Michel Layaz présente son nouveau roman "Deux filles", en librairie le 29 août (CH) et le 13 septembre (F).
Après un long voyage en Asie, Olga, vingt-deux ans, rentre à Paris, accompagnée de Sélène, rencontrée dans un cimetière chinois. Quand les deux filles ne récoltent pas des légumes dans des fermes alternatives, elles remettent de la joie chez le père d'Olga, très seul depuis que sa femme l'a quitté. En surface, l'harmonie est totale. Mais plus le père observe Sélène, moins il peut taire le malaise qui monte en lui. Les dessins miraculeux d'un homme sans domicile, un bouquetin sur un étroit chemin de montagne, une femme pâle dans un tea-room: dans ce roman aussi troublant qu'habile, on se met à voir des signes partout.
En déjouant nos attentes,
Michel Layaz interroge notre conception des liens familiaux et ce que veut dire donner la vie.
https://www.editionszoe.ch/livre/deux-filles
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Il leur faut de l'air ! Les peluches étouffent dans la bibliothèque.
Ni une ni deux, on les a attrapées et on les a disposées en vrac sur le tapis. Ludivine observait cette ménagerie qui suscitait autant l'épouvante que l'enchantement. Avec soin, elle a choisi les peluches qui lui tenait le plus à coeur. Elle a mis du bon côté un lion à la crinière ébouriffée, un éléphant qui n'aurait pas fait de mal à une mouche, un raton laveur gris à la mine débonnaire, une loutre avachie, un chat mélancolique, un lapin frisé comme un mouton, un ours blanc à la face sévère, un poney joyeux, un hibou aux pupilles immenses et quelques autres encore.
Sur la ligne de départ, les moteurs ronflent d'impatience. Louis compte aurant sur ses intuitions que sur la stratégie développée par son équipe. Il cligne de l'oeil en direction de Charles Miller, son mécanicien. On lâche les bolides. Le chant du monde se réduit à une immense pétarade. Dans une détonation de flammes bleues et de fumées, Chevrolet parvient, par d'habiles manoeuvres, à remonter les concurrents devant lui et à se placer en tête de la course. Une démonstration de pilotage que les connaisseurs ne sont pas les seuls à apprécier.
Ludivine aurait voulu que les oiseaux parlent. Ils nous raconteraient ce qu'ils ont vu depuis le ciel, ils nous décriraient les paysages, les gens et la vie dangereuse qu'est la leur. Ludivine pensait que les oiseaux savent des choses que les hommes, même les plus intelligents, ignorent. Les oreilles dressées, nous écoutions. Reproduire les notes n'allait pas de soi. Nos bouches se vrillaient, nos lèvres se tordaient et nos sifflements finissaient en postillons.
Avec un peu de maïs et une poignée de greubons, Louis pouvait cheminer plusieurs jours sur les pentes des collines, à travers les campagnes et les pâturages, il pouvait passer un col ou deux, longer une rivière, suivre une vallée ou un vallon. Exténuer le corps et le priver de nourriture mène l'esprit à l'absence, là où grandissent les visions grandioses et effervescentes. Louis savait cela.
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Wikipedia :
Le taillé aux greubons ou taillé aux grabons est une spécialité de pâtisserie salée des cantons de Vaud, de Neuchâtel et de Fribourg en Suisse. Le terme « greubons » désigne les résidus de la fonte du saindoux avec lesquels on fait le taillé :
La graisse de porc coupée en petits morceaux est fondue à feu doux et filtrée. Les greubons sont mélangés aux ingrédients de la pâte, qui est cuite à feu vif.
Avec mes fils, je ne parle guère. Il y a souvent un mur de métal entre nous. La fabrication du bonheur n'est pas notre priorité. Est-ce qu'on perd quelque chose à ne rien se dire?
Avant le repas du soir, Ludivine a souhaité qu'on sorte dans la forêt et qu'on aille embrasser les arbres. [...] Elle les a enlacés l'un après l'autre, la joue plaquée contre le tronc, gardant la tête levée. Parce que j'en avais envie, je l'ai imitée. Je lui ai parlé de l'écorce qui est comme une chair, des branches et des feuilles comme une chevelure ébouriffée. Ludivine a dit qu'il ne fallait pas confondre les hommes et les arbres.
La nuit est venue. La dernière. J'ai presque le double de l'âge de mon père quand lui a vécu cette nuit-là. Mais j'ai plus de chance. Je n'ai pas peur. Il était le père et moi le fils. Je ferme les yeux et je le revois. C'est moi le père et lui le fils. Je n'ai besoin de rien. J'ai confiance en Lucie. La cinquième et dernière mini cassette est sur la table. Je vais refermer le cahier marron Je regarde dehors. La pastille verte, je l'ai lancée dans un ciel éblouissant d'étoiles. J'attends mon tour. Je suis calme. Je suis prêt. J'ai maintenant l'âge de l'infini
Il y a des découvertes qui chiffonnent nos restes d'innocence.
Bien sûr, il faudrait vider cet appartement, quitter cette région. Il y a un oiseau qui est entré par la fenêtre ouverte et qui n’a pas su comment repartir
Je me souviens de ces grandes bottes de pecheur remplies de béton qu'on retrouvait à différents endroits et qui semblaient vous suivre à la trace, vous surveiller ou peut-être vous montrer une direction, je me souviens aussi de cette voiture désossée, vernie avec soin et comme abandonnée sur une place de parking, je n'ai pas oublié non plus ce poteau d'aluminium en haut duquel deux panneaux indiquaient des chemins contraires, sur le premier était écrit SUCCESS, et surtout le second FAILURE. Souvent dans ma vie, au moment de choix difficiles, ont surgi les deux panneaux auxquels j'en ai ajouté d'autres, avec inscrits dessus des mots comme : IMPREVU, ou ARGENT, ou DANGER, ou ENGOURDISSEMENT.