Le chevalier d'Eon grossit à peine le trait lorsqu'il nous peint ironiquement Beaumarchais sur le navire qui l'emporte vers les rivages d'Angleterre: "Aussitôt, le coeur romanesque et gigantesque du sieur Caron s'enfle et se remplit des idées les plus chimériques; son ambition s'élève aussi haut que les flots de la mer qu'il doit traverser; il conçoit l'espérance de réussir dans le dessein de flatter les amours de son maître, d'abaisser ses ennemis et d'élever sa fortune". Mais aussi - préoccupation majeure - d'obtenir sa réhabilitation.
Éblouie par son jeune amant, et plus que jamais amoureuse de lui après ce coup de maître, la veuve Franquet ne veut plus différer davantage leur union. Au bout de dix mois de deuil, rompant le délai fixé par les convenances, Madeleine-Catherine Aubertin, veuve Franquet, agée de trente-quatre ans, prenait pour époux Pierre-Augustin Caron, qui n'en avait que vingt-quatre. Les parents du jeune homme avaient tout fait pour le détourner de ce mariage, alléguant les moeurs légères de la future et leur difference d'âge.
De l'été de 1754 à l'été de 1755, Pierre-Augustin ne prend guère le temps de souffler; les commandes affluent, lui-même se partage entre l'atelier de la rue Saint-Denis et sa prestigieuse clientèle; on l'aperçoit deplus en plus souvent dans les galeries de Versailles, où il a maintenant ses entrées comme fournisseur du roi, des princes et des princesses. Bref,c'est un homme occupé, dont toute l'ambition se borne, pour l'instant,à vendre le plus de montres possible. Il est horloger, et rien de plus.
Deux mois seulement après l'entrée en fonction du jeune Caron, le 3 janvier 1756, M. Franquet prenait discrètement congé de cette vallée de larmes. Disparition fort opportune, car elle faisait gagner du temps à la jeune veuve, pressée de légitimer sa liaison, et acquittait le nouveau contrôleur de la bouche de la première échéance de la rentre viagère. Pierre-Augustin entre donc en possession de l'emploi, et Madeleine-Catherine recouvre sa liberté.
Toujours selon sa version des faits, il se serait rendu ensuite au lever de M. de Grimaldi. Tandis qu'il attendait dans l'antichambre, il entendit prononcer le nom de Ricardo Wall, ancien ministre d'État, auquel Grimaldi avait succédé dans ces fonctions en 1763, mais qui continuait de résider au Sitto real. Irlandais ne en France, cet ancien militaire devenu diplomate, intrigant, spirituel et hardi, avait du gagner la confiance du roi Charles III.
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La chronique de Gérard Collard - le chevalier d'Eon
Le Chevalier d'Eon: Une vie sans queue ni tête de Evelyne et Maurice Lever aux éditions Fayard Regardez l'avis de Gérard Collard... La présentation du livre "Le Chevalier d'Eon: Une vie sans queue ni tête" par l'éditeur : le chevalier d'Éon n'a cessé de défrayer la chronique. Tout à tour homme et femme, ou les deux à la fois, agent secret de Louis XV et diplomate officiel, il est mêlé à d'innombrables intrigues. Les contemporains déjà ne cessaient de colporter sur cet inclassable des fables incroyables et prenaient des paris sur sa véritable identité sexuelle. Poursuivant les recherches de Maurice Lever, Évelyne Lever nous conte la biographie de cet être extravagant dont l'existence était « sans queue ni tête », comme il le reconnaissait lui-même. Vous pouvez commander "Le Chevalier d'Eon: Une vie sans queue ni tête" sur le site de la librairie en ligne www.lagriffenoire.com
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