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Citations de Michaël Ferrier (139)


Le séisme révèle les gens, non seulement dans leurs attitudes morales de courage ou de dédain, de cynisme, de compassion, de pleuterie, mais aussi d'une manière toute physique, physiologique. Le séisme révèle les corps, leur charge secrète, leur faiblesses cachées et leur potentiel déroulant. Certains se ratatinent, se renfrognent, ils entrent dans la longue nuit d'eux-mêmes, se replient ou se racornissent, se réfugient dans leurs secrets. D'autres au contraire soudain comme lianes déployées, lumières des cuisses, éclat du visage, indifférents au danger et même extrayant du péril lui-même un fraîcheur insolente – aplomb parfait. C'est comme si chaque corps, d'avoir tant tremblé, avait soudain retrouvé sa position juste, sa place exacte sur la terre.
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Comment? Une France multi-territoriale, aux temporalités qui s'ignorent, se répondent, s'enlacent, se superposent?... Topographie déconcertante, encyclopédie improbable... Surprises à répétition! Il s'agirait non plus "d'apprendre la France à la semelle de ses souliers", mais de se rappeler qu'elle fut aussi forgée par des hommes et des femmes aux semelles de vent, poètes et politiques, migrants ou voyageurs. Cette France-là a plus d'un tour dans son sac.
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" On posséde un trésor aux merveilles sans nombre
Quand on n'a d'un ami ne serait - ce que l'ombre......
Lorsque deux amis vivent en harmonie,
Ils créent une musique ....
La sensibilité à la poésie est le meilleur gage d'une possibilité d'amitié,
Et Tant que Mes Amis ne Mourront pas......
Je ne parlerai pas de la Mort ..."
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Ce que j'appelle la "demi-vie", s'habituer à avoir une existence amputée (amputée de ses plaisirs les plus simples : savourer une salade sans crainte, rester en souriant sous la pluie), à vivre dans un temps friable, émietté, confiné, pour que la machinerie nucléaire puisse continuer comme si de rien n'était, sous prétexte que les principaux effets n'en seront visibles et scientifiquement contestables que dans quelques années - le temps nécessaire pour noyer le poison - et que la situation a toutes les apparences du "normal". Insaisissable, impalpable, nébuleuse et irréfutable à la fois, subreptice et pourtant éclatante dans la limaille des jours, la demi-vie s'impose comme le seul modèle de nos économies et de nos modes d'existence.
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La vraie amitié ignore le temps.C'est là, ça crépite, ça palpite dans l'ombre. Ça n'attend qu'un instant pour flamboyer à nouveau.Les amis sont des pierreries,des joailleries: on les perd de vue,on les oublie ,on ne sait même plus où on les a rangés, et puis un jour ils ressortent du coffre et le miracle se reproduit .(p 110 )
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Reprendre, tout doucement, mais aussi rapidement, le fil. renouer les liens du temps, le retendre. Tout ce que la catastrophe a distendu, disloqué, relâché, le reprendre, le ramasser, lui donner forme humaine. Extraire des débris la force - incroyable, impensable mais en même temps irrésistible - de tout recommencer.
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La zone interdite: c'est comme s'approcher d'un incendie; Un cercle de vingt kilomètres de circonférence (évacuation forcée), puis un autre de dix kilomètres (évacuation recommandée, confinement obligatoire). Sur toute cette route entre les vingt et trente kilomètres, il n'y a pratiquement plus personne.
La zone interdite: on pourrait la comparer aux anneaux d'un serpent.
Peu à peu, la zone avance, pousse, des bords de la mer aux environs des montagnes.
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Le tremblement de terre est un boxeur : il en a la ruse, la patience, et le punch.
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Il est difficile de décrire ce que l’on ressent quand on arrive dans un de ces villages-fantômes. D’abord, le silence est colossal, un silence profond et qui semble sans fin. J’ai l’impression d’être devenu sourd. Le cri des corbeaux, le ronflement des moteurs, l’aboiement des chiens, c’est comme s’ils n’avaient jamais existé. Le vent même a disparu. Les formes des immeubles flottent comme des ombres. Les portes de certains cafés restent ouvertes, les bicyclettes sont abandonnées. Un taxi vide attend des passagers qui ne viendront jamais devant la gare désertée.
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C'est elle qui a raison. Surtout ne pas céder au croupi ou au corrompu, non plus qu'au lyrisme généreux et profus qui masque encore la catastrophe en prétendant la révéler. Se garder de proposer un tableau d'ensemble de la situation, qui ne la résumerait que pour mieux s'en extraire, échapper à la fois à la grandiloquence (ceux qui posent leur poésie sur les morts et les gravats, comme une rose sur un étron) et à la résignation (ceux qui larmoient) interminablement sur la tête des morts). S'inspirer de ce paysage et de ses habitants, jeunes et vieux, admirables dans la détresse, avec leur art du constat et ce qu'on pourrait appeler leur subtile statistique du quotidien (gestes, figures, propos de la vie de tous les jours...). Alors, le plus petit des débris prend une importance énorme.
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Les morts de Fukushima ne sont plus des morts : ce sont des déchets nucléaires.
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Le vacarme est immense. Rien de nécessaire ne semble pouvoir grouper ces sons, les assembler ou les réduire au chiffre d'un événement comparable. Les vibrations saturent chaque point de l'espace et le rendent incompréhensible. Oscillation, éparpillement. Tout se ramifie et se désagrège. On dirait une bête qui rampe, un serpent de sons, la queue vivante d'un dragon. Je comprends tout d'un coup pourquoi les Japonais représentent le tremblement de terre sous la forme d'un poisson-chat, mi-félin, mi-mollusque. Quelque chose comme un corps agile, somptueux, caverneux, qui se défait et se reforme quasi instantanément.
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"Mais le plus sûr moyen d'escamoter l'information n'est pas de la taire : c'est de la rendre publique en même temps qu'un millier d'autres."
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Du nombre exact de tonnes de carburant stockées à Fukushima, on ne sait rien.
De la quantité exacte de MOX - le plus toxique des combustibles, car il contient du plutonium - dans le réacteur numéro 3 , on ne sait rien.
C'est pourtant une information que pourraient donner aussi bien les Japonais de Tepco que les Français d'Areva, puisqu'ils en sont les fournisseurs.
De l'état des coeurs, leur localisation, on ne sait rien.
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Le nucléaire joue toujours sur l'image d'une industrie de pointe, portée par une technologie de haut niveau. C'est le fleuron du progrès scientifique, la fine fleur de la virtuosité technique. Dans la réalité, tout le contraire : infrastructures vieillissantes, mentalité moyenâgeuse. La centrale s'effiloche : le prétendu sommet de la technologie humaine se révèle une vulgaire affaire de plomberie. Sur place, sur les photos que l'opérateur lâche au compte-gouttes, des tas de câbles et de raccords, de tuyaux éventrés, marabouts, bouts de ficelle. Partout on installe des plaques de plomb et d'acier. Quelle technicité ! Quelle maîtrise ! On est obligé de recourir à de la résine, de la sciure de bois et du papier journal déchiqueté pour colmater les fuites. A la brouette et au râteau pour déblayer les décombres. Pour nous sauver, rien de tel qu'un couvercle, une bâche, une tente... ou comme à Tchernobyl un sarcophage. Qu'on recouvre tout ça et qu'on n'en parle plus... Sous ses grands airs, toute la camelote navrante du nucléaire. (p. 219-220)
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Je pense à Guernica, son paysage soudain décomposé par la guerre, les angles qui fusent, les pointes... Picasso l'avait bien vu : dans un désastre, les courbes disparaissent, toute la rondeur du monde, sa douceur et son embonpoint, n'en reste plus que le tranchant. (p. 148)
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"[...] la seule chose dont on soit sûr, c'est qu'on n'est sûr de rien."
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Un nom revient, qui sonne de manière étrangement pimpante et funèbre à la fois: Fukushima - étymologiquement "l'île de la Fortune" - n'est plus que le synonyme confus d'une catastrophe sans véritable nom, dont on perçoit mal les causes, dont on ne distingue pas les contours et dont on n'imagine pas encore toutes les conséquences.
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Les Français ne savent pas où me mettre. On n'a pas idée d'être français comme ça, me disent-ils. Trop compliqués tes mélanges ! Quelle rigolade....les Français, ils ne sont unis que quand un attentat leur tombe dessus et encore pas pour bien longtemps, faut voir comme ils se mettent sur la gueule après. «Français de souche», qu'ils disent...bêtise de bûche, oui! Comme s'il n'y a avait qu'une manière d'être vraiment français.....La souche en plus : ce bois mort, ce fût sans fond, ce moignon (P. 61)
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Il y avait des dizaines de milliers de pins à Rikuzentakata. La région était connue pour sa succession de plages blanches et de pins noirs. Sur deux kilomètres, une forêt de soixante-dix mille pins, à trois ou quatre cent mètres de la mer, dont il ne reste rien.

