pourquoi elle est vouée à la destruction. J'espère que je ne vous apprends rien.
Je lui fis signe que non.
Il se doutait des raisons qui poussaient ce garçon à rester là, à côté de lui. Il lisait dans son regard ce même désir féroce qui l'avait habité au début de sa carrière. Un désir profond et sincère de manipuler les fusées, de les toucher, de les sentir. De les aimer.
Hoctence se redressa et courut à perdre haleine. Pour vaincre la douleur de son cœur, pour vaincre ses désillusions.
Le soleil flamboie à son zénith lorsque, enfin, je peux quitter mon refuge et emporter avec moi, le sourire complice de ces gamins qui m'ont sauvé la vie.
- Elle te fascine, n'est ce pas?
- Pas vous?
- Sûrement pas.
- Vous avez tort.
- Je ne crois pas. Vous avez accouché d'un monstre, Adiphoise et toi. Il en a payé le prix. […]
Je me retire dans ma chambre et me recueille devant une bougie à la mémoire des disparus. A voix haute, je me remémore nos meilleurs moments, ce qui nous résume, eux et moi. Puis, le cœur lourd, je souffle sur la flamme. Pour leur dire adieu.
Je referme la porte derrière moi et rejoins mes compagnons au rez-de-chaussée. Leur présence me réchauffe le cœur. Il y a peu, ils me rendaient nostalgique et je fuyais autant que possible l'atmosphère lugubre de la pension. Je le redécouvre. Ils sont ma seule et unique famille, tout simplement. Des frères d'armes qui, au même titre que moi, ont forgé la réputation de la guilde.