La chronique de Gérard Collard - le chevalier d'Eon
Le Chevalier d'Eon: Une vie sans queue ni tête de Evelyne et Maurice Lever aux éditions Fayard Regardez l'avis de Gérard Collard... La présentation du livre "Le Chevalier d'Eon: Une vie sans queue ni tête" par l'éditeur : le chevalier d'Éon n'a cessé de défrayer la chronique. Tout à tour homme et femme, ou les deux à la fois, agent secret de Louis XV et diplomate officiel, il est mêlé à d'innombrables intrigues. Les contemporains déjà ne cessaient de colporter sur cet inclassable des fables incroyables et prenaient des paris sur sa véritable identité sexuelle. Poursuivant les recherches de Maurice Lever, Évelyne Lever nous conte la biographie de cet être extravagant dont l'existence était « sans queue ni tête », comme il le reconnaissait lui-même. Vous pouvez commander "Le Chevalier d'Eon: Une vie sans queue ni tête" sur le site de la librairie en ligne www.lagriffenoire.com
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Ce n'est point ma façon de penser qui a fait mon malheur, c'est celle des autres.
Le chevalier d'Eon grossit à peine le trait lorsqu'il nous peint ironiquement Beaumarchais sur le navire qui l'emporte vers les rivages d'Angleterre: "Aussitôt, le coeur romanesque et gigantesque du sieur Caron s'enfle et se remplit des idées les plus chimériques; son ambition s'élève aussi haut que les flots de la mer qu'il doit traverser; il conçoit l'espérance de réussir dans le dessein de flatter les amours de son maître, d'abaisser ses ennemis et d'élever sa fortune". Mais aussi - préoccupation majeure - d'obtenir sa réhabilitation.
Éblouie par son jeune amant, et plus que jamais amoureuse de lui après ce coup de maître, la veuve Franquet ne veut plus différer davantage leur union. Au bout de dix mois de deuil, rompant le délai fixé par les convenances, Madeleine-Catherine Aubertin, veuve Franquet, agée de trente-quatre ans, prenait pour époux Pierre-Augustin Caron, qui n'en avait que vingt-quatre. Les parents du jeune homme avaient tout fait pour le détourner de ce mariage, alléguant les moeurs légères de la future et leur difference d'âge.
De l'été de 1754 à l'été de 1755, Pierre-Augustin ne prend guère le temps de souffler; les commandes affluent, lui-même se partage entre l'atelier de la rue Saint-Denis et sa prestigieuse clientèle; on l'aperçoit deplus en plus souvent dans les galeries de Versailles, où il a maintenant ses entrées comme fournisseur du roi, des princes et des princesses. Bref,c'est un homme occupé, dont toute l'ambition se borne, pour l'instant,à vendre le plus de montres possible. Il est horloger, et rien de plus.
Sans vouloir exagérer sa portée, ni proclamer, comme Nodier, qu'après Le Mariage de Figaro la Révolution est faite, ni même qu'elle fût en marche, nul doute que sans Beaumarchais les Français n'auraient pas appris si tôt à secouer ce respect de l'ordre établi que le pouvoir avait imprimé sur la nation toute entière. On osait approuver la satire, parce qu'on s'essayait à mépriser l'autorité. "Figaro a tué la noblesse" dira Danton en 1789.
Deux mois seulement après l'entrée en fonction du jeune Caron, le 3 janvier 1756, M. Franquet prenait discrètement congé de cette vallée de larmes. Disparition fort opportune, car elle faisait gagner du temps à la jeune veuve, pressée de légitimer sa liaison, et acquittait le nouveau contrôleur de la bouche de la première échéance de la rentre viagère. Pierre-Augustin entre donc en possession de l'emploi, et Madeleine-Catherine recouvre sa liberté.
Note de l'éditeur - Le présent ouvrage reproduit le texte d'un feuilleton commandé par "France-Culture" au regretté Maurice Lever (1935-2006), dont les quarante épisodes ont été diffusés sur cette même chaîne en novembre-décembre 2005 et février-mars 2006.
Une relation charnelle s'établit-elle dès leur rencontre entre Donatien et sa belle-sœur? Si rien ne permet de l'affirmer, on imagine cependant dans mal l'affolement de ses sens, à la vue de cette vierge de vingt ans, sœur de sa femme, donc intouchable, revêtue de l'habit de son ordre, et portant en sautoir la croix émaillée à huit pointes dont Louis XV avait décoré les chanoinesses d'Alix. Nul doute, en tout cas, qu'une violente attirance les porta l'un vers l'autre.
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Toujours selon sa version des faits, il se serait rendu ensuite au lever de M. de Grimaldi. Tandis qu'il attendait dans l'antichambre, il entendit prononcer le nom de Ricardo Wall, ancien ministre d'État, auquel Grimaldi avait succédé dans ces fonctions en 1763, mais qui continuait de résider au Sitto real. Irlandais ne en France, cet ancien militaire devenu diplomate, intrigant, spirituel et hardi, avait du gagner la confiance du roi Charles III.
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Le marivaudage sentimental qui règne rue de Condé n'épargne personne, pas même la farouche Bécasse, qui reçoit dans déplaisir les hommages d'un blanc-bec nommé Le Vaigneur, frère de sa meilleure amie, Hélène dite Lhénon. Elle se joue effrontément de lui, et n'hésite pas à s'en divertir avec la propre sœur du jeune homme : "Il faut que tu saches sur quel ton de folie j'en suis avec ton frère.
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