Ou presque : un pin, un seul, a résisté. Long d'une dizaine de mètres, noir, solitaire face à l'étendue du désastre. Il est désormais à cinq mètres de la mer. On lui fait un rempart de sable et de rebuts de bois, une véritable barricade pour que le flot ne l'assaille pas une seconde fois. Au moment où tant de gens ont besoin d'aide, les efforts se portent aussi sur ce pin, qui est en passe de devenir un véritable symbole. On parle de lui ériger une palissade de deux mètres pour le protéger. L'eau de mer, le pétrole et les produits chimiques dispersés par le tsunami menacent ses racines. Les embruns l'attaquent. Ses branches basses portent encore le stigmate de la vague, déchirées, effilochées. Mais cônes et épines se dressent bien droit, quelques mètres au dessus.

Cette forêt de pins avait été plantée il y a trois siècles par les villageois pour se protéger des vents et des vagues. Les tempêtes du Pacifique venaient se fracasser contre cette majestueuse barrière de bois et de branches. Mais les vagues du tsunami - près de dix mètres à cet endroit - ont tout dévasté en quelques secondes. Partout, des troncs d'arbres morts témoignent de la violence du choc et de l'ampleur de la bataille. Les troncs sont tordus, dévorés par le sel, coupés en deux par la furie des flots.

Les gens s'accrochent à ces symboles avec une ténacité admirable. Hier, à Yamada-machi, dans la préfecture d'Iwate, un prunier vieux de trois cents ans qui avait été frappé par une vague a fleuri. Lorsque la radio a annoncé la nouvelle, j'ai été submergé d'une telle joie que j'en aurais dansé.
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