Publié en 1979 aux éditions du Fleuve Noir, «
Les Iles de la Lune » est un roman de
Michel Jeury, grand monsieur de la Science-Fiction Française, auteur culte à qui l'on doit plusieurs romans que l'on dit « importants » et parfois même « incontournables » comme «
le Temps incertain » (1973). Avec «
May le monde » (2011), son retour à la SF, après des années au service du roman paysan, avait été célébré comme une réussite et avait même remporté le Grand Prix de l'Imaginaire. Autant de romans que je n'ai jamais lu, honte à moi. Ce n'est pas l'envie qui manque mais nos routes ne se sont jamais croisées.
Aussi quand, j'ai appris la parution d'une édition revue et augmentée par
Michel Jeury lui-même des « Iles de la Lune » chez la très fréquentable « bibliothèque Voltaïque » des
Moutons Electriques, une collection où l'on retrouve des auteurs contemporains confirmés (
Jaworski, Ferrand), des jeunes pousses (
Estelle Faye) et des grands anciens (
Le May,
Jeury), j'ai décidé d'en glisser un exemplaire tout en haut de ma pile à lire.
«
Les Iles de la Lune », c'est une science-fiction très singulière qui perd, au fil des pages, toute prétention scientifique au profit d'un aspect onirique qui ne s'embarrasse pas de crédibilité. La première partie du roman comblera les habitués du genre : le lecteur se retrouve sur Terre, au XXIIème siècle, la géopolitique et les technologies tournent pour l'essentiel autour du climat. Mais la principale particularité tient dans l'existence de
Simak, des personnes volontairement (ou non) aliénées, dociles et soumises aux élites mais qui rendues à un état animique ou animal, sont toujours parfaitement heureux de répondre aux sollicitations des maîtres qui les engagent.
Ces Simaks sont une référence explicite à
Clifford D. Simak, auteur culte du célébrissime «
Demain les chiens » qui raconte comme la civilisation canine à remplacer la civilisation humaine. Dans «
Les Iles de la Lune », l'intertextualité est donc très présente et nul doute que ceux qui ont lu – et aimé – «
Demain les chiens » apprécieront d'autant plus le livre de
Michel Jeury. On peut aussi noter des références à
Van Vogt et cela donne parfois l'impression, au coeur du roman lui-même, d'un dialogue avec quelques auteurs de l'Age d'Or de la Science-Fiction.
Petit à petit, la science-fiction « classique » disparait car les
Simak deviennent plus « légers que le temps » et sont dès lors capables d'apercevoir le futur, de se déplacer dans des mondes parallèles, les fameuses « îles de la Lune ». Ces opérations ne sont pas, à vrai dire, maîtrisées, par Algis Adamci, notre héros (espion mis à jour et transformé en
Simak) et semblent plutôt s'activer par l'imagination. Tout ceci n'est jamais véritablement expliqué, tout se passe comme dans un rêve. Et c'est là que les amateurs de SF pure et dure peuvent rencontrer quelques difficultés à suivre un récit beaucoup plus onirique et réflexif.
Pour ma part, ce roman m'a fait penser à « Train de nuit dans la voie lactée » de Kenji Miyazama. Rapprochement osé me dira-t-on mais on y retrouve la même dimension onirique et la prédominance du thème du voyage vers les étoiles. Si vous avez aimé l'un, vous devriez aimer l'autre.